Avant-propos du livre de Christian GERONDEAU

"Les transports en Europe"

quelques idées reçues

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"Le premier précepte était de ne jamais recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment pour telle" René Descartes ( Discours de la méthode.)

De tout temps, l'activité humaine a été dépendante des communications, qu'elles concernent l'échange des idées ou les mouvements des personnes et des marchandises.

Aujourd'hui comme hier, les transports jouent un rôle essentiel, à la fois dans notre vie quotidienne et dans le fonctionnement de notre économie. A vrai dire, ils constituent à bien des égards la première activité économique des pays développés. On pourrait penser que, de ce lait, tout ce qui les regarde soit parfaitement étudié et connu. Curieusement il n'en est rien, et alors qu'ils procurent à nos contemporains un inépuisable sujet de conversation, il n'existe peut-être aucun domaine où règnent autant d'idées fausses.

En la matière, tout se passe comme si nous vivions en Europe sur un ensemble d'opinions que personne, ou presque, n'ait jamais songé à remettre en cause :

Il est possible de soulager le trafic routier en développant les autres modes de transport. La circulation va s'accroître sans limites. Les routes créent le trafic.

La congestion ne peut cesser d'empirer et nous allons vers le blocage du réseau routier. Les centres-villes vont succomber sous le poids des voitures.

Quand il s'agit de leurs voitures et de leurs camions, les Européens deviennent irrationnels. La pollution de l'atmosphère s'aggrave sans cesse.

La circulation automobile contribue de façon majeure à l'effet de serre.

Les réserves connues de pétrole diminuent et nous allons bientôt en manquer. Les transports par route ne payent pas leurs justes coûts.

Si les transports ferrés ont des difficultés, c'est qu'ils souffrent d'une concurrence déloyale.

Les transports ferrés et fluviaux assurent une part importante des transports de marchandises en Europe. Mettre les camions sur les trains, c'est l'avenir.

Les poids lourds sont responsables des encombrements.

Le trafic international pose des problèmes de franchissement de frontières.

La construction de nouvelles lignes de transport en commun est indispensable dans les agglomérations européennes. Il n'est pas possible de créer de nouvelles infrastructures routières dans les zones denses des agglomérations.

Le réseau routier fonctionne mal.

Les accidents de la route sont une fatalité.

La politique des transports est inspirée par un puissant " lobby routier".

Pourtant, toutes ces idées, et bien d'autres encore, sont démenties par l'analyse objective des faits, et peuvent être réfutées point par point.

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Il est possible de soulager le trafic routier en développant les autres modes de transport.

L'idée de soulager le trafic routier en développant les autres modes de transport vient naturellement à l'esprit. Mais les multiples tentatives effectuées pour alléger le trafic routier en créant des lignes de chemin de fer à grande vitesse, des métros, des tramways, des voies ferrées spécialisées, des installations de transport combiné, des voies d'eau etc., ont toutes échoué. Pour la grande majorité des transports qui prennent place sur le continent européen, il n'y a en fait pas d'alternative aux transports individuels. Pour les autres, l'attractivité de l'automobile, de la route, et du transport routier est trop forte. Le succès de ceux-ci, qui découle du libre choix de centaines de millions d'acteurs, est tel que l'expérience constante a montré qu'il n'était pas possible de "rééquilibrer" de manière significative la demande entre modes de transport individuels et publics, aussi séduisante que soit cette idée. Et cela s'explique logiquement, pour de multiples raisons. Les marchés sont indépendants . En fait, sauf recours à la contrainte, seule la route peut soulager la route.

La circulation va s'accroître sans limites. Les routes créent le trafic.

L'Europe occidentale compte aujourd'hui près d'un véhicule pour deux habitants, enfants et personnes âgées compris. Dès à présent, hormis ceux qui travaillent chez eux ou rejoignent à pied leur emploi, près de 80 % des Européens de l'Ouest vont travailler quotidiennement en voiture, et la proportion ne peut donc plus beaucoup s'accroître, même si la longueur moyenne des déplacements peut encore augmenter. Personne ne peut conduire deux voitures en même temps. Dans la majorité des pays d'Europe occidentale où la population ne varie plus guère, l'essentiel de la progression de la circulation est derrière nous, et non devant.

La congestion ne peut cesser d'empirer et nous allons vers le blocage du réseau routier.

