Les âges glaciaires et les théories actuelles

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Les âges glaciaires peuvent s'envisager comme des époques où l'abaissement de la température sous l'influence de causes extérieures entraîne, l'extension des glaciers. Cela paraît à juste titre simpliste au montagnard qui sait bien qu'il ne neige pas par grand froid. A l'inverse de cette première assertion, on peut donc penser que des causes propres à la Terre comme des modifications des vents et des courants maritimes, pourraient avoir favorisé à certaines époques les précipitations responsables de l'apparition de nouvelles glaces. Sur celles-ci se serait formé une couverture nuageuse propice. à leur maintien pendant la saison chaude et à leur extension pendant la saison froide. Le refroidissement du climat devient alors une conséquence de l'accroissement de l'albedo amené par les nuages et par la glace qui les fixe, comme on le constate sur nos versants enneigés.

Nous pensons que cette deuxième façon d'envisager une réalité où la cause et l'effet sont intimement liés est la plus exacte. Les causes astronomiques que nous allons évoquer , n'agiraient que lorsqu'elles rencontreraient des conditions favorables, pour assurer la stabilité du phénomène global car c'est un fait pendant de longues époques géologiques la Terre n'a pas connu ces époques glaciaires cycliques qui nous gouvernent aujourd'hui bien qu'elle ait été soumise aux mêmes influences astronomiques.

Milutin Milankovitch un ingénieur serbe qui devint ensuite professeur de physique, mathématiques et astronomie à l'université de Belgrade, eut l'intuition que l'influence de l'insolation reçue par l'hémisphère nord devait dominer sur le climat car les-2/3 des surfaces continentales y étaient concentrées. Il entreprit les calculs nécessaires à la démonstration de sa théorie, à la main et cela lui prit de nombreuses années interrompues par la grande guerre et un emprisonnement. Il en conclut que la glaciation devait être plus intense quand l'insolation tombait en dessous d'un certain seuil.

Les paramètres astronomiques qui interviennent sur l'insolation d'un point donné de la Terre sont l'excentricité, l'obliquité, la précession et l'inclinaison de l'orbite.

L'excentricité est le phénomène lié au fait que l'orbite de la Terre n'est pas un cercle parfait. Il s'en faut de peu, d'un millième, mais cette excentricité varie lentement puisque les masses ne sont pas équilibrées. Les trois fréquences fondamentales de cette variation se présentent à 95 000, 125 000 et 400 000 ans.

La précession correspond au lent changement de direction du pôle nord dans l'espace. La ligne des pôles décrit un cône en 25 800 ans. Cette dérive affecte le climat car la précession a pour conséquence qu'un point donné de la Terre se trouve au périhélion, point le plus proche du soleil sur son orbite, en des saisons différentes. Actuellement il est pour nous, au 4 janvier et cela nous vaut des hivers qui ne permettent pas aux glaciers de s'établir. Nous sommes ainsi au milieu d'un interglaciaire. Du fait du glissement du périhélion et d'un mouvement supplémentaire d'oscillation la période réelle est plus courte et se situe à 23 000 ans. Elle est la superposition de périodes dont les plus importantes sont 24, 22 et 19 000 ans.

L'obliquité est l'angle que fait la toupie de la terre avec son orbite. S'il était nul le soleil passerait tous les jours à l'équateur et il serait toujours visible à l'horizon depuis les pôles. Il n'y aurait pas de saisons prononcées. Cette obliquité varie de façon assez constante avec une période de 41 000 ans avec de faibles sous périodes à 29 000 et 53 000 ans.

Dans les enregistrements du paléoclimat dont nous disposerons à partir des carottages de glaces polaires, de l'étude des foraminifères benthiques ou encore des dépôts de pollen, on remarque que le signal dominant est à 100 000 ans.

L'insolation totale de la Terre dépend de l'excentricité. L'obliquité et la précession déterminent la distribution et non l'apport total. Leurs signaux devraient être clairement identifiables. Il n'en est rien. La théorie ne rend pas compte non plus de la rapidité et de la soudaineté des déglaciations (géologiquement parlant, la dernière a eu lieu il y a 10 000 ans) et du fait qu'elles précèdent les positions astronomiques censées les provoquer alors qu'elles devraient les suivre.

