Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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De l'influence du cinéma japonais sur les Occidentaux.

Les influences de Ozu , Mizoguchi , Kurosawa sont mondialement reconnues.

Certains cinéastes Américains comme Tarantino ou Scorsese se réclament du cinéma japonais (Il existe une parenté indéniable entre Reservoir Dogs de Quentin Tarantino et Violent Cop de Takeshi Kitano ). Cela aide à la reconnaissance du cinéma japonais.

Cependant, nous sommes obligés d'admettre que dans le cas du cinéma français elle paraît assez limitée [1] . L'inspiration se retrouve de façon très ponctuelle, et n'a pas de réelle force. Ce que l'on retrouve principalement, ce sont des films qui présentent le Japon, et fait garder à celui-ci sa part d'exotisme. Celui-ci est à la fois basé sur le Japon traditionnel comme dans Le Japon de François Reichenbach :

" On s'attendait à voir des geishas, des kimo­nos et du riz, symboles de l'Empire du Soleil levant. On les voit. On s'attendait à découvrir un pays bizarre, touffu, à la pointe du modernisme avec, tapi au coeur de l'appa­rence, un amour passionné pour la tradition éternelle. On le découvre. On s'attendait à éprouver un frisson rétrospectif devant le « péril jaune » ressenti par nos grands-mères, perdues dans l'exotisme de Madame But­terfly. On l'éprouve. (…) Le Japon quotidien, laborieux, banal, celui qui s'en va au turbin le matin et au dodo après le boulot, on ne le contemple en revanche pas beaucoup. Sans doute n'était-ce pas le sujet. Ce que Reichenbach voulait montrer, c'était la conjugaison... insolite du passé et du présent, de la tradition orientale et de l'Occi­dent moderne. " [2]

Les images du Japon contemporain nous parviennent aussi, mais souvent sous la forme de reportage, de récit de voyage. Les plus probants sont les films de Chris Marker : Level 5 , Sans Soleil , qui sont des réflexions plus ou moins métaphysique et ethnologiques illustrées par des images d'archives, en grande partie tournées au Japon. Il a aussi réalisé Akira Kurosawa où il a suivi Akira Kurosawa sur le tournage de son film Ran et y dresse un portrait du réalisateur japonais.

Jean Jacques Beinex dans Otaku, Empire du Virtuel , dresse dans un reportage de deux heures le malaise de japonais incapables de supporter la société dans laquelle ils évoluent, et se réfugient pour cela dans leur passion en se coupant du monde extérieur. Diffusé à la télévision française le 19 mai 1994, la thèse du film est

" Japon 1994... refusant le contact avec leur entourage, délaissant amis et relations, incapables de vivre dans la réalité et de rentrer en communication, les "Otaku" ont choisi de se réfugier dans leurs "passions tristes". Seuls leurs ordinateurs, leurs bandes dessinées ou leurs objets de collection, de fétichisme, leur permettent d'échanger. Leur monde est devenu celui des images et de l'artifice. Signe avant-coureur d'une mutation de notre société, réponse d'une jeunesse perdue et sans objectif ou émergence d'une nouvelle forme d'adaptation aux nouvelles technologies du virtuel? ".

D'autres images du Japon sont véhiculées alors…de l'exotisme spirituel, on passe à celui du malaise d'une civilisation trop industrialisée. D'autres clichés émergent alors. Ce reportage jette notamment l'opprobre sur les fans de mangas, qui commencent à apparaître en France.

Ces films traitant du Japon, sont réalisés par des français, et révèlent un attrait des cinéastes pour cette civilisation. Cependant, techniquement, on ne peut pas parler d'influence du cinéma japonais sur le cinéma français dans leur cas. Si Chris Marker s'intéresse au Japon et à sa culture, cela ne se ressent pas dans sa manière de filmer. Si jean-Pierre Limousin s'est ouvert sur le Japon le temps d'un film, ce n'est pas pour autant qu'il est influencé par le cinéma nippon. Il n'est pas d'influence possible au sens où les deux cultures orientales et occidentales sont très différentes, et que les démarches de pensée et de philosophie et leur rapport à l'esthétisme ne sont pas compatibles. S'il y a rapport d'admiration, il n'y a pas d'échanges. Ou très peu…Citons tout de même les plus frappants.

Les Contes de la Lune vague après la Pluie et l'Intendant Sansho font de Mizoguchi l'un des maîtres du cinéma mon­dial. À l'époque, l'essayiste et critique français André Bazin contestent la théorie du montage pour défendre le plan séquence. Le plan séquence de Mizoguchi, appelé «une scène- un plan», est généralement apprécié en France comme étant l'illustration de cette théorie. On constate un net ascendant sur les jeunes cinéastes alors sous l'influence directe de Bazin : Jacques Rivette déclare que sa Religieuse (1966) est une imitation de La Vie d'Oharu, Femme galante, tandis que Jean-Luc Godard souligne que le panoramique de la mer utilisé à la fin du Mépris (1963) est un hommage final de l'Intendant Sansho .

