L’AFRIQUE NOIRE EN MONDIALISATION

 

 

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INTRODUCTION

 

 

1 . Les facteurs de la mondialisation :

 

         Le mot mondialisation (en anglo-américain : globalization) est apparu à la fin du XXème siècle pour désigner ce qui n’est en fait qu’une accélération – certes très puissante - d’un processus d’intégration qui plonge ses racines très loin dans l’histoire de l’humanité.

 

         Il faut d’abord remarquer que chaque groupe humain a une tendance naturelle à se considérer comme le centre du monde, ce qui se justifie très bien d’un point de vue philosophique car le monde n’est pas en soi mais pour le groupe d’hommes qui en parle et l’observe.

 

         Ainsi le mot Inuit par lequel se désignent ceux qu’on appelait naguère les eskimos signifie « les hommes » (au sens non sexué d’ « êtres humains » : est-ce à dire qu’à leurs yeux les autres humains ne le sont pas au même degré ? De même le mot bantou utilisé par les linguistes occidentaux pour désigner une grande famille de langues parlées en Afrique Noire du 4ème parallèle Nord au Cap de Bonne Espérance, veut tout simplement dire « les hommes ». Quant au principal souverain des Mossi (l’ethnie principale du Burkina Faso), souvent qualifié pompeusement d’empereur en langue française, il porte le titre de Moro Naaba, ce qui signifie littéralement « Chef du monde ». Enfin le pays que nous appelons Chine, s’appelle en langue chinoise Zhongguo, ce qui veut dire « pays du milieu », souvent traduit en français par « Empire du Milieu » (au sens de « milieu du monde »).

 

         Voilà donc rappelée par divers exemples la tendance naturelle de tout groupe humain à se considérer comme le centre du monde. Le monde réel est pour chaque groupe humain l’espace avec lequel il a des relations dont il a conscience : c’est son propre territoire plus celui des voisins, plus celui des voisins des voisins… jusqu’à une certaine distance. Avant l’apparition de l’État, et donc de la ville, ce monde dont on a conscience était très limité dans l’espace et ne représentait pour chaque groupe humain qu’une très faible fraction de l’humanité.

 

         Mais l’apparition de très vastes États dans l’Antiquité : Empire Perse de Cyrus au VIème siècle avant Jésus-Christ, auquel a succédé l’Empire Grec d’Alexandre le Grand (IVème siècle avant J.-C.), Empire de Chine * au IIIème siècle avant J.C., Empire Romain (édifié au départ sous le régime républicain, à partir surtout du IIème siècle avant J.-C., le régime monarchique datant de facto de Jules César au Ier siècle avant J.-C), a fait naître l’idée d’Empire universel dont la vocation naturelle serait d’englober toute l’humanité.

 

* L’Empire chinois a perduré jusqu’au début du XXème siècle (1912 : proclamation de la République), mais a) 2 dynasties d’empereurs étaient étrangères : la dynastie des Yuan (mongole, fondée par Kubilaï, un petit-fils de Gengis Khan, qui régna de 1260 à 1368) et celle des Qing (mandchoue, qui régna de 1644 à 1912) et b) durant de longues périodes il n’y a pas eu d’unité politique de l’espace chinois partagé alors en royaumes rivaux. On peut en revanche considérer qu’il y a un État chinois unique depuis le milieu du XIVème siècle (victoire de la résistance chinoise aux Mongols et prise du pouvoir sur le pays par Taizu, fondateur de la dynastie chinoise des Ming).

 

         L’Empire Romain d’Occident, détruit au Vème siècle après J.-C.par les « Invasions barbares » a été ressuscité sous d’autres formes par Charlemagne, qui s’est fait couronner « Empereur des Romains » par le pape à Rome le jour de Noël de l’an 800 : cet Empire, qui prit plus tard le nom de Saint Empire Romain Germanique, a duré plus de 1.000 ans : c’est Napoléon Ier qui mit fin au Saint Empire (en 1806) juste après avoir créé son propre Empire en se faisant couronner « Empereur des Français » par le pape…mais à Notre-Dame de Paris. Après l’effondrement du Second Empire français (celui de Napoléon III), Guillaume Ier  de Prusse est proclamé Kaiser (littéralement : César, c’est-à-dire Empereur – de l’Allemagne) dans la Galerie des Glaces à Versailles en 1871 dans la France occupée par les troupes prussiennes.

 

         Enfin l’Empire Romain d’Orient a survécu jusqu’au XVème siècle après J.C. sous le nom d’Empire Byzantin. Il a été détruit par les Turcs…mais le flambeau a été repris par l’Empire Russe, empire chrétien d’Orient dont le souverain portait le titre de Tsar, c’est-à-dire de César…depuis le XVIème siècle. Cet Empire a vécu jusqu’à la Révolution soviétique en 1917 et l’U.R.S.S. (le nom apparaît en 1922) lui a succédé dans les mêmes frontières….La dislocation de l’U.R.S.S. dans les années 1990 correspond bien à un démantèlement partiel de ce qui fut l’Empire Russe…Mais la Russie actuelle demeure le plus vaste pays du monde et inclut encore nombre de « nationalités » en dehors des Russes.

 

         Le rôle de l’expansion des grandes religions monothéistes dans le processus de la mondialisation depuis l’Antiquité (christianisme) et le Moyen-Âge  (Islam) est souligné, ainsi que l’action déterminante de Saint-Paul dans la vocation universelle du christianisme.

 

         L’Islam a d’abord été propagé par l’Empire arabe (qui, au milieu du VIIIème siècle, s’étendait du Portugal au Pakistan actuels) auquel a succédé dans l’espace et dans le temps l’Empire Ottoman* (détruit, comme les deux empires germaniques, Allemagne et Autriche-Hongrie, par la Première Guerre Mondiale). Au début du XIIIème siècle apparut au cœur de l’Eurasie un immense Empire : celui des Mongols, qui du temps de son fondateur Gengis Khan, s’étendait de la Mer Caspienne à la Mer du Japon.

 

* L’Empire turc (dit aussi Empire Ottoman, du nom de son fondateur Osman) fut fondé en 1301 ; au moment de son apogée (XVIème - XVIIème siècles) l’Empire s’étendait de la Hongrie à l’Arabie et incluait l’Égypte ; l’Algérie, la Tunisie et la Libye actuelles étaient contrôlées par des dynasties vassales.

 

         Mais tous les Empires dont nous avons parlé ci-dessus, même quand ils affirmaient une vocation d’Empire universel, ne couvraient finalement qu’une partie assez modeste de la surface terrestre, sauf pour les deux plus vastes (L’Empire mongol puis l’Empire Russe) et une grande partie du monde échappait totalement à leur contrôle : l’Amérique, l’Afrique Noire, l’Océanie.

 

         Les progrès de la navigation en Europe occidentale, qui eurent pour conséquence les « Grandes découvertes », permirent à partir du XVIème siècle l’apparition d’Empires d’un type nouveau, fondés sur les relations maritimes et présents dans les Cinq « parties du monde » : les empires sur lesquels « le soleil ne se couche jamais » :

·        L’Empire de Charles Quint (à la fois Roi d’Espagne et Empereur germanique entre 1519 et 1556) et de ses descendants qui, de 1580 à 1640, furent à la fois rois d’Espagne et rois du Portugal : Philippe II, son fils, qui donna son nom aux Philippines, puis Philippe III, Philippe IV et Charles II. L’Empire hispano-portugais comprenait, outre les territoires européens, les vastes territoires colonisés dans les Amériques (de la Californie, du Texas, de la Floride et des Antilles au Chili et au Rio de la Plata, en passant par le Mexique, la Colombie et le Pérou, plus les régions côtières du Brésil) et en Asie (les Philippines), mais aussi les nombreux territoires contrôlés par les Portugais (une grande partie des côtes africaines, avec des royaumes plus ou moins vassaux comme le Congo, et aussi de nombreuses régions côtières de l’Asie (les deux rives du détroit d’Ormuz, Inde et Ceylan, Indonésie, Malaisie, Macao en Chine). Ce fut le premier empire mondial, en ce sens qu’il s’étendait sur les Cinq Parties du Monde.

·        L’Empire britannique aux XIXème et XXème siècles fut le second empire mondial de l’histoire : en 1920, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, il couvrait plus de 1/5ème de la superficie des terres émergées et avait autorité sur un quart de l’humanité. Il était présent dans toutes les parties du monde : en Amérique c’était le Canada, une partie des Antilles etc., en Afrique tous les territoires du Caire au Cap de Bonne Espérance, plus les territoires les plus peuplés et les plus riches de l’Afrique de l’Ouest (Nigéria et Ghana actuel), en Asie, bon nombre de pays arabes du Proche et du Moyen-Orient (dont la Palestine, l’Irak etc.), l’Empire des Indes, la Malaisie  et Hong-Kong en Chine, en Océanie l’Australasie (Australie et Nouvelle Zélande) et une bonne partie des innombrables îles de cette partie du monde. Mais déjà à cette date (1920) les territoires où la colonisation européenne était la plus importante avaient reçu le statut de Dominion qui leur conférait une large autonomie (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Union Sud-Africaine). Il reste aujourd’hui de cet ancien empire que la reine d’Angleterre demeure le Chef de l’État de 8 pays pourtant considérés comme souverains au niveau international : c’est le cas du Canada (où la reine vient de nommer une gouverneure générale qui est une femme noire !), de 4 pays des Antilles, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande et de la Papouasie – Nouvelle Guinée : la Reine d’Angleterre est donc aussi la reine des papous…et de la Nouvelle Irlande (une île de la Papouasie) à défaut d’avoir pu conserver sa souveraineté sur toute la vieille Irlande !  L’Afrique du Sud, elle, est une République depuis 1961.

