GÉOGRAPHIE DE LA POPULATION

 

RETOUR A LA PAGE D’ACCUEIL

 

1.  LA DENSITÉ DE POPULATION

 

         C’est le rapport entre l’effectif d’une population et l’espace sur lequel elle vit. En français et dans la plupart des langues du monde, elle s’exprime en habitants par km²  (sauf, souvent, en anglais, exception d’importance, à cause de la réticence des Anglo-Saxons à adopter le système métrique). On peut la calculer au sein d’un État, d’une région, d’un département, d’une commune ou de tout espace défini.

 

N.b.: à titre de rérérence pour les comparaisons, la densité de population de la France en 2006 (métropole) est d’environ 111 habitants par km² : selon l’INSEE, la population de la France métropolitaine était en effet estimée pour le 1er janvier 2006 à 61 millions d’habitants sur 549.000 km².

 

 

 

A) LES ESPACES TRÈS PEU PEUPLÉS

 

 

1. LES RÉGIONS TRÈS ARIDES : DÉSERTS OU SEMI-DÉSERTS BIOLOGIQUES

 

         La densité de population est très faible dans certains milieux peu propices à la vie humaine comme dans les régions arides : le désert du Sahara, en Afrique, est le plus grand désert chaud du monde; comme l’Antarctide (le plus grand désert froid), c’est un désert biologique presque total : presque pas de plantes, presque pas d’animaux, presque pas d’hommes.

 

 

Étude d’une carte blanche du Sahara:

La feuille Tin Begane de la carte du Sahara de l’I.G.N. (français) au 1/200.000

 

         L’espace cartographié se situe en Algérie, au sud de Tamanrasset, dans la seule région de la terre où le thermomètre peut atteindre 70° à l’ombre (cf. Viers, « Éléments de climatologie », p. 150) : en tout et pour tout sur « un degré carré » (21-22 ° N, 5-6° E), soit ici 10 à 12.000 km² : 9 noms différents (en langue touarègue : le tamacheq), plus 2 « pistes », 3 bornes et 1 point astronomique. Aucune végétation. Parce qu’il ne pleut jamais ? Non ! La preuve : on voit un réseau « hydrographique » très dense, notamment dans le quart N-E. Il y a eu du vent la nuit que j’y ai passée au pied de la montagne de Tin Begane :  le lendemain nous étions comme les premiers habitants de la terre : aucune trace de voiture ni d’aucun être vivant (à part les balises, tous les kilomètres) pendant une très longue distance.

 

Projection de diapositives sur le Sahara algérien

Plateau duTademaït et plaine de Tin Begane comme exemples de désert biologique presque absolu, oasis du Mzab comme exemple d’îlots de peuplement urbain et de colonisation agricole au Bas-Sahara.

Si le Sahara est un vaste désert, il comporte des îlots de fortes densités : les oasis, qui sont souvent des villes.

 

         Si l’on étudie la densité de population dans le monde au niveau statistique des États souverains (appelés d’habitude « pays » dans le langage courant), ceux qui ont une densité très faible liée à un climat chaud et aride sont les suivants :  la Mauritanie, pays dont la plus grande partie est saharienne, n’a que 3,1 millions d’habitants pour un peu plus d’un million de km², soit 3 habitants par km² (en 2007). La  Libye est exactement dans le même cas : densité de 4 (6,2 millions d’habitants sur 1.762.000 km²). Plusieurs autres pays africains sont dans un cas semblable, à cause de l’étendue du Sahara sur leur territoire, même si les densités y sont un peu moins faibles : Tchad (8), Mali (d = 10), Niger (11) et Soudan (15).

 

Tous les chiffres qui précèdent et qui suivent sont des estimations pour le 1er juillet 2007 selon « 2007 World Population - Data Sheet », publié en août 2007 par le Population Reference Bureau.

        

         En Afrique australe deux pays ont une densité de 3  habitants par km² : la Namibie  et le Botswana; eux aussi sont largement couverts par des « déserts » : le désert de Namibe et le désert du Kalahari, mais ces « déserts » n’ont rien à voir avec le Sahara : le Kalahari reçoit presqu’autant de pluie que certaines régions de France (centre du Bassin Parisien, Languedoc, Limagne, Alsace); les conditions thermiques étant très différentes, le Kalahari est certes un espace aride, mais pas au point d’être un désert biologique : il est couvert d’une steppe boisée à Acacia comme le Sahel ouest-africain. Pour voir les paysages du Kalahari, on peut regarder les deux films botswanais (réalisés par un Sud-africain) « Les dieux sont tombés sur la tête » (1 et 2). Quant au Namibe, il reçoit aussi peu d’eau que le Sahara (c’est-à-dire presque pas), mais la température y est bien plus clémente et l’humidité de l’air y est très forte le long de la côte. Le climat peut certes expliquer le vide humain dans le désert du Namibe, mais pas au Kalahari.

