A Massy, 400 salariés en situation irrégulière "ne se cachent plus" en ralliant la CGT

LE MONDE | 25.02.08 | 11h12

 

Ils sont entre "camarades". Leur français n'est pas "terrible" mais ils parlent déjà leur nouvelle langue, celle de la CGT.

Jeudi 21 février, dans une salle sans âme la Bourse du travail de Massy (Essonne), une centaine d'Africains, une poignée de femmes, écoutent religieusement les conseils de leur nouveau "patron" : Raymond Chauveau, secrétaire général de l'union locale. Face à eux, il égrène les consignes pour éviter "un vol direct Paris-Bamako" : interdiction de se rendre tout seul à la préfecture même avec une promesse d'embauche. "Compris ?", lance-t-il à la salle.

La plupart de ces Africains sont syndiqués depuis peu, car ils ne veulent plus "se cacher" mais s'organiser, se mobiliser. Ils ont les mêmes parcours, parfois les mêmes noms, un travail, un contrat (embauchés avec de faux papiers), une carte Vitale, une feuille d'imposition mais… pas de titre de séjour. Ils ont vu à "la télé" le combat des 68 ex-salariés sans papiers de Buffalo Grill, durant l'été 2007. "On a su qu'ils étaient à la CGT-Massy, raconte Daouda Traoré, cégétiste depuis peu. Le syndicat nous aide à nous défendre!" "La CGT peut nous obtenir un minimum de droits", ajoute un autre.

 

Par ailleurs, depuis septembre 2007, l'union locale a écumé les foyers de travailleurs immigrés pour les persuader de se syndiquer, "car nous voulons obtenir la régularisation de tous les travailleurs sans papiers", insiste M. Chauveau. Et ça marche. Selon lui, 400 d'entre eux sont à la CGT-Massy.

 

Ce jour-là, les sept cuisiniers du restaurant parisien de la Grande Armée, qui ont appris leur régularisation le 18 février après six jours de grève, sont présents. "Félicitations !", lance la salle qui se lève et applaudit. "Vous voyez camarades, c'est possible, lance M.Chauveau. Il faut continuer à se mobiliser. Parlez-en à tous vos cousins, à vos amis." Aux Africains, il explique comment se sont déroulées les négociations entre la préfecture de police de Paris et la direction du restaurant. "Nous avons donné une photocopie du passeport, quatre photos et un certificat d'hébergement, lance M.Chauveau. La direction a amené un contrat de travail et les feuilles de paie. C'est à vos patrons d'agir !" C'est une condition sine qua non que demandent les préfectures, en application de la circulaire du 7 janvier pour régulariser.

 

Les questions fusent : "Mamadou Traoré, travailleur sans papiers. Je vois que vous étiez nombreux, moi je suis le seul en situation irrégulière dans l'entreprise. Comment je fais?" Un autre ajoute : "Je veux faire une grève mais les collègues ont peur." "Vous êtes combien de sans-papiers dans votre boîte?", demande M.Chauveau. "Trente!" Rire général. Autre question : "Moi, mon patron veut m'aider, mais il a peur d'aller à la préfecture." De nouveau la salle éclate de rire.

 

M. Chauveau répond tranquillement à toutes les interrogations. "On ne va pas vous abandonner", promet-il. Un homme l'interrompt : "Moi, je me suis fait licencier. Mes collègues aussi. Je fais comment ?" "On va commencer des actions devant les prud'hommes", assure-t-il, avant de rappeler : "N'oubliez pas de vous syndiquer !" La réunion terminée, le cégétiste est dans son bureau. A sa porte, c'est la bousculade. Il appelle un par un les employeurs des sans-papiers. A un patron : "Vous voulez l'aider ? Vous êtes prêt à vous rendre à la préfecture ?"