Surmonde
Christophe Molon-Noblot
I
Marcus rentra
chez lui tôt ce jour là: il devait se reposer, les jours à venir allaient être
éprouvants. La dernière mission fut des plus intéressantes, même si les
chercheurs supervisant l’équipe n’étaient pas de son avis. Pour eux seules
comptaient les éventuelles avancées technologiques que l’exploration de la
hiérarchie des mondes peut apporter. Pas pour lui. Ce sousmonde
l’avait particulièrement enchanté, mais peut-être était-ce parce qu’il l’avait
lui-même engendré. Le fait que seuls ceux créés par les membres de l’équipe
d’exploration puissent être visités l’attristait quelque peu, en effet, évoluer
dans un pays fantastique comme seuls certains écrivains géniaux savent en
concevoir aurait été une expérience des plus intéressantes. En entrant dans ses
quartiers, il se rendit compte de la chance unique qu’il avait eu d’avoir pu
visiter un monde issu de ses propres rêves. Si les recherches sur les voyages
en translation avaient été rendues publiques, il est sûr que plus d’un auraient
vendu corps et âme pour tenter l’expérience. Juste avant de s’endormir, il se
rappela que s’il rêvait, il créerait un nouveau monde.
Il se rendit directement
au labo sans passer par le réfectoire, car il devait passer des tests pour
jauger son état de santé après sa dernière mission. Les examens
bactériologiques étaient négatifs, et le scan de
disruption psychique ne montra aucun défaut. Les quatre autres membres de
l’équipe étaient déjà passés et l’attendaient dans la pièce voisine. Ils
allaient être briefés pour la prochaine mission, d’un genre nouveau.
“Ayant considéré le succès des cinq missions dans les sousmondes
accessibles, et étant donné le large soutient dont notre groupe bénéficie au
Sénat, le Conseil a voté le passage au stade ß du projet. La prochaine
translation aura lieu dans 72 heures, vous passez donc immédiatement en chambre
de préparation. Vous n’ignorez pas que le surmonde
que vous explorerez diffère fondamentalement des mondes visités jusque-là. Je
compte sur vous tous pour que cette mission soit une réussite.”
Le Conseiller Supérieur
n’avait pas eu besoin de leur rappeler que les fameux soutiens politiques,
aussi larges fussent-ils, ne survivraient pas à un échec de la mission. En tant
que chef de groupe, Marcus sentit une agréable
tension monter en lui: être sous pression l’avait toujours rendu plus efficace
dans toutes les tâches qu’il avait déjà entreprises.
Le départ approchait.
Ils étaient enfin sortis de leurs chambres de préparation, où ils avaient été
traités plus comme des infirmes que comme les soldats d’élites qu’ils étaient.
Nourriture sous perfusion, baignés en permanence dans du liquide biostimulant et implants crâniens censés développer leurs
aptitudes télépathiques, même si une poignée de personnes seulement était
aujourd’hui capable d’entretenir un semblant de discussion par la pensée. Mais
peu importait, s’il était un point sur lequel tous les membres de l’équipe
étaient bien en accord avec leur supérieur direct, c’était que la fin
justifiait les moyens. La section détachée au recrutement y avait tout
particulièrement veillé.
Quelques heures avant le
départ, les rapports préliminaires commençaient à arriver: les capteurs avaient
détecté une grande activité paramatérielle, mais
n’avaient pas été capables de donner des informations sur les conditions
climatiques ainsi que sur la structure physique de ce monde. Cependant, il
était généralement admis que les sept niveaux de mondes prévus par le modèle le
plus courant possédaient tous des lois élémentaires similaires. Le raisonnement
était que les entités peuplant les divers mondes n’imaginaient pour la plupart
que des environnements similaires au leur, et les explorations dans les sousmondes avaient renforcé cette hypothèse. Dans le doute,
l’équipement de base comportait toujours des scaphandres spatiaux, une panoplie
de survie dont Marcus aurait été bien en mal de faire
l’inventaire et tout un fouillis de machines autoguidées et indépendantes. Ces
robots semi-intelligents enregistreront les moindres détails de l’expédition
pour une analyse ultérieure, et pourront intervenir pour soutenir les
explorateurs humains en cas de nécessité.
