SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

CONSIDERATIONS GENERALES

Audit Février 2003

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  1. La mission rappelle qu’en 2001, la route accueillait 89% des déplacements de personnes en France et 83% du transport de marchandises, la voie ferrée 10% des déplacements de personnes et 15% du transport de marchandises et la voie d’eau 2% du transport de marchandises.

Pour apprécier l’évolution des trafics entre 2001 et 2020, la mission s’est fondée sur les prévisions figurant dans les schémas de services collectifs de transports :

- pour la route une croissance de 50% minimum ;

- pour le trafic ferroviaire de voyageurs une croissance du même ordre mais qui dépend beaucoup de la construction de nouvelles lignes à grande vitesse ;

-pour le trafic ferroviaire de fret, les prévisions figurant dans ces schémas lui ont paru surestimées dans la mesure où l’effet d’offre résultant des nouvelles infrastructures, qui a un impact sensible sur la demande de transports de voyageurs, ne paraît pas jouer dans les mêmes proportions pour le transport de fret.

Ces taux de croissance mettent en évidence que, pour continuer à disposer d’un système de transports performant, sûr et qui réponde aux besoins des particuliers et à ceux de l’économie dans l’espace européen, notre pays doit continuer à développer une politique d’investissement dans les infrastructures de transports.

2. La réforme autoroutière, l’article 4 du décret portant statut de Réseau ferré de France (RFF), la faiblesse des ressources propres de Voies navigables de France (VNF), rendent incontournables pour la quasi-totalité des investissements d’infrastructures des apports de fonds publics sous la forme de subvention. Parallèlement la réforme autoroutière devrait apporter en dividendes au budget de l’Etat au moins 5 Md. d'ici à 2020.

Ce financement direct sur crédits publics impose de choisir les investissements en tenant le plus grand compte des résultats des études économiques, en s’efforçant notamment de rapporter le bénéfice socio-économique actualisé à la contribution publique nécessaire à l’équilibre des opérations envisagées.

3. Les grands projets d’infrastructures ont tous, dans des proportions variables, un intérêt national et un intérêt régional, voire local. Il est donc souhaitable que les collectivités territoriales et notamment les Régions continuent d’être étroitement associées aux études et à la mise au point des projets, ainsi qu’à leur financement. La mission a pris comme hypothèse de travail la poursuite de ces cofinancements.

En outre, certains projets présentent un fort intérêt européen. Si le cofinancement communautaire existe bien, il reste faible en regard du coût souvent très élevé des projets.

4. La mission a pris acte de la nécessité, mise en évidence par plusieurs rapports (Cour des Comptes, Conseil général des Pont et Chaussées) d’augmenter les crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des réseaux d’infrastructures. Ceci est notamment valable pour le réseau fluvial qui a trop longtemps souffert de crédits d’entretien insuffisants. Il existe également des besoins financiers significatifs pour l’entretien et la réhabilitation du réseau routier. Quant au réseau ferroviaire, RFF a fait état d’importants besoins d’investissements de régénération. La mission a intégré dans ses perspectives financières l’augmentation souhaitée des crédits correspondants pour chacun de ces réseaux mais n’a pas mené sa propre évaluation de ces besoins.

5. La mission a mis en évidence les délais très importants d’études, de concertations et de procédures préalables au démarrage des travaux des grandes infrastructures. Elle évalue à 10 à 12 ans le délai qui peut séparer le début des premières études préalables au débat public du démarrage effectif des travaux. La mise en service intervient donc 14 à 17 ans après le lancement premières études. La mission souligne que pour être réaliste et performante, la programmation doit bien intégrer ces délais.