·        L’Empire colonial français, qui a connu aussi son apogée entre 1920 et 1940, n’a jamais eu l’ampleur ni la richesse de l’Empire britannique mais il était aussi présent dans les Cinq Parties du Monde. Le traité de Paris (1763) par lequel la France cédait le Canada et l’Inde à l’Angleterre et la vente de la Louisiane aux Américains par Napoléon en 1803 avaient presque anéanti le premier empire colonial français (XVIIème-XVIIIème siècles). Le second empire colonial (XIXème – XXème siècles) allait ajouter au peu qui restait du précédent (Antilles, Sénégal, comptoirs de l’Inde) le Maghreb, l’Afrique occidentale, l’Afrique Équatoriale, les îles de l’Océan Indien occidental (notamment Madagascar), l’Indochine et les États du Levant (Liban et Syrie).

 

         Parmi les facteurs plus récents de la mondialisation, il faut souligner le rôle capital, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et surtout depuis les années 1960, du Système des Nations Unies *  et des autres organisations mondiales (F.M.I., Banque Mondiale, PNUD, OMS, UNESCO, FAO, UNICEF etc.), dont certaines sont nées avant les Nations Unies (ou même la S.D.N. pour certaines), comme l’Union Postale Universelle et la Croix Rouge, ces dernières n’étant donc pas parties intégrantes du Système des Nations Unies mais partageant avec lui son caractère mondial.

 

* L’O.N.U. a été créée au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale pour remplacer la « Société des Nations » (S.D.N.), première organisation intergouvernementale mondiale, créée au lendemain de la Première Guerre Mondiale.

 

 

         On doit aussi considérer le rôle très important de l’Internationalisme socialiste. « L’Internationale », chant révolutionnaire français à l’origine, a été l’hymne officiel de l’URSS pendant un certain temps et il était appris et connu dans le monde entier, et notamment en Chine, par tous ceux qui partageaient les idées socialistes…ou vivaient dans un pays dit socialiste. L’URSS et la Chine,  les deux pays qui se disputaient la prééminence dans le « camp socialiste », ont beaucoup contribué à la connaissance des peuples entre eux en formant beaucoup de jeunes issus des pays en développement et en contribuant aux luttes anticoloniales.  A côté de cet internationalisme très politique qui s’est surtout développé au XXème siècle (disons de 1917 à 1990), a fleuri à la même époque, mais beaucoup plus discrètement, un internationalisme humaniste qui s’est manifesté notamment par le mouvement des Citoyens du monde, la mise au point d’une langue qui se voulait mondiale : l’espéranto….

 

         Une catégorie d’acteurs de premier plan dans le domaine de la mondialisation, et dont le rôle ne cesse d’augmenter depuis plusieurs décennies est celle des entreprises transnationales ou multinationales, dont certaines méritent le qualificatif de firmes mondiales : Coca Cola, Microsoft, Mac Donald’s…Elles sont le plus souvent américaines, en fait, mais avec des implantations et des clients dans le monde entier.

 

         La mondialisation a pour moteur et comme lieux centraux quelques rares villes mondiales comme New-York, Londres, Paris ou encore Moscou ou Los Angeles, où des hommes et des femmes du monde entier se côtoient, se rencontrent, travaillent ensemble, se marient, et en nombre (pas à l’échelle de micro-communautés).

 

 

         Les autres facteurs principaux de la mondialisation dans les dernières décennies et actuellement sont :

 

-         L’urbanisation très rapide

-         La généralisation de l’enseignement

-         Les inventions techniques : le récepteur radio à transistors (le « transistor »), le téléphone portable (plus répandu de nos jours en Afrique Noire que le téléphone fixe ou filaire), l’informatique, le courrier électronique, la télévision par satellite, et la Toile (Internet) (qui diffuse un anglais de base). Grâce au transistor même les Pygmées du fin fond de la forêt du Congo, même les Touareg du Sahel et du Sahara peuvent écouter la radio (en ondes courtes).

-         D’une manière générale l’abaissement du coût, l’accélération et la massification des communications (transports inclus).

-         Et enfin la libre circulation des capitaux (de plus en plus), l’unification du marché mondial dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.). L’O.M.C. a un rôle capital depuis sa fondation à Marrakech en 1994 et les partisans d’une autre mondialisation (que la mondialisation capitaliste, abusivement dite « libérale ») ne s’y sont pas trompés : ceux que la presse a d’abord qualifié de militants anti-mondialisation, mais qui ont réussi à imposer qu’on les appelle altermondialistes (notamment, pour ce qui concerne la France la mouvance d’Attac – présidée par un ancien étudiant de Paris 8 (Jacques NIKONOFF) - du Monde Diplomatique*, d’Alternatives Internationales etc.) sont présents en force et font parler d’eux à chaque sommet de l’organisation. Ils ont réussi à faire échouer le sommet de Seattle en 1999, organisent des forums sociaux mondiaux (dont l’un a eu lieu à Saint-Denis tout récemment) etc.

 

            * « Le Monde Diplomatique » se présente lui-même, sur son site, comme « journal de référence du mouvement altermondialiste ». Ignacio RAMONET, président et directeur de la rédaction du « Monde Diplomatique » (mensuel publié par une filiale autonome du quotidien « Le Monde », qui possède 51 % des actions) est président d’honneur d’Attac. Le Monde Diplomatique, en tant que personne morale, fait partie (comme le syndicat étudiant UNEF, par exemple) des fondateurs d’Attac ; parmi les personnes physiques on trouve aussi, parmi d’autres, un certain José BOVÉ…

 

 

2. Les questions d’environnement mondial (global environment en anglais)

 

L’Afrique noire et le réchauffement de la planète : l’Afrique Noire est évidemment concernée par cette évolution mondiale due à l’accroissement des gaz à effet de serre dans l’atmosphère *. Un exemple : l’un des plus beaux joyaux du tourisme africain, les neiges du Kilimandjaro **, en Tanzanie, auront sans doute disparu dans un peu plus de 10 ans !!! Mais cette fonte est peut-être davantage due à la chaleur émanant des profondeurs de la terre (le Kilimandjaro est un volcan, peu actif mais actif tout de même) qu’au réchauffement de l’atmosphère…ou encore à d’autres causes comme celles évoquées par Claude ALLÈGRE : déplacement de l’Afrique, dû à la tectonique des plaques, entraînant des changements dans la circulation des eaux de l’Océan Indien et des modifications de l’ensoleillement, de l’humidité, de la nébulosité, des précipitations sur l’océan et dans les régions qui l’entourent (en Afrique de l’Est pour ce qui nous concerne).

 

* La XIIème Conférence internationale sur le climat : la « Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques » s’est tenue, du 6 au 17 novembre 2006, à Nairobi, capitale du Kenya et siège du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).

** Ces neiges constituèrent le royal cadeau d’anniversaire de la reine Victoria d’Angleterre à son petit-fils l’Empereur Guillaume II d’Allemagne…Selon le photographe Yann ARTHUS-BERTRAND, il y a déjà une des faces du Kilimandjaro qui ne présente plus de neige.

 

La décision du président BUSH en 2001 de ne pas respecter le protocole de Kyoto contre les gaz à effet de serre a peut-être contribué à la fonte des neiges du Kilimandjaro, lequel n’aura plus du tout le même attrait touristique quand, dans moins de 15 ans sans doute, il aura perdu sa calotte blanche *. Même remarque pour le Mont Kenya (volcan éteint) et pour le Ruwenzori (qui n’est pas un volcan) : ces deux montagnes, les seules en Afrique, avec le Kilimandjaro, à posséder des neiges éternelles, voient également ces neiges fondre rapidement…mais cela est vrai depuis leur découverte par les Européens et la fonte n’est pas plus rapide dans les dernières décennies qu’au début du XXème siècle…

 

* La « raclée » prise par BUSH et son parti républicain aux élections de mi-mandat de novembre 2006 a été applaudie par les écologistes du monde entier, en particulier ceux qui étaient réunis à Nairobi pour la « Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques ».

 

 

         La montée du niveau des mers menace les villes côtières. : l’érosion de la côte pose déjà problème au Sénégal (sur la « Petite Côte », principale région touristique du pays), et dans les régions de mangrove comme la Guinée-Bissau ainsi qu’au Togo et au Bénin *. Or la plupart des grandes villes d’Afrique Noire sont des ports, des villes côtières, en raison de l’histoire de cette partie du monde (colonisation par les Européens). Quelques exemples : Lagos, la plus grande ville d’Afrique Noire, Nouakchott (dont certains quartiers spontanés sont en dessous du niveau de la mer, la ville officielle étant construite sur un plateau dunaire à un peu plus de 5 m d’altitude), Banjul (capitale de la Gambie dont une grande partie est à moins de 1 m d’altitude) sont menacées d’inondation partielle.

 

* Pour la côte du Togo et du Bénin, la montée du niveau de la mer n’est pas la seule cause : il y a ici une interaction entre une évolution mondiale (la montée du niveau des océans) et un changement régional dû à un aménagement humain: la construction du barrage d’Akosombo sur la Volta, qui a considérablement diminué l’apport d’alluvions dans le delta du fleuve, alluvions qui étaient auparavant redistribués par le courant littoral. Voir à ce sujet la « Communication Nationale Initiale du Bénin sur les Changements Climatiques » de la Direction de l’Environnement de la République du Bénin (2001) et en particulier cet extrait de la p. 44 : « Tous ces facteurs conjugués ont eu pour conséquence un recul lent de la côte depuis trois décennies. Mais cette évolution, engendrée par des facteurs naturels est malheureusement amplifiée par les interventions humaines. En effet, les travaux d’aménagement réalisés sur les fleuves ont réduit parfois considérablement leur rôle de pourvoyeur des côtes en matériaux solides. Les barrages en particulier, représentent des pièges à sédiments très efficaces. Le barrage d’Akosombo sur la Volta piège 95% des transports solides et la totalité des sables, soit annuellement environ 3 millions de m3 de sable ». Bien d’autres aménagements sont responsables de l’érosion de la côte (par ci) ou de l’accumulation de sédiments (par là) : construction du barrage de Nangbeto sur le Mono, des ports de Cotonou et Lomé, protections anti-érosives sur certaines parties de la côte…

 

Les grands barrages posent donc problème à l’aval.