Plus que quelques
minutes. Un holo projeté sur les visières des
scaphandre rappelait aux explorateurs les principales directives de la mission:
par dessus tout, ne pas interférer avec le monde qu’ils allaient visiter. Ils y
allaient en qualité d’observateurs, et s’immiscer dans cette réalité était hors
de question. Le reste de leur mission consisterait à filmer, faire des relevés
divers, récolter des échantillons et mesurer les constantes fondamentales de ce
monde, pour comparaison. Après tout, l’un de ses habitants avait engendré la
Terre qu’ils connaissaient.
La voix du coordinateur
général retentit à l’instant prévu:
“Messieurs, translation dans 5, 4,
3... 2...... 1......”
Le temps leur sembla s’accélérer, et ils avaient perdu connaissance avant
d’entendre la fin du décompte. Le appareils de
contrôle étaient dans le vert, et des applaudissements retentirent dans la
salle intercom pour saluer cette sixième translation
officiellement réussie. Le Conseiller Supérieur se retira dans ses
appartements: il n’y avait plus rien qu’il puisse faire jusqu’au retour de ses
hommes.
II
27/09/25xx
Quelque chose a mal
tourné cet après midi, l’équipe était à peine revenue qu’on l’a mise au secret.
Nous n’avons pas eu la possibilité de les revoir depuis, bien que nous soyons
les seuls habilités à effectuer les tests de contamination bactériologique
prévus par le protocole régissant les translations. Je crains que le Conseil ne
tente ainsi d’étouffer un incident grave. Les accès aux fichiers concernant la
dernière mission ont été effacés des mémoblocs publiques, et toutes les références à la phase ß
dans d’autres rapports ont également été enlevées. Je m’inquiète pour la suite.
29/09
Toujours aucune nouvelle
de l’équipe. Le Conseil se refuse à tout commentaire, mais l’annulation
officielle de la phase ß ne fait que confirmer ce que beaucoup de chercheurs
craignaient déjà: le centre va fermer. Abandonner ce projet est un aveu
d’échec, et il ne sera plus possible de débloquer des fonds pour poursuivre les
recherches.
30/09
Tous les chercheurs ont
été renvoyés aujourd’hui, ainsi que la majorité des techniciens, et une grande
partie des militaires affectés à la base ont été démobilisés. Le peu de
personnel encore sur place ne reste que pour préparer la fermeture de la base.
C’est sidérant de constater comment un projet qui a mis des années à se mettre
en place peut être réduit à néant en quelques heures.
Toutes les archives
virtuelles ont été détruites ou mises sous un niveau de protection très élevé
car même moi qui détiens un grade d’accès prioritaire je ne peux y accéder.
Personne ne sait ce qu’il s’est passé lors de la translation, mais les effets
ont été immédiats.
Des collègues du
département d’observation longue distance ont annoncé sur le ProxiCom la possible disparition
d’étoiles lointaines. Des mesures effectuées par les détecteurs hyperluminiques ont révélé de grandes perturbations dans
les champs gravitationnels lointains ainsi qu’une diminution de l’émission
d’ondes électromagnétiques. Selon eux, seule la disparition pure et simple des
étoiles de ces secteurs pourrait en être la cause. Néanmoins, rien ne semble
pouvoir expliquer les disparitions elles-mêmes. Une demande de confirmation a
été envoyée à des observatoires privés.
02/10
Le rapport officiel
parle “d’annihilation” des astres distants. La seule théorie avancée est
l’apparition d’un nuage d’antimatière, bien que dans ce cas le contact entre le
nuage et les étoiles aurait libéré une quantité
immense d’énergie, que nos capteurs nous aurait signalée. Or il n’en est rien.
Le Conseil a refusé de rendre l’information publique, malgré les protestations
de la communauté scientifique. Les laboratoires indépendants ont par ailleurs
confirmé la disparition de ces astres.
J’ai cependant du mal à
croire à ces annihilations. Ce ne serait en effet pas la première fois qu’un
groupe de chercheur fasse circuler une fausse information pour créer un
gigantesque canular. Mais le fait que certains de mes collègues totalement
dépourvus de sens de l’humour y prennent part me trouble quand même.
05/10
Le doute n’est plus
permis: un phénomène inexpliqué provoque bel et bien la disparition de plus en
plus d’étoiles. Cela a été confirmé par des astronomes de l’Empire du Grand
Est. Il est exclu de mettre ces résultats en doute. Des rapports confidentiels
ont été envoyés au Conseil, mais il m’a été impossible d’y avoir accès, malgré
tous les contacts que je possède au sein de la communauté. Mais l’heure doit
être grave, car des mesures anti-émeutes ont été prises.
