TGV Méditerranée : le coup d'accélérateur de la SNCF

La mise en service commercial du TGV Méditerranée, le 10 juin 2001, permettra de relier Paris à Marseille en trois heures. Mais l'investissement de 25 milliards de francs consenti par Réseau Ferré de France et l'Etat pour construire le dernier tronçon de ligne nouvelle entre Orange et Marseille ouvre des perspectives nettement plus importantes à la SNCF désormais en mesure de relier entre elles la plupart des grandes villes françaises et de concurrencer l'avion sur le marché intérieur français.

Le service d'été, le 10 juin, devrait rester comme une grande date dans l'histoire de la SNCF. En accueillant ses premiers voyageurs sur les 250 kilomètres de ligne nouvelle qui permettront aux TGV de relier Paris à Marseille en trois heures, l'établissement public espère en effet renouveler l'opération lancée dans les années 70 lorsque fut décidée la construction de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon. Le train à grande vitesse, inauguré en septembre 1981 par le président de la République François Mitterrand, a en effet marqué un véritable tournant dans la vie de l'entreprise.

En mettant Paris à deux heures de Lyon grâce à des rames circulant en service commercial à 270 kilomètres/heure, la SNCF ne se contentait pas d'aller plus vite que le Shinkhansen japonais. Elle mettait en fait en pratique une idée née dans les années 30, en même temps que les autoroutes, celle d'une infrastructure spécifique parcourue par des rames surmotorisées permettant des gains de temps importants, tant par la vitesse que par la réduction du kilométrage. En effet, la surmotorisation des rames n'apportait pas que la vitesse, elle permettait aussi de gravir des pentes importantes grâce au caractère exclusif de l'infrastructure qui n'avait plus besoin d'être calculée en fonction des caractéristiques des lourds trains de fret. Plus qu'un train, le TGV était un système. Cette caractéristique explique du reste que les réseaux qui utilisent des trains rapides sur une infrastructure classique n'aient pas retiré autant de bénéfices de leurs investissements que la SNCF.

Car le TGV Paris-Lyon a marqué une véritable rupture dans la courbe déclinante du trafic voyageurs de la SNCF. Il a montré aux cheminots et aux hommes politiques que le train pouvait reprendre des parts de marché à l'avion et à la voiture qui bénéficiait d'un réseau autoroutier en rapide expansion. Les résultats encourageaient déjà les responsables de la SNCF à envisager le prolongement de la ligne vers Marseille... mais les impératifs politiques dévièrent le TGV vers Conéré et Saint-Pierre des Corps. Le Tunnel sous la Manche l'entraîna ensuite vers Lille, avant Bruxelles et, bientôt, Amsterdam et Cologne. Avec à chaque fois des erreurs. Une mise au point laborieuse sur l'Atlantique, des tarifs dissuasifs sur le Nord, une infrastructure pas du tout prête de l'autre côté des frontières.

Aujourd'hui, la SNCF a tiré toutes les leçons de ses expériences diverses et se dit fin prête pour le TGV Méditerranée. Le matériel est éprouvé et les tarifs ne s'envoleront pas. Certes, il y aura nécessairement quelques rodages et même des grincements de dents chez certains cheminots mais ces petits inconvénients paraissent bien minimes au regard des changements qu'ils imposent.Le "TGV Med" ne se résume pas à une heure de gagnée entre Paris et Marseille. Il entraîne de très importants gains de productivité en matière de roulements du personnel et des rames, la remise à plat des circulations ferroviaires dans tout le quart Sud-Est de la France, et, surtout, il permet au train de se placer sur un marché qui était jusque-là réservé à l'avion. Personne n'aurait raisonnablement imaginé il y a dix ans que les relations ferroviaires Londres Marseille ou Marseille Bruxelles aient pu avoir un avenir. Les connexions qui se profilent avec l'Espagne, par la même ligne complèteront encore cet effet réseau.

Le 10 juin, la SNCF proposera ainsi pas moins de 140 nouvelles relations. Elle en attend, d'ici 2003, quelque 6 millions de voyageurs supplémentaires, dont dès cette année, et donc sur six mois d'exploitation, 1,5 million de passagers. Rarement une entreprise a bénéficié d'un tel coup d'accélérateur. Les dirigeants de la SNCF en ont pris conscience. Ils seront jugés sur leur capacité à convaincre les cheminots de ne pas laisser passer cette chance. Car la réussite du TGV Med pèsera lourd dans l'évaluation de la capacité du chemin de fer à évoluer pour répondre aux aspirations de la société.

