Histoire du cinéma japonais en France (1951-2001)

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Une alternative à la culture américaine?

Les USA nous ont permis de découvrir une partie de la culture japonaise en nous procurant des traductions en anglais des grandes œuvres de la littérature japonaise comme Mishima. Or, la retraduction de ces mêmes œuvres directement du Japonais sans passer par l'interface américaine nous en donne une perception différente, moins sombre, plus nuancée.

Dans l'histoire du Japon [1] , il y a la volonté de contrecarrer les USA, de les battre sur le même terrain, y compris logistique. Si les thèmes sont identiques, il y a la volonté de mieux les traiter. Le cinéma américain est de plus en plus formaté, refusant tout surréalisme.

La différence majeure réside dans la stylisation.

Une partie du cinéma japonais a été érigée en contre-pied par rapport à ce qui était imposé par les USA. Le cinéma d'extrême gauche japonais, très puissant, s'est constitué en réaction à la censure imposée par les Américains.

Le cinéma américain est devenu tellement banalisé et accepté de tous que les cinéastes n'ont plus besoin maintenant d'adapter leurs films au public mondial. Par exemple, le film Independance Day prévu pour les Américains a été un très grand succès dans le monde entier. Ce qui est donc spécifiquement américain est donc largement accepté. De la même manière un film de procès américain fait appel à des procédures et rouages spécifiques aux USA : ils sont maintenant acceptés à défaut d'être compris par le reste du monde.

Il y a actuellement un phénomène de saturation face au non-renouvellement du cinéma américain [2] , alors que le cinéma asiatique a tendance à se niveler. Il y a en effet un phénomène de lassitude face au cinéma américain qui s'essouffle depuis la première moitié des années 1990.

Paulo Branco , producteur portugais de prestige, porte un regard critique sur l'ensemble de la production américaine et européenne.

«Le cinéma occidental s'est installé dans un certain confort, dit-il. Au contraire, les réalisateurs de Chine continentale, de Taiwan ou de Hong Kong, comme ceux de Corée, doivent se battre et faire preuve d'imagination. Cela donne à leurs films un caractère incisif et audacieux.» [3]

Première clé d'explication: en Occident, l'absence de toute perspective, autre que la prospérité économique, aggrave le marasme de la création. A l'inverse, les bouleversements politiques, économiques et sociaux que connaît aujourd'hui l'Asie et les tensions qui en résultent, contribuent à l'effervescence de son cinéma .

« Raconter des histoires, c'est une façon de penser les changements, Rappelons-nous ce qui s'est passé en Russie après 1917, en Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale, en Italie pendant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, à Cuba après 1959 ou en France à la suite de la décolonisation, à partir de la fin des années 50: tous ces pays ont vu naître un cinéma très vigoureux. Cette énergie tend à se perdre quand tout va bien. L'âge d'or de Hollywood, dans les années 30 et 40, fut dû en grande partie à un afflux de talents venus d'Europe, qui fuyaient le communisme ou le fascisme.» [4]

Le critique new-yorkais Dave Kehr, membre du comité de sélection du New York Film Festival, organisé par le Lincoln Center, partage un point de vue similaire. Selon lui, la vitalité du cinéma asiatique s'explique par la résistance que ces pays opposent à la dérision post-moderne et au second degré:

« Ils prennent au sérieux les histoires qu'ils racontent et les genres qu'ils explorent alors que l'Occident ne croit plus aux vieilles formules mais ne réussit pas à en proposer d'autres.»

Gilles Jacob , le président du festival, émet un jugement moins négatif sur l'état du cinéma occidental.

«Le cinéma français est en plein essor. Mais comment ne pas distinguer la production iranienne, si poétique et inattendue? Les films venus du continent asiatique reçoivent enfin une consécration officielle. Mais il y a déjà plusieurs années que le mouvement a commencé.».

