Paris, le 11 mai 2004

 

INITIATIVE

Croissance et qualité de vie

Existe-t-il un investissement susceptible d’apporter un supplément de croissance de 0,6% du PIB ?

 

Les infrastructures de transport : vecteurs d’accès à l’emploi

Un territoire bien desservi permet, grâce à un meilleur échange de savoir-faire, la création de richesses plus nombreuses. En effet, chaque individu recherche la meilleure adéquation possible entre la formation spécialisée qu’il a reçue et l’offre d’activité du territoire, également spécialisée. Dans un marché de l’emploi réduit à quelques milliers d’unités dans une heure de transport, un grand spécialiste n’a vraisemblablement aucune chance de trouver un emploi qui lui convienne. Il y aura donc perte d’efficacité collective s’il est astreint à vivre et travailler dans cet environnement territorial limité. Si par contre il vit dans un territoire lui permettant d’accéder dans une heure à quelques centaines de milliers d’emplois, il a toute chance de trouver l’emploi qui lui convienne et la collectivité y gagnera beaucoup en efficacité.

Cette recherche d’adéquation explique la stabilité du temps de transport chaque fois que le système de desserte d’un territoire est amélioré. Les résidents profitent des nouvelles facilités qui leur sont offertes pour rechercher des destinations plus pertinentes dans un temps de transport invariant. La valeur du temps susceptible d’être gagné à l’ouverture d’une infrastructure de transport se transforme intégralement en création de valeur par une meilleure adéquation des compétences des individus aux capacités d’emploi des entreprises. Les infrastructures de transport sont ainsi des instruments de création immédiate de richesse et de soutien de l’emploi durable.

Plus précisément, la création de richesse est liée au nombre d’actifs dénombrables au sein d’un territoire accessible dans l’heure à partir du lieu d’emploi. Ce nombre d’actifs qui représente " l’énergie humaine du territoire " est proportionnel à la densité d’occupation du territoire et à la superficie du territoire accessible dans l’heure, elle-même proportionnelle au carré de la vitesse moyenne de déplacement. La progression relative de cette énergie illustre la progression de l’efficacité des hommes travaillant en coopération. Cela se traduit par des salaires améliorés et des PIB en augmentation. Il y a bien là une voie pour soutenir la croissance du pays, sous réserve bien entendu de sélectionner les investissements offrant le degré d’efficacité le plus élevé, c'est-à-dire permettant d’obtenir le plus de croissance possible pour un niveau d’investissement donné.

Par ailleurs, environ 15% des déplacements effectués quotidiennement ont uniquement des fonctions ergonomiques (promenades dans des espaces naturels). Le nombre d’espaces naturels accessibles dans l’heure qui représente " l’énergie spatiale du territoire " est proportionnel à la densité d’espaces naturels et à l’étendue du territoire accessible dans l’heure. La progression relative de cette énergie spatiale témoigne de l’intérêt que les résidents portent aux espaces naturels auxquels ils peuvent commodément accéder.

 

Quels investissements privilégier ?

On peut améliorer l’énergie humaine d’un territoire :

En dehors des pôles très urbains, la tendance générale étant plutôt à une légère réduction de la densité des territoires (pour un accroissement de l’énergie spatiale des résidents), on préfèrera la deuxième possibilité.

Le schéma directeur d’Ile-de-France a identifié en 1994 :

Parmi les 21,3 milliards d’investissements de transports individuels, 5,8 milliards représentent des élargissements d’autoroutes et voies rapides existantes. Ces aménagements ont une efficacité exceptionnelle (taux de l’ordre de 80%). Leur réalisation induirait chaque année une création de richesse annuelle de 4,6 Md€, soit 1% de croissance du PIB de la région Ile de France et 0,3% de croissance du PIB national.

On pourrait concevoir des actions similaires dans les principales métropoles françaises. En tablant sur un doublement du programme d’investissement francilien (11,6 Md€), la création de richesse cumulée se chiffrerait à 45,7 Md€ au bout de 5 ans.

 

Quelle méthode employer pour ne pas imputer ces investissements à l’Etat ?

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur le budget de l’Etat, la solution proposée, pour réaliser sous trois ans ces investissements, est de les concéder. La rentabilité envisagée doit permettre de trouver un concessionnaire. Par contre, comment concéder des élargissements d’autoroutes, déjà en service, gérées et exploitées par l’Etat ?

La formule recommandée consiste à implanter sur la voie concédée (en principe la voie de gauche, séparée par une simple marque de peinture, comme une voie poids lourds) un péage automatique de type " Libert t ". Seuls les véhicules équipés de la puce " t ", préalablement achetée auprès de l’entreprise concessionnaire, sont autorisés à emprunter la voie. En cas de fraude, les conducteurs sont flashés et reçoivent à leur domicile le montant de la contravention.

Il pourrait être envisagé d’instaurer un péage proportionnel à la puissance fiscale du véhicule, afin de faire en sorte que la contribution de chaque automobiliste soit adaptée à son niveau de vie.

 

Compléter les investissements de capacité par les investissements de requalification environnementales des autoroutes existantes

Les autoroutes urbaines existantes ne sont pas toujours parfaitement intégrées dans leur environnement. Les travaux de requalification, notamment ceux de réduction des nuisances sonores, sont estimés en Ile de France à 1,8 Md€ (ce niveau d’investissement est à doubler si l’on prend en compte les autres métropoles françaises).

Afin de gagner l’adhésion de l’opinion publique, il serait souhaitable d’engager, à l’occasion des travaux d’élargissement des autoroutes, des aménagements pour leur requalification environnementale, soit en imputant les dépenses sur le produit des péages liés aux élargissements, soit en y consacrant des investissements publics d’amélioration de l’environnement urbain.

 

Jean POULIT