Oui à l'écologie positive

De Claude Allègre

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Bonne nouvelle: le Premier ministre a jeté l'écotaxe dans les oubliettes. C'est un événement qui pourrait marquer un tournant dans l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de la politique environnementale. En remettant en question l'absurde slogan " Pollueurs payeurs ", on pourrait, peut-être, ouvrir la porte à une écologie responsable et productive. Mais de quoi s'agit-il ? De la possibilité de payer pour avoir le droit de polluer. La justification théorique de cette démarche repose sur un raisonnement spécieux selon lequel l'établissement d'une taxe inciterait les pollueurs à cesser leurs nuisances. En fait, la taxe est surtout ressentie comme un surcoût. Les industries paient, continuent à polluer et répercutent la taxe, devenue de fait inefficace, sur le prix de vente. Ainsi s'ancre dans les pratiques industrielles (ou agricoles) l'idée que l'on peut polluer du moment que l'on paie.

Or la politique doit être, évidemment, de faire cesser la pollution, car elle est nuisible à la santé des gens. Un moyen de lutte est, bien sûr, d'inclure les normes de l'environnement dans les processus de production, et donc d'intégrer l'écologie dans l'économie. Le marché fera le reste.

Le bon exemple est celui du pot catalytique ou encore celui du filtre à micro poussières pour les voitures. La réalisation industrielle de ces accessoires obligatoires crée des emplois, des richesses et améliore la qualité de l'environnement. Or c'est là le but.

On touche ici à une question fondamentale de politique en matière d'environnement: le faire entrer dans la normalité et non pas dénoncer sans cesse les abus sans y mettre fin.

La philosophie des Verts, dans beaucoup de pays du monde, est idéologiquement inverse. Trop souvent, ils contestent radicalement la société moderne, sans la faire évoluer dans le bon sens par des progrès successifs. Ils ont la même attitude sur le plan international : leur objectif n° 1 est de montrer du doigt les EtatsUnis plutôt que de chercher à avancer ensemble pour trouver des solutions. En filigrane, sous le vert, perce le rouge vif !

Le ministère de l'Environnement a été créé sous la présidence de Georges Pompidou, avec pour ministre Robert Poujade, alors maire de Dijon. A l'époque, c'était une vigie, une alarme, une mise en garde. Depuis, on n'a guère avancé. Ce ministère est demeuré sans beaucoup de moyens. Les grands corps de fonctionnaires (Ponts, Mines, Eaux et forêts, Travaux publics) n'y ont jamais été rattachés. Son budget a toujours été très modeste - ce qui permet d'afficher à bon compte des taux de progression spectaculaires - et, du coup, la philosophie de l'" empêcheur de tourner en rond " est restée sa clef de voûte.

Certes, l'écologisme a progressé sur le plan électoral. On prend beaucoup plus de précautions qu'autrefois - surtout oratoires, d'ailleurs. Fondamentalement, cependant, il s'est développé suivant une homothétie philosophique sans changement de perspective.

Les seules exceptions, sans doute, ont été Ségolène Royal, à gauche, et Michel Barnier, à droite, les meilleurs ministres de l'Environnement, qui ont réellement cherché à faire entrer celui-ci dans la vie, et aussi dans l'économie. Mais ils ont été trop éphémères.

Les questions posées par l'action de l'homme sont essentielles, qu'il s'agisse des dégagements intempestifs de gaz carbonique et de leurs effets sur le climat et la qualité de l'air dans les villes, de l'angoissante question des ressources en eau potable, de la dégradation des sols, de la biodiversité, des difficiles questions concernant l'ozone (troposphérique ou suburbain), des inondations ou de l'élimination des déchets urbains, chimiques ou nucléaires. Dans chaque cas ou presque, les solutions, issues des progrès de la science, existent, qu'il faut mettre à la disposition de l'homme. La science n'est pas l'adversaire de l'écologie, c'est son alliée, sa vigie et son médecin. Elle permet de guérir les nuisances à condition qu'on le veuille. L'homme doit apprendre à gérer sa planète et à faire entrer l'écologie dans le circuit économique : aménagement du sol ou du sous-sol, développement des voitures à énergie propre, purification automatique de l'air des villes, interdiction progressive des engrais chimiques grâce au développement de plantes autotrophes par le génie génétique, etc.

Bien sûr, certains de ces développements demandent une vision à long terme et des investissements importants dans la recherche. On ne peut pas compter sur le marché pour le faire. L'Etat, garant de l'intérêt général, doit prendre des initiatives et anticiper l'avenir. Mais n'exagérons rien non plus. Si toutes ces nuisances doivent être combattues, si la précaution du long terme doit être présente, les dangers ne sont pas si graves pour l'homme actuellement. Dans les pays industriels les plus pollués, en effet, l'espérance de vie augmente de trois mois chaque année. Soyons déterminés, mais également lucides.

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