Dominique Colas



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Professeur émite de Science politique, 

 
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  sciences po

 
27 rue Saint Guillaume - 75337 Paris Cedex 07

Cours du master sécurité de l’Ecole de Relations internationales  Ier semestre 2014-2015


Théorie politique de la guerre (Avec une attention spéciale à Marx et à ses disciples)


«   Conflit (polemos) est le père de tous les êtres, le roi de tous les êtres. Aux uns il a donné forme de dieux, aux autres forme d’hommes. Il a fait les uns esclaves, les autres maîtres. »

Héraclite (544-480 av JC ?)

(trad. par J.-P. Dumont, Les écoles présocratiques, Gallimard, 1991)

πόλεμος πάντων μὲν πατήρ ἐστι, πάντων δὲ βασιλεύς, καὶ τοὺς μὲν θεοὺς ἔδειξε τοὺς δὲ ἀνθρώπους τοὺς μὲν δούλους ἐποίησε τοὺς δὲ ἐλευθέρους

Fragment DK22b53


PLAN DU COURS


1)  Introduction. Guerre et commerce (Marx et Constant)

2) Guerre et pulsion de mort ( Freud vs Marx)

 3) Guerre étrangère, guerre civile et mobilisation générale ( Xénophon et Platon vs Marx)

4) Guerre et politique dans Le Prince de Machiavel

5) Etat de nature, guerre de tous contre tous et souveraineté chez  Hobbes dans Le  Léviathan

6) La formule de Clausewitz (1) : « la guerre continuation de la politique par d’autres moyens »

7) La formule de Clausewitz (2) : « la guerre continuation de la politique par d’autres moyens »


8)  Lutte des classes, guerres civiles et guerres nationales chez Marx

9) Lénine et Clausewitz : combinaison de la guerre civile et hygiène sociale, l'épuration

10) Mao Tsé Toung
et Clausewitz : la guerre prolongée (1936) et la guerre contre la paysannerie (1958-1962)

11)  Carl Schmitt , la politique comme discrimination entre l’ami et l’ennemi (Schmitt vs Constant)

12) Carl Schmitt et Clausewitz. La théorie du partisan.






Exigences pour la validation du cours

Lecture d’une série de textes classiques sur la guerre (en français, anglais, allemand ou italien)

Rédaction en français ou en anglais de deux brefs essais, l’un portant sur un texte, l’autre sur un ou plusieurs concepts qui se trouvent dans les textes. Le premier à mi-semestre, le second en fin de semestre.



LECTURES OBLIGATOIRES
Clausewitz, De la guerre, Livre I, chapitre 1er, « Qu'est-ce que la guerre ?" et Livre VIII chap. 6, A et B,

en allemand
http://www.clausewitz.com/readings/VomKriege1832/Book1.htm#1-
http://www.clausewitz.com/readings/VomKriege1832/Book8.htm#6

ou trad.  de l’allemand, chez  Minuit ou Tempus  (celle-ci partielle mais suffisante)

Constant, Benjamin, « De la liberté chez les Anciens comparée à celle des Modernes » http://www.panarchy.org/constant/liberte.1819.html

Hobbes, Léviathan, chapter XIII of the natural condition of mankind as concerning their felicity and misery  ; chapter XIV of the first and second natural laws, and of contracts

http://oregonstate.edu/instruct/phl302/texts/hobbes/leviathan-c.html#CHAPTERXIII
http://oregonstate.edu/instruct/phl302/texts/hobbes/leviathan-c.html#CHAPTERXIV

Ou l'édition du Projet Gutenberg : http://www.gutenberg.org/files/3207/3207-h/3207-h.htm

Machiavel, Le Prince, en italien (http://it.wikisource.org/wiki/Il_Principe)
ou traduction française par Yves Lévy, Garnier Flammarion, 1980 (la meilleure traduction en français)

Marx, La guerre civile en France,1871 en allemand (http://www.marxists.org/deutsch/archiv/marx-engels/1871/05/burfrndx.htm) ou traduction française ( http://www.marxists.org/francais/ait/1871/05/km18710530.htm )

Carl Schmitt, La notion du politique, trad. de l'allemand, Calman-Lévy. 1963

Xénophon, Constitution de Sparte, introduction de D. Colas, Gallimard, « Tel », 1996


Supplemental readings


Aron, Raymond, Penser la guerre, Gallimard,  2 vol., 1976
Colas, Dominique, Sociologie politique, Puf, 2006, ( spécialement le chapitre « Modes de destruction »)
Derrida, Jacques, Politique de l’amitié, GalilIée, 1994
Foucault, Michel,  « Il faut défendre la société », Cours au Collège de France, 1976, Gallimard, 1997
-    Sécurité,Territoire, Population, Cours au Collège de France, 1977-1978, Gallimard, 2004
Girard, René, Achever Clausewitz, Champs, Flammarion, 2011
Weber, Max, La politique comme vocation, (http://de.wikisource.org/wiki/Politik_als_Beruf ) in Le Savant et le Politique, trad. de Freund, préface de R. Aron, 10/18.





Cours I


Introduction générale

Buts du Cours

A ) « Penser la guerre » Aron.
 Ce n’est pas un cours de sociologie politique traitant la guerre comme une variable dépendante. On ne cherchera pas à d’expliquer les guerres et leur déroulement ou le rapport, par exemple entre système d’armes et régime politique.
(Sur sociologie de la guerre voir in Colas, Sociologie politique, PUF, la partie « Modes de destruction » où se trouve aussi des éléments de théorie de la guerre (sur Marx ou Clausewitz par exemple

Pourquoi l’importance accordée au marxisme ? Doctrine officielle de l’URSS et de la Chine communiste et a pénétré les mouvements nationaux du tiers monde. Combinaison marxisme et nationalisme en URSS et Chine.

B) Etudes de concepts et d'idéologies.