Rashômon puis Les Sept Samouraïs (1954) font de Kurosawa l'un des réalisateurs japonais les plus connus dans le monde. Dans ce dernier film, l'histoire de ces samouraïs sans maître recrutés par des paysans pour défendre leur village contre des bandits est traitée par Kurosawa à la manière d'un wes­tern américain. Il réussit à signer une oeuvre pleine de réalisme, d'humanité et également d'actions tumultueuses: comme dans les oeuvres de John Ford dont il est un fervent admirateur. Son talent pour la narration et la mise en scène dynamique des combats violents fait des émules chez les occidentaux, notamment aux États-Unis. Ce film qui a pris le cinéma américain pour modèle afin de transformer profondément la tradition du cinéma japonais finit donc par influencer à son tour le cinéma américain. Le fabuleux succès international des Sept Samouraïs entraîna plagiats et remakes notamment l'intéressant western de John Sturges les Sept Mercenaires (1960), dont le titre original, The Magnificent Seven , était directement repris du titre commercial des Sept Samouraïs aux USA. Kurosawa a aussi inspiré Sergio Leone qui a repris sans autorisation le scénario de Yojimbo (1961) pour réaliser Pour une Poignée de Dollars (1964). Un procès s'en suivit, que gagna la compagnie Toho .

Rashômon , qui propose tour à tour quatre versions du même événement, témoignages forcément subjectifs de quatre personnes, arrive à la conclusion qu'on ne connaîtra jamais la vérité. Ce nouveau style de narration va influencer Alain Robbe-Grillet lorsqu'il écrira le scénario de L'Année dernière à Marienbad (1961). Ce thème est d'ailleurs souvent repris par la suite comme caractéristique du scepticisme moderne et intellectuel.

Alain Resnais, dans Hiroshima mon amour (1959), reprend des scènes du film Hiroshima , réalisé par Hideo Sekigawa . Fim français lui-même repris sous forme d'un remake expérimental par Suwa avec Béatrice Dalle dans le rôle titre.

Parmi les cinéastes les plus contemporains, l'influence est plus marquée. Christophe Gans revendique la théâtralité du cinéma japonais. Olivier Assayas se dit très influencé et Alain Corneau revendique son inspiration de l'œuvre de Mizoguchi pour son film Tous les Matins du Monde . Il y a une reconnaissance indéniable.

Dans l'Année du Cinéma 1997 numéro 20, numéro anniversaire de cette collection d'encyclopédie annuelle du cinéma, 17 metteurs en scène ont accepté de "dévoiler une partie de leur panthéon cinématographique personnel". C'est ainsi que parmi un choix de 3500 films sortis en France durant cette période, ces metteurs en scène ont choisi les 20 œuvres cinématographiques qui les ont le plus marqués. Les œuvres japonaises sont loin d'être absentes!

Figure 1 : films japonais parmi les 20 préférés de grands cinéastes français.

Dersou Ouzala est mentionné par Claude Berri , Claude Chabrol , Jean Jacques Annaud , Claude Lelouch

Ran : Arnaud Desplechin

Kagemusha Olivier Assayas , Mathieu Kassovitz , Claude Miller

Madada yo : Olivier Assayas

Rêves : André Téchiné .

L'Empire des Sens : Jean Jacques Annaud , Claire Denis , Pascale Ferran

Sonatine : Claire Denis

On a donc, pour 17*20 films cités, soit 340 films et 65 réalisateurs

Kurosawa nommé 10 fois, ( Dersou Ouzala 4 fois cité), Oshima nommé 3 fois (pour l'Empire des Sens ), Kitano une fois. Cela implique que sur 340 nominations, il y a 14 films d'origine japonaise, soit 4.11% des voies.

Si ces chiffres sont peu élevés, ils révèlent une incontestable présence du cinéma japonais dans l'esprit des réalisateurs français ces 20 dernières années.

De plus, nous notons une nette influence de la subculture japonaise sur notre propre culture populaire. Nous pouvons imputer celle-ci à l'artillerie multimédia que nous offre le Japon. Mangas, jeux vidéo, dessins animés, tout ce qui a attrait au monde des images et des multimédias à la fois connaît une forte influence du Japon. Celui-ci est en effet à la pointe de la technologie dans ce domaine, qui touche à nos loisirs quotidiens ou à des souvenirs d'enfance ayant trait à ces médias.

" Il y a un engouement, du moins en ce qui concerne le Japon dû à une culture commune du jeu Vidéo, de l'animé et du manga. La génération Albator a grandi avec une idée japonaise du monde. La génération Nintendo, Pokémon …est japonisée de fait." [3]

 

L'univers des clips est souvent marqué par l'univers mangas à partir du moment où le public visé est celui des jeunes. En atteste le design du clip " Discovery " des Daft Punk , ou celui de " Un jour en France " de Noir Désir .

 

Dans le même ordre d'idée, le cas de Lady Oscar constitue un point intéressant : bande dessinée japonaise relatant la vie à la Cours de Louis XVI, elle inspire un film du Français Jacques Demy ( Les Demoiselles de Rochefort, les Parapluies de Cherbourg …). Même si ce film fut loin d'être un succès en France, on ne peut que constater une collaboration directe entre le Japon et la France. On a donc une œuvre japonaise inspirée de l'histoire de France qui fait des émules dans le pays dont elle s'inspire, et génère indirectement d'autres œuvres populaires sous forme d'hommage.

 

Dans une autre mesure, Lady Oscar a aussi inspiré le Clip extrêmement connu pour son érotisme de la chanteuse Mylène Farmer , qui y incarne une jeune femme déguisée en Homme, et faisant fit des conventions dans un monde d'aristocratie décadente.

 

 

Photo : http://emeralda.chez.tiscali.fr , spécialiste es Lady Oscar


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[1] Entretien Xavier Leherpeur op.cit

[2] In l'Année du cinéma 1982 , Heymann Danièle, Lacombe Lucien ; avec la collaboration de P. Murat. - Paris : Calmann-Levy, 1982 , page 124.

[3] Dixit Jean Pierre Dionnet, voir note 172.