La ligne nouvelle en chiffres
- 250 km de ligne nouvelle
- 600 hectares d'emprise
- 10.000 parcelles
- 3.000 actes notariés
- 97% d'acquisitions à l'amiable
- 2.000.000 m2 de plans
- 3 gares nouvelles (Valence TGV, Avignon TGV, Aix-en-Provence TGV)
- 36 millions m3 de déblais
- 40 millions m3 de remblais
- 483 ouvrages d'art courants
- 17.155 mètres de viaducs
- 12.768 mètres de souterrains et tunnels
- 1.000 km de rails
- 2.400.000 tonnes de ballast
- 850.000 traverses
- 150 procédures qualité.
- 25 milliards de francs financés à 90 % par RFF, 10% par l'Etat.
Les collectivités territoriales (Conseil régional Rhône-Alpes, Conseil général de la Drôme, Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur, Conseil général des Bouches-du-Rhône) ont participé au financement des gares nouvelles :
- Valence TGV: 430 millions de francs répartis entre SNCF-RFF 267 millions de francs, Conseil général de la Drôme 33 millions de francs et Conseil Régional Rhône-Alpes 130 millions de francs - Avignon TGV: 310 millions de francs répartis entre SNCF-RFF 285 millions de francs et Conseil Régional PACA 25 millions de francs.
- Aix en Provence-TGV: 350 millions de francs répartis entre SNCF-RFF 250 millions de francs, Conseil général des Bouches-du-Rhône 50 millions de francs et Conseil Régional PACA 50 millions de francs.

Pour atteindre ses objectifs, le TGV Méditerranée dispose d'atouts spécifiques:
- Le cadencement Paris/Marseille à l'heure et à la demi-heure en période de pointe et l'offre rythmée Paris-Montpellier ainsi que Lyon/Marseille.
- Un gain d'une heure et plus sur 140 destinations : le TGV joue à plein l'effet réseau et notamment l'effet réseau à grande vitesse.
- Une forte augmentation des fréquences avec six trains de plus sur Paris-Marseille, trois sur Paris-Montpellier et cinq sur Lyon et Marseille
- L'amplitude horaire élargie, avec des aller/retour possibles dans la journée sur Paris/Marseille et Paris/Montpellier, ainsi qu'une arrivée à Paris pour 9h en venant de Marseille et de Montpellier et des aller/retour dans la demi-journée sur Lyon/Marseille et Lyon/Montpellier.
- Une forte articulation TGV/TER.
- L'intermodalité a également été fortement améliorée, avec un soin tout particulier apporté aux navettes entre les trois nouvelles gares TGV et les centres villes.
"Le 10 Juin 2001 n'est qu'une première étape! 34 rames TGV Duplex nouvelles vont nous être livrées entre décembre 2001 et janvier 2004 ; ce doublement de notre parc Duplex va autoriser de nouvelles fréquences ", s'enthousiasme Guillaume Pepy, directeur général délégué clientèles.
A ces offres, s'ajoute un engagement majeur de l'entreprise, la ponctualité: 90% des TGV Méditerranée doivent arriver à l'heure dans un délai de 10 minutes.

Le parc TGV Méditerranée
Pour assurer la desserte TGV Méditerranée à l'horizon 2002, les premières études avaient démontré que, dans des conditions d'exploitation "traditionnelles", le parc devait s'élever à 207 rames TGV.
Après rénovation et mise à 300 km/h des 89 rames TGV Sud-Est et en comptant le parc Réseau et Duplex disponible, il manquait encore 39 rames, correspondant à un coût d'acquisition de plus de 4 milliards de francs.
Les roulements ont été resserr&eac ute;s (moins de dessertes terminales, plus de correspondances quai à quai avec des TER) ce qui a permis de gagner 6 rames.
La réorganisation de la maintenance (maintenance aux terminus, maintenance en dehors des périodes de pointe) et l'augmentation des parcours moyens de 20 % ont permis d'économiser 21 rames.
Pour compléter le parc en première étape, la SNCF a décidé d'acheter seulement 12 rames TGV Duplex (1,5 milliard de francs) en 1999. La croissance prévisible des trafics l'a conduit à commander 22 rames TGV Duplex supplémentaires en octobre 2001.
Quatre matériels différents assureront les nouvelles dessertes:
- 30 TGV Duplex en 2001 (42 en 2002 et 64 à partir de 2004) 49 TGV Réseau
- 47 TGV Sud-Est "Rénovation 1"
- 42 TGV Sud-Est "Rénovation 2"
Leurs capacités, leurs performances, leurs aménagements intérieurs et les services qu'ils offrent sont adaptés aux diverses liaisons (directes ou desservant plusieurs gares, missions longues ou courtes, circulations sur des réseaux étrangers ...) ou aux publics qu'ils accueillent (familles, affaires ...).