 

         Il est très important de retenir que l’aridité d’un écosystème ne dépend pas seulement de la pluviométrie (c’està-dire du total des pluies et de leur répartition dans l’année). Elle dépend aussi :

-         de la température : plus il fait chaud,

·        plus l’évaporation de l’eau de pluie est rapide et importante, ce qui diminue l’apport d’eau à l’écosystème

·        plus les plantes et les animaux transpirent (leurs besoins en eau augmentent donc)

Cela signifie donc qu’à pluviométrie égale une  région peut être considérée comme aride ou subaride (subaride signifie : presque aride) si elle est chaude et une autre comme convenablement arrosée : par exemple la hauteur moyenne annuelle des pluies est sensiblement la même à Paris et à Ndjaména la capitale du Tchad (environ 600 mm) : pourtant le climat parisien n’est pas considéré comme spécialement sec alors que le climat de Ndjaména est considéré comme subaride ; c’est qu’il y a une grosse différence de température entre les deux villes : en moyenne annuelle : 11° à Paris contre 28° à Ndjaména.

-         de la perméabilité du sol, elle-même pouvant jouer de manière complexe...selon la composition granulométrique (argile, limon et sable), selon le type d’argile : kaolinite (argile blanche imperméable) ou montmorilllonite (argile noire gonflante, capable d’emmagasiner de l’eau qui peut ensuite être captée par les racines des plantes) et selon la profondeur du niveau imperméable.

-         de la pente….Sur un sol imperméable en pente, l’eau de pluie ruisselle : elle part vers l’aval et ne peut donc profiter à la végétation.

-         de l’exposition au soleil : plus l’énergie reçue du soleil est importante, plus il fait chaud et plus les besoins en eau des êtres vivants augmentent

-         de l’exposition aux vents : le vent, sauf s’il est très humide, est en général un facteur d’évaporation ; il accroît donc les besoins en eau des êtres vivants.

 

Pour caractériser un milieu naturel du point de vue de l’aridité, il convient donc de prendre comme critère la végétation (et plus généralement l’écosystème vivant) car ils intègrent tous les facteurs environnementaux.

 

         En Asie, la Mongolie est dans le même cas que les pays précédents du point de vue de la densité de population : 2  habitants par km², mais le désert de Gobi n’est pas un désert torride; c’est même un désert glacial en hiver. Au contraire les déserts d’Arabie et d’Oman poursuivent le Sahara vers l’est : ce sont des déserts arides et torrides.

 

         Généralement donc les régions très arides sont hostiles à toute sorte de vie, végétale et par conséquent animale, et ces régions sont très peu peuplées. Cependant on peut avoir de fortes densités locales : soit quand il y a des ressources en eau souterraines (plus ou moins profondes : exemples des oasis du Mzab, avec la nappe albienne), ou par le biais d’un fleuve allogène (l’Égypte « don du Nil » et le Pakistan « don de l’Indus ») ou encore des sources de pétrodollars ayant attiré l’immigration et permis la mobilisation de ressources en eau à grands frais (dessalement de l’eau de mer *, exploitation de ressources en eau profondes comme en Arabie devenue exportatrice de blé (**) ! ou en Libye avec la « Grande rivière artificielle », d’où les « déserts peuplés » comme Bahreïn*** (en 2007 : 800.000 habitants sur moins de 695 km²: petite île de 60 x 24 km selon les plus grandes longueur et largeur, d’où une densité de 1.098 hab/km² ), Koweït (156 hab/km² ), Qatar (80 hab/km²) ou les Émirats Arabes Unis (53). En Égypte la densité est de 73 habitants par km² en calculant sur l’ensemble du territoire mais en réalité de plus de 1.000 dans la petite partie du pays qui est habitée (vallée et delta du Nil: environ 1/20 de la surface du pays).