6. Compte tenu des besoins en fonds publics nécessaires au financement des grandes infrastructures, la mission insiste sur la nécessité de bien contrôler les coûts prévisionnels des opérations. Elle constate en particulier que le coût des opérations en milieu urbain ou périurbain a tendance à augmenter très fortement, ce qui est préoccupant. La mission suggère que, pour des opérations difficiles, par exemple les contournements d’agglomérations, les infrastructures en Ile-de-France, ou encore les infrastructures dans des zones sensibles, il soit constitué des équipes dédiées ayant la responsabilité de ces opérations et un temps suffisant à y consacrer. Elle suggère aussi que les études préalables au débat public soient suffisamment approfondies pour permettre, pendant le débat, un dialogue fondé sur des estimations réalistes des coûts et des capacités propres de financement du maître d’ouvrage. Il convient en particulier d’avoir à l’esprit qu’une concession autoroutière est juridiquement fragile si le taux de subvention par des fonds publics est trop important.

L’EVALUATION DES PROJETS

7. Les opérations ont été évaluées au regard de leur rentabilité socio-économique, des besoins en fonds publics qu’elles nécessitent, des enjeux qu’elles représentent pour la politique européenne des transports, pour l’intermodalité, la sécurité routière, l’environnement, l’aménagement et le développement durable du territoire et en s’assurant qu’il a bien été tenu compte des possibilités offertes par une meilleure utilisation des infrastructures existantes.

 

8. Projets fluviaux Dans le domaine fluvial la mission recommande que la réalisation de la section centrale de la liaison Seine-Nord soit reportée au-delà de l’horizon 2020 des schémas de service, sa rentabilité socio-économique étant insuffisante du fait de perspectives de trafic beaucoup trop faibles en regard du coût très élevé de l’investissement (2,6 Md.).

En ce qui concerne le projet d’écluse fluviale de Port 2000, la mission réserve son jugement dans l’attente de l’achèvement des études techniques, socio-économiques et financières du projet et de ses alternatives. L’objectif est de ne pas défavoriser la voie d’eau dans la desserte de Port 2000.

La mission recommande que la restauration indispensable du réseau, notamment de sa partie la plus importante pour le transport de marchandises, puisse être effectivement réalisée, ce qui suppose une augmentation des ressources propres de Voies navigables de France.

9. Projets routiers et autoroutiers

Dans le domaine routier, une première distinction doit être faite entre les autoroutes concédées, les routes nationales interurbaines, les opérations en milieu urbain et les projets en Ile-de-France.

a) Autoroutes concédées

Il convient tout d’abord de signaler qu’en vertu des concessions déjà accordées, 290 nouveaux kilomètres d’autoroutes sont aujourd’hui en travaux et 466 kilomètres doivent encore être lancés. Il faut y ajouter près de 900 kilomètres d’élargissements, déjà prévus dans les contrats de concession existants, à réaliser dans les années à venir sans apport de fonds publics.

En ce qui concerne les projets nécessitant une subvention publique, la mission considère que la priorité doit être accordée à l’achèvement du réseau national structurant (grand itinéraire Nord-Sud dans les Alpes alternatif au couloir rhodanien et achèvement de la grande liaison Est-Ouest entre Lyon et Bordeaux ), au doublement des grandes liaisons en voie de saturation (Amiens-Frontière belge, Thionville-Nancy), ainsi qu’aux contournements des grandes agglomérations dont les rocades sont aujourd’hui en voie d’engorgement. Néanmoins, la plupart de ces projets ne sont pas en état d’être réalisés avant la fin de la période 2003-2020.

D’autres projets, bien que moins prioritaires aux yeux de la mission, sont susceptibles techniquement d’être réalisés plus rapidement.

b) Routes nationales interurbaines

La mission considère que la poursuite de la croissance du trafic, l’amélioration de la sécurité, les objectifs d’aménagement du territoire et d’insertion dans les réseaux européens nécessitent de réaliser des investissements sur le réseau routier structurant. Pour évaluer les besoins de financement, la mission a retenu comme hypothèse qu’un aménagement en voie express à 2 x 2 voies est nécessaire dès que le niveau de trafic atteint 15 000 véhicules par jour.