Le TGV Duplex
Destiné aux liaisons Paris-Lyon et Paris-Méditerranée. Il offre 510 places dont 182 en 1ère classe, espaces "Club", "familles", "détente", nurserie, espace pour personnes à mobilité réduire accessible par plate-forme élévatrice, bagageries en milieu de voiture, climatisation, étanchéité aux ondes de pression en tunnel. La circulation à bord s'effectue par les salles hautes qui bénéficient d'une vision panoramique et sont plus animées, tandis que les salles basses gardent une atmosphère plus calme, propice au repos ou au travail. La disposition des sièges a été entièrement repensée pour supprimer les "places aveugles" afin que chaque voyageur puisse profiter du paysage.
Economie et technique:
- Capacité supérieure de 49 % à un TGV "Rénovation 2"
- Coût d'exploitation à la place inférieur de 15 % à celui d'un TGV Réseau Consommation inférieure à 1 litre/équivalent pétrole/100 km par voyageur à 300 km/h (un vélomoteur = 1,9 litre/équivalent pétrole/100 km)
- Impact acoustique en environnement inférieur de 2,5 dB(A) à un TGV Atlantique
- Malgré ses deux niveaux, le TGV Duplex ne fait que 17 tonnes à l'essieu comme les autres TGV; pour cela, il a fallu "l'alléger" considérablement en recherchant des gains de poids sur tous les éléments, par exemple : caisses des voitures en aluminium, structures de sièges en magnésium (économie de 12 kg/siège), essieux à axes forés (économie d'une tonne/bogie).
Le TGV Duplex est doté de dispositifs de sécurité passive pour protéger les clients et les personnels en cas de choc frontal. La Direction du Matériel de la SNCF lui a consacré 400 000 heures d'études et d'essais. Il a été mis en service commercial sur Paris - Lyon en décembre 1996.

Le TGV Réseau
Destiné aux liaisons Paris Méditerranée et Province Province. Il offre 377 places dont 120 en 1ère classe Sièges de 2ème classe à assise réglable, Espaces "Club", "familles", nurserie, handicapés ...
- Climatisé
- Etanchéité aux ondes de pression en tunnel
Les rames TGV Réseau ont été les premières à bénéficier du nouveau système de signalisation TVM 430. Leur motorisation renforcée et leur freinage électrique leur permet d'effectuer de longs parcours à grande vitesse.
Les versions tri-courant et quadri-courant (Thalys) du TGV Réseau et leur adaptation aux systèmes de signalisation des pays traversés lui permettent de desservir l'Italie, la Belgique, la Hollande et l'Allemagne.
La rame TGV Réseau 531 qui assure depuis le 3 octobre 2000 les essais de la ligne nouvelle TGV Méditerranée entre Valence et Avignon. Equipée d'une voiture laboratoire contrôlée par l'Agence d'Essai Ferroviaire, elle vérifie le comportement de la voie et le captage du courant à 350 km/h afin de garantir le confort et la sécurité des voyageurs à 300 km/h en service commercial. Lors de ces essais, elle a atteint la vitesse de 360,4 km/h. Fin mai, elle a également établi le record d'endurance ferroviaire en parcourant 1.067,2 kilomètres séparant Calais Fréthun de Marseille en 3 heures 29 minutes. Le TGV réseau a été mis en service commercial sur Paris - Lille en 1993.

Les TGV Sud-Est rénovés
Historique: Les premières rames "orange" ont été mises en service commercial sur Paris-Lyon en septembre 1981. Au 20.03.2001, les 107 rames avaient parcouru 726.281.227 km (4,8 fois la distance de la Terre au Soleil), avec 7.693.964.km au compteur, la rame n°1 a effectué 20 fois l'équivalent de la distance Terre-Lune.
Les rames TGV Sud-Est ont déjà été rénovées entre 1986 et 1994 ; elles avaient gardé leur livrée orange, mais leur décoration intérieure initiale, très "années 70", avait été revue pour mieux s'adapter au goût des clients. 63 rames avaient également reçu le système de signalisation TVM 430 pour emprunter la ligne à grande vitesse Rhône-Alpes entre Lyon et Valence.
L'arrivée des TGV de dernière génération, et notamment celle des TGV Duplex, et leur impact sur les clients, a suscité de nouvelles attentes de leur part. La Direction Grandes Lignes a alors souhaité harmoniser à la fois l'offre et le design de l'ensemble de la flotte TGV.
La "Rénovation 1" a donc commencé en 1996 et a concerné 65 TGV, dont les 47 destinés au TGV Méditerranée et adaptés aux circulations à 300 Km/h, les 18 autres rames restant limitées à la vitesse de 270 Km/h.
La "Rénovation 2" intègre davantage encore les attentes des clients, elle a débuté en 1999 et concerne 42 TGV. La rénovation des 105 TGV Atlantique commencera au 1er semestre 2003, 6 d'entre eux deviendront pendulaires pour la desserte de Paris-Limoges-Toulouse.
Les rames sont rénovées à l'occasion de l'OPMV (OPération Mi-Vie) qui consiste à vérifier tous leurs organes, ce qui permet de ne les retirer qu'une seule fois du service commercial. Chaque TGV rénové est immobilisé 40 jours et nécessite 30.000 h de travail dans les Etablissements Industriels de la SNCF. Chaque rénovation coûte 8,5 millions de francs auxquels s'ajoute la mise à V300 pour 7,5 millions de francs, ce qui représente un investissement total de 16 millions de francs pour un TGV qui roulera encore pendant 15 ans ; soit une économie de 90 millions de francs par rapport au prix d'acquisition d'une rame Réseau. Le prix d'une rénovation est composé de 40 % de main-d'oeuvre et de 60 % de coûts matières. Environ 200 entreprises françaises ont reçu plus de 500 commandes pour les rénovations.