Compte tenu des perspectives désormais modérées de croissance du trafic et de l'évolution de l'occupation des sols et des modes de vie, la congestion peut diminuer à l'avenir et non s'aggraver, si le réseau routier bénéficie du niveau minimum d'investissements, au demeurant très modéré en regard des recettes qu'il procure, qui est indispensable pour permettre le bon fonctionnement de l'économie et s'il fait l'objet de bonnes politiques d'exploitation. Plusieurs facteurs vertueux sont à l'oeuvre -. la demande de déplacements se déplace vers la périphérie des villes, elle s'étale dans le temps -, elle se concentre sur les grands axes. Tout dépendra en définitîve des politiques adoptées par les différents pays et par les différentes collectivités. Ce n'est que si les travaux routiers sont systématiquement bloqués que les choses s'aggraveront. Si l'on tient compte en outre des perspectives d'amélioration de l'exploitation des réseaux et des potentialités offertes dans les zones où la demande est très forte par la tarification de la circulation et du stationnement, il apparaît qu'il n'y a pas de fatalité de la congestion.

Les centres-villes vont succomber sous le poids des voitures.

Contrairement à l'opinion courante, le trafic automobile est stabilisé ou diminue depuis une décennie dans la quasi-totalité des centres-villes d'Europe, du fait notamment de l'évolution des structures urbaines, des progrès de l'infrastructure, et des politiques mises en oeuvre dans le domaine de la voirie et du stationnement. Chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître qu'il faut, dans les zones centrales des agglomérations, rechercher un meilleur équilibre entre les différents modes de transport et les différents occupants de la voirie : piétons, véhicules à deux roues, véhicules routiers, transports en commun, dans le cadre notamment de politiques de modération de la circulation. Au sein de cet équilibre, une place appropriée doit être réservée à l'automobile, afin d'éviter des phénomènes de dépérissement et de désertification des centres, ce qui suppose l'existence de capacités d'accès et de stationnement suffisantes, si possible en souterrain afin de libérer les espaces au sol. De telles politiques sont suivies par un nombre croissant de villes européennes où les conditions de circulation en zone centrale ont cessé de se dégrader et même s'améliorent, C'est ailleurs que se posent de plus en plus les problèmes liés à l'accroissement des besoins, car l'essentiel de la demande nouvelle de circulation concerne dorénavant les relations périphériques.

Quand il s'agît de leur voiture les Européens deviennent irrationnels.

Le comportement des Européens et de leurs entreprises à l'égard de l'automobile et du transport routier est parfaitement rationnel et ne se distingue d'ailleurs nullement de celui des habitants des autres parties du monde. S'ils les choisissent en toute liberté, c'est qu'ils trouvent à leur usage un intérêt considérable et parfaitement mesurable. C'est ainsi que le fait d'utiliser l'automobile réduit dans des proportions majeures les temps de trajet, et que celui de recourir au camion présente pour les entreprises de multiples avantages. Et s'ils y ont intérêt, c'est aussi que, le plus souvent, la collectivité y a également intérêt, d'autant plus que le développement du transport par route à d'autres effets positifs, en dehors même du domaine des transports.

La pollution de l'atmosphère s'aggrave sans cesse et l'air sera bientôt irrespirable dans nos villes.

Après plus de cent ans de disparition, les lichens, extrêmement sensibles à la pollution acide, ont réapparu au centre de Paris alors qu'ils avaient disparu au XIXème siècle. Les phénomènes sont les mêmes presque partout ailleurs en Europe de l'Ouest.

Le smog d'hiver londonien n'est plus qu'un souvenir. Grâce aux efforts poursuivis dans tous les secteurs (industrie, chauffage, circulation), l'air est globalement bien plus pur aujourd'hui dans la plupart des villes européennes qu'il ne l'a été depuis un siècle, et les progrès ont été fulgurants au cours des dernières décennies pour la majorité des produits. De surcroît, pour les autres, de nouvelles améliorations de la qualité de l'air sont certaines car les véhicules modernes polluent de moins en moins, alors que les volumes de circulation ne varient plus que très peu dans les zones urbaines denses, et parce que les progrès se poursuivent également à vive allure pour les autres émetteurs de pollution (industries, chauffages, centrales électriques, etc.). Il n'y a aucune raison pour que dans ce domaine et contrairement aux autres, le progrès technique ne porte pas ses fruits. Grâce aux efforts de tous, les problèmes de pollution de l'air appartiendront bientôt pour l'essentiel au passé en Europe de l'Ouest, contrairement à d'autres parties du monde.

La circulation automobile contribue de manière majeure à l'effet de serre.

