L’exposition
Comédie est conçue comme un théâtre.
Plus exactement comme un “arrière théâtre”
où les œuvres se placent autour d’un hortus conclusus.
Or ce que révèle Comédie, dans la théâtralisation
du site (espace double, espace de transparence, espace ouvert aux spectateurs)
est qu’il y a probablement quelque chose qui se “lit véritablement
comme une écriture, comme une inscription dans l’espace1”.
Ainsi matériellement, au regard de cet espace et de ces contraintes,
nous proposons cet enjeu réflexif du théâtral : il
est donc figuralement un théâtre urbain (forme et topologie)
qui propose un certain nombre de faits marqués. La mise en écho
des espaces qui se font face dans un jeu de symétrie, la transparence
et la visibilité de la rue, des trois rues qui enserrent le bâtiment,
la présence du spectateur autour et dedans.
Comédie est un projet en deux espaces; deux locus où
se joueraient des batailles, des “psychomachies”. L’exposition
est construite dans ces deux espaces autour du jardin : ombre, lumière,
verre, béton, métal constituent le parcours. Une sorte de
songe d’une cosmogonie tripartite de Dante ou de la forme ancienne
de l’opéra et de l’oratorio. Dialogue de deux espaces,
dialogue entre les travaux ou les interventions proposées. Il y
a un face à face, une structure et un lieu où théâtralement
peut se mettre en place un discours, c’est-à-dire un événement
qui s’effectue dans la presque systématique extériorité
du bâtiment (il existe encore la surface du verre). Extériorité
donc, et par la surface du verre, comme expérience du dévoilement.
Question de l’extériorité comme possibilité
d’acte et de regard où «le discours est aussi expérience
de quelque chose d’absolument étranger, “connaissance”
ou “expérience” pure, traumatisme de l’étonnement.2».
Il s’est agit avec l’exposition Comédie de
se mettre au service ou de mettre en valeur l’espace, de l’appréhender
comme objet transitionnel pour une monstration de praxis contemporaines;
cet espace, dans ses difficultés, laisse voir et donne la capacité
de mettre en relation. Il laisse voir mais selon un certain nombre de
contraintes : deux espaces séparés, les conditions illusoires
du verre, la brutalité des structures, l’absence d’électricité,
l’absence d’éclairage. Comédie s’applique
à réaliser une monstration dans un lieu qui ne le permet
pas vraiment, dans les conditions d’hétérogénéité
des supports comme s’il s’agissait au fond de montrer «ce
qu’il y a de déraisonnable dans la réalité3»
ou ce qui constituerait une «substancialité imaginaire4».
Il y a en fait une absence de marques propres, habituelles à la
monstration, à l’exposition ou à la théâtralisation,
et cependant, il y a le recours à une réalité comme
seule possibilité de visibilité (transparence, face à
face, lumière solaire, lumière urbaine, déambulation).
D’où, dès lors la question essentielle de la pauvreté
: pauvreté de moyens, pauvreté des supports. La question
moderne de la pauvreté implique et reconcentre la question d’un
art contemporain «qui n’est plus quelque chose qui demande
a être avant tout regardé5» mais essentiellement vécu
comme présence (le théâtre) au moins (comme ultra-contemporanéité)
comme événement et comme interrogation sur «l’entité
de l’art6».
Comédie est donc un projet stimulé par la question
d’un regard post-historique et contemporain de l’art. Ce projet
est marqué par un dernier regard sur l’œuvre d’Hegel
où il est écrit que la «comédie marque la dissolution
de l’art en général7». Contemporanéité
de ne considérer que les possibles. Et déjà la possibilité
de considérer que «probablement les conditions de la comédie
sont la garantie de la tragédie, si on entend par là que
notre âge n’est pas un Age d’or. On ne peut pas tout
avoir8».
Notes :
1. Sur la question du signifiant et da la sémiologie urbaine cf.
R. Barthes, L’aventure sémiologique, p. 261, Paris,
Seuil, 1985.
2. E. Lévinas, Totalité et infini, p.61, Paris,
Livre de Poche, 1971.
3. G.W.F. Hegel, Esthétique, l. 4 ch. 3, p. 270, Paris,
Flammarion, 1979.
4. Ibid. p. 270.
5. A. Danto, L’art contemporain et la clôture de l’histoire,
p.46, Paris, Seuil, 2000.
6. J. Kosuth, L’art après la philosophie, 1969,
MAM de Paris, 1989, p. 238.
7. G.W.F. Hegel, Esthétique, l. 4 p. 305, Paris, Flammarion,
1979.
8. A. Danto, L’art contemporain et la clôture de l’histoire,
p. 317, Paris, Seuil, 2000.
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