NOTION DE QUALITE MUSCULAIRE EN AVIRON

Etude des paramètres du travail musculaire des membres inférieurs lors du coup d'aviron

et implication en terme de spécificité de force

RAPPORT:

L'objet de l'étude est d'analyser finement la biomécanique des membres inférieurs lors du coup d'aviron, afin de dégager les éléments qualitatifs du travail musculaire en vu de lister les facteurs spécifiques à prendre en compte dans une perspective d'optimisation de la force des membres inférieurs dans le coup d'aviron du rameur de haut niveau.

Ce travail utilise comme base d'analyse, les modèles proposés par les préparateurs physiques du laboratoire de biomécanique et de physiologie de l'INSEP sur l'analyse des tensions musculaires dans les taches sportives. La démarche se fonde sur les travaux de JP Egger, Edgerton et al. 1976, ainsi que les expériences développées au sein de l'INSEP en matière de préparation physique spécifique des sportifs de haut niveau (cf. interventions de J Quievre, B Gajer et A Michaut lors de la semaine de stage UFC 2 du diplôme de l'INSEP).

L'étude a permis de dégager les principales caractéristiques du travail musculaire des membres inférieurs lors du coup d'aviron de compétition et de souligner le caractére déterminant des capacités de force explosive - endurance dans la performance à haut niveau.

Sommaire - Discussion - Bibliographie -

1. Objet de l'étude
2. Ancrage scientifique

1. Définition de l’activité aviron
2. Types de pratique et lexique
3. L’entraînement des rameurs de compétition
4. Incidence biologique de l’activité de compétition

1. Analyses générales sur le geste du rameur
2. Analyses du travail des membres inférieurs

1. Notion d'endurance musculaire des membres inférieurs en aviron
2. Notion de souplesse musculaire des membres inférieurs en aviron
3. Notion de coordination musculaire des membres inférieurs en aviron
4. Notion de vitesse musculaire au niveau des membres inférieurs en aviron

1. Etude des facteurs gestuels
2. Etude des facteurs mécaniques du système externe
3. Synthèse

Mon propos n’est pas de réfléchir à un nouveau programme de développement des qualités musculaires des rameurs. Les programmes que j’ai pu observer en France, en Allemagne, en Russie, en Australie ou aux Etats Unis, sont peu différents en terme d’exercice et de mode de travail. Au niveau des membres inférieurs, ils répondent aux objectifs de développement des qualités musculaires décrites dans la présente étude.

Toutefois il n’en demeure pas moins intéressant de s’interroger sur la logique de leur mise en œuvre dans une perspective d’optimisation des qualités neuro-musculaires nécessaires à la performance à Haut niveau.

Il est à ce sujet intéressant de constater qu’une logique trop centrée sur les qualités de force endurance aérobie se limitant à une analyse de la tache modélisée par 210 répétitions d’un exercice d’extension spécifique des membres inférieurs à une cadence 30, s’avérerait une erreur en terme d’optimisation des qualités physiologiques musculaires et une aberration au plan des qualités neuro-musculaires.

Au plan histologique, une telle logique aboutirait rapidement à une spécialisation du tissu musculaire sur des qualités aérobies et à un recrutement privilégié des fibres de type I qui se traduiraient par l'apparition d'une barrière de vitesse limitative en terme de vitesse de contraction et d’explosivité et de délai d’apparition du pic de force. La courbe de développement de la force des membres inférieurs qui en résulterait serait lente et longue et peu compatible avec l’optimisation des vitesses d’inversion et de création d’un appui et l’accélération du coup d’aviron.

Au plan neuro-musculaire, une telle logique conduirait à un stéréotype neuro-moteur sans rapport avec la spécificité du coup d’aviron de haut niveau telle que nous l’avons exposée. Elle rendrait impossible toute accélération de la vitesse de développement du pic de force et de la vitesse de contraction, éléments dont nous avons montré l’importance pour l’optimisation du coup d’aviron et son ajustement à la spécificité de la situation (type de bateau, nombre de rameur, contexte de l’épreuve, cadence, vitesse de coque…)

Ce constat m’amène à privilégier une logique de force explosive endurance plutôt que de force endurance pour spécifier l’aptitude neuro-musculaire déterminante de la performance en aviron de haut niveau.

De même une logique d’optimisation des qualités musculaires centrée sur la force et justifiée par l’importance de la force maximale dans la force spécifique développée par les membres inférieurs lors du coup d’aviron serait une aberration neuro-musculaire. L’importance des fibres rapides dans la genèse de l’explosivité et dans la vitesse de contraction ne peut se concevoir que dans le cadre de la synchronisation intramusculaire spécifique de la performance. Malho et Bayer dans leur étude des paramètres de force en aviron (84) ont montrés comment ce type de travail de développement de la force aboutit à une déprogrammation neuro-musculaire préjudiciable à la performance.

