Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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b- La Nouvelle Vague Japonaise

On note une percée du film à vue sociale et politique. Le mouvement qui a pris naissance aux Etats-Unis s'étend au-delà des frontières du monde occidentalisé industrialisé, et véhicule des idées de refus du travail acharné, de l'autorité, de la production, de la destruction, la volonté d'entretenir des relations plus profondes avec les gens en s'amusant, sans être tenus de gaspiller de l'argent, …qui ont une certaine influence au Japon, et inspire la production cinématographique japonaise. Dans la volonté de faire voler en éclats frontières et tabous qui animait toute la jeunesse d'après 1968, il paraît concevable que de très nombreux films de cette Nouvelle Vague Japonaise aient été montrés en France, malgré un certain décalage d'une dizaine d'année entre l'année de production et leur sortie en France. A l'époque, on ne connaissait que les noms de ses cinéastes, mais on n'avait pas vu leurs films. Après mai 1968, Il y a eu une grande curiosité relative à tout ce qui se passait dans les grands pays industrialisés du monde. En 1969 a eu lieu à Avignon un petit panorama de tout ce qui se faisait comme nouveau cinéma au Japon. Y ont été présentés une douzaine de films tournés en 1969 par des indépendants, des films qui n'apportent plus l'exotisme pittoresque des anciens "films de sabre" avec leurs samouraïs médiévaux. Ils décrivent au contraire les Japonais de l'époque, mini jupe ou complet veston, avec leurs problèmes, leurs obsessions, leurs révoltes. Y ont été découvert Imamura , Oshima , Yoshida , Shinoda , Hani , Teshigahara …Seuls deux ou trois se sont réellement détachés et ont connu une carrière en France. Quels sont les films de la Nouvelle Vague que nous avons pu voir en France, et quelle image du Japon nous ont-ils offert?

Plan de ses 19 ans de Yanagimachi est une étude minutieuse de la détérioration du jugement d'un jeune homme vis-à-vis des citoyens ordinaires. Plus infailliblement encore dans une société riche, des pauvres existent, où le ressentiment des nombreux laissés pour compte a tendance à s'exacerber, faisant peser une menace réelle.

En même temps que de nombreux films expérimentaux qu'il tourne à ses frais, Shuji Terayama [1] réalise trois longs métrages. Le premier est Jetons les Livres, Sortons dans la Rue , dont les acteurs sont les jeunes d'une troupe de théâtre et des membres de son entourage. Il s'agit d'un ensemble de sketches distrayants, satiriques, dans le style des revues ou des ballades, mais avant tout poétiques, sur les jeunes du petit peuple de Tokyo et leur vie quotidienne. Derrière la fantaisie apparente se cache une critique acerbe, une ambiguïté non exempte de plaisanterie au ton grinçant. Cache Cache pastoral , du même auteur est un film expérimental d'avant-garde rempli de question réponse à propos du mal du pays.

Auteur de plus d'une vingtaine de films, Nagisa Oshima [2] n'était guère connu en France au début des années 70 que d'un petit groupe d'initiés puisqu'un seul de ces films avait bénéficié d'une sortie parisienne ( La Pendaison ). Cependant, de nombreuses projections exceptionnelles, surtout dues à la Cinémathèque, les comptes-rendus élogieux publiés par la critique à l'occasion des festivals et l'intérêt très vif que la Revue Positif marque à l'égard d'Oshima depuis la révélation de La Pendaison (Festival de Bergame , 1968), ont fait que cette œuvre n'était plus tout à fait inconnu en France, et qu'elle s'est mise à piquer la curiosité des jeunes cinéphiles. Nagisa Oshima signe en 1971 la Cérémonie . Celui-ci est présenté dans une seule salle à Paris, « le Quintette  » , confie sa programmation à la revue Positif . L'histoire raconte la vie d'une famille pendant un quart de siècle, à partir de la défaite. Cette famille qui incarne la classe dominante d'autrefois, a gardé toute son autorité mais ne survit qu'à travers les cérémonies familiales : mariages ou funérailles. Il s'agit en fait d'une des œuvres les plus représentatives d'Oshima, une tragédie à valeur idéologique. Il a remporté un très grand succès critique en France, lançant la carrière du réalisateur dans ce pays. Cet auteur connaître le succès public en France quand il travaillera dans des coproduction avec l'étranger, et la France notamment.

