Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Situation du cinéma japonais au Japon après la Seconde Guerre Mondiale et vision de celui-ci en Occident.

Au Japon, les années 1950 sont un véritable age d'or financier pour le cinéma japonais. En 1945, le Japon compte 845 salles de cinéma, 7067 salles en 1958. Ce développement va de pair avec des réussites artistiques (Akira Kurosawa , Keisuke Kinoshita …).

a- Histoire du cinéma japonais dans son contexte japonais à l'époque, et son rapport à l'import de ces films en Occident.

A quoi ressemblait le cinéma des années 1950?

L'essor considérable du cinéma au Japon dans les années 1950 était sans doute animé par un vif besoin de se divertir, d'aller au spectacle, de voir des nouveautés après des années de « frustration » liées à la défaite consécutive à la seconde guerre mondiale. Il a bénéficié de l'interaction entre différents facteurs favorables à son développement, notamment le fait capital que les studios de cinéma n'avaient globalement pas été détruits (à la différence des salles) et que l'industrie put reprendre son essor dans un contexte où elle ne souffrait pas encore de la concurrence de la télévision. La production, réduite à très peu de chose en 1945, va reprendre son essor avec une rapidité foudroyante. De 69 films en 1946, elle passe à 215 en 1950 (année de Rashômon ), à 302 en 1953 ( La Porte de l'Enfer ), et au chiffre record de 555 films en 1960, pour retomber progressivement jusqu'aux alentours de 300 en 1980, dont près des deux tiers de films érotiques. Mais la quantité n'est pas seule au rendez-vous, la qualité aussi. Il n'est pas question d'affirmer qu'il n'y avait pas de mauvais films dans les années cinquante au Japon. La qualité d'ensemble était très élevée, comme dans tous les grands pays producteurs, et c'était une époque où le succès commercial de l'ensemble des films permettait aux quelques grands cinéastes de poursuivre, envers et contre tout, une oeuvre d'auteur, alors que cette situation privilégiée est devenue impraticable. Cela ne signifie pas que les producteurs étaient plus intelligents et « cultivés ", et l'on connaît la « recette " du cinéma professée par le président de la Shochiku [1] :

"Deux tiers de rires, un tiers de larmes"

dont sortit effectivement une grande partie des films de la compagnie, ou la boutade du président de la Toho Masao Shimizu citée par Donald Richie :

"Je ne connais pas grand-chose au cinéma, mais, en regardant l'état des recettes, je peux dire tout de suite qu'il s'agit d'un bon film ou pas"

Mais Masaichi Nagata , président de la Daiei, malgré ses défauts et ses démêlés avec le fisc, était tout de même un producteur « éclairé " C'est grâce à lui que Mizoguchi a pu poursuivre sa carrière jusqu'à sa mort avec des films qui étaient récompensés de prix à Venise , quand bien même Ils ne rapportaient pas des fortunes à la compagnie (sauf peut-être La Rue de la Honte , parce qu'on débattait de la prostitution à la Diète...).

b- Situation De la vision du cinéma japonais en Europe avant Rashômon

Dès les années vingt, une partie du cinéma japonais a atteint un niveau international. Quelques-uns des meilleurs films de l'histoire du cinéma japonais sont réalisés pendant les années trente, mais sans être pratiquement jamais présentés aux Etats-Unis ou en Europe. Beaucoup essaient de les exporter mais, à de rares exceptions près, ils se heurtent à une totale indifférence et ne réussissent pas à les faire distribuer dans les salles de cinéma occidentales. Ces expériences malheureuses laissent croire aux japonais que leurs créations sont bien inférieures à celles de l'Europe et des Etats-Unis. Même si certains d'entre eux jugent excellents à l'échelles mondiale les principaux films d'Ozu  ou de Mizoguchi, ces films, traitant dans un style lent et avec peu d'action des mœurs et des sentiments propres à la culture japonaise, ne leur semblent pas pouvoir être appréciés par des étrangers. Pourquoi cette ignorance? Parce que le Japon était un pays géographiquement très loin, écrasé par la guerre. Quant au Français moyen à l'époque, il confondait un peu la Chine et le Japon et fonctionnait essentiellement à l'exotisme.

Dans le s années 1910, 1920, 1930, le seul japonais à percer dans le cinéma occidental (en France et à Hollywood) sera Sessue Hayakawa . Bouc émissaire de la xénophobie traditionnelle envers les asiatiques, il devient le fourbe oriental au service du cinéma colonialiste (exemple, dans Forfaiture , remake français du film de Cecil B. De Mille, il incarne un prince mongol).

A Venise , Tomotaka Tasaka obtient en 1938 le prix du ministre de la culture populaire pour son film Les Cinq Eclaire urs , mais ce n'est rien de plus qu'une récompense protocolaire envers un pays fasciste ami.

Historiquement, c'est Rashômon qui a ouvert le marché européen au cinéma japonais, et qui a été le premier distribué bien que, chronologiquement, cela apparaisse faux. En effet, Il semblerait que ce soit un autre film de samouraï ( Le Bandit Samouraï de Eisuke Takizawa , 1950), qui soit sorti à Paris le premier (avril 1951), alors que Rashômon présenté à Venise en 1951, n'est sorti à Paris qu'en avril 1952. Notons cependant que Le Bandit Samouraï n'a réalisé que 2617 entrées en France depuis 1951, et que par conséquent, on ne peut pas parler d'un réel impact auprès du public.


[1] Une des plus grandes maisons de production de films au Japon.