Comprendre la guerre qui est peut être due à des convictions, des idéologies politiques et religieuses. Les théories de la guerre ont des conséquences sur les guerres effectives
a) Exemples de conceptualisation : la théorie de la guerre par Clausewitz ; la théorie de la guerre chez Marx

b) Exemples d’idéologie : la guerre civile est « inévitable » selon Lénine, prophétie autocréatrice de la guerre civile russe en 1918.
  La guerre pour l’espace vital et l’avenir des Aryens organisée par Hitler.
 La théorie de la supériorité de l’attaque sur la défense conduit les soviétiques à ne pas mettre en place une défense en profondeur entre 1939 et 1941


Concepts à construire (et déconstruire)
Guerre/politique
Guerre/paix
Guerre étrangère/guerre civile
Polemos/stasis (guerre, guerre intestine)
Ami/ennemi, Amitié/inimitié/hostilité
Guerre symétrique/guerre asymétrique
Conflit/compétition/concurrence/duel
Crime de guerre/crime contre l’humanité/Génocide
stratégie/tactique
Territoire, frontière, population
Etat, nation, société civile


Guerre et commerce selon Benjamin Constant et Karl Marx

I  Constant et Marx :
 deux visions antagoniques



- le contexte post révolutionnaire et post impérial ( Napoléon Ier) de Constant, théoricien du libéralisme

- Marx et la nécessité de la révolution qui abolira la domination de la bourgeoisie. 1848, 1851, 1871 : la lutte des classes en France

- Remarque sur l'évaluation du libéralisme par Carl Schmitt et la proximité avec le marxisme (voir le cours 11)

II Commerce et guerre chez Constant et Marx

A)- Opposition commerce et guerre chez Constant.

« La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d'arriver au même but : celui de posséder ce que l'on désire. »
Le commerce « moyen plus doux » et « plus sûr » de satisfaire son intérêt


a) La guerre mode obligé des relations entre cités dans le monde antique tandis que le Le commerce conduit à la paix dans le monde moderne.

b) Frontières multiples et guerres.
Si un Etat est entouré par de nombreux autres Etats de force équivalente il peut craindre une invasion et doit donc se préparer à la guerre. C’est la condition d’ensemble du monde grec jusqu’à la guerre du Pelloponnèse (430-401) qui voit naître des coalitions de Cités-Etats : elle oppose la ligue de Délos (formée par Athènes) à la ligue du Péloponnèse (formée par Sparte). Mais « tendance uniforme vers la paix » du monde moderne. 

c) le commerce a modifié la « nature de la guerre ». L’intérêt des nations va au-delà de leurs frontières.



Distinctions entre les genres de liberté selon Constant
Peuples anciens
Nations modernes
Participation active et constante au pouvoir collectif
Jouissance paisible de l’indépendance privée
Des esclaves
Uniquement des hommes libres
Exercice de la liberté
Jouissance de la liberté
Suprématie du corps social
Individu
Aristocratie monacale à Sparte
Gouvernement représentatif : la nation se décharge sur quelques individus, ce qui implique leur contrôle et leur surveillance
Tyrannie, pouvoir sans bornes, arbitraire, despotisme
Droit de proprieté, à une vie familiale, à la liberté de pensée, liberté religieuse
Liberté collective mais assujettissement complet de l’individu
souveraineté dans les affaires publiques mais esclave dans tous les rapports privés
Individu indépendant dans sa vie privée, mais souveraineté politique limitée
Etendue et population limitée donc importance politique de chacun élevée
L'influence personnelle élément imperceptible dans volonté sociale agissant sur le gouvernement
Limites étroites des cités donc esprit belliqueux
Etats vastes avec une masse d’hommes
Guerre, force, impulsion
Doux commerce,  calcul, spéculation, crédit
Moments d’inaction entre les guerres et grâce à l'esclavage
Occupation continuelle dans la spéculation et amour de l'indépendance individuelle
Rousseau,
Mably
La Fayette
Sparte, un "couvent guerrier"
Athènes, France, Angleterre
La liberté individuelle sacrifiée à la liberté politique
La liberté politique garantie de la liberté individuelle




B)  Primat de l’économie chez Marx.

 a) Rôle prépondérant des « forces productives » dans le développement historique qui est structuré par la lutte des classes.
 La "force", y compris dans les échanges commerciaux, "accoucheuse » de l’histoire. Dans certaines conditions transformation des conflits économiques en guerre : ex. la guerre de Sécession.

b) Marx souligne la dimension internationale du capitalisme. Les effets de l’exploitation des richesses de l’Amérique, les effets de l’essor du capitalisme industriel sur les autres formation sociale. Et il considère que les guerres sont inévitables dans le monde moderne, notamment parce que des pays en freinent d’autres

c) la guerre finira en même temps que le commerce : le communisme repose sur l’abondance des biens






Martin, Philippe & Mayer, Thierry & Thoenig, Mathias, 2005. "Make Trade not War?," CEPR Discussion Papers 5218, C.E.P.R. Discussion Papers.

 Abstract:  
 

This paper analyses theoretically and empirically the relationship between military conflicts and trade. We show that the conventional wisdom that trade promotes peace is only partially true even in a model where trade is economically beneficial, military conflicts reduce trade, and leaders are rational. When war can occur because of the presence of asymmetric information, the probability of escalation is lower for countries that trade more bilaterally because of the opportunity cost associated with the loss of trade gains. However, countries more open to global trade have a higher probability of war because multilateral trade openness decreases bilateral dependence to any given country and the cost of a bilateral conflict. We test our predictions on a large data set of military conflicts on the 1950-2000 period. Using different strategies to solve the endogeneity issues, including instrumental variables, we find robust evidence for the contrasting effects of bilateral and multilateral trade openness. For proximate countries, we find that trade has had a surprisingly large effect on their probability of military conflict.





Constant : la guerre inévitable dans l'antiquité
« Les peuples guerriers de l'antiquité devaient pour la plupart à leur situation leur esprit belliqueux. Divisés en petites peuplades, ils se disputaient à main armée un territoire resserré. Poussés par la nécessité les uns contre les autres, ils se combattaient ou se menaçaient sans cesse. Ceux qui ne voulaient pas être conquérants ne pouvaient néanmoins déposer le glaive sous peine d'être conquis. Tous achetaient leur sûreté, leur indépendance, leur existence entière au prix de la guerre. »

Benjamin Constant, DE L'ESPRIT DE CONQUÊTE, chap. 2



Le rôle du commerce dans l'accumulation du capital : Marx, Le Capital, Livre I, Huitième section : l'accumulation primitive, chap. XXXI, "La génèse du capitalisme industriel" (extraits) (1867)
La découverte des contrées aurifères et argentifères de l'Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l'Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d'accumulation primitive qui signalent l'ère capitaliste à son aurore. Aussitôt après, éclate la guerre mercantile; elle a le globe entier pour théâtre. S'ouvrant par la révolte de la Hollande contre l'Espagne, elle prend des proportions gigantesques dans la croisade de l'Angleterre contre la Révolution française et se prolonge, jusqu'à nos jours, en expéditions de pirates, comme les fameuses guerres d'opium contre la Chine.