08/10
Un nombre croissant
d’astres disparaissent chaque jour, et bientôt le
phénomène sera visible à l’œil nu. La décision de rendre l’information publique
a donc été prise, et des rapports devront circuler sur le PubliCom
dans les heures à venir. Cette vague d’annihilation est toujours inexpliquée.
L’un de mes collègues
m’a fait part des résultats de son analyse personnelle, réalisée avec son
propre matériel, puisque tous les télescopes et appareils de mesures spatiales
publics ont été mis sous scellé par le Conseil. Il est arrivé à la conclusion
que l’univers disparaissait. Jusque là, rien de bien extraordinaire: bon nombre
de chercheurs étaient arrivés à la même conclusion. Mais selon ses calculs, la
Terre serait le dernier objet stellaire à sombrer. Quelle ironie que pendant
des siècles on ait cru que notre planète était le centre du monde alors qu’en
définitive elle ne serait que celui de la fin de l’univers!
Le doute est encore
permis, et l’espoir aussi.
13/10
Une vague de panique a
rapidement suivi l’annonce publique du phénomène, et cela a été aggravé par les
premières disparitions visibles d’étoiles dans le ciel. Des régions entières se
sont vidées, et des citées ont été évacuées vers les abris sous-marins, comme
si ceux-ci pouvaient protéger quiconque contre la disparition de la planète qui
les porte.
Le
Conseil a été renversé, et le PubliCom nous a appris
que les gouvernements du Nord et de L’Empire du Grand Est allaient bientôt
subir le même sort. Les Territoires du Sud restent quant à eux dans le même
état de guerre qui est le leur depuis deux siècles. Rien ne prouve que qui que
ce soit là-bas ait pris connaissance des disparitions.
Les calculs de mon
collègue Lor se sont affinés, et il affirme
maintenant que la dernière région à disparaître serait située dans les monts
Sinaï, en plein milieu des Terres Dévastées. Nous avons décidé de nous y
rendre, ainsi qu’un petit groupe de personnes qui ont eu vent de cette
information. Nous partirons dès que possible.
14/10
De nombreuses sectes
font leur apparition, mais celle qui attire le plus d’adepte est l’Église
Apocalyptique. Des suicides collectifs ont eu lieu un peu partout dans le
monde, et les religieux ont pris le contrôle de l’état. Leur but est de “sauver
le plus grand nombre d’âmes possible” avant qu’il ne soit trop tard.
La situation devient
précaire ici, nous avons donc avancé la date de notre départ. Une cinquantaine
de personnes seront du voyage, la nourriture et le matériel embarqué seront réduits au strict minimum pour ne pas nous retarder.
16/10
Nous sommes arrivés au
lieu désigné par Lor. Le campement a été établi sur
un plateau désolé, et seul un buisson desséché témoigne qu’il y a eu de la vie
ici par le passé. Le reste du paysage garde les stigmates du terrible conflit
qui a opposé les Territoires du Sud et l’Empire du Grand Est, et qui a valu son
nom à cette région.
Les nouvelles
retransmises sur le PubliCom décrivent le chaos total
dans lequel a été plongé le monde pendant ces derniers jours. Il n’y a
pratiquement plus de structure étatique nulle part, la violence et le fanatisme
règnent en maîtres. L’Eglise ne cesse de gagner en puissance, et je redoute que
certains de ses adeptes ne soient venus ici avec nous.
20/10
Le ciel ne cesse de se
vider, et désormais seules les étoiles de la Voie Lactée subsistent. Le
phénomène semble perdre en vitesse, puisque les premiers jours, des astres
répartis sur des milliards d’années-lumière disparaissaient en quelques
instants. Peut-être que nous seront finalement épargnés.
Mes craintes étaient
fondées: un petit groupe d’adeptes a quitté notre campement pour aller
s’installer de l’autre côté du buisson. Ils viennent de temps à autre nous
proposer de sauver nos âmes, mais sans insister inutilement lorsque nous leur
signifions notre refus.
22/10
Les rangs des adeptes grossissent,
et ils atteignent désormais la vingtaine. Nous craignons qu’ils ne tentent de
nous forcer à rejoindre leur culte, mais ils n’ont encore montré aucune
agressivité. Le PubliCom nous a appris que des
opérations de conversions massives avaient été opérées un peu partout, et que
des répressions sanglantes avaient eu lieu contre les “infidèles”.