 

Un autre exemple est celui du Zambèze : les énormes barrages de Kariba et Cahora Bassa ont considérablement diminué le niveau des inondations dans le delta et la basse vallée du fleuve au Mozambique si bien que les marais s’assèchent, ce qui facilite beaucoup la circulation des chasseurs : la faune de ces espaces aquatiques ou humides, déjà très affectée par la modification de son habitat, est de surcroît exposée à la chasse dont elle était partiellement protégée jusqu’alors par les difficultés d’accès et de circulation.

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

LES RAPPORTS ENTRE LA MONDIALISATION

ET LES POPULATIONS AFRICAINES

 

Un des phénomènes majeurs de la mondialisation, en ce qui concerne l’Afrique Noire,

est la généralisation de l’émigration, essentiellement motivée par des raisons économiques, vers les pays riches.

 

 

1)    On observe depuis quelques décennies une diversification des destinations :

 

1.     Sénégalais à New York : cf. le film « Little Senegal ». Little Senegal est le nom d’un quartier africain de Harlem, le grand quartier noir du nord de Manhattan.

2.     Congolais (surtout de R.D.C.) en Allemagne (voire en Irlande !)

3.     Burkinabè en Italie. Sénégalais à Brescia en Italie du Nord.

 

Little Senegal : film sorti en l’an 2000 – ou 2001 – selon les sources, de Rachid BOUCHAREB (Français dorigine ’algérienne, né en France avant la guerre d’indépendance), avec l’excellent acteur Sotigui KOUYATÉ) dans le rôle principal : Alloune, le guide de la maison des esclaves de Gorée à la recherche de ses lointains parents outre-Atlantique.

Sotigui KOUYATÉ : acteur, metteur en scène et griot « guinéen d’origine, malien de naissance et burkinabé d’adoption » selon ses propres dires ; son père a une « cour » à Bobo, mais lui-même vit en Ile-de-France ; il est aussi la voix du documentaire sur l’origine de la vie « Genesis » sorti en 2002.

 

 

    Cette diversification des destinations a été facilitée, en ce qui concerne l’Europe, par les progrès de l’intégration européenne : l’extension de l’Union Européenne et la création de l’espace Schengen offrent aux émigrants du reste du monde et donc aux Africains une multiplicité de possibilités pour l’obtention du droit d’entrée (les fameux visas Schengen) et pour les voyages au sein de cet espace, ce qui a multiplié les territoires accessibles pour la recherche d’activités rémunératrices et finalement donc pour l’installation en Europe. Les itinéraires des migrants et leur distribution géographique au sein de l’espace européen se sont ainsi complexifiés. De nos jours les immigrés originaires d’Afrique Noire ne sont plus confinés en France, en Belgique, au Royaume-Uni ou au Portugal (les anciennes « métropoles », pays privilégiés d’émigration depuis le début du phénomène migratoire): ils vont en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Irlande etc. et seront sans doute prompts à tenter d’utiliser les ressources offertes (en termes d’emploi et d’obtention des visas) par l’expansion de l’espace Schengen vers l’est de l’Europe.

 

* L’ « Espace Schengen » est un espace de libre circulation des personnes, étrangers compris. Cela signifie qu’un étranger admis par exemple à entrer en Espagne peut, de droit et sans autre formalité que de montrer son visa Schengen, voyager autant qu’il le veut au sein de cet espace qui, en novembre 2007, comprend 15 pays membres dont 13 pays de l’Union Européenne et 2 pays extérieurs (la Norvège et l’Islande). Le Royaume-Uni, l’Irlande et Chypre ont refusé d’adhérer à l’espace Schengen mais sont membres de l’Union Européenne. 9 nouveaux États de l’Union entreront dans l’Espace Schengen le 21 décembre 2007 : l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie et Malte. La Roumanie et la Bulgarie, membres de l’Union Européenne n’ont pas encore été admises dans l’Espace Schengen. Rappelons que la Suisse n’adhère pas à l’Union Européenne…mais elle pourrait entrer dans l’Espace Schengen en 2008. Tous les autres voisins de la France, à l’exception du Royaume-Uni sont dans l’Espace Schengen.

 

Généralisation de l’émigration avant tout pour des raisons économiques (un juge sénégalais – pourtant assez bien payé par rapport à ses confrères des autres pays d’Afrique noire gagne beaucoup moins qu’un éboueur sénégalais travaillant pour la Ville de Paris) ; même chose pour les médecins, les universitaires : fuite des cerveaux. Le traitement mensuel du président de la République du Mali, en 2002, était d’environ 1.200 €. Une des causes principales du désir d’émigrer est le chômage massif des jeunes citadins y compris des jeunes diplômés depuis que la fonction publique a (presque) cessé d’embaucher (ajustement structurel).

 

N.b. Le président actuel du Mali Amadou Toumani TOURÉ (ATT), interviewé par Karl ZÉRO dans le Vrai Journal (Canal +, 5 mars 2006) a dit qu’il envoie chaque mois 20 % de son salaire à sa mère au village, pour pourvoir aux besoins de sa famille.

 

 

 

2)    Le rôle des émigrés africains vis à vis de leur pays d’origine :

 

a.     Solidarité (envoi de fonds) : illustrés par le film « Le mandat * » (1968) du réalisateur sénégalais Ousmane SEMBÈNE. Les mandats postaux et les transferts de fonds immédiats par Western Union jouent un rôle considérable dans la vie, voire la survie de nombreux villages, notamment dans la vallée du Sénégal (Sénégal, Mauritanie, Mali), plus spécialement encore dans la région de Kayes (pays des Soninké * alias Sarakolé,). Certains émigrés envoient jusqu’à la moitié de leur salaire au pays. La dégradation des sols due au surpeuplement (eu égard aux techniques agricoles employées qui ont abouti à un déboisement presque total) est une des causes majeures de l’émigration massive des jeunes du pays soninké. Les émigrés soninké essaient de sauver leurs villages en créant des associations d’originaires de ces villages qui financent divers projets (écoles, centres d’alphabétisation, reboisement…). Ce rôle des émigrés a été mis en images notamment par le film d’Éric MOUNIER : « Moi Sékou, mon exil, mon village, mon combat » (diffusé sur France  le 29 novembre 2004), qui met en scène un réparateur d’ascenseur soninké qui vit dans un foyer à Montreuil et anime l’association « Bada France » (Bada est le nom de son village d’origine).

 

 

* « Le Mandat » : titre du film en français ; le titre original en wolof est : « Mandabi ». Dans ce cas-ci il ne reste plus rien au malheureux « bénéficiaire » du mandat qui doit tout dépenser en formalités administratives et se fait arnaquer par des parents.

* Soninké : peuple de paysans et de commerçants de langue mandingue, islamisés de longue date et agents actifs de l’islamisation dans les villes où ils ont essaimé pour leur commerce.

 

b.     Rôle politique :

 

     Presque tous les principaux opposants aux gouvernements en place sont exilés dans les pays riches et démocratiques : France, États-Unis, Angleterre surtout.

 

     Le fait que l’Europe occidentale * et de plus en plus, les Etats-Unis et le Canada, soient les espaces de formation principaux des cadres africains (ils y font leurs études supérieures) compte beaucoup dans ce rôle politique : c’est souvent en Europe ou aux États-Unis que de nombreux dirigeants africains se sont formés à la politique : le rôle des associations d’étudiants africains (et notamment de la très célèbre FEANF ** en France) est capital de ce point de vue.

 

* Selon le « Recueil de données mondiales sur l’éducation 2007 – Statistiques comparées sur l’éducation dans le monde » publié par l’Institut de statistique de l’UNESCO » qui rend compte des données de l’année universitaire 2004-2005 (statistiques les plus récentes disponibles à l’échelle mondiale), la France reste le premier pays d’accueil pour les étudiants originaires d’Afrique Noire, devant l’Afrique du Sud et les États-Unis. Sur environ 200.000 étudiants d’Afrique Noire étudiant hors de leur pays comptabilisés dans ces statistiques (sur un volume réel d’environ 250.000), la France en accueilli 45.600 en 2004-2005 (Djibouti, Mauritanie et Soudan inclus), l’Afrique du Sud 35.100 et les États-Unis 33.500. Les pays d’accueil suivants étaient : le Royaume Uni (4ème avec 26.500 étudiants), l’Allemagne (5ème, 11.100 étudiants), le Portugal (6ème, 10.800 ét.), l’Australie (7ème, 7.600 ét.), le Maroc (8ème, 3.800 ét.), l’Italie (9ème, 2.700 ét.), l’Arabie Saoudite (10ème, 2.500 ét.)… Mais ce classement et ces chiffres n’ont qu’un intérêt limité car ils ne correspondent pas à la réalité parce que : 1) L’UNESCO ne disposait pas de données par origine géographique pour certains pays où les étudiants d’Afrique Noire sont nombreux (Chine, Russie, Canada, Algérie) et 2) même dans certains pays pour lesquels un nombre d’étudiants originaires d’Afrique Noire est donné, il faudrait y ajouter une part plus ou moins importante des étudiants d’origine « non précisée » : c’est le cas de la Belgique, de la France, de l’Afrique du Sud et de bien d’autres pays…

 

** La Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF), fondée en 1950, a été dissoute par le gouvernement français en 1980.

 

     Du reste les étudiants africains d’un pays européen ne viennent pas seulement de ses anciennes colonies : l’ancien président mozambicain Joaquim CHISSANO a étudié la médecine à Poitiers, l’idéologue islamiste soudanais Hassan EL TOURABI est diplômé de la Sorbonne *…et d’Oxford (la plus célèbre ville universitaire d’Angleterre).

 

* Le sanguinaire révolutionnaire cambodgien POL POT avait aussi étudié à la Sorbonne…Avoir fait des études dans la plus prestigieuse des universités françaises n’est donc pas un gage d’humanisme !

 

c.      Tête de pont pour la migration ultérieure d’autres membres de la famille.

 

 

d.     La réussite médiatisée d’un certain nombre d’émigrés exacerbe le désir d’émigration.

