Élections 2007:
peut-on contester dans les urnes ou faut-il contester dans la rue ?
Face aux nombreuses attaques actuelles contre toutes nos conquêtes sociales, ce ne sont pas les élections qui changeront les choses et arrêterons les capitalistes.
Contrairement à ce que certains croient encore, aucun des partis éligibles ne souhaite remettre en cause cette logique libérale, tous ont signés les accords européens sur la libéralisation de ces activités !
Aucune dynamique de résistance ne se mettra en route dans les urnes, comme d’habitude, nous n’aurons que ce que nous saurons gagner dans la rue. Et ce n’est pas un tribun médiatiquement populaire qui nous sauvera, contrairement à ce que certains essayent de faire croire en appelant les libertaires à soutenir l’icône médiatique Bové !
Vous trouverez ci dessous la tribune publiée dans Libération le 21 février pour répondre à "l’appel aux libertaires" signé par le pseudo-philosophe pseudo-libertaire Onfray le 1er février dans Politis.
La fausse bonne idée de la candidature Bové
Le 1er février paraissait dans Politis un
« appel aux libertaires » à voter pour José Bové, candidat à la
présidence de la république.
Rédigé par Michel Onfray et Yannis Youlountas « en tant que libertaires
», ce texte expliquait pourquoi il fallait soutenir leur candidat. D’une
part parce qu’il était sincère, courageux et dévoué – ce que nous ne lui
dénions pas, et la répression dont il est victime en témoigne – d’autre
part parce que « sa parole porte celle des mouvements sociaux » – ce qui
est erroné, puisque jusqu’à preuve du contraire ces derniers ne lui ont
rien demandé, ni à lui ni à aucun autre candidat.
Syndicalistes et/ou militants des mouvements sociaux, par ailleurs
communistes libertaires, nous avons été en quelque sorte doublement
sollicités par cet « appel », dont la vacuité politique est, à notre
sens, symptomatique de l’illusion que constitue l’aventure électorale de
José Bové. Car que nous dit ce texte ?
La moitié est une apologie de la
personnalité du champion, « tout sauf un produit politique stéréotypé »,
« élevé au lait de Bakounine », qui « persiste à oser l’illégalité quand
elle est légitime ». Le reste est un assemblage de vieilles lunes sur
les « électrons libres » qui veulent s’« alterorganiser », ou de
poussives considérations existentielles sur la valeur du vote et de
l’abstentionnisme – pour notre part nous nous pensons que là n’est pas
l’essentiel et nous refusons d’opposer, notamment dans les mouvements
sociaux, ceux qui votent et ceux qui ne votent pas.
Mais dans ce texte rien, rigoureusement rien n’est dit sur la possible
utilité politique d’une telle démarche. À aucun moment les rédacteurs de
cet « appel aux libertaires » ne posent la seule question qui peut
intéresser les libertaires : dans quelle mesure une candidature
présidentielle peut aider à développer les luttes et les mouvements
sociaux ? Pour notre part nous pensons que la candidature de José Bové
est une fausse bonne idée. Qu’il fasse 2%, 10%, devienne secrétaire
d’État ou ministre, ou que se crée autour de lui un « nouveau parti
antilibéral à la gauche du PS », sa logique est de conduire les
mouvements sociaux sur un terrain institutionnel qui leur est étranger,
et où ils sont toujours battus.
Une fois encore, on jette de la poudre aux yeux en agitant l’idée
absurde que l’on va gagner dans les institutions ce que l’on n’a pas
réussi à gagner dans les luttes. Tout ce qu’on va réussir à prouver,
c’est que le tribun fameux qu’a été José Bové pendant trente ans sur le
terrain des luttes sociales et syndicales, peut devenir un inoffensif
myrmidon dans le jeu politique institutionnel. Et, dans la foulée,
minorer le poids des mouvements sociaux si on réussit, par une
entourloupe médiatique, à le faire passer pour leur porte-voix. Sans
hésiter, nous préférions le José Bové qui, il y a sept ans, qualifiait
de « débile » l’intention qu’on lui prêtait alors de se présenter à la
présidentielle, expliquant que « pour peser, il faut se situer à côté du
système politicien » [1].
Au bout du compte, l’aventure électorale de José Bové est le révélateur,
en creux, d’une carence fondamentale des mouvements sociaux : s’ils ne
portent pas, par eux-mêmes, leur propre projet de société, ils laissent
à d’autres la possibilité de jouer les intermédiaires. L’enjeu est
pourtant de taille : que les pratiques extra-institutionnelles de cette
« gauche de la rue » (grèves, blocages, actions radicales, assemblées
générales…) s’articulent à un projet de transformation sociale
identifiable. Si la « gauche de la rue » reste muette sur la question,
elle engendrera épisodiquement, à son corps défendant, des épiphénomènes
tels que cette cette candidature Bové. Plus systématiquement, elle se
contentera d’être la spectatrice désabusée d’une gauche gouvernementale
qui, comme en France en 1981 et 1997, comme avec Lula au Brésil, la
conduira à l’impasse.
Nicolas Dreyer (militant SUD-Etudiant), Jean-Luc
Dupriez (militant CGT), Clotilde Maillard
(militante RESF), Thierry Renard (militant SUD-PTT),
Jean-Emile Sanchez (syndicaliste paysan)
Liberation.fr, 21/2/2007
[1] José Bové, Paul Ariès, Christian Terras, La Révolte d’un paysan, éd. Golias, 2000.