MODELE D’ENTRAINEMENT EN AVIRON - LOGIQUE ET REALITE

Analyse du programme fédéral d’entraînement en aviron
en regard des données de terrain et des modèles d’autres disciplines

Résumé :

10 ans après Barcelone, l’aviron français est au plus haut niveau de ses performances. L’arrivée de E MUND au début des années 90 a profondément transformé le paysage de la pratique compétitive de l’aviron en France.

L’entraînement des rameurs de compétition, proposé dans le cadre du plan d’entraînement fédéral annuel mis en place par E MUND dés son arrivée, est un élément clef de cette transformation. La constante progression des résultats français, dont les jeux olympiques de Sydney et les derniers championnats du Monde ont été le couronnement, montre la validité de ce modèle d’entraînement.

Au travers d’une enquête sur les pratiques de terrain de 10 rameurs de niveau régional, interrégional, national et international, et d’une étude théorique des plans d’entraînement proposés par E MUND de 91 à 2000, comparées aux programmes développés dans d’autres disciplines sportives, je me propose d’analyser les paramètres originaux de la programmation de l’entraînement des rameurs tels qu'ils sont proposés par E Mund.

 

Sommaire - Discussion - Bibliographie -

 

SOMMAIRE

INTRODUCTION : LES DETERMINANTS DE LA PERFORMANCE EN AVIRON

ETUDE DE L’ENTRAINEMENT DES RAMEURS

I- Méthodologie de l’enquête sur l’entraînement des rameurs en France

II- Résultats de l’enquête sur l’entraînement des rameurs en France

III- Discussion : " L’entraînement des rameurs – réalité du terrain "

ETUDE DU PROGRAMME FEDERAL D’ENTRAINEMENT 

I- Eléments de programmation

II- Les fondements du programme d’entraînement fédéral

III- Discussion : " 5 questions à E MUND à propos du plan d’entraînement fédéral "

ETUDE COMPAREE DE L’ENTRAINEMENT DANS 4 AUTRES DISCIPLINES (cyclisme sur piste, escrime, natation, décathlon)

I- Principes de la planification annuelle

II- Micro-cycles fondamentaux

III- Séances types

IV- Principes de calage des charges

DISCUSSION ET SYNTHESE : " L’ENTRAINEMENT DES RAMEURS LOGIQUE ET REALITE "

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES

 

DISCUSSION ET SYNTHESE :

" L’entraînement des rameurs logique et réalité "

Le programme d’entraînement fédéral proposé par E MUND est fondé sur deux principes : la spécificité de l’orientation des séances de travail et la continuité de l'entraînement.

Pourtant les séances de travail spécifique ne représentent que 74% de l’entraînement annuel (61% de bateau et 13% de musculation " M2 "). Le principe de spécificité s’applique moins à l’entraînement qu’à l’orientation des séances. La part des séances spécifiques qui varie peu en cours d’année, est relativement faible par rapport aux autres disciplines. Par contre, l'ensemble des séances spécifiques (bateau, musculation) est orienté sur un seul objectif de travail (force-endurance aérobie) et un seul niveau de progression (le temps pronostique).

E MUND dans la discussion, insiste longuement sur l’importance du travail non-spécifique (séances diverses) qui est présent toute l'année et représente 26% du volume annuel d'entraînement et déplore le manque de rigueur des rameurs qui les amène à dénaturer l’orientation des séances spécifiques.

Les données de terrain confirment que le modèle idéal est loin d’être respecté. L'adaptation de l’entraînement aux rameurs revient très souvent à supprimer les séances diverses et à augmenter le travail spécifique. Chez certains ce dernier atteint 93% du volume annuel d’entraînement (67% de bateau et 26% de musculation " M2 "). Il est très alarmant de constater que ce décalage est d’autant plus important que les rameurs évoluent à des niveaux inférieurs, sont plus jeunes ou moins expérimentés.

Le non-respect des objectifs des séances et les modifications de l'organisation de l'entraînement en fonction des capacités des rameurs affectent l'orientation des phases de travail. L’orientation des séances n’est plus spécifique des qualités à développer, les volumes insuffisants et l'équilibre travail général - travail spécifique non respecté. Pour E MUND ces modifications nuisent à l'efficacité du programme car elle en dénature la qualité. S’il reconnaît la nécessité d’adapter l'entraînement aux spécificités des rameurs, il précise que cette adaptation ne doit pas affecter le programme de base proposé.