Heureusement, ceux qui ont quitté le campement n’ont pas emporté de récepteur
Com, et nous veillons à ce que personne ne les mette au courant des agissements
de l’Église dans le reste du monde.
Le buisson a pris feu.
Nous suspectons les adeptes d’en être responsables, bien qu’ils refusent de
l’avouer. La chaleur n’est pourtant pas excessive, et je doute qu’il ait pu
s’enflammer spontanément.
21/10
Tous nos efforts pour
éteindre le brasier ont été vains. Rien ne semble devoir arrêter ces flammes,
et le feu gagne en vigueur à chaque instant. Les adeptes sont convaincus qu’il
s’agit là d’un signe, et quelques-uns des plus fanatiques se sont jetés dedans.
Lor a rejoint leur groupe ce matin, bien qu’hier
encore il m’avouait combien cette secte l’effrayait. Bon nombre des personnes
présentes sur le campement perdent peu à peu l’esprit, et les prêches
incessants des adeptes n’y sont pas pour rien.
Dans l’ouest, une
poignée d’anciens chercheurs et militaires avertis ont forcé l’entrée de le
base de ce qui fut le projet ß. Ils voulaient avoir accès aux contrôleurs de
translation. En effet, même si voyager dans un sousmonde
aurait été impensable car tous ceux engendrés par notre niveau disparaîtront en
même temps que nous, le départ vers un surmonde leur
semblait le dernier moyen d’échapper à la destruction. Leur déception fut
grande lorsqu’ils trouvèrent la machine détruite, vraisemblablement après des
translations ratées. Visiblement, les anciens membres du Conseil avaient tenté
de l’utiliser, mais sans le soutien des chercheurs et des techniciens, ils
n’avaient aucune chance d’y parvenir. Le sort de l’humanité semble donc bel et
bien scellé.
13/10
Les bras à l’opposé de
la galaxie ont sombré. Il ne nous reste visiblement que quelques jours devant
nous. De nouveaux adeptes se sont jetés dans le brasier aujourd’hui. J’ignore
si Lor en faisait partie, mais je me dis que cela ne
changera pas grand chose en définitive.
17/10
La Voie Lactée n’est
plus. Le spectacle du ciel sans étoiles est terrible à regarder, et les étoiles
y brillent comme jamais. Tout contact avec les bases de Proxima du Centaure a
été perdu, ce qui confirme définitivement que nous assistons bien à la
disparition progressive de notre monde.
Le buisson brûle de plus
en plus fort, et les adeptes en ont fait le centre de leur culte. Ils affirment
qu’il s’agit du même buisson ardent qui fut décrit dans les Écritures. Ils
pensent que Dieu est revenu sur Terre pour montrer la voie aux initiés avant la
destruction de la Création.
20/10
La fin approche: le
Soleil a cessé de briller progressivement avant de disparaître il y a quelques
minutes. Nous ne sommes plus éclairés que par les groupes luminogènes
et le brasier. Je suis le dernier à rester sur ce campement, la disparition de
notre étoile ayant définitivement fait perdre l’esprit aux quelques compagnons
qu’il me restait. Certains ont été se perdre dans la montagne et les autres ont
rejoint les adeptes.
Désormais je ne
compterai plus les jours, puisque cela n’a plus de sens. Je continue néanmoins
à rédiger ce journal, car il est la dernière chose qui m’empêche encore de
sombrer dans la folie. Je continuerai à écrire aussi longtemps qu’il me sera
possible de le faire.
Les dernières planètes
ne sont plus visibles, et la Lune règne seule dans le ciel. Il ne nous reste
que peu de temps. De nouveaux adeptes se sont fait brûler, et seuls quelques
uns sont encore en vie. Ils passent leur temps en prière, dans un état proche
de l’extase, mais au moins ont-ils cessé de venir me presser d’intégrer leur groupe.
La Lune a disparu.
J’ai perdu le signal PubliCom, ce qui signifie qu’il ne reste plus de point
relais. Le néant approche donc à moins de cinq cent kilomètres d’ici, et les
calculs de Lor se trouvent confirmés: c’est ici que
se jouera le dernier acte.