De nouveaux chercheurs ont voulu perfectionner les travaux de Milankovitch (Muller et Mac Donald notamment) et ils ont récemment (en 1997) avancé un quatrième paramètre permettant d'affiner les calculs, l'inclinaison orbitale. L' orbite de la Terre est plane mais son plan diffère de celui de l'orbite des autres planètes. C'est ainsi qu'il présente actuellement un angle de 3°4 avec celui de Vénus et 1°3 avec celui de Jupiter. Cet angle change avec le temps sous l'influence du moment angulaire des autres planètes. Son inclinaison est soumise à une période de 70 000 ans.

Parmi toutes les autres causes envisagées, poussières rejetées par les volcans, cycles solaires, aérosols (créés par les vagues de l'océan notamment), une seule paraît montrer une relation étroite avec les variations du climat. Il s'agit des poussières météoritiques qui serviraient d'ensemencement et provoqueraient une variation de la couverture nuageuse, paramètre le plus important du climat. Ce point demande de nouvelles études. Précisons que les poussières cosmiques reçues par le globe en une année le couvriraient, si elles étaient uniformément réparties d'une couche continue inférieure à 0,000 1 micron d'épaisseur et que tout effet direct paraît exclus. Cela souligne l'extrême ténuité du phénomène envisagé et les doutes permis. Des observations par satellite montrent que ces poussières se répartissent sur des anneaux autour du soleil comme les célèbres anneaux de Saturne. Leur introduction dans l'atmosphère est réglée par l'inclinaison orbitale la Terre.

La lumière du soleil arrive à la Terre avec une intensité moyenne de 1372 watts/m2 et si l'on tient compte de la réémission par la Terre, la surface de celle-ci devrait atteindre une température d'équilibre de -27° C (246 K). L'effet de serre dû à l'atmosphère élève cette température de quelques 40° C. La température moyenne est donc sous la dépendance de l'apport radiatif du soleil mais elle est très sensible aux phénomènes rétroactifs de serre et d'albedo.

L'effet de serre le plus important est celui des nuages. Leur rôle est double. D'une part ils accroissent le rayonnement de la Terre et dans l'autre sens l'effet de serre. Pour des nuages élevés fins l'apport est de 2,4 w/m2 et, pour des nuages épais, de -7°. Pour des nuages d'altitude moyenne il est de 1.1 et -16,7 w/m2. En moyenne l'effet d'albedo est de -53,5 w/m2 est il est partiellement annulé par l'effet infra-rouge qui est de 25,8 w/m2, pour un effet global de -27,7 w/m2.

Dans l'atmosphère actuel, la vapeur d'eau intervient pour 60 à 70 %, le dioxyde de carbone pour 25 % et les autres gaz, par ordre d'importance décroissant méthane, oxyde de l'azote, ozone, pour le reste. Leur conduite est compliquée par le fait qu'ils absorbent fortement certaines longueurs d'onde et pas du tout d'autres. Leur spectre d'absorption présente des lacunes, des trous dit-on. De plus, dans le cas du dioxyde de carbone, nous sommes déjà très proches de l'effet maximal.

Autre donnée importante, l'abaissement de température moyenne provoqué par une glaciation ou la provoquant, suivant les points de vue, est de 13°C

Cet exposé montre un écart important entre la théorie de Milankovitch, revue et améliorée par ses successeurs. On n'observe pas les pics à 43.000 et 71.000 ans et surtout 400.000 ans qui devraient provoquer les écarts d'insolation amenés par la précession et l'obliquité. Personne n'explique de façon convaincante le pie principal observé à 100.000 ans.

Pour conclure, une bonne façon de voir les choses consiste à considérer que le système de la Terre ne répond pas de façon directe (directement calculable, non linéaire dit-on) aux sollicitations astronomiques mais qu'il se réagit sous leur influence comme un système ayant une période propre de 100.000 ans. Les chercheurs parlent de système global non linéaire.

Jean Ritter, inspiré par la lecture de Ice ages and astronomical causes... par Richard Muller et Gordon J MacDonald,

Springer-Verlag, 2000.

6 avril 2001.

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