Les différentes méthodes d'accumulation primitive que l'ère capitaliste fait éclore se partagent d'abord, par ordre plus ou moins chronologique, le Portugal, l'Espagne, la Hollande, la France et l'Angleterre, jusqu'à ce que celle-ci les combine toutes, au dernier tiers du XVII° siècle, dans un ensemble systématique, embrassant à la fois le régime colonial, le crédit public, la finance moderne et le système protectionniste. Quelques-unes de ces méthodes reposent sur l'emploi de la force brutale, mais toutes sans exception exploitent le pouvoir de l'État, la force concentrée et organisée de la société, afin de précipiter violemment le passage de l'ordre économique féodal à l'ordre économique capitaliste et d'abréger les phases de transition. Et, en effet, la force est l'accoucheuse de toute vieille société en travail. La force est un agent économique.
[....]
Le régime colonial donna un grand essor à la navigation et au commerce. Il enfanta les sociétés mercantiles, dotées par les gouvernements de monopoles et de privilèges et servant de puissants leviers à la concentration des capitaux. Il assurait des débouchés aux manufactures naissantes, dont la facilité d'accumulation redoubla, grâce au monopole du marché colonial. Les trésors directement extorqués hors de l'Europe par le travail forcé des indigènes réduits en esclavage, par la concussion, le pillage et le meurtre refluaient à la mère patrie pour y fonctionner comme capital. La vraie initiatrice du régime colonial, la Hollande, avait déjà, en 1648, atteint l'apogée de sa grandeur. Elle était en possession presque exclusive du commerce des Indes orientales et des communications entre le sud-ouest et le nord-est de l'Europe. Ses pêcheries, sa marine, ses manufactures dépassaient celles des autres pays. Les capitaux de la République étaient peut-être plus importants que tous ceux du reste de l'Europe pris ensemble.

De nos jours, la suprématie industrielle implique la suprématie commerciale, mais à l'époque manufacturière proprement dite, c'est la suprématie commerciale qui donne la suprématie industrielle. De là le rôle prépondérant que joua alors le régime colonial. Il fut « le dieu étranger » qui se place sur l'autel, à coté des vieilles idoles de l'Europe; un beau jour il pousse du coude ses camarades, et patatras ! voilà toutes les idoles à bas !

[...]
http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-31.htm

Cours 2  Guerre et pulsion de mort chez Freud


    Freud, "Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort", (1915), trad. de l'allemand différentes traductions dont une dans D. Colas, La Pensée politique, Larousse (Les traductions de Freud que l'on trouve sur Internet sont très mauvaises, attention donc)


Freud, Totem et Tabou,
(1913) n'importe quelle traduction (pas sur Internet !)

Lacan,  "Le Stade du miroir comme formateur de la fonction du Je, telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique", (1949) in Ecrits, p.93-101 (une version sur internet :

http://espace.freud.pagesperso-
orange.fr/topos/psycha/psysem/miroir.htm)


L'homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour, qui serait tout au plus en mesure de se défendre quand il est attaqué, mais qu'au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses aptitudes pulsionnelles une très forte part de penchant à l'agression. En conséquence de quoi, le prochain n'est pas seulement pour lui un aide et un objet sexuel possibles, mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d'exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer: homo homini lupus ; qui donc, d'après toutes les expériences de la vie et de l'histoire, a le courage de contester cette maxime? Cette cruelle agression attend en règle générale une provocation ou se met au service d'une autre visée dont le but pourrait être atteint aussi par des moyens plus doux. Dans des circonstances qui lui sont favorables, lorsque sont absentes les contre-forces animiques qui d'ordinaire l'inhibent, elle se manifeste d'ailleurs spontanément, dévoilant dans l'homme la bête sauvage, à qui est étrangère l'idée de ménager sa propre espèce. Quiconque se remémore les atrocités de la migration des peuples, des invasions des Huns, de ceux qu'on appelait Mongols sous Gengis Khan et Tamerlan, de la conquête de Jérusalem par les pieux croisés, et même encore les horreurs de la dernière guerre mondiale ne pourra que s'incliner humblement devant la confirmation de cette conception par les faits.
Sigmund Freud, Le Malaise dans la culture, (1930), trad. P Cotet, R. Lainé et J. Stute-Cadiot, Éd. PUF, coll. Quadrige, 3` éd. corrigée, 1998, pp. 53-54.  




INTRODUCTION

I Freud, juif et citoyen de l’empire austro –hongrois en voie de transformation en société égalitaire : accès des juifs à la citoyenneté

Et citoyen d’un empire lié au système politique européen : empire russe, empire turc. Des guerres en permanence. Question nationale omniprésente. Mais progressivement et surtout après la guerre de 1914 Freud est dominé par le pessimisme quant à l'humanité et il insiste sur le masochisme originaire de l'individu et de l'espèce

II Optimisme de Marx . Pessimisme de Freud. Pour Marx la guerre est un effet de la lutte des classes. Pour Freud elle est une manifestation de l’inconscient, indépassable.

 

III Deux conceptions très différentes du temps. Vision évolutionniste commune aux deux auteurs : importance de l'idée de progrès chez Marx, du darwinisme chez Freud. Le temps pour Marx proche de celui de Hegel : l'humanité en marche vers le mieux. Temporalité millénariste des successeurs de Marx.
 Temporalité freudienne : “stade”, “origine”, “après coup”, "répétition ». Fragilité de la civilisation.
Freud croit moins à la valeur de la science et de la technique que Marx. L'humanité ne progresse pas mais répète ses schèmes inconscients.


 
A.  L'homme est un loup pour l'homme selon Freud


 I Structure de la pulsion



a) La pulsion (trieb) s’oppose à "l’instinct" (voir texte sur l'instinct opposé à l'institution de Gilles Deleuze dans Colas, Sociologie politique, pp. 28-29)

b) Quantité d’énergie (la libido) et zone sensible (la muqueuse) mais la pulsion est indetérminée quant au but et quant au moyen de satisfaction.

   [A comparer avec le «  désir de puissance » (« desire of power » chez Hobbes)]
Pour Marx la force essentielle est la « force de travail » ]

c) Etayage de la pulsion sur le besoin : créé une forme de béance. Pour Marx l’homme essentiellement être de besoin, même si le besoin est historiquement déterminé. Tandis que pour Freud le désir est toujours décalé par rapport au besoin, comme par l'exemple l'amour par rapport à la sexualité.