L’intensité du brasier
ne cesse d’augmenter, et je me demande comment le buisson lui-même n’a pas été
consumé par la violence de l’incendie. Il ne devrait en rester que des cendres
depuis bien longtemps, or rien ne semble indiquer que l’incendie n’ait
d’influence sur lui.
Je peux désormais suivre
l’avancée du néant à l’oeil nu. Les montagnes à l’horizon sombrent une à une.
Dans quelques heures je pourrai englober l’ensemble du monde connu d’un seul
regard. Je n’arrive plus à m’endormir, et c’est tant mieux: je ne voudrais
surtout pas manquer les derniers instants de notre monde. Je m’aperçois à
l’instant que je devrais être effrayé à cette perspective, mais il n’en est
rien. Mon décalage par rapport à la réalité doit être total pour que je puisse
consciemment désirer assister à cela.
Je suis désormais seul.
Comme je l’avais prévu, je peux désormais voir le monde entier. Les derniers
adeptes se sont finalement jetés dans le feu, et ceux qui étaient partis
auparavant doivent avoir sombré dans le néant.
Ce n’est plus qu’une
question d’heures.
Je dois devenir fou, il
me semble avoir entendu une voix provenir du buisson. Le brasier est énorme, et
j’ai dû m’en éloigner pour ne pas être brûlé. Mais cette voix s’adressait à
moi, bien que je n’ai pas saisi le sens des mots qui
m’étaient destinés.
Plus que quelques
minutes. La voix s’est à nouveau fait entendre à moi. Le buisson m’a dit que
l’Alliance avec les Hommes avait été rompue, et le sens du reste de sa
déclaration ne peut être retranscrite ici, car il s’agissait plus de sensations
que de mot, comme une souffrance infinie mêlée d’une bonté et d’une compassion
sans borne. J’ai aussi ressenti comme un immense regret, mais je ne peux
analyser cette communion, car le temps me manque. Il va bientôt falloir que je
choisisse entre le feu et le néant.
Je ne brûlerai pas.
Adieu.
III
Il est de mon devoir de
commenter les découvertes étranges de ces derniers jours. Tout d’abord, des
rapports confidentiels ont été trouvés sur des mémoblocs
de l’armée. Ils font allusion à un certain projet ß, qui est inconnu de moi et
des autres membres du Conseil. Nous avons également retrouvé des
enregistrements provenant d’une mission qui n’a jamais eu lieu dans la mémoire
des robots explorateurs récemment mis au point par les équipes d’analyse et de
soutien technologique. Enfin, un journal découvert près des restes d’un
incendie par un drone dans la région des Terres Dévastées a achevé de jeter un
doute dans nos esprits. Il mentionne une équipe disparue, cite le fameux projet
ß et se conclut sur la fin du monde. La datation de l’encre utilisée prouve
qu’il a été rédigé il y moins de deux jours, or personne n’a été repéré dans
cette zone depuis des semaines. L’auteur parle également de “translation”, une
technologie qui permettrait de voyager dans d’autres mondes et que nous autres,
membres du Conseil, aurions tenté d’utiliser.
Les mémoires des robots
contiennent en fait des enregistrements provenant manifestement d’une région
inconnue. Selon les mesures, l’activité psychique y est intense et la matière
inconnue. Cinq hommes faisant partie de l’équipe exploratrice accompagnent les
robots. Très vite, les capteurs paramatériels
surchauffent, et plusieurs membres semblent souffrir de troubles du
comportement. L’un d’eux utilise un disrupteur
psychique contre une entité apparue soudainement, avant que tous les autres ne
perdent conscience. L’apparition perd alors en puissance émettrice, jusqu’à ce
que le dispositif de retour d’urgence ne soit déclenché automatiquement par la
brusque chute des activités vitales des hommes.
Le rapport précise que
les explorateurs sont morts quelques jours plus tard après avoir sombré dans la
folie. Ils ne cessaient de parler de “Lui” et de son “Alliance”. Une voix
mystérieuse aurait été entendue dans leur chambre quelques heures avant leur
décès. Elle ne provenait d’aucun d’entre eux, mais semblait faible, comme celle
d’un blessé.
Les noms des
explorateurs figurent effectivement dans les listes de l’armée, mais ils
semblent pourtant n’avoir jamais existé, tout comme le Dr Lor
cité dans le journal.
Enfin, il est évident
que la fin du monde n’a jamais eu lieu, bien que l’authenticité des différents
documents ne saurait être remise en question. Une enquête va être menée.