 

* Même si le coût du dessalement de l’eau de mer a été divisé par dix depuis 1994, ce mode d’approvisionnement en eau douce demeure assez onéreux et son utilisation est très concentrée géographiquement : la péninsule arabique détient le 2/3 de la capacité mondiale de production.  Mais le recours au dessalement progresse aux États-Unis, en Espagne, en Israël. La ville d’Alger qui connaît d’énormes problèmes d’approvisionnement en eau douce devait être dotée en 2007 d’une grande usine de dessalement (construite par l’entreprise américaine General Electric).

        

** La production de blé en Arabie saoudite est largement subventionnée par l’État. L’exportation n’est autorisée que s’il s’agit d’un blé non subventionné ou si la subvention a été remboursée à l’État. Voir à ce propos le Rapport du groupe de travail de l'accession du Royaume d’Arabie saoudite à l'Organisation Mondiale du Commerce  du 1er novembre 2005.

 

*** Bahreïn est le plus ancien producteur arabe de pétrole parmi les pays riverains du Golfe arabo-persique (première découverte en 1932) mais la production est tombée à 38.000 barils par jour en 2005. Mais Bahreïn reçoit de l’Arabie saoudite une quantité bien plus importante de pétrole à prix coûtant, qu’il revend sur le marché en empochant le bénéfice. Cette générosité du grand voisin a un coût politique…Il demeure que de nos jours l’économie de Bahreïn est fondée sur les services plus que, directement, sur le pétrole ; en fait, bien entendu, ce sont les pétrodollars de la région qui s’y investissent et s’y dépensent.

 

Autre cas encore: Israël (densité: 332), pays dont environ la moitié du petit territoire est occupé par le Néguev, un semi-désert, mais qui est un pays développé et un foyer d’immigration pour le peuple juif et aussi un foyer de concentration de capitaux (notamment américains).

 

         Noter qu’en Europe et dans les Amériques aucun État n’a la majorité de son territoire aride. Cela tient au fait que l’aridité est largement liée à la continentalité et affecte surtout l’Ancien Monde (en Afrique et en Asie, l’Europe étant le finisterre très découpé de l’Asie vers l’Océan Atlantique : donc un espace peu continental). Mais cela tient aussi au découpage des frontières : il y a des régions très peu pluvieuses dans les Amériques (Grand Nord canadien, vallée de la mort en Californie, désert d’Atacama au Chili, nord de la Patagonie en Argentine) mais ces régions sont incluses dans de vastes États dont le reste du territoire, plus étendu, est bien mieux arrosé. Il n’y a pas de région vraiment désertique en Europe, mais la moitié de l’Espagne et la Laponie sont tout de même très peu arrosées. En fonction des températures, certaines de ces régions sont soit de vrais déserts (Atacama), soit des semi-déserts (« déserts » de Californie et d’Arizona), soit des régions certes sèches mais non-désertiques du point de vue biologique (Espagne, Patagonie), soit encore des régions couvertes de forêts (Laponie) ou de toundras (Grand Nord canadien, nord de la Laponie). En Océanie les 2/3 du territoire australien sont arides : la faible densité de ce pays (3 habitants/km²) s’explique pour une bonne part par l’aridité.

 

 

2.   LA FORÊT ÉQUATORIALE

 

         La forêt équatoriale est très souvent aussi un domaine peu peuplé :

·        Amazonie en Amérique

·        En Afrique: massif forestier congolais lato sensu et confins Côte d’Ivoire-Libéria (massif forestier libéro-éburnéen, au sein duquel se trouve le Parc National de Taï, en Côte d’Ivoire)

·        En Asie la forêt de Bornéo, de Sumatra et de la Nouvelle Guinée (pays ainsi nommé parce qu’il ressemble à la partie de l’Afrique appelée Guinée – la côte atlantique du Cap Vert à l’Angola – par au moins trois caractères : climat chaud et pluvieux, végétation de forêt dense sempervirente, population noire).

 

 

Étude de la feuille Pikounda de la carte de l’Afrique Centrale au 1/200.000 de l’I.G.N. (français)

 

La ligne qui limite la carte au sud est l’Équateur (latitude 0°).

La longitude - entre 16 et 17 ° Est - est la même que celle de Vienne, la capitale de l’Autriche.

