Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Conditions de réalisation de cette étude

Etudier le degré de pénétration d'un cinéma revient aussi à étudier le nombre de spectateurs que celui-ci a attiré. Ce travail est réalisé à partir des chiffres fournis par le CNC.

Tableau présentant le nombre total de spectateurs français qui ont vu des films japonais entre 1951 et 1999.

année nombre de spectateurs sur l'année  nombre de spectateurs pour ces films Pourcentage de spectateurs pour ces films japonais 
1951 372 837 450 2 617 0,00%
1952 359 621 000 240 623 0,07%
1953 370 634 000 - 0.00%
1954 382 821 000 1 398 875 0,37%
1955 394 889 000 378 873 0,10%
1956 398 888 000 490 095 0,12%
1957 411 693 000 4 289 674 1,04%
1958 371 030 000 1 077 444 0,29%
1959 353 719 000 1 400 769 0,40%
1960 354 674 000 363 715 0,10%
1961 328 360 000 1 180 194 0,36%
1962 311 736 000 448 382 0,14%
1963 292 074 000 899 087 0,31%
1964 275 830 000 974 976 0,35%
1965 259 425 000 1 124 836 0,43%
1966 234 730 000 1 910 879 0,81%
1967 211 450 000 - 0,00%
1968 203 242 000 1 844 454 0,91%
1969 183 880 000 843 074 0,46%
1970 184 420 000 394 410 0,21%
1971 176 980 000 859 000 0,49%
1972 184 400 000 495 000 0,27%
1973 175 961 000 437 832 0,25%
1974 179 437 000 1 170 000 0,65%
1975 181 670 000 505 672 0,28%
1976 177 290 000 4 776 121 2,69%
1977 170 256 000 676 860 0,40%
1978 178 540 000 1 043 100 0,58%
1979 178 100 000 1 351 013 0,76%
1980 175 430 000 1 230 000 0,70%
1981 189 230 000 508 250 0,27%
1982 201 930 000 289 721 0,14%
1983 198 870 000 2 534 049 1,27%
1984 190 870 000 55 925 0,03%
1985 175 080 000 1 427 737 0,82%
1986 168 130 000 152 675 0,09%
1987 136 940 000 160 017 0,12%
1988 124 750 000 711 323 0,57%
1989 120 910 000 153 767 0,13%
1990 121 920 000 510 921 0,42%
1991 117 490 000 569 137 0,48%
1992 116 050 000 92 976 0,08%
1993 132 720 000 301 968 0,23%
1994 124 420 000 117 392 0,09%
1995 130 240 000 802 635 0,62%
1996 136 740 000 292 894 0,21%
1997 149 410 000 603 889 0,40%
1998 170 100 000 183 305 0,11%
1999 155 630 000 803 651 0,52%
moyenne annuelle 264 233 725 403 134 0,26%
minimum 155 630 000 2 617 0,00%
maximum 372 837 450 4 776 121 3%

Plusieurs éléments apparaissent à la lecture de ce tableau. Il est tout d'abord difficile de dégager une tendance générale. Le graphique est dit "en dents de scie", et ne permet pas de dégager une dynamique globale sur ces cinquante dernières années.( Voir figure 4). Figure 2 : Evolution du nombre annuel de spectateurs pour le cinéma japonais en France. Entre 1951 et 2000, la moyenne annuelle du nombre de spectateurs français pour le nombre moyen annuel de spectateurs (entrées payantes) est 403 134, soit 0.26 % du nombre total de spectateurs annuel en France. Un premier constat s'impose : c'est très peu. Cependant, on remarque que si le cinéma japonais entre 1951 et 2000 n'attire que 0.26% des spectateurs français, il représente tout de même 1.79% de l'ensemble des films proposés aux spectateurs français. La comparaison entre les deux graphiques 4 et 5 montre que le nombre de films présentés et le nombre de spectateurs ne concordent pas. Si les années 1957, 1976, 1983 et 2000 sont des années qui ont attiré plus de deux millions de spectateurs en leur offrant des films inédits, ce sont les années 1991, 1994, 1995,1999 et 2000 qui ont proposé le plus grand nombre de films japonais inédits (plus de 15 par an). L'augmentation de l'offre ne permet donc pas un accroissement significatif du nombre de spectateurs. Peut être peut-on incriminer le type de films sélectionnés, à 90% classés art et essai (équivalent à complexe et ennuyeux aux yeux du grand public) sur ces 10 dernières années. Figure 4 tableaux présentant les parts de marché en pourcentage du total France par nationalité

Parts de marché en pourcentage du total France par nationalité

Années France USA GB Italie Autres 
1951 47.3 40.0 3.7 5.1 3.9
1975 50.7 27.0 4.1 4.9 13.3
1999 29.7 53.9 8.7 0.9 6.8

 

Si l'on regarde les parts de marché en pourcentage du total France par nationalité, le cinéma japonais semble quasiment absent, relégué à la catégorie "autres" du tableau, à partager un maigre pourcentage avec tous les pays du monde hors France, Etats-Unis, Grande Bretagne et Italie. Notre étude va donc porter sur un cinéma peu connu du grand public, et dont le succès aura toujours été relatif au regard des autres grandes puissances cinématographiques présentes en France. Simon Simsi, dans son ouvrage Ciné-Passions qui étudie les grands succès des films projetés en France de 1945 à 1999, élabore pour chaque année un classement des 20 films, toutes nationalités confondues, qui ont attiré le plus de spectateurs cette année-là. Qu'en conclure? Avec ses 0.1% des meilleurs succès populaires en France, le cinéma japonais n'est vraiment pas reconnu du grand public. Le seul film qui ait fait partie de ce top 20 est l'Empire des Sens en 1976…censuré pour pornographie. Le nombre d'amateurs d'érotisme était certainement plus élevé que le nombre de nippo cinéphiles dans les salles diffusant ce film. Si l'on oberve le nombre d'entrées des 359 films japonais sortis en France entre 1951 et 2001, on se rend compte que seuls 6% des films ont fait plus de 500 000 spectateurs, ce qui est très peu. D'autant plus que 73 % ont réalisé moins de 100 000 entrées, soit s'apparentent à des échecs commerciaux….