II La pulsion est sociale et la société est structurée par l’inconscient


a) Impossibilité de satisfaire le désir : désir du désir de l’autre. L’autre ne comble pas.

b) Le refoulement (mécanisme inconscient) n’est pas la répression (phénomène social). Donc il n’y a pas d’espoir d’une solution sociale aux malaises des sujets. Bien sûr il y a des frustrations mais le manque est constitutif du désir : pas assez ou trop.

c)  Le moi petit foule. La foule grand moi. Donc on ne peut imaginer une harmonie sociale ni une harmonie entre les sexes

"Il n'y a pas de rapports sexuels"  Lacan


III L'agressivité

a) Elle est, pour Freud, normale et universelle. Elle est liée à l’identification à l’autre : jalousie, haine pour le même.

b) l’agressivité n’est pas (seulement) le résultat de la frustration des besoins mais elle est liée à la structure même de l’inconscient

c) L’identification fonde la vie sociale

d) Le stade du miroir de Lacan



B La guerre est liée à l'origine même de l'humanité




I) Le meurtre du "père primitif", aux origines de l'humanité.

La "horde originaire", "un mythe scientifique"



a) Interprétation de l’antisémitisme et déception qu’apporte la guerre mondiale quant à la civilisation pour Freud : conduit à faire l’hypothèse d’un drame primordial


b) La "horde originaire", "un mythe scientifique"La société ne repose pas sur un "contrat social" ou sur la division du travail mais sur la mémoire inconsciente d'un meurtre commis en commun. Promiscuité sexuelle et toute puissance du « père primitif » (Urvater) qui conduit à son meurtre par les « frères ». La révolte des frères et le meurtre du « père originaire » (Urvater) chez Freud. La culpabilité inconsciente.

c) Le communisme primitif chez les marxistes comme absence de la propriété individuelle : il faudrait le retrouver à la fin de l'histoire. Une logique du progrès que Freud ne partage pas.
 





II) la « culture » et la guerre chez Freud



 
a)  La fragilité de la culture selon Freud : la répétition du meurtre du père et le masochisme primaire. Culpabilité et sadisme retourné contre soi. 

b) L'Etat comme institution revendiquant « le monopole de l'injustice » selon Freud en 1915 (à comparer avec Max Weber)

c) La guerre comme répétition du meurtre du père et satisfaction de l'agressivité : la guerre inévitable

d) caractère structurant de la guerre ( guerre civile en URSS) qui émane de la structure du sujet humain : la guerre indispensable

 


Le Capital - Livre premier

Le développement de la production capitaliste

Karl MARX

III° section : la production de la plus-value absolue

Chapitre VII : Production de valeurs d’usage et production de la plus-value

I. Production de valeurs d’usage

L’usage ou l'emploi de la force de travail, c'est le travail. L’acheteur de cette force la consomme en faisant travailler le vendeur. Pour que celui ci produise des marchandises, son travail doit être utile, c’est à dire se réaliser en valeurs d'usage. C'est donc une valeur d’usage particulière, un article spécial que le capitaliste fait produire par son ouvrier. De ce que la production de valeurs d’usage s'exécute pour le compte du capitaliste et sous sa direction, il ne s'ensuit pas, bien entendu, qu'elle change de nature. Aussi, il nous faut d'abord examiner le mouvement du travail utile en général, abstraction faite de tout cachet particulier que peut lui imprimer telle ou telle phase du progrès économique de la société.

Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement, sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ, c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c’est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles; il y réalise du même coup son propre but, dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n'est pas momentanée. L’œuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d'une tension constante de la volonté. Elle l'exige d'autant plus que par son objet et son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles; en un mot, qu'il est moins attrayant.

Voici les éléments simples dans lesquels le procès de travail [1] se décompose : 1° activité personnelle de l'homme, ou travail proprement dit; 2° objet sur lequel le travail agit; 3° moyen par lequel il agit.

La terre (et sous ce terme, au point de vue économique, on comprend aussi l'eau), de même qu'elle fournit à l'homme, dès le début, des vivres tout préparés [2], est aussi l'objet universel de travail qui se trouve là sans son fait. Toutes les choses que le travail ne fait que détacher de leur connexion immédiate avec la terre sont des objets de travail de par la grâce de la nature. Il en est ainsi du poisson que la pêche arrache à son élément de vie, l'eau; du bois abattu dans la forêt primitive; du minerai extrait de sa veine. L'objet déjà filtré par un travail antérieur, par exemple, le minerai lavé, s'appelle matière première. Toute matière première est objet de travail, mais tout objet de travail n'est point matière première; il ne le devient qu'après avoir subi déjà une modification quelconque effectuée par le travail.

Le moyen de travail est une chose ou un ensemble de choses que l'homme interpose entre lui et l'objet de son travail comme constructeurs de son action. Il se sert des propriétés mécaniques, physiques, chimiques de certaines choses pour les faire agir comme forces sur d’autres choses, conformément à son but [3]. Si nous laissons de côté la prise de possession de subsistances toutes trouvées   la cueillette des fruits par exemple, où ce sont les organes de l'homme qui lui servent d'instrument,   nous voyons que le travailleur s'empare immédiatement, non pas de l'objet, mais du moyen de son travail. Il convertit ainsi des choses extérieures en organes de sa propre activité, organes qu'il ajoute aux siens de manière à allonger, en dépit de la Bible, sa stature naturelle. Comme la terre est son magasin de vivres primitif, elle est aussi l'arsenal primitif de ses moyens de travail. Elle lui fournit, par exemple, la pierre dont il se sert pour frotter, trancher, presser, lancer, etc. La terre elle-même devient moyen de travail, mais ne commence pas à fonctionner comme tel dans l'agriculture, sans que toute une série d'autres moyens de travail soit préalablement donnée [4]. Dès qu'il est tant soit peu développé, le travail ne saurait se passer de moyens déjà travaillés. Dans les plus anciennes cavernes on trouve des instruments et des armes de pierre. A côté des coquillages, des pierres, des bois et des os façonnés, on voit figurer au premier rang parmi les moyens de travail primitifs l'animal dompté et apprivoisé, c'est à dire déjà modifié par le travail [5]. L'emploi et la création de moyens de travail, quoiqu'ils se trouvent en germe chez quelques espèces animales, caractérisent éminemment le travail humain. Aussi Franklin donne t il cette définition de l'homme : l’homme est un animal fabricateur d'outils « a toolmaking animal ». Les débris des anciens moyens de travail ont pour l’étude des formes économiques des sociétés disparues la même importance que la structure des os fossiles pour la connaissance de l'organisation des races éteintes. Ce qui distingue une époque économique d'une autre, c'est moins ce que l'on fabrique, que la manière de fabriquer, les moyens de travail par lesquels on fabrique [6]. Les moyens de travail sont les gradimètres du développement du travailleur, et les exposants des rapports sociaux dans lesquels il travaille. Cependant les moyens mécaniques, dont l'ensemble peut être nommé le système osseux et musculaire de la production, offrent des caractères bien plus distinctifs d’une époque économique que les moyens qui ne servent qu'à recevoir et à conserver les objets ou produits du travail, et dont l’ensemble forme comme le système vasculaire de la production, tels que, par exemple, vases, corbeilles, pots et cruches, etc. Ce n’est que dans la fabrication chimique qu'ils commencent à jouer un rôle plus important.