 

 

         L’espace cartographié se situe dans la Région de la Sangha dans le Nord du Congo (Brazzaville). Autant la carte de Tin Begane (cf. supra) est blanche, vu l’absence totale de végétation, autant celle de Pikounda apparaît comme vert foncé : la forêt équatoriale (sous différents faciès : forêt de terre ferme « intacte » ou dégradée, forêt inondée plus ou moins longtemps durant l’année) occupe la  quasi-totalité de l’espace, révélant la très faible occupation humaine. : en tout et pour tout sur « un degré carré » (0-1° N, 16-17° E), soit ici environ 12.000 km² (une superficie égale à celle de l’Ile-de-France ou encore à 2 départements français moyens) : 41 toponymes (en langue bantoue : les Sangha sont l’ethnie bantoue occupant les rives du fleuve Sangha et les hameaux bordant la piste menant à Ékwamou; le long de la Likouala, c’est le domaine de l’ethnie bantoue des Likouala ; les Bantous sont agriculteurs, chasseurs et pêcheurs et occupent tous les emplois salariés ; mais la région est aussi peuplée de Pygmées, chasseurs-cueilleurs-pêcheurs nomades, qui sont sous la domination des Bantous). De nombreux campements sont notés le long des plus grandes rivières : ce sont des campements saisonniers de pêcheurs (bantous ou pygmées). Le poisson pêché est fumé (boucané) pour être vendu aux commerçants qui voyagent sur les bateaux qui descendent vers Brazzaville ( à 6 jours de navigation vers l’aval).

                                                                                                                           

         La carte de Pikounda est un exemple de ces nombreuses régions de forêt équatoriale comportant de vastes espaces totalement vides d’hommes résidents, mais où l’on trouve souvent un peuplement nomade de chasseurs-cueilleurs non-agriculteurs (les Pygmées en Afrique équatoriale), sauf dans des milieux particuliers comme la forêt inondée, si présente sur la carte de Pikounda, où même les Pygmées ne s’aventurent guère : la « vasière » congolaise est un désert humain absolu ; voilà pourquoi a pu naître la rumeur qu’elle abriterait encore des dinosaures vivants : c’est la légende du mokélé-mbembé qui hanterait les parages du lac Télé (à 100 km au nord-est de Pikounda). Plusieurs expéditions ont été faites par des Américains et des Congolais pour voir ces fameux dinosaures ; plusieurs des membres de ces expéditions prétendent en avoir vu mais aucun n’a réussi à en photographier, ce qui a fait écrire au journal Nice-Matin, à propos de l’une de ces expéditions, que « le dinosaure du lac Télé a impressionné les militaires congolais mais pas la pellicule photographique » !

 

         Les vraies forêts « vierges », celles qui n’ont jamais été parcourues par l’homme, n’existent pratiquement plus sur terre…mais il est possible qu’il y en ait sur la carte de Pikounda car la plus grande partie des forêts ici cartographiées sont des forêts marécageuses, ce qui rend extrêmement difficile leur pénétration par l’homme. Sur terre ferme on ne trouve plus guère de forêts vierges au sens propre, mais on peut encore trouver des forêts dites primaires : on entend par là qu’elles n’ont jamais été défrichées par l’homme.  Le qualificatif primaire s’oppose à secondaire...et à planté : une forêt secondaire est une forêt qui a repoussé sur l’emplacement d’une forêt qui a été abattue par l’homme : c’est le cas de la majeure partie des forêts équatoriales. Ces forêts secondaires se distinguent des forêts primaires de plusieurs manières : notamment par la densité des végétaux (plus forte en forêt secondaire) et par la composition floristique : le peuplement comporte davantage d’espèces dites « de lumière » ou « héliophiles », c’est-à-dire  qui croissent bien mieux si elles peuvent capter directement le rayonnement solaire ; parmi ces espèces on peut citer le palmier à huile (très utile à l’homme) et le parasolier (moins utile). En observant la forêt le géographe ou le botaniste averti peut détecter ces particularités dues à l’intervention de l’homme : il s’agit d’une anthropisation du paysage biologique.

 

 

         En ce qui concerne la densité par État, c’est la même chose que pour les déserts biologiques : les densités sont très faibles sans jamais être nulles car il n’y a pas d’État sans hommes quelque part : par définition un État ne peut avoir une densité nulle.

