LA GRANDE ILLUSION

Le fanzine de RESF 67

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Les médias : Des entreprises de farces et attrapes

Les « discours de vérité » sont ces lieux communs, ces préjugés, ces mensonges, utilisés par les médias, qui satisfont les croyances populaires, nous endorment en créant des pensées formatées, normalisées, et nous laissent entrer dans une douce léthargie, où une des solutions qui s’offre à nous est le mutisme. Un mutisme qui se caractérise par cette volonté ou ce sentiment de n’avoir rien à dire (car bien des autres s’en charge).

 

Les médias, nous assomment de désinformations populaires qui ne font qu’assimiler des données inassimilables. Devenus des entreprises totalitaires de contrôle des cerveaux, ils créent un monde imaginaire qui couvre les intérêts de certains au dépend de la réalité dont sont victimes la majorité.

Noyés sous une masse d’informations stéréotypées, nous ne pensons plus par nous même mais consommons de la « marchandise discursive ». Notre parole est aliénée par celui qui pense nous représenter. Notre condition de sujet parlant s’essouffle, nos pensées sont étouffées, nos mots congédiés….

Dans les années 70 Debord parlait de « société du spectacle ». Aujourd’hui, le spectacle du monde médiatique, à la botte des gouvernements, est devenu la plus grosse société de farces et attrapes. Fabrication d’images, d’informations, d’individus, rien ne lui échappe tant que ses créations satisfont les intérêts des dominants et cultivent un sentiment de peur à l’égard des dominés.

C’est face à ce triste constat que nous avons décidé d’inverser l’ordre du discours, rompre avec la représentativité des paroles et la laisser à ceux et à celles qui ne l’ont pas. Cette fanzine n’a pas pour but de « devenir les récupérateurs compatissant de ces gens sans voix (…) Nous avions à bousculer l’ordre du discours de manière à ce que la pluralité des discours entrent en guerre» (Michel Foucault). Par cette prise de parole, il ne s’agit pas d’inculquer aux lecteurs de cette fanzine des informations qui leur manqueraient mais de faire valoir un savoir-Autre sur les conditions de vie des personnes sans papiers, afin que les responsables de la situation se trouvent dans l’obligation de rendre des comptes. Il s’agit donc, à travers cette fanzine, de donner la parole aux personnes étant directement aux prises avec la problématique des personnes en situation dite "irrégulière" (personnes sans papiers, militants, professionnels…) afin de rompre avec les discours dominants qui tendent sciemment à assimiler l’étranger à un menteur potentiel, à un délinquant ou encore à un terroriste pour pouvoir mieux l’exclure puis l’expulser.

 

L’étranger assimilé à un menteur potentiel.

En octobre 2007, la loi relative à "la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile" franchit un cap en assimilant l’étranger au menteur potentiel. Pour faire une demande de séjour dans le cadre du regroupement familial, il est à présent demandé à la personne (en cas d’absence de papier officiel ou de « doute sérieux ») de recourir à un test ADN afin de prouver sa filiation avec sa famille installée en France. Derrière ce dispositif, pour l’instant expérimental, mais qui sera sans aucun doute pérennisé en 2010, on peut distinguer sans grande difficulté l’idée gouvernementale selon laquelle, les mots ne suffisant plus, il est nécessaire de contrôler génétiquement un individu, car dans l’incapacité de lui faire confiance. Suspecté d’être un menteur (par naissance) l’individu faisant une demande de séjour n’est plus soumis au contrôle parce qu’il est un individu mais bien parce qu’il est un individu étranger.

 

D’autre part, en juillet 2007, une nouvelle circulaire oblige tous les agents de l’ANPE à contrôler les papiers de personnes étrangères et à les transmettre à la préfecture. En novembre 2007, la préfecture de Haute-Garonne a constitué des « référents » dans les différents services publics du département (CAF, CPAM, URSSAF, DDASS….) afin que ceux-ci puissent dénoncer à la police les personnes qui semble être en situation irrégulière.