 

4.     Les footballeurs (comme l’Ivoirien Didier DROGBA, qui joue actuellement à Londres (Chelsea) et dont le contrat court jusqu’en 2010 ; Chelsea avait acquis DROGBA en 2004 pour 38 millions d’euros !) ou le Camerounais Samuel ETO’O qui joue à Barcelone (meilleur footballeur africain en 2003, 2004 et 2005, 3ème joueur mondial en 2005), sans compter les nombreux « Sénéfs » qui ont vaincu l’équipe de France lors de l’avant- dernière Coupe du Monde en Corée). Djibril CISSÉ a joué la Coupe du Monde en Corée (dans l’équipe de France, car il regrette de « ne pas connaître » son pays d’origine : la Côte d’Ivoire). Dans le monde du football on peut signaler aussi le cas de l’actuel président de l’Olympique de Marseille, Pape DIOUF, qui, avec un tel nom peut difficilement cacher ses origines sénégalaises…même s’il est né à Abéché, au Tchad…

5.     Les musiciens (surtout pour les garçons) et les mannequins (pour les filles) font aussi rêver les jeunes de leurs pays d’origine et de toute l’Afrique Noire : Koffi OLOMIDÈ, Papa WEMBA, Mamani KEÏTA vivent en Ile-de-France.

6.     De même que beaucoup de cinéastes : c’est le cas d’Idrissa OUÉDRAOGO et deFanta NACRO (cinéastes burkinabè) …et des cinéastes mauritaniens Med HONDO et  Abderrahmane SISSAKO (qui a présenté en 2002 son film Heremakono – « En attendant le bonheur » au Festival de Cannes où il a été primé ; ce film a reçu aussi – en février 2003 - l’étalon de Yenenga, récompense suprême du FESPACO). En attendant le bonheur…d’émigrer, c’est le sens du titre du film qui se passe en Mauritanie, au bord de l’Océan Atlantique. Le dernier film de SISSAKO « Bamako » qui imagine un procès de la société civile malienne contre la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International a été projeté à l’U.F.R. T.E.S. de l’Université Paris le 16 novembre 2007.

7.     Un certain nombre de ces artistes africains profitent de leur notoriété pour s’enrichir en exploitant leurs compatriotes candidats à l’émigration (les « ngulu », c’est-à-dire les cochons en langue congolaise) pour qui ils obtiennent des visas en les présentant comme des artistes en tournée : la justice française a tenté de freiner cette immigration frauduleuse en inculpant l’artiste congolais « Papa WEMBA », mais le tribunal de Bobigny ne l’a finalement condamné (le 16 novembre 2004) qu’à une courte peine de prison ferme (couvrant ses 4 mois de détention préventive). Il faut dire que le président du Congo, Joseph KABILA, était intervenu auprès de Jacques CHIRAC…Une nouvelle preuve que la justice, même en France, n’est pas totalement insensible aux pressions politiques…Mais Papa WEMBA, qui a la nationalité belge, a été aussi mis en examen par la justice belge pour le même type de délit.

8.     De même de nombreux universitaires africains vivent et travaillent en Europe occidentale ou en Amérique du Nord : Issiaka MANDÉ à l’Université Paris 7, Charles TSHIMANGA dans une université américaine. Le rôle des universités européennes et américaines (Stanford, universités canadiennes) est capital aussi bien pour la formation des élites africaines…que pour le drainage des cerveaux. On  assiste à une mondialisation des élites : diversification des lieux d’étude et d’exode des cerveaux, avec l’importance croissante des États-Unis par rapport aux anciennes métropoles européennes et des autres pays que l’ancienne métropole au sein de l’Union Européenne. Il faudrait étudier ici l’écrémage des cerveaux par les États-Unis par le système de « loterie » de la « carte verte ». L’écrémage des cerveaux africains (le brain drain) par les États-Unis est une politique volontariste (cf. article dans The International Herald Tribune cité à la CADE le 15 mai). Actuellement il y a à peu près 100.000 experts du Nord qui travaillent en Afrique Noire…alors qu’il y a 100.000 cadres africains noirs travaillant aux États-Unis

 

 

 

 

3)    Les quartiers africains dans le monde :

a.     La Goutte d’Or pour l’alimentation (« Château Rouge » pour les Africains) et « Château d’Eau » pour la coiffure, le fret, les télécommunications et les transferts d’argent (sous couverture d’ « aide familiale »).

b.     Mais en plus les banlieues : Montreuil aurait été pendant un certain nombre d’années la seconde ville malienne.

c.      Marseille est la plus grande ville comorienne du monde ! C’est-à-dire qu’il y a plus de Comoriens à Marseille qu’à Moroni la capitale et plus grande ville des Comores ! Un signe de cette importance de Marseille : le chanteur français d’origine comorienne SOPRANO, qui se produira à l’Olympia le 29 novembre 2007, est un Marseillais. Pour l’état civil il se nomme : Saïd M’ROUBABA.

d.     Little Senegal à New-York (cf. supra).

e.      Ixelles à Bruxelles (avec notamment des bijoutiers), surnommé « Matonge » du nom d’un quartier « chaud » de Kinshasa.

Sur ce quartier voir les articles de L’Intelligent du 5 décembre 2004 (n° 2291, pp. 60-63). Ce quartier a connu 3 jours d’émeute en février 2001 après la mort d’un jeune dealer d’origine africaine abattu par la police lors d’une perquisition (l’ « affaire Fololo »). La nouvelle municipalité socialiste a mis en place une police de proximité et lutte contre l’insécurité en associant les habitants et les commerçants. Mais cela repose surtout sur le bénévolat et l’amélioration constatée quant à la sécurité, notamment dans la galerie marchande, et quant aux rapports entre les habitants et passants du quartier et la police, sera peut-être éphémère. Comme « Château Rouge »,  « Matongé » (de son vrai nom : Ixelles) est le lieu où les immigrés originaires d’Afrique viennent se faire coiffer et s’approvisionner en produits africains (produits alimentaires, pagnes, produits de beauté, notamment les crèmes pour décolorer la peau, C.D., D.V.D. et cassettes de musique ou de théâtre populaire africain). En fin de semaine le quartier voit affluer des Africains venant du Nord de la France, des Pays-Bas et même d’Allemagne. La commune d’Ixelles (76.000 habitants) compte 170 nationalités différentes : c’est bien un quartier « mondial » !

f.       Schengen Place à Londres et Luton en grande banlieue (nord) de Londres.

g.     Du fait de la présence importante d’immigrés d’Afrique Noire dans certaines collectivités territoriales européennes, il y a une coopération entre ces collectivités et des collectivités africaines (jumelages de villes, coopération du Département des Hauts-de-Seine avec le Mali, le Sénégal et la Mauritanie) voire entre collectivités européennes pour cordonner leur aide à l’Afrique Noire : ainsi en mars 2002 le protocole de coopération entre les villes de Montreuil (93) et de Paris prévoit une coopération entre les deux villes sur les pratiques en matière de coopération décentralisée avec le Mali « pays avec lequel les deux villes ont des engagements très forts » selon le mensuel « Paris, le journal » édité par la Ville de Paris (n°124, avril 2002). Paradoxe : suite à l’assassinat de Pim FORTUYN, c’est un Cap-Verdien qui se trouvait à la tête du parti xénophobe néerlandais qui a remporté de nombreux sièges au Parlement en 2002 (c’était le second parti des Pays-Bas…mais il n’est déjà plus au gouvernement et son électorat a fondu…). Il a été assassiné depuis…

 

 

4) L’existence de ces diasporas engendre un commerce international de vivres : on peut prendre ici les exemples du gibier et de la kola en Ile-de-France (« Château Rouge », Montreuil, Etampes, Evry, Ris-Orangis, Marne-la-Vallée, Sarcelles, Saint-Denis etc.).

 

 

5) La diaspora joue aussi un rôle important dans la naissance d’une culture africaine moderne (notamment en ce qui concerne la musique et le théâtre populaire enregistré sur D.V.D ou cassette vidéo)  par son pouvoir d’achat : elle achète D.V.D., cassettes vidéos et C.D. , et va aux concerts donnés par Youssou N’DOUR * ou Koffi OLOMIDÈ. Les cantatrices maliennes ou guinéennes animent des soirées dans des salles louées (il s’agit soit d’un « concert » privé, soit ce peut être à l’occasion d’un mariage, d’un baptême etc.) ; elles se font payer très cher et reçoivent en outre des dons (en billets de banque) des spectateurs. On les fait venir du pays. Depuis 1989 le festival Africolor ** est une des grandes manifestations de la musique africaine en Ile-de-France : il a lieu chaque hiver en Seine-Saint-Denis (le « 9-3 »), sans doute le département français qui compte le plus d’immigrés originaires d’Afrique Noire. En 2007 Africolor a lieu dans 16 villes différentes du 9-3, dont, bien sûr, Saint-Denis ; des artistes originaires de Côte d’Ivoire, d’Éthiopie, du Mali, du Niger, de la Réunion, animent ces soirées (du 24 novembre au 23 décembre 2007).

 

* « You », comme l’appellent ses fans, vit en principe à Dakar mais il est très souvent en tournée, en France (où il loge à l’hôtel), aux États-Unis ou ailleurs. En 2004 Youssou N’DOUR, qui est musulman, a annulé la tournée qu’il avait prévue aux États-Unis (dans 38 villes) pour protester contre l’agression américaine en Irak. Au contraire « Koffi » a son domicile en Ile-de-France mais possède une belle villa à Kinshasa où il se rend fréquemment.

** Pour plus d’informations sur ce festival, voir le site http://www.africolor.com

 

6) La diaspora apporte aussi les formes les plus archaïques de la culture africaine « traditionnelle », qui révoltent les « modernes » : mariages forcés * (cf. le téléfilm « Fatou le Malienne ») ou, bien pire : meurtres rituels d’enfants comme à Londres en septembre 2001 ; excision ** (condamnations en Ile-de-France).