 

Exemples d’États équatoriaux très peu densément peuplés

(Rappelons ici que les chiffres de population sont en évolution constante et souvent rapide : il est donc particulièrement important de les dater et de chercher les chiffres les plus récents ! Ceux que nous donnons ici sont des estimations pour le 1er juillet 2007 cf. supra)

 

- en Afrique: Gabon (d = 5), Congo-Brazzaville (11), Guinée équatoriale (18), Congo-Kinshasa (27)

 

- en Océanie: la Papouasie-Nouvelle Guinée (d = 14)  = la moitié est de la Nouvelle Guinée et les archipels proches, notamment au nord-est (le nom « papou » vient du malais pupawa = crépu)

 

- en Amérique: les trois Guyanes: Guyane (d=2), Suriname (3), Guyana (4), et le Brésil (22) où la moitié seulement du territoire est couvert par la forêt équatoriale (le nord-ouest).

 

         Voilà pourtant des régions où il fait chaud et où il pleut toute l’année: l’homme n’y a pratiquement jamais froid, la végétation est abondante : on peut faire plusieurs récoltes par an, la faune est variée et pourtant, ces régions sont à la fois des déserts humains et des espaces où la densité des êtres vivants est maxima...ceci reste mal expliqué. En réalité l’homme est un animal peu fécond (la femme ne peut se comparer à la lapine ou à la souris... pour s’en tenir aux mammifères) et il n’a pu « exploser » démographiquement qu’en diminuant sa mortalité (l’essence de l’humanité, c’est la lutte organisée contre la mort : les greniers sont les ancêtres de la sécurité sociale; la médecine; l’organisation des secours) grâce à l’organisation étatique, elle-même liée à la naissance des villes, à la surpopulation par rapport au mode de vie prédateur, surpopulation nécessitant  pour la survie des individus (et non plus de l’espèce) une organisation sociale avec spécialisation de plus en plus poussée du travail (métiers), et aux facilités de communication. Or les communications sont beaucoup plus difficiles en forêt équatoriale (visibilité). Pratiquement tous les grands États africains précoloniaux, par exemple, se sont développés en milieu ouvert (savane ou steppe).

 

 

Remarques concernant les autres animaux (que l’homme)

 

1. L’agriculture et l’élevage ne sont pas le propre de l’homme : certaines espèces de fourmis et de termites, dites « champignonnistes », cultivent des champignons; certaines espèces de  fourmis élèvent des pucerons.

 

 

2. L’habitat « urbain » n’est pas le propre de l’homme :

 

* Parmi les mammifères ont peut citer : 1) les castors qui vivent en colonies nombreuses constituées de terriers ou de barrages sur les rivières, avec des huttes (par exemple au Canada) 2) Les chauves-souris dont certaines espèces vivent en colonies très nombreuses, par exemple en Afrique équatoriale  (mais dans leur cas il n’y a guère d’aménagement ).

* Parmi les oiseaux ont peut citer les colonies de passereaux de la famille des Plocéidés (à laquelle appartiennent nos moineaux) qui peuvent compter, selon certaines sources, jusqu’à plusieurs millions d’individus : tisserins  (Ploceus spp.) dont une espèce porte le nom usuel d’oiseaux-gendarmes ou encore les oiseaux mange-mil (Quelea quelea, toujours de la famille des Plocéidés).

* Parmi les insectes : les termites, les fourmis et autres insectes dits « sociaux » (comme les abeilles) vivent en villes où les problèmes d’environnement (évacuation des déchets, pollution atmosphérique) doivent être résolus par un travail d’entretien et une architecture particulière.

* On peut citer, avec des caractéristiques différentes, les colonies de pingouins et de manchots (ici pas d’aménagement), ou les peuplements d’araignées sociales du Congo et du Gabon (rappelons ici que les araignées ne sont pas des insectes !).

 

3. La spécialisation s’observe aussi chez les insectes sociaux (termites, fourmis, abeilles) et chez les mammifères (ex : les cynocéphales ou babouins), voire chez les rats (maîtres et esclaves).

 

4. La médecine existe chez les animaux: ils savent se soigner de certaines maladies (par exemple par consommation de certaines plantes: cf. les chiens) et il est même probable que les mères de certaines espèces animales savent administer la médecine à leurs petits, mais cela reste très limité, embryonnaire.

 

                Mais de ces 4 points de vue l’homme va bien plus loin que les autres animaux aussi bien pour l’importance relative du phénomène que pour la variété de ses formes.