La " Rénovation 1 "
destinée principalement aux dessertes de la Savoie, de la Bourgogne, de la Franche -Comté, de la Provence se traduit par 350 places dont 110 en 1ère classe; le pas des sièges a été augmenté de 4 cm en 2ème classe Espaces "familles" et nurserie, des toilettes modernisées, un niveau d'éclairage à deux positions, liseuse halogène réglable, des porte-bagages à deux niveaux, des accoudoirs et têtières en cuir en 1ère classe et des sièges inclinables multipositions en 2ème classe. Des distributeurs automatiques de boissons chaudes et fraîches sont également prévus à partir de fin 2001.
La vitesse portée à 300 Km/h pour les 47 rames affectées à la desserte TGV Méditerranée. Système de signalisation TVM 430 ; frein "haute puissance" ; rames bi-courant 25 kV/50 Hz et 1500 V cc Puissance 6400 kW. Au plan technique, outre la vitesse portée à 300 Km/h qui consiste à modifier le rapport d'engrenage des ponts moteurs, à renforcer la ventilation des organes concernés et à adapter les équipements électroniques correspondants, les essieux moteurs et porteurs des rames ont reçu de nouveaux freins "haute puissance" qui leur permettent de garder les mêmes distances d'arrêts qu'à 270 Km/h. Des modifications annexes leur ont été également apportées :
- le SAFI (Signa) d'Alarme à Frein Inhibable) qui permet au conducteur de différer un arrêt d'urgence s'il le juge utile et de ne pas immobiliser son train, par exemple, dans un tunnel ou sur un viaduc,
- la DNI (DétectioN Incendie) sur les points sensibles des motrices,
- la Mini-étanchéité qui consiste à obturer les prises d'air extérieures au voisinage de la zone Tricastin.
Les rames " Ligne de Coeur " :9 rames tri-courant 25 kV/50 Hz, 1500 V cc et 15 kV/16 z/3 Hz ont reçu la rénovation "Ligne de Coeur" pour la desserte de la Suisse. Leurs aménagements intérieurs sont similaires à ceux de la "Rénovation 1". Leur vitesse est toujours de 270 km/h et leur système de signalisation (TVM 300) n'a pas été modifié.

La " Rénovation 2 "
est destinée principalement aux dessertes de la Côte d `Azur, du Longuedoc-Roussillon et aux liaisons province province via Lyon. Elle se traduit par 345 places dont 69 en 1ère classe ; le pas des sièges a été augmenté de 8 cm en 2ème classe. Mêmes modifications intérieures que pour la "Rénovation 1", avec, en plus la possibilité de réserver sa place dans le sens de la marche grâce à un système de double numérotation des sièges.
Espaces "communication" pour les utilisateurs de téléphones portables. Prises 220 V en 1ère pour l'alimentation des ordinateurs
Bagageries en milieu de voitures Bagagerie "gros volumes" en voiture 8. Local d'accueil commercial pour le contrôleur.
Bar rénové. Local pour le transport des vélos. L'une des voitures de 1ère classe a été transformée en voiture de 2ème classe. La multiplicité des services et des espaces offerts par les "Rénovation 2" a été pensée pour séduire essentiellement une clientèle familiale.
Une rame particulière: 41 rames "Rénovation 2" seront prêtes pour la mise en service TGV Méditerranée, le 10 juin prochain. La 42ème les rejoindra à mi-août : transformée en démonstrateur pendulaire en 1998 -et dotée d'une livrée grise et bleue spécifique-, elle a terminé ses essais fin 2000 et est actuellement en cours de "remise au type" dans l'Etablissement du Matériel de Bischheim.
Technique: Vitesse portée à 300 Km/h. Système de signalisation TVM 430. Frein "haute puissance". Rames bi-courant 25 kV/50 Hz et 1500 V cc. Puissance: 6400 kW.