Kiju Yoshida [3] a vu nombre de ses films sortir en France dans les années 1970. Il est le plus intellectuel des auteurs de la nouvelle vague japonaise. La Source thermale d'Akitsu est une métaphore du Japon d'après guerre et de l'échec de la démocratie japonaise. Histoire écrites par l'Eau retrace d'une façon audacieuse un conflit psychanalytique. Yoshida, après ces deux films, poussa encore plus loin ses recherches dans Eros+Massacre , un film à plusieurs niveaux d'écriture prenant comme point de départ la vie et la mort de l'anarchiste Sakae Osugi. Ce fil marquait les limites entre l'ésotérisme militant et les possibilités d'une rentabilité commerciale. Yoshida outrepassant ces limites, réalisa deux films hautement hermétiques, au formalisme exaspéré : Purgatoire Eroica , et Aveux, Théorie, Actrices . Coup d'Etat de Kiju Yoshida est un film d'avant garde plus accessible qui retrace le coup d'état du 26 février 1936. L'élément central est la figure du dirigeant charismatique de droite Ikki Kita. L'auteur analyse la contradiction qui veut qu'un mouvement évolutionnaire ayant profité du système impérial soit jugé par le même système. Il s'efforce de porter un regard détaché et froid sur la passion irrationnelle des militaires qui soutiennent le système impérial, ne permettant pas au spectateur de s'identifier aux personnages. Cet auteur a connu surtout quelques succès critiques et confidentiels, mais il n'a réalisé que très peu d'entrées, et certains se sont déchaînés contre son intellectualisme extrême.

" Si notre inculture sert souvent de tremplin aux films japonais "surfaits", je crois qu'il nous reste encore assez de discernement pour ne pas tomber dans ce fameux piège de l'exotisme qui caractérise les moindres engouements parisiens.

Annoncée comme une très grande œuvre, "Eros plus massacre" m'a paru un fatras bien prétentieux où les influences littéraires occidentales sont trop artistiquement mêlées pour qu'on ne conclue pas à un produit réservés à l'exportation ". [4]

" Eros+ massacre = film épreuve où rares sont les satisfactions de l'esprit, et qui répand - folklore oblige- un irrésistible parfum de pavot… " [5]

        Shohei Imamura [6] apparaît aussi à cette époque là, même si la plus grande partie de son œuvre ne nous est parvenue que dans les années 1980. Cet auteur qui tourne depuis 1958 n'avait jamais été distribué en France à part dans les festivals, exception faite de Cochons et Cuirassés , sortie en France en 1963 sous le nom de Filles et Gangsters dans un circuit parallèle de films de type Midi minuit, de cinéma bis. Comme Imamura n'était pas du tout connu à l'époque, son film est sorti connu un simple film de gangsters japonais. Ce film a tout de même à l'époque été remarqué par quelques critiques, dont François Truffaut qui à l'époque a écrit un article dans les Cahiers du Cinéma en faisant remarquer que c'était un film tout à fait à part, loin des films de production courante japonaise. Il a fallu cependant attendre son passage au Festival de Cannes pour qu'Imamura accède à une réelle reconnaissance à Cannes. Eijanaka a été présenté en 1982, mais ce fut surtout la consécration en 1983 avec la Palme d'Or pour la Ballade de Narayama .


[1] Voir biofilmographie page 166

[2] Voir bioflmographie page 162

[3] Voi biofilmographie page 167.

[4] In Combat ,18/10/1969, Henri Chapier, Eros plus massacre

[5] In Le Figaro , 28/10/1969, Louis Chauvet, Eros plus massacre .

[6] Voir biofilmographie page 152.