 

 

                Toutes les familles d’animaux citées ci-dessus (sauf les babouins, les pingouins et les araignées sociales) comptent infiniment plus d’êtres vivants que l’espèce humaine (on a tendance à l’oublier); mais on ne peut pas dire (au stade historique actuel, ne préjugeons pas de l’avenir !) que ces animaux dominent l’homme car chacun de leurs individus est beaucoup moins puissant qu’un individu humain, de même que les États-Unis sont actuellement plus puissants que la Chine tout en étant 4 fois et demi moins peuplés.

 

                Noter que le milieu d’origine de l’homme est la forêt équatoriale (nos vêtements ont pour fonction de reconstituer pour notre peau un micro-climat équatorial...) où sont restés nos plus proches parents (le bonobo, les chimpanzés communs et les gorilles).

 

cf. sur cette question: Josef REICHHOLF (biologiste et écologue de l’Université de Münich): « L’émergence de l’homme », collection Champs, Flammarion, Paris, 1993, 356 p.

 

 p. 61: « les primates sont avant tout des habitants de la forêt. Leurs aptitudes particulières s’expliquent en fonction des exigences qu’impose la vie dans celle-ci. L’australopithèque était donc un dissident par rapport à la ligne générale, un dissident qui, en dépit de multiples adaptations ancestrales à la vie dans la forêt, prit le chemin de la savane ».

 

 p. 64: « l’écart génétique qui nous sépare du singe anthropoïde est infime. Le génotype de l’homme n’a que 1,2 % de différence avec celui de son plus proche parent le chimpanzé et 1,4 % avec celui du gorille ».

 

 p. 65: « le bonobo est le plus proche de l’homme. On pourrait à bien des égards le considérer comme une copie simplifiée de l’australopithèque... » La carte WWF/IZCN/UICN « Connaître et protéger la richesse naturelle du Zaïre » dit, à propos du « chimpanzé pygmée » ou « nain » (Pan paniscus) :  « Le chimpanzé pygmée, ou Bonobo, vit exclusivement au Zaïre*. C’est l’un des plus proches parents de l’homme. Le parc national de la Salonga, dans la région équatoriale, a été établi, en 1970, pour protéger le chimpanzé pygmée. Avec ses 36.000 km², la Salonga est le deuxième parc du monde par la taille et l’une des quatre réserves naturelles du Zaïre désignées par l’Unesco comme bien du patrimoine mondial (c’est-à-dire régions d’importance universelle). Le chimpanzé pygmée est comparable, par la taille, aux autres espèces de chimpanzés, mais il est beaucoup plus rare et sa face est noire. Comme bien des espèces vivant dans d’épaisses forêts tropicales humides, il fallut attendre longtemps pour qu’il soit décrit comme espèce distincte, ce qui fut fait en 1929 seulement ».

 

* Zaïre : aujourd’hui, comme avant, République démocratique du Congo (capitale: Kinshasa), ancien Congo belge, à ne pas confondre avec la République du Congo (capitale: Brazzaville), ancien Congo français.

 

 

                Mais précisément, même en faisant abstraction de la chasse éhontée que l’homme leur livre actuellement, mettant en danger la survie de ces espèces si proches de nous, ces animaux, peu prolifiques comme nous, n’ont pas, eux, bénéficié de l’explosion démographique liée à la révolution néolithique et à l’organisation étatique : pensons aux éléphants, aux lions, aux baleines: l’homme est le seul grand mammifère à avoir su créer les conditions d’un essor démographique extraordinaire par la diminution de sa mortalité en modifiant ses habitudes alimentaires (abandon de l’économie prédatrice) et en complexifiant son organisation sociale.

 

         Nous avons été amené à parler de tout cela pour souligner que le milieu équatorial , en soi favorable à la vie puisque c’est là que la biodiversité est la plus grande, n’a été favorable à l’homme que jusqu’à un certain point (à l’origine), mais que par ailleurs il a sans doute joué comme un obstacle à la croissance démographique en tant que milieu peu favorable aux communications, mais aussi en tant que milieu « douillet » ne nécessitant pas une organisation sociale poussée : ressources alimentaires toute l’année, possibilité de se cacher pour échapper aux prédateurs, du reste peu nombreux pour l’homme dans cette forêt : la panthère en Afrique, le jaguar en Amérique et le tigre en Asie sont les seuls carnivores dangereux pour l’homme, les autres grands animaux étant phytophages comme l’éléphant ou omnivores mais peu carnivores comme le chimpanzé et le gorille). Pays sans greniers et sans cheptel ces régions de forêt équatoriale étaient des régions sans capital : il n’y avait pas besoin de hiérarchie ou d’organisation militaire pour gérer et protéger des biens communs vitaux comme dans les pays à longue saison sèche ou à hiver prolongé où la production n’a lieu chaque année que pendant un laps de temps assez bref.

