Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Pourquoi le Japon gagne-t-il culturellement?

Il y a en effet tout d'abord l'ouverture technologique. L'Asie a l'image d'un assemblage dynamique, véhiculée par le monde de l'audiovisuel qu'elle domine sur le plan de la technologie [1] . D'après Jean-Pierre Jackson , si les Indous nous avaient inondé de produits hi-fi, high tech, notre curiosité se serait certainement plus tournée vers l'Inde. Et effectivement, on ne peut que constater que les échanges avec l'Inde sont limités, et que la demande en film indien est quasi nulle.

"La cinématographie japonaise m'est apparue infiniment plus variée, vivante et passionnante que je ne l'avais pensé. Chaque vision m'a renforcé dans ma conviction que notre image de ce cinéma et de ce pays, est encore largement stéréotypée et rudimentaire.(…)

Je le dis tout net: je tiens à exprimer mon plus parfait mépris pour ceux qui, explicitement ou implicitement, verraient dans cette initiative une quelconque soumission à je ne sais quel «impérialisme japonais» . Il ne s'agit pas d'une manoeuvre de première ligne visant à préparer l'invasion de l'industrie japonaise en France. Mais le problème existe et mérite qu'on s'y arrête. Soyons sérieux. Les industriels japonais ont-ils réellement besoin de nos efforts?

L'industrie automobile américaine a fort peu pénétré le marché français alors que sa cinématographie est triom­phante au box-office. L'industrie allemande, avec Mercedes­ Benz, BMW et Volkswagen a pris des parts de marché importantes alors que son cinéma est quasiment inexistant en nos contrées.

Croit-on sérieusement que le renouveau de la diffusion des films d'origine africaine prépare le raz-de-marée d'une hypo­thétique industrie africaine??

On sait bien que si les automobiles françaises ne pénètrent pas le marché japonais, ce n'est pas parce que nos chanteurs, nos films, nos parfums, nos créateurs de mode, nos peintres, nos écrivains, nos musiciens, sont absents du Japon. Ils y sont au contraire recherchés et appréciés. Le «respect de la différence» n'est-il dû qu'aux peuples opprimés, bâillonnés ou pourchassés? Le succès indus­triel et commercial enlève-t-il tout talent artistique, voire tout génie, aux cinéastes et art1stes japonais? L'art ne prospère-t-il que dans la défaite et la misère? Ne mélangeons pas tout, par pitié.

L'industrie a ses propres problèmes, sa propre logique. La culture, surtout lorsqu'elle s'élève au niveau de l'humanité toute entière, parle directement au coeur des hommes. [2] "

Pour Hiroko Govaers

" L'intérêt que porte les Français au cinéma japonais coïncide avec sa volonté de découvrir tout ce qui touche de près ou de loin au Japon. Alors que se développe à l'autre bout du monde une société extrêmement industrialisée qui semble se jeter tête baissée dans le futur, le cinéphile veut apprendre comment réagissent les comportements humains, le fond de la société japonaise. L'ambivalence modernisme tradition est déjà dépassée. Il convient d'aller plus loin, de sonder le cœur de tout japonais." [3]

De plus en plus apparaissent des mouvements de refus de l'impérialisme culturel américain, basé sur une omniprésence économique, et un vide culturel. Auparavant, la demande en cinéma japonais fluctuait en fonction des modes, alternant intérêt pour les cinémas italiens, espagnols, sud américains, chinois…cet attrait pour le cinéma japonais correspondait à une demande volage et fluctuante d'exotisme. Dans les années 1990, cette demande s'est transformée, massifiée avec l'arrivée plus importante de produits de hautes technologies, servant essentiellement aux multimédias, et véhiculant par ce biais des images de leur culture.

Le fait est qu'on se reconnaît aussi dans le monde dépeint par le cinéma japonais.

" Le cinéma japonais sait très bien raconter un pays qui s'est mis à ressembler à l'Amérique, comme nous tous quelque part, et qui, en même temps, essaie de retrouver ses marques tout en étant un peu perdu. Je trouve que le cinéma japonais est très aigu dans sa manière de parler des difficultés de vivre par rapport à une civilisation passée et sa situation actuelle. Je pense que l'on ressent les mêmes choses. Vous allez me dire : "pourquoi ne fait-on pas ça en France?" Je ne sais pas…Nous on parle souvent d'épiphénomènes mais jamais du centre. Eux parlent du centre." [4]

Il existe une réelle curiosité relative à la culture de ces gens qui s'implantent de plus en plus en Europe (Usine Toyota à Valenciennes…).


[1] Entretien avec Hubert Niogret op.cit

[2] Jean Pierre Jackson, in " Le japon Fait son Cinéma ", fascicule distribué lors le la manifestation éponyme au Max Linder en juillet 1991.

[3] In Le Figaro , 28/09/1983, Hiroko Govaers , La question fondamentale de Shohei Imamura .

[4] Dixit jean Pierre Dionnet . Voir note 172.