Il est impossible d'agir de manière efficace sur la production mondiale de gaz carbonique (CO2) par le biais de la circulation automobile, car celle-ci n'est qu'une source minoritaire de ce produit au niveau mondial. Selon toutes les prévisions la production mondiale de C02 s'accroîtra inéluctablement de 50 % d'ici 2010, essentiellement du fait de la consommation de charbon qu'implique l'expansion économique de la Chine, de l'Inde, et des pays en voie de développement en général alors que l'influence possible des actions concernant la circulation automobile en Europe est de moins de 1 %. Autrement dit, ce n'est pas en agissant sur la circulation routière européenne que l'on peut obtenir un résultat significatif à l'échelle planétaire. Il faut ajouter que les effets de la production de gaz carbonique (CO2) sur les équilibres climatiques donnent lieu à de vastes débats entre scientifiques.

Les réserves connues de pétrole diminuent et nous allons bientôt en manquer.

En 1960, les réserves prouvées de pétrole s'élevaient à 45 milliards de tonnes, correspondant à 32 ans de consommation au rythme d'extraction en vigueur à l'époque. En 1994, elles se chiffrent à 135 milliards de tonnes, correspondant à 42 ans de consommation au rythme actuel d'extraction, et ceci malgré toutes les quantités consommées depuis 1960. En fait, plus on avance, plus l'horizon de la pénurie recule, au fur et à mesure que les compagnies pétrolières améliorent leurs techniques et développent leurs explorations. Bien entendu, il arrivera un jour lointain où ceci ne sera plus exact, et de nouvelles tensions ne sont pas à exclure à l'avenir. Mais quand le pétrole naturel sera épuisé, U sera possible de créer du carburant à partir de multiples autres sources . gaz naturel tout d'abord, puis charbon, schistes bitumineux. Les produits d'origine agricole pourront ensuite contribuer à prendre le relais, sans oublier les véhicules électriques qui commencent à voir le jour.

Les transports par route ne payent pas leur juste coût

Les usagers de la route payent globalement aux pouvoirs publics des différents pays européens presque trois fois plus que ce qu'ils leurs coûtent - 167 milliards d'Ecus contre 57 en 1995, ce qui laisse un surplus de 1 10 milliards d'Ecus. Certes, aux coûts financiers proprement s'ajoutent des coûts "externes" imputables à l'usage des véhicules : accidents de la route, pollution, contribution à l'effet de serre, notamment. Mais le coût des accidents de la route est en bonne partie pris en charge par les usagers au travers des primes d'assurance qu'ils payent. Quant aux phénomènes de pollution et de contribution à l'effet de serre, il n'est pas raisonnablement possible de leur attribuer une valeur qui approche de près ou de loin le surplus mentionné ci-dessus. En ce qui concerne plus particulièrement les poids lourds, il convient en outre de ne pas oublier les "avantages externes" considérables qu'ils apportent à l'aménagement du territoire et au fonctionnement de l'économie dont ils sont un support essentiel. Les affirmations selon lesquelles les transports par route ne payeraient pas leur "juste coût" sont d'autant plus surprenantes qu'elles émanent souvent des sociétés ferroviaires qui n'acquittent en moyenne, quant à elles, que moins de la moitié de leurs coûts !

Si les transports ferrés ont des difficultés, C'est qu'ils souffrent d'une concurrence déloyale.

Si les transports ferrés connaissent souvent des marchés en régression, ce n'est pas à cause d'une concurrence déloyale. C'est avant tout parce que, sauf sur quelques créneaux bien délimités, ils ne répondent plus aux besoins de l'économie moderne et que l'essentiel de leur marché a disparu, du fait de la concurrence de l'automobile, de l'autocar et de l'aviation pour les déplacements de personnes, et de celle du camion pour les transports de marchandises. Il en résulte que tous les chemins de fer d'Europe sont actuellement subventionnés dans des proportions qui seraient impensables pour toute autre activité et qui ne s'expliquent que parce qu'ils ont été nationalisés, alors que les autres modes de transport doivent équilibrer leurs comptes ou subir des ponctions financières considérables au travers des taxes qui les frappent. Globalement, s'il y a concurrence déloyale, c'est au détriment de l'aviation et de la route.

Les transports ferrés et fluviaux assurent une part importante des transports de marchandises en Europe.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le poids respectif des différents modes de transport de marchandises est sans rapport avec celui qu'indiquent les statistiques officielles. Ceci tient à l'emploi d'unités de mesure - les "tonnes kilomètres" - qui n'ont aucun sens. Pour comparer valablement les modes de transport de marchandises entre eux du point de vue de leur rôle au sein de l'économie, il faudrait, comme dans tous les autres secteurs d'activité, s'intéresser à leurs chiffres d'affaires. Pour les comparer quant à leur impact physique sur la congestion des réseaux, il faudrait avoir recours aux parcours effectués, qui se mesurent en véhicules kilomètres. Or, sauf cas particuliers, ni les chiffres d'affaires, ni les parcours effectués n'ont de rapport avec les tonnes kilomètres.

