Halte aux projets déficitaires !

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(29 mars 2005)

Dans un récent article intitulé " Le complexe pharaonique ", Philippe Manière, directeur général de l’Institut Montaigne, s’élève contre le besoin incoercible de nos hommes politiques de lancer et soutenir des projets " pharaoniques " alors que l’état des finances de notre pays devrait les inciter à plus de retenue.

Il a parfaitement raison.

Le plus bel exemple est évidemment le projet de liaison ferroviaire Lyon Turin, qui comporte un tunnel de 52 kilomètres, aussi long que celui qui a été creusé sous la Manche, mais bien plus coûteux en raison de la plus grande dureté des roches à traverser et du coût élevé des sections d’accès de part et d’autre du tunnel.

Bien qu’elle soit actuellement sous-estimée, cette liaison coûtera donc bien plus cher que la liaison sous la Manche, et comme le trafic attendu sera évidemment bien plus faible, le déficit financier qui en résultera ne peut être que bien plus élevé. Bien sûr, ce déficit sera masqué par la prise en charge d’une partie de l’investissement par les Etats et par l’AFITF, mais cela n’empêche pas que, du point de vue financier (sinon du point de vue de l’économie générale), le résultat de l’opération ne peut être que désastreux !

Par ailleurs, le financement de toutes le Lignes à Grande Vitesse prévues au programme de l’AFITF va créer pour cet organisme une autre source de déficit.

Je ne connais pas les calculs de rentabilité qui ont été établis sur ces lignes, mais je peux au moins lire dans la presse les annonces faites sur les réévaluations des projets de construction.

C’est ainsi que j’ai appris que le coût de la construction du TGV Rhin-Rhône avait déjà été réévalué deux fois en deux ans, et s’établissait maintenant à 2,43 milliards d’euros.

Et je viens de lire, de plus, que pour la section Dijon-Mulhouse, qui constitue la première phase du projet et coùterait 2 milliards d’euros, la participation de RFF ne serait que de 302 millions d’euros soit 15%. Quand on sait que RFF ne doit financer qu’à hauteur de la part rentable des projets, on peut se faire une idée du déficit prévisible…

On pourrait me répondre que l’AFITF a justement été inventée pour faire face au financement des projets d’infrastructure déficitaires, mais cette réponse ne vaut que si les déficits en question ne sont pas trop élevés.

Or, avec le Lyon Turin et toutes les LGV prévus au programme de l’Agence, on est en train de creuser d’énormes trous qu’elle ne pourra jamais combler…

En principe, les emprunts qui seront contracté par l’AFITF devaient être comptabilisés dans la dette de l’Etat pour le calcul du respect des critères de Maastricht.

J’ignore si les récents assouplissements du Pacte de Stabilité vont amener une modification de la règle applicable aux dettes de l’AFITF, mais dans tous les cas il me semblerait aberrant de continuer à accumuler des dettes que cette Agence ne pourra jamais rembourser.

A mon avis, tous les financements de projets hautement déficitaires devraient être soit annulés, soit au moins différés jusqu’à ce que la dette de notre pays retrouve un niveau nettement plus bas. Il y va de l’avenir de ceux qui devront rembourser ces dettes, c’est à dire de nos enfants et petits enfants.

 

Alain Vivet