Outre les choses qui servent d'intermédiaires, de conducteurs de l'action de l'homme sur son objet, les moyens du travail comprennent, dans un sens plus large, toutes les conditions matérielles qui, sans rentrer directement dans ses opérations, sont cependant indispensables ou dont l'absence le rendrait défectueux. L'instrument général de ce genre est encore la terre, car elle fournit au travailleur le locus standi, sa base fondamentale, et à son activité le champ où elle peut se déployer, son field of employment. Des moyens de travail de cette catégorie, mais déjà dus à un travail antérieur, sont les ateliers, les chantiers, les canaux, les routes, etc.

Dans le procès de travail, l'activité de l'homme effectue donc à l'aide des moyens de travail une modification voulue de son objet. Le procès s'éteint dans le produit, c'est à dire dans une valeur d'usage, une matière naturelle assimilée aux besoins humains par un changement de forme. Le travail, en se combinant avec son objet, s'est matérialisé et la matière est travaillée. Ce qui était du mouvement chez le travailleur apparaît maintenant dans le produit comme une propriété en repos. L'ouvrier a tissé et le produit est un tissu.

Si l'on considère l'ensemble de ce mouvement au point de vue de son résultat, du produit, alors tous les deux, moyen et objet de travail, se présentent comme moyens de production [7], et le travail lui-même comme travail productif [8].

Si une valeur d'usage est le produit d'un procès de travail, il y entre comme moyens de production d'autres valeurs d'usage, produits elles mêmes d'un travail antérieur. La même valeur d'usage, produit d'un travail, devient le moyen de production d'un autre. Les produits ne sont donc pas seulement des résultats, mais encore des conditions du procès de travail.

L'objet du travail est fourni par la nature seule dans l'industrie extractive,   exploitation des mines, chasse, pêche, etc.,   et même dans l'agriculture en tant qu'elle se borne à défricher des terres encore vierges. Toutes les autres branches d'industrie manipulent des matières premières, c'est à dire des objets déjà filtrés par le travail, comme, par exemple, les semences en agriculture. Les animaux et les plantes que d'habitude on considère comme des produits naturels sont, dans leurs formes actuelles, les produits non seulement du travail de l'année dernière, mais encore, d'une transformation continuée pendant des siècles sous la surveillance et par l'entremise du travail humain. Quant aux instruments proprement dits, la plupart d'entre eux montrent au regard le plus superficiel les traces d'un travail passé.

La matière première peut former la substance principale d'un produit ou n'y entrer que sous la forme de matière auxiliaire. Celle-ci est alors consommée par le moyen de travail, comme la houille, par la machine à vapeur, l'huile par la roue, le foin par le cheval de trait; ou bien elle est jointe à la matière première pour y opérer une modification, comme le chlore à la toile écrue, le charbon au fer, la couleur à la laine, ou bien encore elle aide le travail lui-même à s'accomplir, comme, par exemple, les matières usées dans l'éclairage et le chauffage de l'atelier. La différence entre matières principales et matières auxiliaires se confond dans la fabrication chimique proprement dite, où aucune des matières employées ne reparaît comme substance du produit [9].

Comme toute chose possède des propriétés diverses et prête, par cela même, à plus d'une application, le même produit est susceptible de former la matière première de différentes opérations. Les grains servent ainsi de matière première au meunier, à l'amidonnier, au distillateur, à l'éleveur de bétail, etc.; ils deviennent, comme semence, matière première de leur propre production. De même le charbon sort comme produit de l'industrie minière et y entre comme moyen de production.

Dans la même opération, le même produit peut servir et de moyen de travail et de matière première;   dans l'engraissement du bétail, par exemple,   l'animal, la matière travaillée, fonctionne aussi comme moyen pour la préparation du fumier.

Un produit, qui déjà existe sous une forme qui le rend propre à la consommation, peut cependant devenir à son tour matière première d'un autre produit; le raisin est la matière première du vin. Il y a aussi des travaux dont les produits sont impropres à tout autre service que celui de matière première. Dans cet état, le produit n'a reçu, comme on dit, qu'une demi façon et il serait mieux de dire qu'il n'est qu'un produit sériel ou gradué, comme, par exemple, le coton, les filés, le calicot, etc. La matière première originaire, quoique produit elle-même, peut avoir à parcourir toute une échelle de remaniements dans lesquels, sous une forme toujours modifiée, elle fonctionne toujours comme matière première jusqu'à la dernière opération qui l'élimine comme objet de consommation ou moyen de travail.

On le voit : le caractère de produit, de matière première ou de moyen de travail ne s'attache à une valeur d'usage que suivant la position déterminée qu'elle remplit dans le procès de travail, que d'après la place qu'elle y occupe, et son changement de place change sa détermination.

Toute valeur d'usage entrant dans des opérations nouvelles comme moyen de production, perd donc son caractère de produit, et ne fonctionne plus que comme facteur du travail vivant. Le fileur traite les broches et le lin simplement comme moyen et objet de son travail. Il est certain qu'on ne peut filer sans instruments et sans matière; aussi l'existence de ces produits est elle déjà sous entendue, au début du filage. Mais, dans ce dernier acte, il est tout aussi indifférent que lin et broches soient des produits d'un travail antérieur, qu'il est indifférent dans l'acte de la nutrition que le pain soit le produit des travaux antérieurs du cultivateur, du meunier, du boulanger, et ainsi de suite. Tout au contraire, ce n'est que par leurs défauts qu'une fois l’œuvre mise en train, les moyens de production font valoir leur caractère de produits. Des couteaux qui ne coupent pas, du fil qui se casse à tout moment, éveillent le souvenir désagréable de leurs fabricants. Le bon produit ne fait pas sentir le travail dont il tire ses qualités utiles.

