Histoire
du cinéma japonais en France (1951-2001)
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Le cinéma japonais dans les festivalsLes récompenses décernées par les grands festivals internationaux ont été jusque dans les années 1980 un gage de qualité, et l'assurance d'un certain succès public. C'est en cela que l'étude du cinéma japonais dans les Festivals se révèle nécessaire, même si ceux-ci ne touchent pas directement le grand public, qui n'en a d'échos que par le biais des médias sans pouvoir lui-même assister aux projections. Nous axerons notre étude concernant les festivals plus particulièrement sur le Festival de Cannes , qui est le plus médiatisé en France, et dont les répercutions sur le public français sont donc plus importantes. -Un moyen de se faire connaître et reconnaître?Le passage par les festivals est fondamental pour tout cinéma qui veut se faire connaître [1] .Ce sont les festivals qui ont permis aux occidentaux de découvrir le cinéma japonais. La distribution des films se fait actuellement un peu moins aléatoire, même si la cohérence dans la présentation de l'ensemble de l'œuvre d'un réalisateur reste encore assez peu probante [2] . Dans les années 1960, les festivals de Venise et de Berlin ont présenté beaucoup plus de films japonais que celui de Cannes , caractérisé par un manque d'ouverture sur l'Asie. Cela est dû au manque d'intérêt de ceux qui sélectionnent les films présentés à Cannes. [3] Un revirement a eu lieu cependant. Ce regain d'intérêt s'explique par le fait que le fils de Gilles Jacob , amateurs de films asiatiques, s'occupe en partie de la sélection des films pour le festival de Cannes. [4] " Les Japonais sont la providence des jurés ! Lorsque ceux-ci sont partagés et éprouvent la crainte de heurter les compétiteurs occidentaux, ils se rallient aussitôt sur un film japonais. Ainsi sont-ils assurés de ne point faire de mécontents et d'avoir la bénédiction des intellectuels " [5]
Le Festival de Locarno a aussi beaucoup impressionné les journalistes français. Tout a commencé quand Marco Muller , le directeur du Festival du Film de Locarno , a fait découvrir le cinéma chinois fait d'ombres électriques. Il permet ainsi à l'Europe de découvrir le cinéma chinois d'avant Mao. C'est là que commence la sino cinéphilie. Celle-ci ouvre une brèche et fait découvrir toute la richesse du cinéma asiatique. Si le cinéma chinois en est le premier bénéficiaire, le cinéma japonais en profite aussi, glanant un nouveau public curieux, qui s'ouvre sur tout un continent. [6] «
Longtemps, nous avons eu la prétention de nous passer de tout
ce qui n'était pas américain, européen et, exceptionnellement,
japonais. Nous avions tous une dette à l'égard du cinéma
américain, le premier langage que nous ayons connu. Maintenant,
nous découvrons les cinématographies d'autres continents.
Les festivals de Cannes et de Toronto ont établi leur crédibilité.
Ces films racontent des histoires, mais il y a autre chose: un univers
différent a pris forme ces 20 dernières années.
La réalité occidentale avait désespérément
besoin de sang neuf. Cet apport est venu du reste du monde, de réalisateurs
exclus par les milieux du cinéma. » [7]
Figure 1 Films japonais présentés dans les grands festivals ayant connu une sortie nationale en France.
La lecture du tableau de la figure 13 montre que sur les 100 films japonais (longs métrages) présentés à Cannes entre 1951 et 2001, 44 ont connu une sortie nationale en France. Tous les films présentés dans les festivals ne connaissent pas forcément une sortie officielle. C'est ainsi que la version du Dit du Genji par Shindo Kaneto (1952), n'a pas été présentée au grand public français, même primé pour la photographie et la composition plastique, contrairement à celle de Yoshimura Kimisaburo , sortie en 1951, mais sans les honneurs d'une présentation à Cannes… De même Il est mort après la Guerre , Yunbogi no Nikki , et Le Journal du Voleur de Shinjuku de Nagisa Oshima ont été présentés au Festival de Cannes en 1971et 1972, mais n'ont connu aucune sortie nationale en France, restant des produits de festivals et de rétrospectives. La liste des exemples similaires est longue…à moins d'être primés, d'avoir été l'objet de polémiques, ou tout simplement très présents dans les médias, peu de ces films connaissent une grande sortie nationale.
La participation à un festival implique une certaine couverture médiatique. Cependant, même s'il y a succès critique pendant le festival, cela n'implique pas forcément une acquisition par un distributeur. Sonatine de Takeshi Kitano , malgré sa présentation dans la sélection Un Certain Regard à Cannes en mai 1993 n'a pu sortir en salle qu'en mai 1995, soit un décalage de deux années.