 

* Les mariages contre le consentement réel de la jeune fille sont bien plus nombreux qu’on ne le croit généralement. C’est une question qui concerne même les étudiantes ; celles-ci, le plus souvent, en raison de leur maturité intellectuelle et de leur formation, arrivent à résister aux pressions de leur famille et de leur entourage mais il n’est pas du tout sûr que ce soit toujours le cas. Pour celles qui ont la force morale de surmonter ces pressions et d’éviter le mariage qu’on veut leur imposer, cela ne va pas sans dégâts, pour elles, au niveau psychologique, car cela entraîne souvent une rupture ou en tout cas un relâchement très important des relations familiales…sans compter les conséquences au niveau financier (le père, en représailles, peut décider de « couper les vivres », autrement dit de cesser d’aider sa fille récalcitrante…ce qui l’oblige à travailler) et au niveau universitaire (conditions de travail rendues plus difficiles : perturbation psychologique, temps consacré au travail non-universitaire). Ces mariages forcés ne concernent pas toutes les filles originaires d’Afrique Noire : cela dépend surtout des coutumes de la société d’origine ; d’une manière générale les ethnies du Sahel et du Soudan sont celles où l’on rencontre le plus souvent ces mariages forcés. Cette coutume n’existe plus guère chez la majeure partie des ethnies peuplant les régions de forêt équatoriale : elles ont à peu près totalement disparu, par exemple, au Congo (Brazzaville) et au Gabon. D’autre part le niveau d’éducation des parents joue beaucoup : la fille d’un cadre originaire d’une ethnie où le mariage forcé est courant ne court pas ce risque, sauf exception, car son père ne tentera pas de lui imposer un mari. Notons à ce propos que la Mairie de Paris diffuse un petit dépliant intitulé : « Mariages forcés – Vous avez le droit de dire Non », disponible par exemple dans le centres de Protection Maternelle et Infantile (P.M.I).

 

** L’excision (ablation du clitoris et souvent des petites lèvres du vagin) est une coutume très ancienne qui existe encore de l’Afrique occidentale au Moyen-Orient. Préexistante à l’apparition des grandes religions actuelles (christianisme et islam), elle est pratiquée chez les animistes, les musulmans et même chez les chrétiens même si elle est devenue moins fréquente chez ces derniers en raison de l’influence plus grande des idées occidentales. Aujourd’hui considérée comme un crime en occident, elle est bien sûr interdite et sévèrement sanctionnée par la loi dans les pays occidentaux (et aussi dans certains pays africains, sous la  pression de l’Occident) mais les condamnations demeurent rares et sont très mal comprises des condamnées (souvent des femmes : les exciseuses) qui, sans bien sûr s’exprimer avec ces mots, y voient un insupportable impérialisme culturel de l’occident, l’interdiction d’une coutume générale et millénaire dans leur civilisation. Les familles africaines immigrées en Europe de l’ouest ont apportées avec elles cette coutume jugée barbare et réprimée – dans les rares cas où la justice est saisie - dans les pays où vivent ces immigrés. Heureusement pour celles qui ont été excisées, il existe aujourd’hui une technique chirurgicale qui permet de réparer un sexe féminin excisé: elle a été inventée par le docteur Pierre FOLDÈS, qui en a eu l’idée lors de missions pour l’O.N.G. « Médecins du Monde » en Afrique de l’Ouest : il s’agit tout simplement de découvrir la partie interne du clitoris qui n’est pas ôtée par l’excision et demeure innervée; depuis 28 ans le Dr FOLDÈS a opéré (souvent gratuitement) de nombreuses femmes en Ile-de-France (près de 2.000 déjà) : la plupart sont des Africaines vivant en France, mais de plus en plus de femmes viennent d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Niger, Sénégal) ou d’Afrique de l’Est. (Sur ce sujet voir l’article de Muriel SIGNORET, dans le n° 2257 de Jeune Afrique – L’Intelligent du 11 au 17 avril 2004). Ne pouvant faire face seul à une demande croissante le Dr FOLDÈS a formé de nombreux confrères (une dizaine exercent en France) et aujourd’hui, au Burkina Faso, une vingtaine de chirurgiens-obstétriciens utiliseraient sa technique de reconstruction du clitoris (une opération qui ne dure qu’un quart d’heure et qui, en France, est maintenant remboursée par la sécurité sociale) ; cette possibilité attire vers le Burkina Faso des femmes des pays voisins…qui viennent pour se faire opérer. (N.b. : Contact Dr Pierre FOLDÈS: Clinique Louis XIV, 4 Place Louis XIV  78100 Saint Germain-en-Laye ;  Téléphone : 01 39 27 42 48  ou 01 39 10 26 26). Voir sur ce sujet l’article de la chaîne de télévision ARTE de février 2007 : « Mutilations génitales féminines : les faits ». Mais la médiatisation de ces techniques a entraîné l’apparition d’imitateurs moins compétents qui commettent parfois de graves dégâts en France comme au Burkina Faso. La secte des Raéliens, par exemple, est un train de construire à Bobo-Dioulasso un « Hôpital du plaisir » spécialisé dans la reconstruction des clitoris. Le Dr FOLDÈS est très gêné de l’intrusion de cette secte et déclare ne vouloir en aucun cas cautionner cette action.

                                                                                                                

7) Le mal-être de certains immigrés tiraillés entre le rêve d’un retour au pays d’origine et l’attachement au pays d’adoption : cf. le film « L’Afrance » du réalisateur franco-sénégalais Alain GOMIS (primé au FESPACO 2003). Ce rêve se réalise rarement car si le pays d’origine est idéalisé, il déçoit d’autant plus quand on y va ; on y va donc en vacances mais on n’y retourne pas définitivement : en fait cela dépend beaucoup de l’âge d’arrivée dans le pays « riche » : quelqu’un qui arrive vers la quarantaine a beaucoup de chances d’aller finir sa vie au pays natal. Mais celui qui arrive à 20 ans ou moins n’y retournera qu’en vacances. Quant à ceux qui sont arrivés en bas-âge ou qui sont nés dans le pays d’adoption ils n’iront jamais ou seulement de rares fois, en vacances. Dans le cas d’un retour au pays la déception peut être vive comme pour ces 10 cadres ivoiriens que le ministre Tidjane THIAM avait convaincus de rentrer…et qui sont arrivés juste avant le coup d’État du général GUEÏ.

 

SECONDE PARTIE

LA MONDIALISATION

 

ET LA POLITIQUE AFRICAINE

 

 

1) L’Afrique noire et le terrorisme islamiste

 

     L’Afrique Noire, comme toutes les autres parties du monde, est concernée sur son sol par la guerre mondiale qui oppose les terroristes islamistes au reste du monde et notamment aux États-Unis. Mais avant d’aller plus loin il faut absolument préciser les concepts utilisés dans la phrase qui précède.

 

     D’abord le « terrorisme » : ne sont terroristes que ceux qui sont partisans de terroriser leurs adversaires (qui sont considérés par eux comme leurs ennemis). La majorité des islamistes ne sont pas du tout terroristes.

 

     Ensuite « islamiste » : les islamistes sont les partisans d’un Islam politique ; ils n’acceptent pas la laïcité de l’État comme en Turquie, grand pays où l’Islam est très majoritaire dans la population mais où l’État est laïc ; pour eux l’Islam doit être la religion de l’État dans les pays à population musulmane et la charia doit régir toute la vie de la société. La grande majorité des musulmans ne sont pas islamistes. Mais il est vrai que l’islamisme progresse au sein des populations musulmanes.

 

     Enfin quand nous disons que cette guerre oppose les terroristes islamistes au « reste du monde », nous voulons signifier par là que leurs victimes sont potentiellement tous ceux qui ne partagent pas leurs idées. La grande majorité des victimes des attentats islamistes sont des coreligionnaires accusés par eux d’être de mauvais musulmans « esclaves » des « croisés ».

 

     Nous précisons enfin qu’il ne faut pas confondre terrorisme islamiste (motivé principalement par une vision très particulière de la religion) et terrorisme nationaliste (les résistances afghane, irakienne et palestinienne à l’occupation). De la manière dont la presse occidentale, suivant aveuglément le discours de l’administration américaine, parle aujourd’hui de ces résistants, les résistants français à l’occupation nazie auraient mérité le qualificatif de « terroristes ».

 

 

     Les événements qui se sont produits au Sahara et au Sahel en 2004 illustrent l’implication de l’Afrique Noire dans cette guerre mondiale.

 

Source : articles de Chérif OUAZANI intitulés : « Sahel : sale temps pour les djihadistes », L’Intelligent n° 2261, 9-15 mai  2004  et « Fin de cavale pour l’émir du désert », L’Intelligent n° 2259 25 avril-1er mai 2004 (malgré la très grosse erreur figurant dans cet article qui a valu à son rédacteur d’être limogé – pour un temps – du journal).

 

Les islamistes algériens « affiliés à el Qaïda » avaient organisé des réseaux et créé des groupes armés au Mali, au Niger, en Nigéria et au Tchad. Mais ils ont subi début 2004 une série de revers :

 

a) Au Tibesti, à la mi-mars 204, un de leurs chefs, dit « El Para *», avait réussi à se réfugier au Tibesti auprès des rebelles du M.J.D..T (Mouvement pour la justice et la démocratie au Tchad). Quelques jours auparavant, le 9 mars, au nord du lac Tchad, son groupe armé avait perdu 43 combattants (morts ou prisonniers) dans un combat avec l’armée tchadienne (« opération appuyée par les Forces spéciales américaines » selon le New-York Times). L’armée tchadienne a perdu 10 soldats. (L’Intelligent du 23 mai 2004. El Para a été ensuite livré par le M.J.D.T. au président libyen Khaddafi…qui l’a livré aux autorités algériennes (fin 2004).

 

 * « El Para » : un Berbère des Aurès, connu sous le nom d’ « el Para » = le parachutiste…ce qu’il n’a pas été bien longtemps : l’armée algérienne l’a radié des paras pour inaptitude physique - un mal de dos l’empêchant de sauter). C’est lui qui a enlevé 32 touristes européens à la frontière libyenne en février 2003…et obtenu de l’Allemagne près de 6 millions de dollars pour leur libération (L’Intelligent n° 2263 du 23 mai 2004).