Une machine qui ne sert pas au travail est inutile. Elle se détériore en outre sous l'influence destructive des agents naturels. Le fer se rouille, le bois pourrit, la laine non travaillée est rongée par les vers. Le travail vivant doit ressaisir ces objets, les ressusciter des morts et les convertir d'utilités possibles en utilités efficaces. Léchés par la flamme du travail, transformés en ses organes, appelés par son souffle à remplir leurs fonctions propres, ils sont aussi consommés, mais pour un but déterminé, comme éléments formateurs de nouveaux produits.

Or, si des produits sont non seulement le résultat, mais encore la condition d'existence du procès de travail, ce n'est qu'en les y jetant, qu'en les mettant en contact avec le travail vivant, que ces résultats du travail passé peuvent être conservés et utilisés.

Le travail use ses éléments matériels, son objet et ses moyens, et est par conséquent un acte de consommation. Cette consommation productive se distingue de la consommation individuelle en ce que celle-ci consomme les produits comme moyens de jouissance de l'individu, tandis que celle-là les consomme comme moyens de fonctionnement du travail. Le produit de la consommation individuelle est, par conséquent, le consommateur lui-même; le résultat de la consommation productive est un produit distinct du consommateur.

En tant que ses moyens et son objet sont déjà des produits, le travail consomme des produits pour créer des produits, ou bien emploie les produits comme moyens de production de produits nouveaux. Mais le procès de travail qui primitivement se passe entre l'homme et la terre   qu'il trouve en dehors de lui   ne cesse jamais non plus d'employer des moyens de production de provenance naturelle, ne représentant aucune combinaison entre les éléments naturels et le travail humain.

Le procès de travail tel que nous venons de l'analyser dans ces moments simples et abstraits,   l'activité qui a pour but la production de valeurs d'usage, l'appropriation des objets extérieurs aux besoins   est la condition générale des échanges matériels entre l'homme et la nature, une nécessité physique de la vie humaine, indépendante par cela même de toutes ses formes sociales, ou plutôt également commune à toutes. Nous n'avions donc pas besoin de considérer les rapports de travailleur à travailleur. L'homme et son travail d'un côté, la nature et ses matières de l'autre, nous suffisaient. Pas plus que l'on ne devine au goût du froment qui l'a cultivé, on ne saurait, d'après les données du travail utile, conjecturer les conditions sociales dans lesquelles il s'accomplit. A t il été exécuté sous le fouet brutal du surveillant d'esclaves ou sous l’œil inquiet du capitaliste ? Avons nous affaire à Cincinnatus labourant son lopin de terre ou au sauvage abattant du gibier d'un coup de pierre ? Rien ne nous l'indique [10].

Revenons à notre capitaliste en herbe. Nous l'avons perdu de vue au moment où il vient d'acheter sur le marché tous les facteurs nécessaires à l'accomplissement du travail, les facteurs objectifs   moyens de production   et le facteur subjectif - force de travail. Il les a choisis en connaisseur et en homme avisé, tels qu'il les faut pour son genre d'opération particulier, filage, cordonnerie, etc. Il se met donc à consommer la marchandise qu'il a achetée, la force de travail, ce qui revient à dire qu'il fait consommer les moyens de production par le travail. La nature générale du travail n'est évidemment point du tout modifiée, parce que l'ouvrier accomplit son travail non pour lui-même, mais pour le capitaliste. De même l'intervention de celui-ci ne saurait non plus changer soudainement les procédés particuliers par lesquels on fait des bottes ou des filés. L'acheteur de la force de travail doit la prendre telle qu'il la trouve sur le marché, et par conséquent aussi le travail tel qu'il s'est développé dans une période où il n'y avait pas encore de capitalistes. Si le mode de production vient lui-même à se transformer profondément en raison de la subordination du travail au capital, cela n'arrive que plus tard, et alors seulement nous en tiendrons compte.

Le procès de travail, en tant que consommation de la force de travail par le capitaliste, ne montre que deux phénomènes particuliers.

L'ouvrier travaille sous le contrôle du capitaliste auquel son travail appartient. Le capitaliste veille soigneusement à ce que la besogne soit proprement faite et les moyens de production employés suivant le but cherché, à ce que la matière première ne soit pas gaspillée et que l'instrument de travail n'éprouve que le dommage inséparable de son emploi.

En second lieu, le produit est la propriété du capitaliste et non du producteur immédiat, du travailleur. Le capitaliste paie, par exemple, la valeur journalière de la force de travail, dont, par conséquent, l'usage lui appartient durant la journée, tout comme celui d'un cheval qu'il a loué à la journée. L'usage de la marchandise appartient à l'acheteur et en donnant son travail, le possesseur de la force de travail ne donne en réalité que la valeur d'usage qu'il a vendue. Dès son entrée dans l'atelier, l'utilité de sa force, le travail, appartenait au capitaliste. En achetant la force de travail, le capitaliste a incorporé le travail comme ferment de vie aux éléments passifs du produit, dont il était aussi nanti. A son point de vue, le procès de travail n'est que la consommation de la force de travail, de la marchandise qu’il a achetée, mais qu'il ne saurait consommer sans lui ajouter moyens de production. Le procès de travail est une opération entre choses qu'il a achetées, qui lui appartiennent. Le produit de cette opération lui appartient donc au même titre que le produit de la fermentation dans son cellier [11].


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Cours n°3


Guerre étrangère et guerre civile chez Xénophon, Platon et Marx

Bibliographie :

Lecture obligatoire : Xénophon : La Constitution de Sparte, "Tel", Gallimard.



Autres lecture :

Platon, République, Livre V
Engels : La guerre des Paysans en Allemagne;
Marx, Manifeste du parti communiste et La Guerre civile en France (qui est aussi une lecture obligatoire)

et

Jacques Derrida, Politiques de l'amitié, Galilée, 1994, (notamment note 2 de la page 109)

Carl Schmitt, Théologie politique, (1969) (postface, p.173-174)




Introduction

"Mais, pensait-on, les grands peuples eux-mêmes doivent avoir acquis un sentiment suffisant de ce qui les unit et assez de tolérance pour ce qui les sépare, pour ne pas confondre, ainsi que le faisait encore l'antiquité classique, l'étranger avec « l'ennemi »."