Exprimé en tonnes kilomètres, le chemin de fer paraît ainsi représenter 18 % du transport européen de marchandises, alors qu'en réalité sa part économique, exprimée en chiffre d'affaires, est de l'ordre de 2 à 3 % et que sa part physique, exprimée en kilomètres parcourus, est de moins de 1 % de la circulation routière tous véhicules confondus. Les politiques de transport fondées sur les tonnes kilomètres sont en conséquence dépourvues de sens. Ces unités figurent parmi les dernières de type "Gosplan' utilisées par le monde occidental. En lait, les transports routiers assurent la quasi-totalité des transports de marchandises en Europe de l'Ouest.

Mettre les camions sur les trains, c'est l'avenir.

Les origines et les destinations des transports de marchandises effectuées par camions sont très dispersées et les distances moyennes qui les séparent très courtes. Très peu d'entre eux sont donc susceptibles de recourir sur une partie de leur parcours aux techniques de "transport combiné" empruntant la voie ferrée. Dans sa globalité celui-ci soulage actuellement le trafic routier de manière insignifiante - 1 % en moyenne en Europe - tout en étant extrêmement déficitaire. Même en dépensant beaucoup d'argent, le résultat resterait marginal. Quant à la création de voies ferrées spécialisées susceptibles de transporter des camions entiers, elle ne résiste pas à l'analyse économique. Qu'il s'agisse des marchandises ou des personnes, les européens ont choisi pour la très grande majorité de leurs transports la simplicité, c'est-à-dire 1'unimodalité, et non la complexité, c'est-àdire l'inter modalité qui implique le recours à des moyens de transport successifs et entraîne des ruptures de charges pénalisantes et coûteuses.

Les poids lourds sont responsables des encombrements.

Sauf exception, les encombrements ont essentiellement lieu en Europe en deux circonstances : dans les agglomérations aux heures de pointe, et en dehors des agglomérations à l'occasion des grandes migrations liées aux week-ends ou aux vacances.

Or, dans ces deux circonstances, il n'y a pratiquement pas de poids lourds sur les routes. Ceux-ci circulent pour l'essentiel en dehors des agglomérations, et pendant les jours ouvrables.

Sauf dans de rares cas d'insuffisance chronique de capacité autoroutière en rase campagne il est donc impossible de leur attribuer la responsabilité d'encombrements qui se produisent avant tout lorsqu'ils ne sont pas là.

Le trafic international pose des problèmes de franchissements de frontières.

Quand deux villes ou deux régions sont séparées par une frontière, le trafic de marchandises ou de personnes entre elles est divisé par un facteur, de l'ordre de 5 à 10, par rapport à ce qui se passerait si elles étaient situées dans le même pays. C'est "l'effet frontière". Munich est plus peuplé que Marseille, et à la même distance de Paris. On compte pourtant chaque jour 25 avions de 250 places en moyenne et 10 trains de 350 places entre Paris et Marseille, et seulement 10 avions de 125 places et pratiquement aucun train entre Paris et Munich. Il en va de même si l'on compare les trafics Francfort Hambourg et Francfort."'Ian, Barcelone Valence et Barcelone- Marseille, etc. Ceci est vrai pour l'ensemble des modes de transport. Il en résulte qu'au niveau des frontières, les différents trafics sont, à une exception près, beaucoup plus faibles que les trafics internes à chaque pays. Il n'existe ainsi aucune perspective de saturation des liaisons internationales au droit des frontières. Après l'achèvement en cours des grands franchissements maritimes, il n'y aura pratiquement plus de " maillons manquants" méritant du point de vue économique des investissements lourds en Europe. Les vrais problèmes sont internes à chaque pays, et plus encore à leurs zones densément peuplées. Du point de vue des transports contrairement aux Etats-Unis, l'Europe n'est pas un continent mais un archipel et le restera pour l'essentiel.

La construction de nouvelles lignes de transport en commun est indispensable dans les grandes agglomérations européennes.

Dans presque toutes les villes d'Europe, la demande de transport est stabilisée dans les centres, voire en décroissance, et c'est dans les banlieues et plus encore dans les espaces périurbains voisins qu'apparaissent les nouveaux besoins, que seule l'automobile peut satisfaire pour l'essentiel, compte tenu des faibles densités des espaces à desservir. Même dans la région la plus dense d'Europe - la Région Parisienne - la fréquentation des transports en commun stagne ou diminue et la quasi-totalité des déplacements nouveaux est désormais assurée par l'automobile.