J’en passe…et des meilleurs. Est-ce utile de rappeler les différents dispositifs européens comme le système EURODAC chargé de comparer les empreintes digitales des demandeurs d’asile et des personnes considérées comme « clandestines » afin de lutter contre ceux qui sont appelés les « faux réfugiés » ?A travers cette liste, bien sûr, non-exhaustive que peut-on voir, si ce n’est une volonté du gouvernement, assisté par les médias, d’assimiler la personne étrangère au menteur potentiel qu’il est nécessaire de contrôler ?

 

L’étranger assimilé à un délinquant

La criminalisation des personnes en situation irrégulière a commencé à se développer peu de temps avant l’élection présidentielle de 2007, par la prise en charge, par le ministère de l’Intérieur , de la politique d’immigration. En assimilant la question des personnes dites « sans papier » à la police, le ministère faisait taire toutes questions d’ordre historique, sociale et multiculturelle liées à l’immigration. Assimilant directement les personnes en situation irrégulière à la politique ultrasécuritaire, les masses-médias transformèrent l’étranger en un délinquant satisfaisant et flattant de fait, les idées nationalistes de fafounets en quête de « nettoyage ». La grande illusion commençait.

En décembre 2007 la création du fichier ELOI (comme ELOIgnement, ça fait plus politiquement correct qu’un fichier nommé EXPULS !!!) permet une nouvelle fois d’accentuer le contrôle des personnes en situation dite "irrégulière". En plus de ficher, entre autre, les enfants des personnes étant amenés à être expulsées, ELOI comprend des données sur la « nécessité d’une surveillance particulière au regard (des personnes en situation irrégulière venant menacer) l’ordre public ». Une nouvelle fois, l’étranger expulsable est assimilé au délinquant.

Pour couronner le tout, la création et la multiplication constante en France et en Europe des centres de rétention administrative ; ces lieux cachés, fermés, grillagés où (sur)vivent des centaines de personnes prêtes à être ELOIgnées, tend encore une fois à assimiler la personne sans papier au criminel. La dénomination (tout comme l’organisation architecturale) des centre de rétention est tellement proche de celles de centre de détention, qu’il est difficile ici, de ne pas voir un tour de passe-passe de l’Etat afin d’assimiler le retenu au détenu... Des retenus que le gouvernement criminalise et enferme dans des lieux cachés (A Geispolsheim, il est impossible de savoir qu’il y a un CRA, si nous n’en n’avons pas été informé au préalable. Celuici est en effet, invisible de la route et caché par de la végétation) car venant menaçer l’ordre public et « l’identité national-iste ».

 

Diviser pour mieux régner

En contrepartie de cette criminalisation des personnes dite « sans papier », et afin de renforcer la scission entre les « bons » et les « mauvais » immigrés, le ministère de l’immigration et de gnagnagna gnagnagna, crée par un arrêté du 16 juin 2008 « le prix de l’intégration » décerné (avec à la clé, une somme de 3000 euros) à ceux « ayant accompli un parcours personnel d’intégration ayant une valeur d’exemplarité de par son

implication dans la vie économique, sociale, associative, civique, environnementale, culturelle ou sportive». Quelle est cette nouvelle catégorie de personnes qui est, une nouvelle fois stigmatisée, comme si elle présentait des difficultés insurmontables à « s’intégrer » ? Quelle est cette catégorie de personne à qui l’on montre une belle carotte de 3000 euros pour mieux mettre un coup de matraque a celui qui a choisi une autre

direction (non pas plus mauvaise, ni meilleure, mais tout simplement une autre). Comme le note très justement l’appel contre ce décret, « nous refusons par avance ce type de distinction qui n’est pas sans rappeler la figure coloniale de "l’évolué" chargé d’assurer la médiation entre le "civilisateur" et la "masse indigène" à civiliser* »

C’est face à cette montée constante de la fabrication de la personne en situation irrégulière en tant que menteur, suspect, délinquant, criminel, terroriste ou encore indigène qu’il est nécessaire de donner la parole aux personnes considérées comme tel par le gouvernement afin de contrecarrer les discours dominants des masses médias qui ne cherchent qu’à servir les intérêts des politiciens et créer un monde ultra-sécuritaire où la division des individus ne fait qu’accentuer le règne de l’Etat.

 

Kichotte

* Texte d’appel : Nous ne sommes pas des modèles d’intégration