Après avoir méconnu les cinématographies venues d'Orient, l'Occident est aujourd'hui prêt à les recevoir. Le producteur parisien Jacques Bidou confirme:

« Par leur seul nombre, les films américains qui envahissent les chaînes de télévision et les cinémas européens empêchent la distribution d'œuvres d'autres pays. Le problème, ce n'est pas la création, mais la distribution. Les choses bougent en Chine, à Taiwan, au Japon et en Corée, ajoute-t-il, des pays où les films nationaux ont un public. Mais ils ont besoin d'être distribués en dehors de chez eux. Or, en général, les distributeurs ne prennent pas de risque tandis que les télévisions n'achètent pas de films en langues étrangères .»

Poids lourd de la production, la télévision a rogné les ailes à la création. Elle dicte sa loi au cinéma et impose même le casting. Piers Handling , le directeur du Festival de Toronto , considère que la production occidentale se préoccupe désormais avant tout de rentabilité et de divertissement. Pis, la télévision a façonné le public à son image:

«La nouvelle génération est submergée par les images; c'est un phénomène sans précédent dans l'histoire. Du coup, pour les jeunes, une expérience visuelle forte n'est toujours qu'une pâle imitation de la vie. Cette génération ne s'intéresse pas aux histoires intimes, aux vraies personnes. Il lui faut des sensations." [5]

 

Prenons le cas de l'animation [6] , et notamment celui de Miyazaki , contre-pied de Disney . Il apparaît aux yeux de toute la profession, à un échelon mondial, comme un maître de l'animation actuelle. Son style particulier, éloigné de celui de Wald Disney, marche moyennement aux USA, ne correspondant pas à la norme Disney. Princesse Mononoke est une fable écologiste et très longue, avec des scènes parfois violentes. Il est sorti aux Etats Unis après la sortie vidéo de Mon Voisin Totoro , qui avait plu, avec son coté enfantin et "mignon ". Les Américains ont acheté ce second long métrage les yeux fermés, sans savoir qu'il comportait des thèmes et un traitement beaucoup plus adulte. Les scores du film n'ont été que médiocres, n'atteignant que deux millions de dollars de recette, ce qui est très peu aux vues de ce que les distributeurs espéraient.

 

Wald Disney France a cependant vu que Princesse Mononoke avait bien marché en France, et a donc décidé de sortir tout de même Le Voyage de Chihiro dans ce pays d'Europe, mais sans tenter une sortie Outre Atlantique.

Le problème est que les gens de Disney sont tous des adeptes des œuvres de Miyazaki qu'ils pillent allègrement. Or Miyazaki grignote leurs parts de marché. Cela reste cependant relatif : Gaumont a assuré une très grande promotion à Princesse Mononoke , qui a été un succès. Mais quand on regarde les chiffres, on se rend compte que celui -ci reste 10 fois moins rentable qu'un Wald Disney.

Depuis la seconde guerre mondiale, il existe un impérialisme de la culture américaine. Or, il est d'autres cultures possibles. L'influence orientale croit sur la culture, tant sur le plan de la religion que de la civilisation. Hollywood est en perte de régime, alors que les jeux vidéo japonais, le cinéma chinois gagne en importance. Les gens veulent une alternative. Toute la génération des 20/25 ans a été sensibilisée à l'Orient par les dessins animés, les jeux vidéos. Les mangas touchent une frange réduite de la population en age, mais celle-ci est dynamique. La bande dessinée franco-belge a connu une perte de vitesse au début des années 1990. Est apparu à ce moment là un phénomène de traduction massif de bandes dessinées japonaise, les mangas, qui offraient de nouveaux schémas narratifs.

[1] Entretien Xavier Leherpeur op.cit

[2] Entretien Hubert Niogret op.cit

[3] Dixit Paul Branco , in Courrier de l'Unesco , octobre 2000, par Joan Dupont, " le cinéma occidental à bout de souffle ".

[4] Affirme Piers Handling , directeur du Festival de Toronto . In Courrier de l'Unesco , octobre 2000, par Joan Dupont, " le cinéma occidental à bout de souffle ".

[5] In courrier de l'Unesco, octobre 2000, par Joan Dupont, " le cinéma occidental à bout de souffle ".

[6] Entretien avec David Martinez op.cit.