Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Le cinéma d'animation

L'animation japonaise diffusée en France a connu trois phases : L'explosion des mangas, le phénomène Dragon Ball Z ( DBZ ), et enfin l'intellectualisation et la reconnaissance. Dressons une typologie des films d'animation japonais diffusés en France.

-Des débuts difficiles mais encourageants 1991-1995

L'histoire des relations entre longs métrages d'animation japonaise et cinéma français débute réellement en 1993. Jusqu'alors, à l'exception de quelques diffusions marginales dans les années 1970 et 1980 ( Lupin III , Cyborg 009 , Le Chat Botté .), la France n'a connu que deux sorties remarquables en vingt ans : Goldorak , le Film en 1979 (165 000 entrées à Paris, ce qui est exceptionnel), et Akira en 1991.

 

Lorsque ce dernier sort, c'est déjà un gros succès en librairie. C'est la société Forum Distribution , dirigée par Claude-Eric Poiroux qui en acquiert les droits, et en assure la sortie avec l'aide d' UGC le 7 mai 1991. Le film n'est diffusé dans deux salles à Paris, (ce qui est une petite sortie) ; mais celles-ci affichent complet dès les premières séances. Sur le plan de la médiatisation, Akira, le Film , comme la dizaine de film qui lui succèderont jusqu'à la rentrée 1999, ne bénéficie que de peu de promotion, l'avis général se résumant à « C'est bien, même si c'est violent, passons… ». Cependant, malgré l'absence d'un réel soutient des médias, Akira, le Film est un succès. En effet, si le film a réalisé plus de 40 000 entrées lors de sa sortie officielle à Paris, il a engrangé plus de 10 000 entrées supplémentaires lors de projections organisées à l'occasion de soirées, de mini-festivals ou dans l'exploitation de longue haleine que pratiquent les cinémas « Grands Pavois », « Saint-Lambert » ou « Studio Galande » à Paris.

 

Porco Rosso connaîtra sensiblement le même type d'exploitation après sa sortie le 21 juin 1995. Malgré un doublage de qualité réalisé avec le concours de Jean Réno, malgré l'appui du plus grand distributeur indépendant ( Le Studio Canal + ), malgré l'attachée de presse du Roi Lion …. Le film ne réussit pas à surmonter l'a priori négatif sur l'animation japonaise. Voulant rassembler le public du film populaire et celui des films d'auteurs, Porco Rosso a échoué sur le premier plan, et à demi réussi sur le second. Il connaîtra cependant une carrière durable avec des pointes régulières de location.

 

Malgré l'anonymat relatif de la sortie du très beau Tombeau des Lucioles d'Isao Takahata le 14 juillet 1996, le film aura la chance de connaître une importante diffusion dans les salles d'art et d'essai grâce aux relations nouées par les Films du Paradoxe , son distributeur.

 

-Des tentatives plus commerciales

Parallèlement à ces tentatives, d'autres distributeurs tentent de diffuser des films plus commerciaux. Ceux-ci connaissent une carrière toute différente.

Après une longue montée en puissance télévisuelle, Dragon Ball Z sort en salle le 31 octobre 1995, bénéficiant d'un budget conséquent de près de 2 millions, le film sort sur 110 copies France (contre 2 pour Akira , le Film à titre indicatif). Le succès est aussi colossal qu'inattendu. Cependant, sa carrière sera brève. Phénomène éphémère s'il en fut, il ne profitera pas au film Sailor Moon , qui même basé sur la même politique, sortira dans l'indifférence la plus totale. Lorsque AB Distribution sort Dragon Ball Z 2 un an après le premier, il s'aperçoit vite que la mode est passée. Même si le nombre d'entrées (voir tableau) est loin d'être ridicule, il est sans commune mesure avec le record établi par le premier épisode. AB arrêtera là son expérience de distributeur de dessins animés.

 

Le phénomène Pokémon connaît le même type de carrière. Lorsque le 5 avril 2000, le film sort avec 627 copies, c'est le rush attendu. Ce qui frappe le plus est l'ampleur du processus : quatre mois ont suffi à cette série pour atteindre son zénith, ce qui peut surprendre quand on sait que Dragon Ball avait connu 3 ans de diffusion télévisée avant de connaître les honneurs du grand écran. Avec près de deux millions et demi de spectateurs, le film figure dans les 20 premiers au Box Office français de l'année 2000…

Ces phénomènes de modes apparaissent aussi imprévisibles qu'irrationnels. Ces films dépassent le stade du cinéma, objet de merchandising, jeux vidéo, jouets…ce sont des produits commerciaux. L'évolution du marché audio visuel favorise leur amplification dans des délais toujours plus courts

-Un cinéma d'art et d'essai ?

Une autre politique se développe en parallèle des grosses entreprises commerciales. Celle-ci se marque par un début de respectabilité acquis auprès de la presse notamment.

La sortie de The Ghost in the Shell en janvier 1997 marque une étape importante pour la perception de l'animation japonaise en France. Même s'il entre dans la science fiction, un genre considéré comme mineur par l'intelligentsia parisienne, celle-ci commence à connaître un vrai talent d'auteur dans ces œuvres. Le risque pris par son distributeur, Métropolitan Filmexport ne sera cependant pas récompensé, mais le film connaît cependant une seconde carrière non négligeable.

 

Ce distributeur ne se découragera cependant pas, et retente l'expérience deux ans et demie plus tard avec Perfect Blue . L'accueil de la presse est de plus en plus chaleureux, même s'il n'atteint toujours pas un public plus large. Quelques semaines plus tard, CTV , distributeur indépendant, sort en première mondiale Jin Roh , la Légende des Loups . Malgré un travail de préparation remarquable, les résultats encourageants de la première semaine ne se répètent pas.

 

Ces trois films aux scénarios complexes, polar ou sciences fictions, ne s'adressent pas au grand public. L'œuvre de Miyazaki, plus accessible, connaît par contre un succès bien plus grand.

Gaumont Buena Vista International est un distributeur qui brille par son savoir-faire dans la distribution à grande échelle de films commerciaux et populaires. La préparation des journalistes et du public à l'apparition dans notre pays d'une animation japonaise de qualité a fait de cette sortie une réussite exemplaire. L'approbation, qui se dessinait avec Perfect Blue et Jin Roh se confirme définitivement, et la quasi-totalité des journalistes, du moins dans la presse qui compte ( Le Monde , Télérama , Libération , Les Inrockuptibles …..) ne tarissent pas d'éloge sur le travail de Hayao Miyazaki. Il ne faut cependant pas conclure à une réhabilitation de l'animation japonaise, mais à la reconnaissance du talent de son concepteur. Avec 420 000 entrées à ce jour, Princesse Mononoke est le 75 ème des 500 films sortis en France en 2000. Ce genre de film a permis cependant la fin du rejet systématique des éducateurs et des parents. Mon Voisin Totoro , sorti peu avant, et Princesse Mononoke ont été recommandés et soutenus par l'Action Jeune Public de l'Association Française des Cinémas D'Art et d'Essai.