Texte
de Didier Arnaudet, Artpress, janvier 2004.
La rencontre de Yannick Liron, écrivain (Nous vous rappelons notre
disparition et L'Effet fantôme aux éditions P.O.L.), et du
collectif d'artistes MIX., qui met en place des dispositifs reliant travaux
de recherches, d'expositions et de publications (Claire Malrieux, Alex
Pou et Fabien Vallos) n'est pas circonstancielle, ni superficielle. Elle
se fonde sur un désir commun d'appréhender, d'interroger
le réel et ses représentations, où s'affirment des
positions convergentes, complémentaires et des connexions possibles.
De leur collaboration résulte « le principe de l'œuf
clair », dispositif produit par « Permanences de la littérature
» en préfiguration d'une résidence à Bordeaux
programmée à l'automne 2004. Ce titre ce réfère
à un terme utilisé pour caractériser une grossesse
interrompue et donc une notion de vide et de clarté. L'installation
se compose d'une maquette et d'un documentaire, et se développe,
à partir d'un texte de Yannick Liron, comme une exploration qui
travaille des formes et des images de manière à les évider
de laur fonction dominante de représentation et à déceler
des points d'antagonisme ou d'énigme. Cela implique de sortir de
la posture de l'illustration, pour s'inscrire dans une construction autonome.
La maquette est un fragment de paysage, à la fois incertain et
précis, parcours mental et cartographie constituée de résonances
rurales, urbaines et industrielles. Il s'en dégage l'impression
qu'il ne s'agit pas d'un lieu définissable mais de l'évocation
fictionnelle d'un vision. Le documentaire est un mélange calculé
de matérieaux hétérogènes, d'emprunts majeurs
et mineurs, de contaminations d'éléments cinématographiques,
architecturaux, picturaux, photographiques, médiatiques, littéraires
et musicaux (Pontormo, Kurosawa, Dreyer, Montand, Le Louvre, McCollum,
Sherman, Séries B, Mozart, Aphex Twin…) qui s'articulent
autour de quatre axes : la visitation, la ruine, le fantôme et la
croyance. Le commentaire pseudo-philosophique, porté par l'autorité
de la voix d'un professionnem, renforce cette force de démonstration
et de séduction en commerce constant et fructueux avec le vrai
et le faux, l'ordre et le chaos, l'élucidation et le détournement.
Cet art de la greffe et du collage transforme des repère, des outils
et des énonciations en fantômes qui cherchent des réponses
à des questions qui n'existent pas. Le nœud de l'authenticité
et de la fiction tend à être inextricable. Le réel
est déchargé de son épaisseur et réduit à
une simple enveloppe de surface, une série d'images qui se décollent
des choses. La fiction est une feinte pour susciter l'apparence et tromper.
Par une combinaison de désinvolture et d'exigence, « le principe
de l'œuf clair » est un archipel où des îlots,
marqués par de fortes différences, s'organisent comme des
relais d'étranges messages et s'échangent des témoins
qui ne sont que des leurres. Le regard se laisse ainsi entraîner
dans une course qu'il s'avère incapable de conduire, d'orienter,
mais cette incapacité permet de nourrir cette course de multiples
péripéties.
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