Les besoins ainsi estimés rejoignent globalement les estimations de la direction des Routes.

c) Opérations en milieu urbain

Ces opérations sont le plus souvent des contournements non autoroutiers dont la réalisation serait très utile pour soulager les zones centrales des agglomérations engorgées par la superposition de diverses catégories de trafic. La mission relève que ces projets sont très complexes et particulièrement coûteux.

d) Projets en Ile-de-France

Un nombre important des opérations auditées paraissent durablement paralysées. La mission estime qu’il importe d’achever au plus tôt certaines rocades et radiales, qui manquent actuellement au réseau structurant pour constituer des itinéraires physiquement continus et pour permettre au trafic régional et national d’accéder aux pôles de vie et de développement économique de l’agglomération parisienne.

En revanche, les opérations franciliennes n’appartenant pas à ce réseau structurant doivent faire l’objet d’une réflexion associant l’Etat et les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la Région, quant aux fonctions urbaines à leur attribuer et aux politiques d’aménagement qu’elles serviront, ce qui amènera sans doute à revoir à la baisse leurs caractéristiques et donc leur coût.

10. Projets ferroviaires.

Deux projets ont été considérés par la mission comme des " coups partis ". Il s’agit de la première phase de la LGV Est, qui est en cours de travaux, et de la concession de la liaison Perpignan-Figueras, pour laquelle les négociations sont bien avancées. Ils n’ont donc pas été véritablement étudiés par la mission.

a) Compte tenu de son importance, la mission a accordé une attention particulière au projet Lyon-Turin. Pour ce grand ensemble d’aménagements transfrontaliers au coût très élevé – 8 Md. pour la partie française (hors LGV Lyon-Sillon alpin) dont au moins 5 Md . à la charge de l’Etat – elle a étudié avec le plus grand soin les perspectives de trafic, ce qui la conduit à préconiser le phasage suivant :

- réaliser pour l’horizon 2007 les aménagements de capacité sur les itinéraires d’accès au tunnel historique dont la plupart sont prévus au contrat de plan, mettre le tunnel historique au gabarit B1 et y effectuer les aménagements de sécurité indispensables. Il est prévu de réaliser en parallèle le lancement de l’autoroute ferroviaire. Des mesures de régulation réglementaire et tarifaire du trafic routier nécessaires pour contenir le trafic sur les passages alpins devraient être par ailleurs étudiées ;

- à partir de la mise en service de ces aménagements, mener une politique de " veille active " permettant de décider en temps utile des investissements ultérieurs en fonction de l’évolution des trafics constatée sur l’arc alpin, de la mise en service de nouveaux ouvrages sur cet arc et des problèmes de sécurité potentiels. La mission préconise que, compte tenu de la limitation de la capacité du nœud de Chambéry qui lui a été présentée, le lancement des travaux du tunnel de Chartreuse soit envisagé dès que le trafic de fret classique croîtrait structurellement et atteindrait 13 millions de tonnes dans le tunnel historique du Mont-Cenis. La mise en service du tunnel de base pour le seul fret classique n’aurait de sens qu’après la mise en service de Chartreuse, soit probablement après 2020 ;

- le calendrier envisageable au vu des seules contraintes liées au fret classique pourrait être accéléré au cas où l’autoroute ferroviaire serait un succès à un coût acceptable pour les finances publiques, ce qui ne semble pas acquis au vu des exemples helvétiques.

b) S’agissant des autres projets ferroviaires, la mission considère que cinq projets présentent un intérêt particulier. Ce sont dans un ordre décroissant d’intérêt :

1/ le contournement de Nîmes et Montpellier, indispensable au développement des échanges de voyageurs et surtout de fret avec l’Espagne ;

2/ la ligne du Haut Bugey ;

3/ et 4/ la branche Est de la LGV Rhin-Rhône et/ou la LGV Sud Europe Atlantique, sachant que la première est plus avancée tant au plan des études qu’à celui de la recherche d’un plan de financement ;

5/ la LGV Bretagne-Pays de Loire.

Pour la LGV Sud Europe Atlantique, la mission préconise en outre l’enchaînement rapide des deux phases.

Dans le domaine des voyageurs, d’autres projets sont en cours d’études, mais pour une réalisation plus lointaine.

