Base-élèves:

 

Le fichage commence dès le plus jeune âge !

 

La base-élèves doit servir à "ficher" l'ensemble des enfants scolarisés. Elle devait contenir non seulement des informations sur la scolarité des élèves, mais aussi servir de base de données sur la famille, les origines, etc. Toutes données qui n'ont pas à figurer dans un document scolaire.

 

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) vient d'adresser au ministère de l'Éducation nationale une lettre peu aimable exigeant des explications, avant quinze jours, sur la sécurité des fichiers baptisés « base élèves », qui recensent les écoliers. La Cnil demande à être immédiatement informée des mesures qui doivent être prises pour assurer la confidentialité des données. En réponse, le ministère a pris, pour commencer, une mesure radicale : tout accès à ces fichiers a été provisoirement fermé.

 

Il faut dire que l'administration s'est mise dans de bien mauvais draps. « Base élèves » est un système informatique dont le principe même avait été contesté par des syndicats d'enseignants et les associations de parents. La fiche de chaque enfant contient son état civil, mais aussi des informations sensibles sur son orientation, ses éventuelles difficultés, sa vie sociale et familiale, l'autorité parentale, la « culture d'origine »... Ces données devaient bien sûr être protégées, et n'être accessibles qu'aux directeurs d'école, aux maires (s'ils en faisaient la demande) et à l'administration centrale. La réalité a dépassé toutes les craintes des opposants.

 

Les fichiers de centaines d'écoles étaient consultables sur Internet : il suffisait de donner comme nom d'utilisateur le numéro de l'établissement (renseignement public) et comme mot de passe... le même numéro ! « Le Canard » a pu vérifier cet état de fait dans plusieurs académies, avant la décision de fermeture prise la semaine dernière. Explication : consigne avait été donnée aux chefs d'établissement de se simplifier la vie, en évitant de mémoriser un mot de passe compliqué. Une faute que ne commettrait pas un informaticien débutant.

 

Impossible de savoir s'il y a eu des consultations frauduleuses, voire des modifications de données. Mais, à la Cnil, on fait observer que les engagements pris par le ministère en matière de sécurité n'ont pas été respectés. Ce qui ne constitue pas seulement une faute, mais aussi une infraction pénale. Avec la nouvelle doctrine Sarko, selon laquelle aucun délit ne doit rester impuni, cela va saigner !

 

Louis-Marie Horeau

Le Canard enchaîné du 27 juin 2007