Freud, 
Considérations actuelles sur la guerre et la mort, 1915 i (se trouve notamment dans les Essais de psychanalyse chez Payot ) 


L'hoplite : citoyen ou individu dépouillé de sa liberté ?


I Le primat de la guerre à Sparte selon Xénophon

a) le citoyen soldat-fantassin

b) le régime et les moeurs commandé par la perspective de la guerre

c) les vertus militaires sont premières



  II Distinction guerre civile, guerre étrangère et guerre entre Grecs et entre Grecs et barbares chez Platon dans la République

 a)
Grecs et barbares.

b) la distinction entre guerre étrangère, guerre civile et différends.



- le texte crucial de Platon dans la République Livre V, 468



"Il me semble donc que si guerre (polemos) et discorde (stasis) sont deux noms différents, ils désignent deux choses réellement différentes, et s'appliquent aux divisions qui. surviennent en deux objets . Or je dis que le premier de ces objets est ce qui appartient à la famille ou lui est apparenté, et le second ce qui appartient à autrui ou est étranger à la famille. Ainsi le nom de discorde s'applique à l'inimitié entre parents (oikeios) et celui de guerre à l'inimitié entre étrangers."

"Ils [ les Grecs ] regarderont donc leurs différends (diaphora) avec les Grecs comme une discorde (stasis) entre parents (oikeous), et ne leur donneront pas le nom de guerre (polemos)."



CONCEPTS DE BASE  A ANALYSER

diaphoras  : différend
oikos : maison, parenté
genos : lignée, race
polemos : guerre étrangère
philios  : amitié
stasis : guerre domestique

voir aussi la distinction polemios et exthros présenté par Schmitt in Théorie du politique (cours n°11)

- Référence à ce texte par Carl Schmitt, Théorie du partisan,  et par Derrida, Politique de l'amitié


c) Platon "totalitaire" ?
"Totalitarisme" entrée dans Colas, Dictionnaire de la pensée politique, Larousse (légèrement modifié)
Totalitarisme, forme spécifique de domination qui vise à l'hégémonie idéologique, sociale et politique d'un parti unique et qui
s'emploie à épurer la société d'éléments considérés comme nuisibles. La distinction entre totalitarisme et fascisme, totalitarisme et régime autoritaire comme la pertinence même de la notion font l'objet de vifs débats .


Ency. La notion de régime totalitaires a été forgée et a connu un large essor en raison de la novation que seraient certains régimes nés au XXe siècle, essentiellement le communisme stalinien et le nationalisme hitlerien, par rapport à tous les autres régimes politiques antérieurs. Le totalitarisme est pensé comme autre chose que le despotisme, la tyrannie ou la dictature, non en raison d'une différence de degré mais de nature. Il faut, à la fois, suivre l'itinéraire du mot, et les variations du concept.



Au printemps 1923, alors que, sous la direction de Mussolini, la mise sur pied de la dictature fasciste s'accentue en Italie, des libéraux font entendre leur condamnation du régime qui s'installe. Entre autres Giovanni Amandola dans son journal Il Mondo.  Dans un article du 12 mai 1923, "Majorité et minorité" Amendola fait référence au "système totalitaire" (sistema totolitario) crée par les éléctions municipales où se manifestent chez les fascistes le désir d'un triomphe sans partage : partout les deux listes en concurrence aux éléctions sont contrôlées par les fascistes, ce qui leur assure donc une victoire absolue. C'est la première occurence connue du terme "totalitaire". En novembre 1923, à l'occasion de l'anniversaire de la marche sur Rome, Amendola affirme que "pour les historiens futurs, la caractéristique la plus importante du mouvement fasciste sera son esprit "totalitaire"" . Il est victime du manganello, la bastonnade, une des formes, avec l'ingestion forcée d'huile de ricin des brutalités des fascistes, qui n'hésitent pas à tuer dans des affrontements de rue. Dans la même période Don Luigi Sturzo, le leader du parti populaire libéral, utilise lui aussi la notion pour critiquer le fascisme. Une nouvelle loi électorale pour le parlement est mitonnée : elle prévoit que la liste ayant obtenu au moins 25% des voix  aura les deux tiers des sièges. Cette loi est adoptée à l'automne. Le 15 janvier 1924, le journal La Rivoluzione liberale  publie les bonnes feulles d'un livre de Sturzo où on lit que "la vision fasciste du monde, va dans le sens d'une transformation totalitaire de toute force morale, culturelle, politique ou religieuse". Le 25 janvier dissolution de la chambre et nouvelles élections annoncées pour avril. Les fascistes préparent une liste nationale où se trouveront aussi des non-fascistes : le Listone. Pour qualifier la loi éléctorale, préparée par le fasciste Giacomo Acerbo, Amendola parle, une nouvelle fois, de l'"esprit totalitaire" du fascisme, et on trouve la même formule sous d'autres plumes pour qualifier ces élections qui ne peuvent que laminer l'opposition comme l'avait fait les éléctions municipales, qui ont été leur ban d'essai. De fait, la listone  obtient 65% des suffrages et à eux seuls les fascistes ont la majorité absolue. En mai 1924 Il Popolo, organe de la gauche du Parti populaire parle "d'éléctions totalitaires" et de l'"âme totalitaire" du fascisme.