Figure 6 : Nombre d'entrées pour les films japonais en France 1951 et 2001.

Nombre d'entrées Nombre de films Pourcentage par rapport au nombre total de films japonais Sortis en France entre 1951 et 2001
Plus de 2 millions d'entrées 2 0.55 %
Entre 1.5 et 2 millions d'entrées 2 0.55 %
Entre 1 et 1.5 millions d'entrées 2 0.55 %

Entre 500 000 et un million d'entrées
17 4.73 %
Entre 100 000 et 500 000 entrées 72 20.05 %

Entre 50 000 et 100 000 entrées
37 10.30 %
Entre 10 000 et 50 000 entrées 93 25.90 %
Entre 5 000 et 10 000 entrées 38 10.58 %
Moins de 5000 entrées. 94 26.18 %

Le cinéma japonais, tourné en japonais, fruit d'une culture peu connue et peu appréciée du tout-venant français, reste donc un cinéma de curiosité. Le fait est qu'il est essentiellement distribué dans les salles d'art et d'essai , qui projettent des films de genre ou d'auteurs rares ou peu diffusés, souvent à perte, grâce à des structures comme l'AFCA qui subventionnent ce type de cinéma. Il bénéficie globalement de peu de promotion, en dehors des festivals, nous y reviendrons. L'audience de ces films est donc essentiellement composée de cinéphiles curieux. Les films japonais sortis en France connaissent un succès relatif, et connaissent une diffusion limitée. Sur une période de 50 ans (entre 1951 et 2000), environ 370 films ont connu une sortie cinéma en France, parfois dans des manifestations de plus ou moins large étendue, se limitant souvent au seul public parisien (Hommage à Kurosawa en 1985, Rétrospective Ozu en 1992…). Les grands circuits de distribution évitent de prendre des risques en diffusant ce genre de films, et demeurent frileux quant à la large diffusion de films fruits d'une culture extrêmement différente, éloignée des canons des grands succès populaires traditionnels. Evidemment, par rapport aux cinémas albanais, islandais ou thaïlandais, la cinématographie nipponne a l'air nettement mieux considérée -mais que retient-on, sinon une poignée de noms? Le fait est que le Japon est l'un des plus grands producteurs mondiaux de cinéma, réalisant jusqu'à plus de 500 films par an certaines années. Le nombre restreint de films japonais que nous avons pu découvrir sur nos écrans ne peut être significatif de la richesse et de l'ampleur de ce cinéma d'Extrême Orient, trop mal connu. En 50 ans, la France n'a pu voir que l'équivalent d'une seule année de production cinématographique japonaise.

Figure 7 : nombre de films produits par an au Japon

années Nombre de films réalisés au Japon  années Nombre de films réalisés au Japon 
 1958 516 1976 356
1959 500 1977 337
1960 555 1978 326
1961 537 1979 331
1962 378 1980 320
1963 363 1981 332
1964 346 1982 322
1965 487 1983 317
1966 442 1990 239
1967 410 1991 230
1968 494 1992 240
1969 494 1993 238
1970 423 1994 251
1971 421 1995 289
1972 400 1996 278
1973 405 1997 278
1974 344 1998 249
1975 333 1999 270

Jean d'Yvoire écrivait en 1955 (parlant des films japonais) "L'existence de films pour festivals et celle de films pour le marché intérieur, rend toute étude sur le cinéma nippon très difficile, surtout lorsqu'on s'adresse à un public n'habitant pas le Japon, car, ou bien on est contraint de ne parler que des films qu'on a pu voir à l'étranger_ On en a projeté 8 en France depuis 1950_ou bien des films que l'on y voit pas_ Le japon a produit 1800 longs métrages de 1946 à 1954, et en sortira environ 400 rien que pour cette année 1955; et ceux-ci constituent quand même pour les japonais la partie la plus vraie, la plus humaine et la plus réellement japonaise de la production nippone d'après guerre." En effet, n'a été projeté en France de façon nationale, hors festival, que 373 films japonais, soit moins de la production d'une année de cinéma au Japon. ( voir figures 8 et 9).

 

nombre de films sortis en France nombre de films japonais inédit sortis en France pourcentage représenté par le cinéma japonais par rapport au total des films présentés en France
moyenne annuelle 478,5 6 1,79
minimum 426,0 0 0
maximum 397,4 25,0 6,93

 

Cependant, si le nombre de films japonais présentés en France reste extrêmement faible au regard de l'ensemble de la production cinématographique japonaise, force est de constater que le nombre de films japonais présentés par an est croissant, notamment dans les années 1990 qui ont offert le plus grand nombre de films japonais au public français. (voir figure 10.) Le cinéma japonais est donc un cinéma rare en France. Se pose alors la question de savoir comment celui-ci pénètre nos frontières, et si les difficultés qu'il rencontre peut expliquer à la fois sa faible présence sur les écrans français, et, paradoxalement son omniprésence médiatique.