 

 

      b) Dans la région de Tahoua, au Niger, le 17 avril 2004, « un convoi de véhicules tout-terrain transportant des hommes fortement armés » est tombé « dans une embuscade tendue » par l’armée nigérienne (4 morts islamistes dont Cheikh Hassan, le chef, algérien, d’une brigade installée par El Para au Niger en février. Installé dans l’État de Kano, Cheikh Hassan acheminait des armes vers les maquis islamistes algériens. Il recrutait de jeunes musulmans des États de Kano et de Katsina pour lutter contre les régimes « impies » du Sahel « accusés d’être les vassaux » des États-Unis.

 

c) Au Mali, dans la région de Taoudenni et dans l’Adrar des Iforas, depuis mars 2004, l’armée malienne « pourchasse les islamistes » : il s’agit sans doute des hommes d’El Para : en effet au début de 2004, el Para (riche de la rançon allemande) était dans le nord du Mali, d’où il passait commande d’armes et de véhicules : « en février, les Algériens ont intercepté un convoi transportant des mortiers, des lance-grenades et des missiles sol-air » (article cité du New-York Times). A noter qu’el Para s’est semble-t-il fait rouler par les Touareg…qui ont accepté les quelques millions de dollars qu’il leur proposait…mais n’ont pas constitué les troupes qu’il voulait avoir à sa disposition pour son djihad

 

d) A Stuttgart, en Allemagne, (siège du Commandement des forces armées américaines en Europe), en avril 2004, les Américains ont réuni les chefs militaires de 9 pays (Les 3 États du Maghreb + Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) pour renforcer la coordination dans la lutte anti-terroriste. Ils ont envoyé des commandos des forces spéciales en Mauritanie et au Mali (dans le région de Tombouctou) pour former des soldats de ces deux pays à la lutte antiterroriste...et sans doute combattre discrètement : ce sont sans doute eux qui ont (seuls ou avec les armées des pays concernés) chassé le groupe d’El Para du Mali et du Niger et l’ont disloqué au nord du lac Tchad (cf. supra), obligeant son chef à se réfugier au Tibesti. Le groupe d’El Para était surveillé par les services algériens…et par un avion américain  P-3 Orion envoyé depuis l’Allemagne pour suivre leurs déplacements au Sahara. Les États-Unis fournissent camions, radios et matériel de repérage aux armées malienne et mauritanienne. Ils ont mis en route une « Initiative pansahélienne » regroupant la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad. Il faut dire qu’un attentat contre l’ambassade américaine à Bamako avait été projeté par les islamistes ; mais celui qui préparait cet attentat, un Yéménite, a été tué en Algérie en septembre 2001. Au Burkina Faso des prédicateurs salafistes prêchent jusque dans les localités les plus reculées…(le salafisme est un courant à la fois fondamentaliste, c’est-à-dire prêchant un retour aux sources de la religion, et moderniste par d’autres aspects).

 

Source : L’Intelligent n° 2263 du 23 mai 2004 (notamment la traduction d’un article du New-York Times).

 

 

     A l’autre bout de l’Afrique noire, à Djibouti, les Américains disposent désormais d’une base dans le cadre de l’opération « Enduring Freedom ». Selon le président de Djibouti, il n’y a ni Djiboutiens ni Éthiopiens dans le réseau el Qaïda, mais il y a des Soudanais, des Somaliens, des Comoriens…Djibouti reçoit désormais l’aide de l’U.S. AID. Les Américains entraînent les troupes djiboutiennes à la lutte antiterroriste…et versent un loyer de 15 millions de $ pour leur base, soit près du double de ce que payait la France pour sa base militaire. La présence américaine et la pression du gouvernement de Djibouti ont contraint la France à augmenter très fortement son loyer, qui est désormais de 30 millions €…Selon le président GUELLEH, le nombre de visites d’hommes d’affaires a triplé à Djibouti depuis l’installation des Américains. Il veut renforcer l’apprentissage de l’anglais car le français est peu en usage chez ses voisins. Pour eux la francophonie est une cause d’enclavement…

 

Source : interview du président Ismaïl Omar GUELLEH par François SOUDAN, L’Intelligent n° 2261, 9-15 mai  2004 et cahier spécial « Djibouti – 30 ans : L’âge des possibles » (Le Plus de Jeune Afrique, dans le n° 2446, 25 novembre – 1er décembre 2007 de l’hebdomadaire Jeune Afrique).

 

 

     Dans un des pays voisins de Djibouti (ancienne « Côte française des Somalis),  la Somalie, en proie à l’anarchie et aux guerres de clans depuis le renversement du dictateur Syaad BARRÉ en 1991, l’année 2006 a vu la prise du pouvoir dans la capitale, Mogadiscio, par les « Tribunaux islamiques », un mouvement islamiste. Les États-Unis ont très maladroitement fait intervenir l’armée éthiopienne qui s’est emparée de la capitale…mais n’a pas réussi vraiment à la contrôler tant les Éthiopiens sont haïs par les Somaliens : en novembre 2007 les combats ont repris et près de 200.000 personnes ont dû fuir Mogadiscio.

 

     Des attentats terroristes ont eu lieu dans deux autres pays d’Afrique de l’Est : contre un hôtel fréquenté par des Israéliens dans une station balnéaire au nord de Mombasa au Kenya (le 28 novembre 2002) et contre les ambassades américaines à Dar-es-Salaam (Tanzanie) et Nairobi (Kenya) en août 1998 ; ces derniers avaient causé la mort de 224 personnes et en avaient blessé près de 5.000. Un nouvel attentat attribué aux Islamistes a eu lieu le 11 juin 2007 dans le centre de Nairobi non loin de l’ambassade des États-Unis.

 

     Le 20 août 1998, au Soudan, où Oussama BEN LADEN avait résidé de 1991 à 1996, avant de partir en Afghanistan, les Américains avaient bombardé à Khartoum-Nord une usine qui, selon eux, lui appartenait et qu’ils soupçonnaient de fabriquer des armes chimiques ; en fait c’était une usine pharmaceutique…et elle n’appartenait plus à Oussama BEN LADEN qui l’avait vendue quelques mois auparavant. Les États-Unis ne se sont même pas excusés, en tout cas publiquement, pour cette grave bavure…

 

Nota bene : Si l’on parle surtout en Afrique Noire, de l’intégrisme musulman, parce qu’il y est, dans la phase historique actuelle, le plus répandu, le plus actif et le plus violent, il ne faut pas oublier qu’il existe aussi dans certaines régions et notamment en Nigéria (ou, sous des formes plus dévoyées encore en Ouganda), des mouvements chrétiens violents : ainsi à Yelwa, dans l’État du Plateau, au Nigéria, le 2 mai 2004 des miliciens chrétiens Tarok (agriculteurs anglicans) ont attaqué des éleveurs peuls (Fulani) musulmans : les affrontements ont fait 67 morts. Les Tarok, accoutrés en militaires, avaient « au moins 2 jeeps armées de mitrailleuses lourdes et ont poursuivi les fuyards, femmes et enfants compris, avec des fusils d’assaut, jusque dans leurs maisons ». Trois mosquées ont été incendiées. Les Fulanis survivants ont décidé de quitter le Plateau (de Jos) et cherchent des terres pour se réinstaller dans un état plus au nord (ils étaient venus du nord, il y a plus de 100 ans, et s’étaient sédentarisés dans la région de Jos). En réponse à ces massacres, les 11 et 12 mai à Kano, des émeutes anti-chrétiennes ont fait au moins 600 morts (selon la Croix Rouge Internationale). Au total il y a eu plus de 1.000 morts entre février et mai 2004 dans ces deux états (Plateau et Kano). Mais ici la religion n’est pas la cause originelle du conflit : l’enjeu du conflit est la répartition des terres (droit d’usage, avec probablement opposition entre les éleveurs peuls et les agriculteurs, notamment les dégâts faits aux cultures par les troupeaux mal surveillés). A noter qu’en 2001 la capitale de l’état du Plateau, Jos, avait été ensanglantée par des « émeutes interreligieuses » qui avaient déjà fait 1.000 morts (des dizaines d’églises et de mosquées brûlées) ; dans cet État chrétiens et musulmans sont sensiblement en nombre égal.

Source : article de Métro du 5 mai 2004

Source : L’Intelligent n° 2262 du 16 mai 2004

 

 

2) L’Afrique noire et la politique mondiale

 

 

     La mondialisation se traduit par les interactions croissantes entre les différents pays de la planète dans le domaine de la politique comme dans les autres domaines. En effet dans le contexte de la mondialisation tout ce qui se passe d’un peu important dans un pays concerne de plus en plus le reste du monde. Les interventions des puissances dans la politique intérieure des pays africains sont courantes et souvent dénoncées par les nationalistes Africains, mais, même si elles sont moins fréquentes et souvent de moins de poids, les ingérences des pouvoirs africains dans la politique intérieure des grandes et moyennes puissances existent. C’est particulièrement vrai dans le cas de la France où le financement dans de certains partis politiques par certains dictateurs africains et par l’argent du pétrole est un fait avéré au moins pour les années 1980, comme l’a montré le procès de l’affaire ELF: le pétrole africain finançait le R.P.R. de Jacques CHIRAC…mais aussi les socialistes après leur accès au pouvoir avec l’élection de François MITTERRAND en 1981.

