Paris, le 28 avril 2003

LE TERRITOIRE, SOURCE DE PROGRES ECONOMIQUE ET

ENVIRONNEMENTAL

Le territoire est un outil de productivité

Un territoire bien desservi permet aux hommes de travailler en coopération et induit, grâce à un meilleur échange de savoir-faire, la création de richesses plus nombreuses.

S'il est admis que les investissements au sein des entreprises améliorent la productivité des actifs, créant de la richesse et soutenant l'emploi, il n'en est pas traditionnellement de même pour les investissements qui desservent des territoires et y créent pourtant les conditions d'un travail coopératif performant. Or l'efficacité de ces investissements est équivalente et parfois supérieure à celle des investissements consacrés par les entreprises à l'amélioration de leur propre outil de production. De plus, un territoire bien desservi donne accès à de nombreux espaces naturels, source de bien-être.

Quel est le phénomène qui est à l'œuvre?

Les hommes consacrent à leurs déplacements physiques un temps qui est constant. Sur les 24 heures que comportent une journée, une heure et demie est consacrée à se déplacer pour travailler, faire des achats, se former, se distraire ( en moyenne trois déplacements, d'une demie heure chacun ). Dans ce temps qui ne varie pas, les hommes souhaitent établir les contacts les plus pertinents possibles, ceux qui leur permettent de résoudre efficacement les problèmes qui se posent à eux : produire des biens ou des services, acheter des biens répondant à leur attente, recevoir une formation de qualité, accéder à des espaces naturels variés et agréables. Plus le nombre de destinations potentielles dans un temps donné est élevé, plus la pertinence du choix effectué est élevée et plus le problème posé ( produire, acheter, se former..) est efficacement résolu. Il y a amélioration de la productivité, création de richesse et soutien de l'emploi.

L'observation attentive des comportements des hommes qui se déplacent au sein d'un territoire montre que, chaque fois que le nombre de destinations potentielles commodément accessibles double, la productivité collective augmente d'une quantité donnée. Ainsi, lorsque le nombre d'actifs, auquel un employeur peut commodément accéder, double, la productivité de son entreprise s'améliore d'une quantité donnée. En fait, l'employeur peut trouver des actifs dont la formation correspond mieux à ses besoins. L'interpénétration du marché des actifs et de celui des emplois s'améliore et le travail coopératif des hommes progresse, créant efficacité et richesse supplémentaires.

Temps gagné ou augmentation des univers de choix de destinations?

A l'ouverture d'une infrastructure de transport, qu'elle soit individuelle ou collective, les usagers gagnent du temps car ils se déplacent plus rapidement alors que leurs destinations ne changent pas. Mais cette situation n'est que transitoire. Quelques mois à peine après l'ouverture, les usagers qui sont à la recherche de destinations plus pertinentes, augmentent leur portée de déplacement et les temps de transport retrouvent leurs niveaux antérieurs. Ce comportement est universel. Il se caractérise par une propriété qui illustre le caractère rationnel du comportement observé. La valeur supplémentaire, l'utilité supplémentaire au sens des économistes, que les usagers attachent à la possibilité de choisir entre un plus grand nombre de biens accessibles, dans un temps qui ne varie pas, est strictement identique à la valeur que ces mêmes usagers attachent à l'économie de temps, et plus généralement de coût généralisé de transport, qu'ils obtiennent à l'ouverture de l'infrastructure. La nouvelle infrastructure permet, dans le cas de déplacements économiques, de transformer des gains de temps en pertinences économiques, et, dans le cas de déplacements à vocation de loisirs naturels, en satisfactions ergonomiques. La collectivité devient plus performante. Le territoire mieux desservi devient, pour les activités économiques, un outil de productivité au même titre que les investissements propres de l'entreprise. Il devient, pour les fonctions de ressourcement, un outil de bien-être.

Une corrélation impressionnante entre suppléments de salaires ou de PIB et suppléments d'utilité liés aux destinations économiques commodément accessibles.

Des observations sur une vingtaine d'agglomérations françaises font apparaître une corrélation remarquable entre les suppléments d'utilité des déplacements, au sens économique du terme, dans ces différentes agglomérations par rapport aux zones rurales profondes où les choix sont réduits et les suppléments de salaire ou de PIB publiés par l'INSEE. Ainsi, alors que l'INSEE indique que le salaire moyen d'un actif est de 58 000 francs par an (8 850 €) dans les zones rurales profondes, de 80 000 francs (12 200 €) à Guéret et de 140000 francs (21 350 €) en Ile de France, la valeur de l'utilité d'un déplacement moyen pour le motif domicile travail, multiplié par le nombre de déplacements annuels pour ce motif, donne à Guéret une valeur de 22 000 francs (3 350 €), soit exactement la différence entre les salaires distribués à Guéret et ceux distribués dans les zones rurales profondes et donne, en Ile de France, une valeur de 82 000 francs (12 500 €), soit, là aussi, exactement la différence entre les salaires distribués en Ile de France et ceux distribués dans les zones rurales profondes. Si on adopte comme référence tous les déplacements qui ont une fonction économique tels que le travail, les achats, les affaires, l'enseignement. . ., on obtient une très bonne corrélation avec les suppléments de PIB. Comme les pertinences des destinations accessibles ont une signification économique précise résultant de l'analyse des choix librement effectués par les usagers, on est en droit d'estimer qu'il y a une forte présomption de relation de cause à effet. L'augmentation de l'étendue des territoires commodément accessibles est à l'origine d'une amélioration de l'efficacité du travail coopératif des hommes et est ainsi source d'enrichissement. L'économie a besoin de la mobilité physique des humains pour progresser.