La part du travail spécifique dans les micro-cycles hivernaux et estivaux est toujours voisine de 75%. L'objectif de stabilisation des qualités de force-endurance aérobie au niveau de la vitesse pronostique est constant sur toute la saison. Le volume de travail ne change pas à l’intérieur d’une période et évolue très peu d’une période à l’autre. L’intensité des micro-cycles ne change pas à l’intérieur d’une même période. Celle des séances évolue seulement d’une année sur l’autre par l’augmentation de la vitesse d’exécution des séances en bateau et dans une moindre mesure des charges des exercices spécifiques en musculation.

D’autre part, il n’existe aucune phase de repos au cours des périodes et les jours de repos sont limités au lendemain des compétitions. E MUND ne reconnaît pas la nécessité de phases de récupération dans le processus d’entraînement en dehors de l’organisation spécifique des micro-cycles (une ½ journée de repos toutes les 2 et ½ journées de travail).

Les données du terrain montrent que la stabilité annuelle des volumes et des objectifs d’entraînement est respectée mais les rameurs réduisent les charges de travail et ajoutent des journées de repos dans les micro-cycles et des phases de récupération dans les périodes.

Le programme d’entraînement d’E MUND se différentie nettement du modèle proposé par les autres entraîneurs. Le principe de continuité va à l’encontre des principes fondamentaux développés dans les autres disciplines : principe d’acquisition progressive des capacités spécifiques (les objectifs de l'entraînement sont de plus en plus spécifiques à mesure de l'avancée de la saison), principe de progressivité des charges (la charge doit progresser à mesure de la progression des capacités des sportifs) et principe d’alternance travail – repos (la récupération est nécessaire à la surcompensation fondement des mécanismes d'adaptation de l’organisme).

Le modèle d’E MUND suit une logique de plateau annuel. Le niveau de performance progresse et se stabilise lors de la période hivernale, il se maintient lors de la période estivale. A l’inverse le modèle proposé dans les autres disciplines et notamment en natation, suit une logique de " pics de performance ". La performance est atteinte par la sommation des surcompensations des différentes capacités spécifiques. En aviron le rameur stabilise plus de 90% de son résultat final par la régularité d’un travail hivernal axé exclusivement sur la force-endurance aérobie. En natation, le nageur joue sur l'optimisation d'un ensemble de qualité et leur sommation idéale pour atteindre des pics de performance lors des compétitions estivales. Pour E MUND l’invariabilité de l’entraînement est un gage de qualité et de stabilité de la performance finale. Dans les autres modèles, celle-ci est conçue comme une somme d’aptitudes indépendantes, plus ou moins cohérentes dont le développement séparé, judicieusement planifié, aboutit à un résultat optimal.

Les deux modèles reposent sur des logiques sportives différentes :

Le modèle français est axé sur une carrière sportive par cycles (minime, cadet, junior, senior espoir, élite) avec des étapes de sélection sur résultat. Il faut " être détecté en minime " pour entrer dans l’équipe en cadet, " faire ses preuves" pour être suivi dans les filières de haut niveau en junior et " se sélectionner aux championnats" pour accéder au collectif national.

Dans le modèle d’E MUND la carrière est longue et tardive et se construit progressivement à partir d’évaluations des aptitudes initiales. Chez les jeunes, les clubs sont des écoles des sports pluridisciplinaires dont l’objectif est le développement harmonieux des qualités athlétiques. La pratique cadet – junior vise autant le développement des aptitudes générales que celui des capacités techniques et des fondamentaux de l’aviron. Elle doit s’appuyer sur des entraîneurs experts, capables de transmettre un maximum de maîtrise spécifique en un volume minimum de travail. L’entraînement senior est planifié sur une dynamique de progression longue (plus de 10 ans). La régularité et la rigueur élevée qui sont imposées aux rameurs impliquent des moyens spécifiques et une disponibilité totale.

Sur le terrain les rameurs de club s’efforcent de suivre la logique du programme d’E MUND, tout en palliant leurs lacunes et leurs limites individuelles (ajout de jours de repos, réduction des volumes, suppression de séance pour répondre au manque de disponibilité ou de condition, augmentation des volumes de travail estivaux en réponse aux limites hivernales dues au froids, aux crues ou à la nuit…). Au final, le travail n’est ni fidèle au modèle de MUND, ni conforme au modèle français classique, mais force est de constater qu’il est efficace si l’on en juge par la jeunesse de l’équipe de France médaillée aux championnats du monde 2001.

 

BIBLIOGRAPHIE

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30- Bouchetal Pellegri F -"Lombalgie du rameur"

Mémoire de DU sport et santé 2001 – Faculté de médecine de Bobigny

 

Franck BOUCHETAL PELLEGRI - Professeur de sport - DIPLOME SUPERIEUR DE L’I.N.S.E.P - Décembre 2001