 

         A cet aspect financier généralement illégal et en tout cas moralement contestable, s’ajoutent des « amitiés » politiques qui sont des alliances plus ou moins mutuellement profitables : ainsi Alain MADELIN et Nicolas SARKOZY se disent « amis » du président sénégalais Abdoulaye WADE. Jacques CHIRAC et un fils MITTERRAND avaient des relations « amicales » ou d’affaire avec le dictateur togolais GNASSINGBÉ ÉYADÉMA (aujourd’hui décédé mais dont les fils se partagent toujours le pouvoir à Lomé). Parfait KOLÉLAS,  le fils de Bernard KOLÉLAS (ancien maire de Brazzaville et éphémère premier ministre du Congo) s’affichait  à la fin des années 1990 comme un « ami » de Jean-Marie LE PEN : il faisait partie de ceux qui servaient au chef de Front National à « montrer » que son parti n’était pas raciste…

 

         Le 28 novembre 2004, au Congrès de l’U.M.P. au Bourget, qui a vu l’intronisation de Nicolas SARKOZY comme président du mouvement, de très nombreux responsables politiques africains étaient invités et présents : parmi eux, deux premiers ministres en exercice : ceux du Sénégal (Macky SALL) et du Togo (Koffi SAMA), le président du Sénat malgache (Rajemison RAKOTOMAHARO), de nombreux ministres (du Cameroun, du Mali, du Sénégal), des responsables de partis politiques (du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Gabon, du Ghana, de Mauritanie…). On peut noter que plusieurs partis politiques de Madagascar ont demandé à l’U.M.P. de participer à la formation de leurs cadres.

 

         Les ingérences des Occidentaux dans les conflits africains : exemple actuel de la Côte d’Ivoire (sans l’intervention française, qui s’est faite à la demande du président GAGBO, qui a invoqué les accords de défense liant son pays à la France, les rebelles auraient pris tout le pays mais il y aurait ensuite eu sans doute, après, une vraie guerre civile) ; exemples récents des deux Congo, du Rwanda, de la Sierra Leone…(et avant de l’Éthiopie-Somalie ; du Tchad : Français et Américains sont ceux qui sont le plus intervenus en Afrique Noire au cours des dernières décennies, parfois de concert (contre les visées annexionnistes de la Libye au Tchad), souvent comme rivaux. Ces interventions se font quelquefois au grand jour quand elles sont admissibles par la « communauté internationale » mais le plus souvent dans l’ombre, avec le rôle des services secrets et des mercenaires inavoués. On peut évoquer ici l’action du plus célèbre mercenaire français de la fin du XXème siècle ; Bob DENARD, décédé fin 2007, qui avait à son actif plusieurs coups d’État aux Comores dont il fut un certain temps le véritable « patron » et un coup manqué au Bénin dans les années 1970…et bien d’autres actions encore, qui sont, par nature, difficiles à connaître et po). La France avait retiré ses troupes de Centrafrique mais elle a dû en dépêcher de nouveau fin 2006 pour protéger l’est du pays envahi par des opposants armés au président BOZIZÉ soutenus par le Soudan. La France conserve des bases permanentes en Côte d’Ivoire (Port-Bouët), au Sénégal et surtout à Djibouti. Le rôle de Djibouti dans la guerre américaine contre le terrorisme : les Américains y ont installé une base, de même que les Allemands et les Espagnols. C’est de là qu’a été tiré le missile qui a tué un lieutenant de BEN LADEN au Yémen en 2002. Le recours aux mercenaires (serbes pour la France au Zaïre ; pilotes d’hélicoptères ukrainiens pour former des pilotes ivoiriens (selon Laurent GBAGBO).

 

 

-         Les électeurs français en Afrique et africains en France (élections sénégalaises et maliennes notamment).

-         Le rôle des observateurs européens (ou internationaux) dans la validation des élections : exemples au Togo, au Zimbabwé, au Burkina Faso tout récemment etc.

-         Laurent GBAGBO et Abdoulaye WADE ont été les premiers chefs d’État du monde à féliciter CHIRAC de sa réélection.

-         Les relations « mondiales » de certains dirigeants africains : exemple du « pasteur » de Laurent GBAGBO : Moïse KORÉ (cf. L’Intelligent n° 2291 du 5/12/2004) : ses liens avec la Corée du Sud, les États-Unis, la France, un marchand d’armes libanais…

 

 

 

3) L’Afrique noire et la sécurité (hors le problème du terrorisme islamiste dont on a parlé ci-dessus)

 

La question des mercenaires :

-         Executive Outcomes et l’exploitation des diamants au Sierra Leone ; cette entreprise a cessé d’exister ; mais un des ses anciens dirigeants est impliqué dans la tentative de coup d’État contre le président Teodoro OBIANG NGUÉMA en Guinée Équatoriale (en 2004).

-         Le gouvernement de Laurent GBAGBO utilise les services de mercenaires russes et biélorusses (pilotes d’hélicoptères ou d’avions) : le 6 novembre 2004, les militaires français ont arrêté plusieurs pilotes russes qui ont été remis le 9 au consul de Russie en Abidjan.

-         Le président français (CHIRAC), quand il tentait en vain de défendre MOBUTU à l’extrême fin de son règne, avait utilisé comme mercenaires des Serbes connus comme criminels de guerre (en Bosnie). Il faisait cela en secret et sans l’accord du gouvernement de Lionel JOSPIN, arguant des prérogatives du Chef de l’État en matière de politique étrangère et de défense.

-         Le Front National (français) et le port de Pointe Noire (et la sécurité de Sassou !)

 

-         Le refus des Occidentaux d’intervenir directement sauf pour préserver la vie de leurs ressortissants après la déconvenue en Somalie (il y a encore eu l’Opération Turquoise (française) au Rwanda, les Britanniques en Sierra Leone…mais à part cela on essaie de mettre sur pied des organismes de règlement des conflits et des forces d’intervention africaines multinationales qui reviennent bien moins cher que les troupes de l’O.N.U.). Autre énorme avantage : pas de morts occidentaux

 

 

4) Le rôle capital des grandes O.N.G. internationales en Afrique Noire

 

 

Oxfam : puissante O.N.G. britannique (www.oxfam.org) qui travaille à trouver des solutions durables pour éliminer la pauvreté et la souffrance (notamment par l’éducation et notamment en Afrique de l’Ouest cf. Offres d’emploi parues le 16 mai 2004 dans l’Intelligent). Elle a publié le 6 décembre 2004 un rapport très agressif vis à vis des pays riches concernant la lutte contre la pauvreté. Elle interpelle notamment les dirigeants du G8 pour qu’ils respectent leurs promesses…précisant notamment que si les engagements ne sont pas mieux tenus d’ici 2015 qu’ils ne l’ont été depuis l’an 2000 *, près de 250 millions d’Africains de plus vivront avec moins d’un dollar par jour (Le Figaro a écrit : par mois, mais c’est un coquille…révélatrice).

 

* En l’an 2000 l’ONU a adopté les « Objectifs du Millénaire », au rang desquels figure la réduction de moitié de la pauvreté dans le monde entre 2000 et 2015.

 

Reporters Sans Frontières (R.S.F.) : elle est intervenue notamment dans l’affaire Norbert ZONGO au Burkina Faso.

 

Amnesty International : elle est intervenue notamment dans l’affaire des cadavres retrouvés dans les eaux du Togo. Voir offre d’emploi parue dans L’Intelligent du 16 mai 2004 : les O.N.G. recrutent !

 

Transparency International propose une notation des pays : le Cameroun a eu au moins 2 ans de suite, récemment, le titre peu glorieux de « pays le plus corrompu de la planète » mais il ne l’est plus. Voir le compte-rendu du rapport 2004 dans le n° 2262 de l’Intelligent (16 mai 2004). Site de ce rapport : www.globalcorruptionreport.org

         On y apprend que Daniel arap Moi (l’ancien président du Kenya) et les membres de son régime ont détourné plus d’un milliard de dollars que le gouvernement kényan actuel essaie de récupérer…Il a demandé à la Suisse et eu Royaume-Uni de geler les comptes bancaires et les biens immobiliers déjà identifiés…Mais l’argent détourné est véritablement « mondialisé » : il a pris le chemin de l’Australie, des États-Unis, de l’Afrique du Sud, de Bahrein, de Jersey…et d’autres territoires « offshore »…

         Mais le record africain est détenu par la Nigéria, avec le régime militaire de feu Sani ABACHA (1993-1998) : 1/10 des recettes annuelles d’exportation du pétrole soit environ 5 milliards de dollars d’argent public ont été volés…sur lesquels le gouvernement n’a pu récupérer que 825 millions ; il y a encore 1,3 milliard de dollars gelés « en Suisse, au Luxembourg et au Liechtenstein » que l’État fédéral espère encore récupérer…mais tout le reste s’est évaporé sans doute à jamais.

         Au Congo – « Zaïre », le régime de MOBUTU (lui, sa famille et son entourage) a volé plus de 5 milliards de dollars aussi…mais en 32 ans (1965-1997), pas en 5 ans ! Il est vrai que le Congo-Zaïre n’a guère de pétrole et qu’il est bien moins riche en « royalties » que la Nigéria. L’argent est placé en Suisse pour une bonne part mais la Suisse refuse de le rendre : les banques suisses disent que les Congolais sont incapables de leur dire clairement à qui appartient l’argent volé…

 

Médecins Sans Frontières (M.S.F.) : Prix Nobel de la paix, co-fondée par Bernard KOUCHNER ; elle est intervenue notamment au Congo-Brazzaville en 1998-1999.

 

Le W.W.F. pour la conservation de la nature etc.

 

Greenpeace et le bois africain : intervention dans le port de Nantes contre le déchargement d’un bateau de bois libérien. Ce bois libérien, une des ressources principales du pouvoir de ce pays, finançait en partie l’intervention armée clandestine du Libéria dans l’ouest de la Côte d’Ivoire à partir de 2002 et jusqu’à la fin du règne de Charles TAYLOR.

 

         Le rôle des O.N.G (notamment « Agir ici et maintenant » « Les Amis de la Terre ») dans l’établissement de règles minimales pour le financement et la construction de l’oléoduc Doba-Kribi et pour l’exploitation subséquente du pétrole qui l’emprunte désormais ; cette intervention a obligé le Tchad, la Banque mondiale et les compagnies pétrolières à prendre un certain nombre de dispositions pour s’assurer des conditions environnementales de l’exploitation et du fait que l’utilisation des nouvelles ressources de l’État serve à améliorer les conditions de vie de la population tchadienne présente et à venir. Mais le président du Tchad, Idriss DÉBY ITNO, a, d’emblée, violé ces dispositions : dès qu’il a touché les premiers pétro-crédits, il en a utilisé une bonne partie pour acheter des armes (qui ont servi bien plus à mater la rébellion intérieure qu’à défendre la patrie face à un danger extérieur).

