Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Les types de films les moins porteurs sont ceux de type alternatif, soit extrêmement complexes et /ou intellectualisants (voir les films de Yoshida dans les années 1970), violents (voir ceux de Tsukamoto, Tetsuo notamment), ou relevant du conte philosophique glauque (L'Empire de la Passion de Nagisa Oshima ).

Les films fantastiques et d'horreur, pourtant très développés au Japon, fruits d'une longue tradition, ne sont que très peu distribués. Certainement ces produits typiquement nationaux, qui font appel à un folklore nippon assez hermétique pour les occidentaux, n'a-t-il pas inspiré la confiance des distributeurs. De plus, il faut rappeler que ce type de films n'est pas celui qui attire le plus de public en France, quelle que soit sa nationalité.

Les Comédies sont-elles aussi très peu distribuées, et connaissent un taux de spectateur par films très bas (10 593, contre 114 057 pour les drames par exemple, soit près de 11 fois moins.). Sans doute l'humour est-il une donnée extrêmement variable d'un pays à l'autre, et si certains gags sont universels, jeux de mots et parodies admettent mal une traduction, et nécessitent une parfaite connaissance de l'élément parodié afin que le rire émerge enfin. Ce qui expliquerait le manque d'intérêt de la France pour l'humour nippon… Les films de Tora San en sont le plus criant exemple. Ce personnage, assimilable grossièrement à notre Louis de Funès local, a connu un succès inégalé au Japon, tournant jusqu'à 47 films autour du même personnage, la série ne s'achevant qu'à cause de la mort de l'acteur, et non à cause d'une baisse de succès. Ce film fut, selon Jean-Pierre Jackson , son distributeur "un bide noir". (1 579 entrées France). L'humour est l'un des éléments les plus spécifiques à chaque peuple, si les spectateurs pleurent sensiblement pour les mêmes raisons, les faire rire est beaucoup plus difficile. Le fait est que si le français rit devant un film japonais, rien ne prouve que ce soit pour la même raison que son homologue nippon. Le fait est que le film japonais provoque parfois l'hilarité du spectateur français alors que celle-ci n'était pas voulue : Le kitsch des films de monstres des années 1970 en est l'exemple le plus frappant. De la même façon, Onibaba de Kaneto Shindo , qui se voulait sérieux, a fait rire les critiques français :

"Comme il insiste dans le symbolisme priapique (l'amour de la vieille avec l'arbre) et dans l'épouvante (le masque qui rétrécie au lavage) à tel point qu'Onibaba bascule dans la grande guignolade d'un goût douteux."[1]

"Elle invente des gags, il n'y a pas d'autres mots, pour empêcher les rapports sexuels des jeunes. (…). Grâce à quoi nous bénéficions de quelques trouvailles démentielles. "Onibaba " est le seul film où l'on puisse voir une mémée (sic) grimper aux arbres"[2]

"Car il faut que la sensibilité nippone soit bien éloignée de la nôtre pour que le réalisateur de l'oppressante, délicate et pudique Ile Nue n'ait pas senti que son film tout entier basculait, le plus souvent, dans le grand guignol"[3]

Même le très sérieux Tokyo Olympiades , qui a eu un très grand succès en France, a fait sourire les critiques français.

"On s'amuse aux grimaces des lanceurs de poids et de leurs larges pieds, mais on les voit à peine balancer leur boulet"[4]

"Elles font très souvent rire car leurs monteurs se sont donnés beaucoup de mal pour souligner tout ce que les participants des derniers jours avaient de ridicule"[5]

Ces restrictions émises, nous allons à présent, dans un premier temps étudier l'évolution de ces différents types de films, tant sur le plan de la diffusion que celui de leur impact auprès du public français. Les années 1951 à 1966 ont été l'époque de la diffusion d'un cinéma exotique, qui s'appuyait sur les classiques des grands studios japonais des années cinquante. On peut déterminer une seconde période, de 1965 à 1989 où le cinéma japonais connaît un essoufflement, mais où il gagne un public un peu plus large avec le succès des films de genre. Enfin semble se dégager une nouvelle tendance dès le début des années 1990 avec notamment l'apparition du cinéma d'animation japonais sur nos écrans, la redécouverte de grands classiques à présent plus accessibles, et l'apparition d'un cinéma japonais contemporain et urbain, éloigné du monde des samouraïs.

« Grâce à quelques précurseurs, des débats ont été organisés sur le cinéma japonais, et aujourd'hui, les principales villes occidentales, Paris en tête, voient souvent la projection de films japonais: ce fait ne peut que nous réjouir, nous cinéastes japonais, qui devons une reconnaissance sans limite à ceux qui nous ont aidés. Pourtant, une telle présentation s'accompagne nécessaire­ment d'un choix. En fait, il n'y a que peu d'Occidentaux qui voient les films japonais, et en nombre restreint, la sélection finale étant faite à partir de ce nombre; en outre, les critères de ce choix sont strictement ceux d'un oeil occidental »[6]

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[1] In Arts, 02/02/1966, J.L. Bory, Grand guignol japonais

[2] In Pariscope, 19/02/1966, Michel Mardore, "Onibaba " et "L'amour avec des si…"

[3] In La Croix, 05/02/1966, J. Roy , Onibaba .

[4] In Le Figaro, 29/07/1965, R. M. Le film des jeux aux yeux des sportifs, éblouissant, mais anecdotique.

[5] In L'Aurore, 20/05/1965, Steve passeur, Demi succès pour les "Olympiades" Nippones.

[6] Voir préface de Nagisa Oshima dans "Image du Cinéma Japonais" de Max Tessier.