Une illustration de cette corrélation sur l'ensemble des communes de France et de cinq pays voisins d'Europe: les cartes des performances économiques des territoires.

En utilisant des bases de données géographiques permettant de déterminer les territoires accessibles en une heure à partir du centre de chaque commune de France et de cinq pays voisins d'Europe et en décomptant, à l'intérieur de chacun de ces territoires, les actifs publiés par l'INSEE ou par EUROSTAT, on peut déterminer l'utilité des déplacements à vocation économique et, parmi eux, celle des déplacements à vocation travail. Le résultat de ces calculs est représenté sur les cartes ci-jointes. Chaque commune est illustrée par la valeur de l'utilité annuelle des déplacements à vocation économique effectués à partir de cette commune. Les zones rurales profondes dont les choix de destination sont très faibles sont représentées en bleu. L'utilité des destinations à vocation économique y est modeste, voire négligeable. Les zones dont les choix de destination sont très élevés sont représentées en rouge. L'utilité des destinations à vocation économique y atteint des valeurs de l'ordre de 200 000 francs par an (30 500 €). Si on ajoute à ces valeurs d'utilité liées à la diversité des destinations accessibles à partir du centre de chaque commune, une valeur de base qui est le PIB observé dans les zones rurales profondes ( 140000 francs, soit 21 350 €), on obtient une expression quantitative qui peut être directement comparée aux résultats de PIB publiés par les instituts nationaux ou européens. En France, la comparaison des résultats des calculs cumulés région par région et des résultats des PIB régionaux publiés par l'INSEE fait apparaître une très bonne corrélation.

La carte des utilités économiques des déplacements illustre la puissance de l'Ile de France mais également la force de la Bretagne, avec l'influence très visible du réseau maillé de transport qui l'irrigue. Les réseaux de villes tels celui des Pays de la Loire révèlent leur efficacité. On voit clairement apparaître l'effet bénéfique des organisations urbaines telles que celle de la Région Rhône Alpes ou de la Région Provence Côte d'Azur et des réseaux de transport qui les desservent. On voit également que les zones rurales proches des zones urbaines tirent bénéfice de leurs univers de choix et atteignent des pertinences économiques satisfaisantes. Seules les zones rurales profondes dont les densités de population sont très faibles ne bénéficient pas de cet effet. Dans les pays voisins, le Benelux, l'Allemagne et l'Italie du Nord témoignent de la puissance des zones densément peuplées, très bien irriguées par des infrastructures modernes.

Les destinations à vocation de " loisirs verts "

L'utilité des destinations à vocation de " loisirs verts" est reliée à la diversité des espaces naturels accessibles dans un temps de transport donné. Cette utilité calculée sur une vingtaine d'agglomérations françaises à partir de résultats d'enquêtes de transport et de données d'urbanisme montre que les zones rurales offrent des valeurs de haut niveau, ce qui est naturel.

Elle montre également que les grandes métropoles donnent des résultats satisfaisants alors qu'on pouvait s'attendre à un résultat contraire. En réalité, les schémas d'urbanisme des grandes métropoles comportent de vastes espaces naturels protégés. Compte tenu de la puissance des infrastructures de transport, la diversité des espaces naturels commodément accessibles reste élevée.

Le calcul des performances naturelles de l'ensemble des communes de France est en cours. Les cartes correspondantes seront disponibles prochainement.

Des infrastructures d'un haut niveau d'efficacité économique et naturelle

Les zones périphériques des métropoles urbaines qui se développent très rapidement ont un important besoin d'infrastructures de desserte destinées à offrir des univers de choix satisfaisants aux résidants. Ces infrastructures ont un taux d'efficacité très élevé, tout à fait comparable à celui des investissements que les entreprises peuvent consacrer à leur propre outil de production. A titre d'exemple, les 136 milliards de francs d'infrastructures de voirie rapide inscrits au schéma directeur de l'Ile de France induiraient, s'ils étaient investis, 48 milliards de richesses économiques annuelles supplémentaires, ce qui correspond à un temps de retour de 3 ans. Les 140 milliards d'infrastructures de transport collectif induiraient de leur côté 21 milliards de francs de richesses annuelles supplémentaires, ce qui conduit à un temps de retour plus modeste mais déjà très significatif de 7 ans. Ce qui coûte en fait le plus cher, c'est de ne pas investir.

En tout état de cause, les infrastructures nouvelles doivent être de qualité totale afin d'éviter d'induire des nuisances. Il convient également d'associer à leur réalisation la requalification des rues et avenues traditionnelles dans le but de réaliser de véritables projets d'urbanisme.

Jean POULIT