 

 

 

L’Afrique noire et les États du reste du monde

 

Désengagement de la Russie mais le Japon est très actif (rôle des dons japonais, de la religion Tenrikyo au Congo, du Ministère des Affaires Étrangères japonais…quoiqu’un peu moins très récemment en raison de la faible croissance économique japonaise depuis déjà pas mal d’années et de la marginalité persistante de l’Afrique noire sur le plan économique). La Chine est de plus en plus présente en raison de son développement économique et de ses besoins en matières premières. Elle est aujourd’hui tout à la fois un fournisseur de produits fabriqués, un importateur de matières premières et d’énergie et un bailleur de fonds de premier plan en Afrique Noire. Les autorités chinoises publient une revue spécialisée sur leur coopération avec l’Afrique : « Chinafrique » revue mensuelle d’information en français. Importance de l’Allemagne, des Pays-Bas, des États scandinaves.

 

 

L’Afrique noire et la démocratie

 

Si le Sénégal, le Mali, le Bénin, l’Afrique du Sud, le Ghana et, avant les événements de janvier 2008, le Kenya, paraissent ou paraissaient des exemples, la plupart des pays sont encore sous le règne de dictatures. Il y a cependant eu, à partir du moment où le P.C.U.S. (le 15 mars 1990) a renoncé à son « rôle dirigeant », des progrès sensibles dans la voie de la démocratisation : le pluripartisme effectif (pas à la chinoise) et le pluralisme de la presse écrite (parler de « liberté » serait excessif pour beaucoup de pays) sont des acquis des années 1990 dans presque tous les pays. En effet le modèle soviétique avait été l’alibi des dictatures – même « de droite » - entre 1970 et 1990.

 

 

L’Afrique noire et la justice

 

Solidarité mondiale pour sauver la femme condamnée à être lapidée selon la charia appliquée dans de nombreux États du nord de la Nigéria ; cette solidarité l’a sauvée.

 

La mondialisation c’est aussi la multiplication des territoires échappant au droit ordinaire : paradis fiscaux, pavillons de complaisance (Libéria surtout pour les Américains, Kerguelen surtout pour la France), zones franches…Par exemple au début de l’année 2002 la zone franche d’Antananarivo, la capitale de Madagascar, comptait 180 entreprises, 100.000 emplois et, selon le mensuel Economia (mai 2002), « assure la moitié des exportations industrielles du pays ». Zones franches aussi à Maurice (succès), à Dakar (échec), à Lomé… L’OHADA (Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires) a fait un travail remarquable en Afrique francophone pour faciliter le développement économique par l’harmonisation des législations, malgré l’insuffisance des fonds mis à sa disposition.

 

 

TROISIÈME PARTIE

 

MONDIALISATION ET CULTURE

 

EN AFRIQUE NOIRE

 

 

-         L’Afrique noire et les langues :

1.                       La francophonie (la moitié des francophones sont africains…). La francophonie est régulièrement célébrée dans des « grands messes » comme le sommet qui a eu lieu à Ouagadougou fin novembre 2004…mais pour les jeunes Africains désireux d’émigrer en France, en Belgique, en Suisse ou au Canada, la solidarité francophone est bien peu sensible : francophones ou pas, il leur est très difficile d’obtenir un visa pour se rendre dans les pays riches de la Francophonie.

2.                       Recul des langues ethniques. Essor des langues véhiculaires ou « nationales » africaines et des grandes langues internationales : anglais, français, portugais, arabe en ce qui concerne l’Afrique noire.

 

-         L’Afrique noire et les religions : deux mouvements religieux conquérants : le protestantisme (financé par les Américains) et l’islamisme (financé par l’Arabie saoudite). Le catholicisme et l’animisme sont sur la défensive. Apparition de nombreux mouvements prophétiques d’inspiration chrétienne.

 

 

 

QUATRIÈME PARTIE

 

ÉCONOMIE ET MONDIALISATION

 

EN AFRIQUE NOIRE

 

Deux particularités de l’Afrique noire :

 

-         Marginalité : L’Afrique noire ne que fait que 1 % du commerce mondial !!! (en 2004, selon diverses sources autorisées officielles). C’était 1,7 % en 2001 mais la part de l’Afrique Noire a fortement chuté (d’au moins 5 %) entre 2002 et 2004 tandis que la part globale des pays en développement grimpait de 15 à 20 % (selon la Banque Mondiale). Non seulement l’Afrique Noire est marginale, mais elle continue de se marginaliser rapidement. L’Afrique Noire, c’est 0,5 % des ventes de Microsoft : la « fracture numérique » est énorme. La place de l’Afrique Noire dans The International Herald Tribune.

 

-         Dépendance extrême c’est-à-dire plus forte que dans les autres groupes de pays « en développement » :

 

1.                        des bailleurs de fonds internationaux

 

2.                        des capitaux étrangers. Mais les investissements privés en Afrique Noire ne représentaient que 2% du « PNB » de la région (sans doute en 1999) contre 4 % en moyenne dans les autres pays en développement (selon la CNUCED). Une particularité de l’Afrique Noire : la très grand indigence de capitaux locaux et l’absence d’une bourgeoisie d’affaires assez nombreuse et assez riche pour stimuler un développement local et pour acquérir les entreprises lors des privatisations. Très grande pauvreté de départ et placement hors d’Afrique des capitaux amassés : on a vu plus haut que les sommes détournées par l’ex-président du Kenya arap MOÏ et son entourage ont pris des destinations dans toutes les parties du monde.

3.                        et des marchés extérieurs car le marché intérieur est le plus souvent très étroit et l’économie des pays dépend très largement de l’exportation de quelques produits, voire d’un seul, que ce soit le cacao et le café en Côte d’Ivoire, le coton et l’or au Mali, le coton au Burkina Faso, le pétrole en Nigéria, Angola, Guinée Équatoriale etc.). Cela fait que ces pays connaissent des cycles avec des variations brusques et de grande ampleur de leurs revenus (Congo-Brazzaville, Guinée Équatoriale, Côte d’Ivoire), rendant difficile toute prévision budgétaire. On en a eu récemment une illustration « géographique » de l’importance vitale du cacao et du café en Côte d’Ivoire avec l’intervention de l’armée française qui a permis de sauver pour le président élu ce qu’on pourrait appeler « la Côte d’Ivoire utile », c’est-à-dire les régions forestières du sud, productrices de cacao, de café et de bois: elles représentent moins de la moitié de la superficie du pays mais environ 85 % du P.I.B. (en tout cas plus des ¾ ; en incluant, bien sûr, les activités d’Abidjan, métropole du pays à tous les égards) : la presse a parlé à ce propos de « Gbagboland ». Le Sud n’a pas besoin du Nord pour vivre, mais le Nord a besoin du Sud…

 

La dépendance n’est plus coloniale et elle est de moins en moins néocoloniale car les partenaires se diversifient, mais elle se manifeste souvent par la conditionnalité des aides : dons, prêts concessionnels, réduction de la dette (I.P.P.T.E.), régime douanier de faveur (AGOA). Or dans certains pays l’aide extérieure apporte une part considérable du budget de l’État : 48 % par exemple au Mozambique en 2004. On comprend que dans ces conditions le gouvernement n’a pas vraiment les mains libres…

 

L’AGOA (Africa Growth Opportunity Act) est une loi américaine, votée à l’initiative du président CLINTON, qui donne accès au marché américain à des conditions très avantageuses à certains produits africains notamment les textiles, mais sous condition que les pays producteurs respectent toute une liste de critères (par exemple que les tissus ne soient pas faits avec des fils de coton non-africain, notamment chinois, me semble-t-il …mais je viens de lire – est-ce vrai ? qu’il faut que le fil de coton soit américain : j’en doute ; en tout cas les gouvernements doivent, pour que leur pays soit éligible, avoir une politique « libérale » au sens économique etc. – y compris politique). Chaque année le président des États-Unis dresse unilatéralement la liste des pays bénéficiaires et des produits concernés. Maurice a été sans doute le premier pays à en profiter. Madagascar a aussi été déclaré éligible mais c’était avant l’imbroglio politique qui a fait suite à l’élection présidentielle de 2002. Le gouvernement malgache en effet était devenu un des chouchous de la Banque mondiale, du F.M.I., de la France et des États-Unis. L’AGOA (qui est une loi à durée déterminée : jusqu’en 2008) a permis à certains pays africains d’accroître fortement leurs exportations vers les États-Unis : entre 2000 et 2001 : Afrique du Sud + 30 %, Lesotho + 53 %.

*** voir l’article du numéro de juillet 2003 d’Écofinance « Les mauvaises surprises de l’AGOA » et l’article de Pascal AYRAULT « Les hydrocarbures d’abord et avant tout » (L’Intelligent du 2 mai 2004, avec le sous-titre : « L’Agoa profite surtout aux États-Unis ».

Les États-Unis ont mis en place à Accra un Centre pour le Commerce en Afrique de l’Ouest (West Africa Trade Hub : WATH) « pour augmenter la compétitivité du commerce ouest-africain », promouvoir « les exportations de la région, surtout aux États-Unis sous l’égide de l’AGOA » et une « fluidification des échanges à l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest » (selon une annonce du WATH dans L’Intelligent du 5/12/2004). Ce centre est financé par l’Agence pour le Développement International des États-Unis (U.S.A.I.D.). Pour de plus amples informations, voir le site : www.watradehub.com

 

         Un des premiers à avoir proclamé ce type de conditionnalité est François MITTERRAND dans son discours de La Baule au sommet France-Afrique (juin 1990). La conditionnalité porte officiellement sur le respect des droits de l’homme, la démocratie et la bonne gouvernance. Mais en pratique elle porte aussi sur les avantages consentis aux pays riches (Union Européenne, États-Unis, Japon) et si ces avantages ne sont pas accordés on pourra mettre en avant le non–respect des droits de l’homme, le truquage des élections, les atteintes à la liberté de la presse ou la corruption.

 

 

 

 

 

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