A part quelques grands cinéastes comme Imamura , qui peut réaliser jusqu'à 60 000 entrées à Paris, il n'est pas de règle générale. Un prix n'appelle pas forcément le succès public. Il y a une époque où une Palme d'Or à Cannes était synonyme de grand œuvre, comme pour la Ballade de Narayama de Imamura, qui a réalisé un grand nombre d'entrées en France en 1983 . Mais quand l'Anguille du même Imamura, qui s'est vu attribué le même prix, est sorti 14 ans plus tard, cela a été un échec commercial. La Palme d'Or n'est plus un gage de réussite pécuniaire depuis la fin des années 1970. Même si un film a été primé, il n'en connaîtra pas forcément une grande carrière pour autant, souvent beaucoup plus un succès d'estime. Il suffit souvent qu'un ou deux films marchent pour ouvrir une brèche. [10]
-Limites de l'impact des Festivals.Le fait est que les Japonais compliquent la sélection en acceptant que certains films soient sélectionnés, mais pas d'autres. L'idée qu'ils se font sur le fait que tel ou tel film puisse potentiellement être des succès sur les marchés occidentaux, leurs visées commerciales les poussent à ne pas vouloir nous vendre leur cinéma d'art et d'essai, mais leur cinéma grand public. Les auteurs pâtissent de cette attitude qui ne leur laisse finalement que peu de chances d'être distribués à l'étranger. Les qualités commerciales et les qualités artistiques d'un film ne sont pas forcément les mêmes, et en cela, les Japonais font parfois des erreurs d'estimation. [11] Pendant des années, on a vu de "mauvais films" dans les grands festivals internationaux : " Il faut beaucoup pour faire accepter ces histoires à un public occidental. Mais nous sommes si fortement épris de merveilleux que l'exotisme nous séduit même lorsque nous ne sommes pas surs d'avoir très bien compris. Il faut savoir gré au réalisateur de ne faire aucune concession et de ne pas tenter de se rapprocher de ce public européen qui, d'ailleurs, s'enthousiasme pour tout ce qui vient d'Orient, au point que les plus médiocres productions nippones ou indiennes sont à peu près certaines de recevoir chaque années les récompenses suprêmes au Festival de Cannes et à celui de Venise " [12]
Le festival de Cannes se contente de récupérer les noms des cinéastes qui ont fait leurs preuves dans des festivals de moindre envergure médiatique tel le Festival de Nantes . Or dans la carrière d'un artiste, la production n'est pas de qualité uniforme, ce qui fait que certains films sélectionnés ne sont pas forcément très bons. [13] Le Festival de Cannes a, selon Hubert Niogret , le défaut de se baser sur les phénomènes de mode, mais généralement avec un train de retard, ce qui entraîne des sélections arbitraires, et des erreurs d'appréciation. Prenons le cas de Shinji Aoyama , réalisateur d' Euréka . Ce cinéaste plutôt moyen a réalisé là un film plus intéressant, monté en épingle à Cannes, présenté comme génial, et bénéficiant ainsi d'une couverture presse colossale lors de sa présentation au festival en mai 2000. C'est ainsi que le film suivant, Desert Moon , du même réalisateur a été sélectionné d'emblée pour la cession 2001 du dit festival. Or ce film est d'une qualité extrêmement médiocre…et l'échec fut total. Ce problème d'emballement provisoire et d'effet de mode nuît considérablement à la qualité des sélections proposées [14] , ce que confirment unanimement Max Tessier et Hubert Niogret, tous les deux de grands habitués des festivals, l'un en tant que sélectionneur, l'autre comme critique de film.
- Les petits festivals.Les festivals de Cannes , Berlin , et Venise se réservent de grands films, ce qui empêchent de petits festivals comme la Biennale d'Orléans de pouvoir présenter de grands noms, ces derniers doivent se contenter de sélections mineures ou de films parfois médiocres connotés auteurs. [15] Mais cette contrainte en fait aussi les découvreurs de nouveaux talents. On ne peut ignorer le travail du Festival de Nantes , qui a découvert Hou Hsiao-Hsien avant Cannes . Les frères Jalladeau , Philippe et Alain, ont réalisé une très bonne sélection de films asiatiques au fil des ans, amenant des films et des auteurs nouveaux, inconnus du grand public, et ouvrant de nouvelles brèches. Cependant, ils ont plus fait pour les films coréens, chinois, taiwanais que pour le cinéma japonais lui-même. Cependant, en attirant l'attention sur le cinéma asiatique, ils ont contribué à relancer l'intérêt pour le cinéma japonais [16] . Depuis quelques années
les festivals consacrés au cinéma japonais comme le Festival
du film asiatique de Deauville, le Festival Panasia à Lyon, la
Biennale d'Orléans rencontrent un public toujours croissant.
Ce sont les manifestations les plus efficaces pour faire connaître
un nouveau visage du cinéma japonais : ces festivals provinciaux
ont le mérite de faire découvrir à un public non
parisien des films qu'ils n'auraient jamais connus de grandes sorties
nationales. Certains films particulièrement remarqués
par les critiques présents y glanent un appui presse suffisant
pour susciter l'intérêt d'un distributeur, et peut ainsi
envisager une sortie nationale. [1] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [2] Entretien avec Xavier Leherpeur op.cit [3] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [4] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [5] dixit René Clair cité dans Dernières nouvelles d'Alsace , 04/04/1959, Max Favalelli, Les Contes de la Lune Vague. [6] Entretien avec Hubert Niogret op.cit. [7] Affirme Marco Muller , qui vient de quitter la direction du Festival de Locarno , In Courrier de l'Unesco , octobre 2000, par Joan Dupont, le cinéma occidental à bout de souffle . [8] Le symbole * signifie que le film a réalisé moins de 5000 entrées payantes en France. [9] LM : long métrage [10] Entretien avec Xavier Leherpeur op.cit. [11] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [12] In Nouvelles Littéraires , 03/04/1959, G Charensol, Les contes de la Lune Vague…vague, combien vague . [13] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [14] Entretien avec Hubert Niogret op.cit [15] idem [16] Entretien avec Hubert Niogret op.cit
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