Dans le domaine du fret ferroviaire, la mission souligne les fortes incertitudes qui pèsent sur l’évaluation des besoins de capacité. Néanmoins, il lui semble que la première phase du contournement fret de Lyon pourrait être nécessaire en fin de période en fonction notamment de l’augmentation du trafic de fret Nord-Sud.

LE FINANCEMENT DES PROJETS

11. Des montages innovants peuvent contribuer à diminuer les besoins en fonds publics en contrepartie d’une prise de risque accrue par la sphère publique. Ces montages reposent en effet sur la prise en charge, par les collectivités publiques, de risques que le secteur privé ne maîtrise pas. Ils requièrent donc une analyse fine, projet par projet, de ces risques, ce qui suppose de développer les compétences afférentes. Dans le cas du ferroviaire, ces montages peuvent minimiser l’impact sur la dette de RFF. Le cas de la liaison CDG Express en est une illustration intéressante. De tels montages pourraient également être étudiés pour certains projets de LGV. Ces schémas ne peuvent toutefois modifier substantiellement les besoins en fonds publics liés à l’insuffisante rentabilité des projets.

Le lissage dans le temps des contributions publiques présente pour sa part des avantages et inconvénients analysés dans le rapport mais nécessiterait une révision des textes existants.

12. La mission propose de clarifier les comptes de RFF en mettant à part dans les comptes les dettes non remboursables (13,5 Md. correspondant à l’ensemble de l’endettement, à l’exception de celui imputable aux investissements dans les LGV et le réseau d’Ile-de-France). Il faudrait que, pour le reste, RFF retrouve un équilibre financier, ce qui suppose selon les analyses de la mission d’augmenter les recettes d’exploitation (péages et contribution aux charges d’infrastructures) d’environ 950 M. par an. Ceci entraînerait pour l’Etat un accroissement des engagements budgétaires mais une diminution de la dotation en capital versée à RFF.

De plus, la mission préconise que les péages appliqués au fret soient a minima portés à un niveau permettant la couverture des coûts marginaux d’usage, même si elle est consciente que cette évolution est délicate en raison de la situation financière actuelle de l’activité fret de la SNCF. La mission préconise aussi que la réflexion soit poursuivie sur la tarification applicable aux TER afin que celle-ci reflète à terme les coûts complets d’infrastructure. Cette augmentation, qui devrait être compensée par l’Etat aux Régions, fournirait à celles-ci un meilleur instrument de gestion en rapprochant les prix qu’elles payent du coût réel du service.

13. Si les pouvoirs publics décidaient de lever des ressources nouvelles, la mission propose d’étudier en priorité l’instauration d’une redevance domaniale kilométrique pour l’utilisation commerciale du domaine public routier, qui serait prélevée sur les poids lourds circulant sur les autoroutes sans péage et sur les grandes liaisons routières ayant vocation à être aménagées à caractéristiques autoroutières. Cette redevance pourrait intervenir à compter de 2006 et apporter une recette nette de l’ordre de 400 M. par an les premières années et de 600 M . par an vers 2020. Le rendement total pourrait donc être de l’ordre de 7,5 Md . sur les années 2006 à 2020.

14. Le financement des projets de développement et des besoins de maintenance qui apparaissent à la mission d’audit utiles à réaliser avant 2020 nécessiterait de la part de l’Etat un surcroît de ressources à mobiliser par rapport aux enveloppes des années 2000 à 2002 projetées jusqu’en 2020. Ce surcroît de ressources serait compris entre 11 et 15 Md. . Dès lors deux possibilités existent :

- étaler la réalisation des infrastructures en fonction, par exemple, des priorités exposées plus haut ;

- augmenter la part du budget de l’Etat destinée aux infrastructures de transports en tenant compte des ressources nouvelles qui pourraient éventuellement être dégagées.

Cet arbitrage dépasse bien entendu le champ de compétence de la mission et sera éclairé par le débat parlementaire prévu au printemps.

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