Mais non mais non, n'écoutez pas les oiseaux de mauvaise augure, il n'y a pas de bulle immobilière en France, et encore moins à Paris ! Certes, les prix ont beaucoup monté ces dernières années, mais il reste encore de belles affaires pour qui sait les dénicher, comme en témoigne cette splendide propriété :

Astucieusement agencé, avec son entrée trapézoïdale (1) donnant sur un long couloir de desserte aveugle (2) équipée de deux vastes débarras (3)(4) très pratiques, le tout occupant quasiment un quart de la surface utile, ce bien de première qualité sera le cadre idéal pour votre vie de tous les jours. Après avoir fait admirer à vos amis la robustesse de l'épais mur porteur sis au beau milieu de votre logis (5), vous les étonnerez avec un aménagement rare et original, la cuisine-douche pentagonale (6)! Le moment venu, vous n'aurez aucun mal à revendre ce remarquable investissement foncier, car avec sa surface de 59,5 m2 et ses trois grands volumes, il est idéal pour tout jeune ménage ne souhaitant pas avoir d'enfants et faisant chambre à part. Situé dans le pittoresque quartier du Xe arrondissement de Paris, non loin de prestigieux points de repère tels que les Grands Boulevards, la Gare du Nord, le canal de l'Ourcq et Barbès, le caractère spéculatif de ce bien n'aura échappé à personne.

Bon, revenons sur terre. J'ai fait une petite simulation pour voir qui pouvait réellement se payer un appartement à 279 000 euros. J'ai pris des hypothèses raisonnables : un ménage de trentenaires ayant un peu économisé, faisant un apport initial de 50 000 euros (ça fait trente briques quand même), empruntant donc 229 000 euros à un taux raisonnable de 4,7%, assurance comprise, pour une durée de 25 ans (eh oui, maintenant, c'est courant de s'endetter pour un quart de siècle). On arrive à des mensualités de 1288,40 euros. Pour les vieux croutons, 8 451,35 F à sortir tous les mois ! Pendant 25 ans ! Il y a dans ce pays pas mal de gens qui touchent ça en salaire brut, et qui sont contents de ne plus être au smic... Au passage, votre ami banquier aura touché au final 156 000 euros d'intérêts, soit un million de francs, cent briques jetées par les fenêtres(*), ce qui éclaire d'un jour nouveau son ardeur à vous faire découvrir les joies de la propriété. Bref, qui a les moyens de se payer ça ? Si vous demandez un prêt immobilier à un banquier, il vous répondra typiquement qu'il ne veut pas vous prêter plus d'un quart de vos revenus nets, c'est la norme. Donc, notre ménage de trentenaires devra toucher au minimum 4 x 1286,10 = 5144,40 euros (net) par mois. Soient deux personnes gagnant chacune 2572,2 euros net, ou pour fixer les idées, 16872,53 FF.

Maintenant, je pose une question simple : quand on gagne très bien sa vie comme les deux bobos ci-dessus, est-ce qu'on a vraiment envie de claquer toutes ses économies, de bouffer des nouilles pendant 25 ans et de s'enterrer dans un clapier mal fichu de 60 mètres carrés, au 2e sans ascenceurs, avec cuisine-douche incorporée, entre un squat et un atelier clandestin ?

Non, mais je pose juste la question, hein...


PS : pour ceux que ça intéresserait, trop tard, ce bien a été... vendu!!! Chapeau, l'agence !

---

(*) Vous aurez noté que je reste ici dans le monde merveilleux de Walt Disney, où les petits animaux de la ferme chantent avec les oiseaux, où n'existent ni taxe foncière, ni travaux d'entretien, ni dégâts des eaux, ni locataires indélicats, ni copropriétaires décidant juste avant votre entrée le ravalement complet de la façade, et où vous n'avez pas à quitter votre logement pour des raisons aussi triviales que divorces, enfants, vieilles mères à charge, licenciements, mutations, envie de vivre ailleurs que dans le Xe arrondissement...

HOMEPAGE

AUTRES DIATRIBES

@-MAIL