Si elle est justifiée dans certains cas lorsqu'il existe des retards à rattraper, la construction de nouvelles lignes ferrées de transport en commun, le plus souvent extrêmement coûteuse, n'est donc pas la panacée universelle. Tout est affaire de circonstance les besoins les plus importants, et les projets les plus rentables pour la collectivité concernant le plus souvent les voies routières situées dans les zones périphériques et périurbaines, utiles aussi bien pour le transport des personnes que pour celui des marchandises.

Il n'est pas possible de créer de nouvelles infrastructures routières dans les zones denses des agglomérations.

Le XXIème siècle verra la naissance d'un type d'infrastructure routière entièrement nouveau. Il s'agira d'autoroutes souterraines à gabarit réduit ou "métro routes". Rendues possibles par l'apparition de machines capables de forer des tunnels de grand diamètre, et par la réservation de ces ouvrages aux véhicules de 2 mètres environ de gabarit qui constituent l'essentiel du parc routier, ces infrastructures nouvelles, convenant aux parties denses des agglomérations, constitueront une novation aussi importante dans le domaine des transports urbains que le fut le métro à la fin du XIXème siècle. La construction de la première d'entre elles doit normalement commencer prochainement en France en Région Parisienne.

Le réseau routier fonctionne mal.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n'a la moindre idée de la manière dont fonctionne le système de transport par route, qui répond pourtant à plus de 90 % des besoins du continent. Personne ne peut dire quelle est la proportion des déplacements qui confrontés à des phénomènes de congestion, et celle de ceux qui ne le sont pas et pour qui le trajet s'effectue sans gêne particulière. Autrement dit, personne ne peut véritablement répondre à la question "Comment ça marche ?", et chacun s'imagine que les encombrements sont le phénomène dominant. En fait, dans l'ensemble, le système de transport par route marche bien, contrairement à ce qui est souvent affirmé. La durée moyenne des déplacements domicile-travail en voiture, qui prennent pourtant place aux heures de pointe, est ainsi de 19 minutes en Europe de l'Ouest - comme d'ailleurs en Amérique du Nord. La majorité des déplacements s'effectue sans encombre, comme le montre le développement fulgurant dans l'industrie des procédures dites précisément "juste à temps". Ceci explique que les investissements routiers soient parmi les plus rentables pour la collectivité.

Les accidents de la route sont une fatalité.

Dans le domaine des accidents de la route, et contrairement à celui de la pollution de l'air, la situation reste très grave et profondément choquante. Les moyens consacrés chaque année à la sécurité routière sont globalement hors de proportion avec l'enjeu, qui est de l'ordre de 50 000 tués et 1 500 000 blessés chaque année en Europe de l'Ouest. Alors que plus de 60 milliards d'Euros sont consacrés à la réparation des accidents par le canal des systèmes d'assurance, les sommes affectées à la prévention de ceux-ci sont sans commune mesure avec ce montant. Une politique plus volontariste permettrait pourtant de nombreux pays de réduire encore très fortement le nombre des victimes. A côté des autres actions nécessaires, celle-ci devrait notamment reposer sur un fort accroissement des crédits d'investissement routier, car, lorsqu'elle est bien conçue, l'amélioration du réseau est l'une des solutions les plus durablement efficaces pour réduire le nombre et la gravité des accidents.

La politique des transports est inspirée par un puissant "lobby routier".

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'existe pas de lobby routier digne de ce nom. Les activités routières relèvent par nature de multiples métiers : constructeurs d'automobiles ; fabricants d'équipements ; garagistes - constructeurs de routes ; industrie pétrolière ; transporteurs routiers, etc. Or ces différents acteurs s'ignorent le plus souvent, tant au niveau national qu'au niveau européen et n'ont pas réussi jusqu'à présent à s'organiser. La Fédération Routière Internationale da même pas un représentant permanent à Bruxelles. Dans le domaine des transports, le véritable groupe de pression est celui des transports publics et ferrés qui consacrent à la promotion de leur cause des ressources humaines de grande qualité et des budgets très importants, face à des concurrents qui leur ont laissé pour l'essentiel le monopole de la réflexion et de l'action.

Tels sont quelques uns des thèmes développés dans l'ouvrage de Christian GERONDEAU, et dont beaucoup pourront surprendre. Pourtant ils paraissent difficilement réfutables, car ils reposent sur l'analyse des faits, et non sur des idées sans doute largement répandues, mais démenties par la réalité.

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