Si l’enjeu de la préparation neuro-musculaire du rameur de haut niveau n’est pas dans la conception d’un nouveau programme d’entraînement à sec ou sur l’eau, il est bien dans l’optimisation du recrutement neuro-musculaire au travers de l’amélioration de la disponibilité neuro-musculaire. Cette expression ne s’entend pas seulement en terme de " fraîcheur " neuro-musculaire ou " d’éveil " neuro-moteur (schéma corporel) mais également dans une logique de " langage " neuro-musculaire et de " lexique " de réponse musculaire aux sollicitations nerveuses.

La fatigue, le surmenage ou une certaine forme d’usure des tissus musculaires, nerveux et des centres de contrôles et de commande perturbent l’efficacité neuromotrice au même titre que des problèmes psychologiques (voir à ce sujet : "Etude de l’activité de coaching dans la phase d’avant course en aviron" - Franck BOUCHETAL PELLEGRI - Mémoire UFC7 – Diplôme de l’INSEP - INSEP - septembre 2002) ou l’absence d’hygiène de vie. Toutefois la notion de disponibilité neuro-musculaire va au delà de ces problèmes et s’appuie au premier chef sur l’existence d’un véritable langage neuro-musculaire et d’un répertoire de réponses musculaires en terme de vitesse de contraction ou de vitesse de développement du pic de force.

C’est bien sur ces fondamentaux que le rameur devra s’appuyer pour réaliser le geste optimal dans la spécificité de l’épreuve de haut niveau. Dés lors il apparaît que la logique du travail musculaire dans la perspective du haut niveau vise moins à développer les potentiels des fibres musculaires ou les modalités des commandes nerveuses nécessaire à la production d’une force explosive endurance, qu’à développer et entretenir un véritable " langage " neuro-musculaire et à diversifier le vocabulaire des expressions des tensions musculaires dans le cadre du diagramme force – vitesse / temps proposé par les chercheurs de l’INSEP (cf. interventions de J Quievre, B Gajer et A Michaut lors de la semaine de stage UFC 2 du diplôme de l'INSEP). 

En d’autres termes à haut niveau l’enjeu du travail neuro-moteur est le développement d’un véritable langage neuro-musculaire permettant d’impliquer les muscles dans une diversité de modalité de développement de la tension en terme de force et de vitesse afin de permettre une diversification des réponses motrices et une adaptabilité optimale de l’expression de la tension musculaire développée par les membres inférieurs lors du coup d’aviron.

De même l’enjeu du travail musculaire est l’acquisition par le sportif d’un répertoire étendu de réponses musculaires en terme de vitesse de contraction et de vitesse de développement du pic de force sur lequel il sera possible de s’appuyer dans le cadre du geste spécifique de compétition.

On le voit, la notion de disponibilité neuro-musculaire, au delà de l’état de fraîcheur et d’éveil

du complexe neuro-musculaire, implique un répertoire ouvert d’aptitudes musculaires et un langage neuro-musculaire diversifié permettant au rameur de répondre aux situations variables de l’épreuve d’aviron (vitesse de coque, cadence, type de bateau, type d’épreuve, condition de milieu…) par une modulation du développement des tensions musculaires en terme de vitesse d’inversion, de vitesse de développement du pic de force, de vitesse de contraction, de niveau de force développée, de synchronisation des tensions… En ce sens il m’apparaît intéressant de parler de forces explosives endurance pour décrire les capacités neuro-musculaires déterminantes de la performance en aviron de haut niveau.

Pour conclure et face aux analyses de terrain de nombreux entraîneurs qui évoquent " la lourdeur ", " le manque de dynamisme ", " le manque d’accélération ", " la lenteur… " du coup d’aviron de leurs rameurs, je dirais qu’une partie de la réponse est peut être dans une forme de sclérose du langage neuro-musculaire et/ou dans un appauvrissement du répertoire de développement des tensions musculaires consécutifs à un stéréotype neuro-musculaire issu d’une centration de l’entraînement à sec comme sur l’eau sur une logique restrictive de force endurance indépendamment de toute logique de force – vitesse telle qu’elle a été proposée par les chercheurs de l’INSEP.

Dés lors il convient moins de repenser le programme d’entraînement que d’y intégrer la logique fonctionnelle du complexe neuro-musculaire dans la spécificité du geste d’aviron de haut niveau lors de l’épreuve. Ce n’est donc pas tant un problème d’entraînement qu’un problème de logique de mise en œuvre dans une perspective d’optimisation du coup d’aviron à haut niveau.

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Franck BOUCHETAL PELLEGRI - Professeur de sport - DIPLOME SUPERIEUR DE L’I.N.S.E.P - Novembre 2002