 

         Beaucoup de scientifiques ont mis en avant le complexe pathogène pour expliquer le sous-peuplement des milieux équatoriaux : ce complexe y est, effectivement, plus riche, plus varié en milieu équatorial (mais est-ce suffisant comme explication ? On peut en douter car l’homme est originaire de la forêt équatoriale (cf. supra). La trypanosomiase a joué un rôle important, certes, mais seulement en Afrique (cf. chapitre de Reichholf – op. cit. –sur la mouche tsé-tsé, et thèse de Gilles SAUTTER : « De l’Atlantique au Fleuve Congo »). Or l’Amazonie et Bornéo aussi sont très peu peuplées : le rôle de cette maladie ne peut être la seule explication du sous-peuplement des régions équatoriales.

 

         L’explication est plutôt dans les conditions de la première explosion démographique de l’humanité, celle permise par la révolution néolithique (agriculture, élevage, artisanat) et l’apparition des villes et des États (et de la guerre). La seconde révolution technique, la révolution industrielle, née en Europe occidentale à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècles a entraîné uns seconde explosion démographique, la mortalité baissant bien plus vite que la natalité.

 

         D’une manière générale donc, en milieu tropical, les savanes sont (ou étaient) plus peuplées que les forêts. Mais après avoir énoncé cette « vérité générale » souvent (mais pas toujours !) vérifiée, il faut dire tout de même qu’il s’agit en partie d’une tautologie puisque bien des savanes sont anthropiques et qu’il est bien rare, où qu’on soit sur la terre, que la forêt subsiste là où la densité humaine est forte ! Et que d’autre part il y a des savanes presque désertes comme sur le plateau de M’Bé au Congo ou celles de l’Angola, pays presqu’entièrement couvert de savanes et dont la densité n’est que de 13 habitants par km²)...Troisièmement l’économie moderne a bouleversé la donne : la plupart des grandes cultures « coloniales », aujourd’hui « commerciales » des pays tropicaux ont pour zone écologique la zone tropicale humide, c’est-à-dire celle où règne le climat équatorial, d’où l’accumulation de population dans les zones agricoles consacrées à ces cultures (côte du Libéria, Basse Côte d’Ivoire, Bas-Ghana, Bas-Nigéria). Dans ces régions joue aussi l’attrait de la côte car il se trouve que ce sont les régions côtières qui ont un climat équatorial favorable à l’économie de plantation : le Bas-Togo et le Bas-Bénin, qui sont une fenêtre de savanes sur l’Océan, sont aussi très peuplés. La création, par la colonisation européenne, d’une économie extravertie utilisant les ports comme lieux de contact priviliégiés avec l’extérieur, a entraîné depuis le début du XXème siècle une migration très importante de l’intérieur du continent africain vers les régions côtières.

 

 

         Noter d’une manière générale - nous ne parlons plus ici des seules régions très peu peuplées -

 

que la signification de la densité n’est pas la même selon la distribution du peuplement dans l’espace:

 

-         Elle a vraiment un sens dans les pays ruraux à peuplement étalé (comme en pays serer au Sénégal cf. carte de la région de Thiès, ou en pays mossi au Burkina Faso cf. carte de la région de  Boulsa ** (cette dernière est disponible à la Cartothèque de l’Université Paris 8, au Département de Géographie).

 

-         Mais c’est très différent quand le peuplement est concentré soit en noyaux (pays du Niari au Congo-Brazaville) soit linéaire (le long des rares routes et/ou rivières en Afrique centrale): cf. cartes de la thèse de Gilles SAUTTER, cartes des régions de Koulamoutou (Gabon/Congo) et Ndendé (Gabon/Congo) : dans ces cas il eput être plus intéressant de calculer la densité par km de route (kilomètre linéaire) plutôt que par km².

 

-         Intérêt, pour faire des comparaisons entre des régions différentes, de calculer la densité sur l’espace utilisé par l’homme (mais à quelle fin ?: agricole, élevage, chasse, énergie, tourisme, militaire ?). On voit que la notion de densité est très complexe et mérite diverses approches complémentaires.

 

 

RETOUR A LA PAGE D’ACCUEIL