Le socialiste Matteoti est assassiné en juin1924 et l'opposition quitte le parlement, : empruntant à l'Antique Rome et à la sécession de la plèbe, on dira qu'elle se réfugie sur l'Aventin. Un ancien collaborateur de Mussolini, Rossi, accuse le leader fasciste d'avoir crée un équivalent de la Tchéka  communiste, dans un texte qu'Il Mondo  publie fin 1924. Début 1925, vague de terreur fasciste légale et illégale. Fermeture de journaux, interdiction de groupes d'opposition. Bandes armées. Violences. Le 21 juin 1925, Mussolini, lui même, dans un discours affirme "notre inflexible volonté totalitaire " ("la nostra feroce voluntà totalitaria"). Parmi bien d'autres Amendola est à nouveau bastonné, le 20 juillet 1925. Il mourra, réfugié en France, à Cannes, en 1926. Et Mussolini, parle du "Stato totalitario" en 1925 comme d'un objectif. Ainsi, comme le montre M-I. Brudny qui a recensé les apparitions initiales de "totalitaire" en Italie, le mot est apparu chez des opposants au fascisme, bientôt victimes de sa violence, avant que le vocable stigmatisant ne soit repris comme un titre de gloire par les fascistes eux-mêmes. Et, fin 1926, visible notamment avec l'OVRA - Organisation de vigilance et de répression de l'anificascisme- on peut dire, en reprennant une formule de P. Milza et S. Bernstein, que Mussolini et les siens établi en Italie "l'odre fasciste totalitaire".
Dans les nombreux débats que l'interprétation du fascisme, du nazisme et du commuisme provoqueront certains auteurs distingueront fascisme et nazisme et réserveront à celui-ci et au communisme le terme de totalitarisme. Le communisme chinois ne sera par inclus dans ce groupe par Hannah Arendt, tandis que d'autres analyses considéreront qu'il existe un totalitarisme chinois (Jean-Luc Domenach). Les usages du terme et du concept sont liés à des conditons politiques : en France de Gaulle attaque violement les "totalitaires" dans les années 1950, mais il ne dénonce pas l'URSS pour son totalitarisme, ni même le passé stalinien, quand il revient au pouvoir et en mai 1968 il manifeste lors d'un voyage une grande complaisance à l'égard de la dictature roumaine. C'est que de Gaulle pense d'abord en termes de politiques internationales et considère  les régimes politiques
comme moins importants que les nations. Le poids des communistes dans la vie politique française et dans certains secteurs de la vie intellectuelle explique que les rapprochements entre nazisme et communisme soient dénoncés violement, souvent avec le rappel de la deuxième guerre, de la Résistance, du rôle des communistes en son sein. Stalingrad devrait faire oublier que Staline et Hitler s'allièrent et que l'un et l'autre étaient à la tête de système où les camps de concentration n'était pas des accidents provisoirs ou des armes nécessaires contre un ennemi, mais des appareils réguliers du pouvoir et des dispositifs destinés à l'épuration de la société. La parution, en 1974, de l'Archipel du Goulag de A. Soljénitsyne donna ainsi lieu à une véhémente campagne du Parti communiste français qui cherchait à accréditer l'idée que la mise en lumière de l'existence du système concentrationnaire soviétique était une calomnie d'extrême droite. Mais avec la perestroïka de Gorbatchev le terme totalitaire allait être repris en URSS par ceux qui entreprirent (et pour certains sans avoir cherché cet objectif) de liquider la dictature de parti unique (dont on a discuté si après la mort de Staline elle était toujours totalitaire, ou post-totalitaire, ou encore d'un autre type).
Quand Mussolini s'installe au pouvoir, des camps de concentration pour ennemis du régime ont déja été ouverts en Russie, où Lénine a justifié le recours à la "terreur de masse".  Il a forgé la conception d'un dictature de Parti-Etat visant à instaurer une nouvelle société et privilégiant la surveillance et le contrôle ainsi que l'épuration où une police de lutte contre la contre révolution, la Tchéka, dispose de larges prérogatibes. Il pose, lui-même, ce qui est un des aspects fondamentaux de la notion de totalitarisme, l'équivalence des deux grands sytèmes politiques terroristes du XXe siècle en affirmant : "Ou bien la terreur blanche, la terreur bourgeoise, formule américaine, anglaise (Irlande) italenne (fascistes), allemande, hongroise et autres, ou bien la terreur rouge, prolétarienne. Il n'y a pas de milieu" (Œuvres t. 32, 379). Pour les totalitaires la logique est celle d'un partage du monde en deux : ceux qui détiennent la vérité et sont une élite qui doivent détruire tous les autres pour imposer leur règne. Et dans la même période, où le parti marxiste-léniniste impose sa domination en Russie, en Allemagne des nationaux-bolchévisks entendent conduire une révolution populaire et ultra-nationaliste qui ne serait pas détournée de ses objectifs par les Juifs, contrairement à la Révolution russe, comme le proclame Goebbels en 1926.
On comprend donc que ce soit des marxistes anti-bolchéviks qui, parmi les premiers, aient dénoncé l'identite du bolchévimse et du fascisme, tel Kautsky qui affirme : "le fascisme n'est que le pendant du bolchevisme, Mussolini est le singe de Lénine" (les Chemins du bolchévisme,  p. 122). Plus tard d'autres marxistes, de la tradition conseilliste, dénonceront le "fascisme brun" et le "fascisme rouge" comme équivalents. Ainsi la relation en miroir du nazisme et du communisme soviétique n'est pas, d'abord, posée par des historiens ou des sociologues, mais elle est revendiquée par des fascistes, des nazis, des communistes, ou elle est dénonçée par des acteurs politiques, et spécialement par des sociaux-démocrates. Ceux-ci, cependant oscillent pour des raisons politiques :  Léon Blum, en 1936, au moment du Front Populaire, distingue entre les régimes totalitaires (Italie, Allemagne) et la dictature soviétique. Mais la figure majeure de la sociologe française, et militant socialiste, le neveu de Durkheim, Marcel Mauss, qui a refusé, le principe de l'adhésion à l'Internationale communiste au moment du Congrés de Tours en décembre1920, établit, en 1936, un parallèle entre nazisme et communisme soviétique où il leur trouve une identité profonde, sans toutefois employer le terme totalitarisme. Ainsi un des éléments du concept du totalitarisme - l'identité des deux systèmes de domination institutionnalisée par la terreur - a été énoncé bien avant le pacte germano-soviétique et donc, a fortiori, la notion de totalitarisme n'est pas une invention idéologique de la guerre froide, même si celle-ci l'a sans doute durçie, mais elle est bien un stigmate et un concept  forgés par les opposants au système de domination totale.

 En 1940 est publié aux Etats-Unis un numéro spécial de revue sur "L'Etat totalitaire". 1942 voit la publication du Béhémot de Franz Neumann (proche de l'Ecole de Francfort) : le premier chapitre de cette étude sociologique du nazisme s'intitule : "L'Etat totalitaire" . Goebbels déclarait, en 1933 : "notre parti a toujours aspiré à l'Etat totalitaire [...] Le but de la révolution doit être un Etat totalitaire pénétrant toutes les sphères de la vie publique" (p. 62). Neumann s'arrête sur les "techniques de la pensée constitutionnelle anti-démocratique" qui rejettent la théorie de l'"Etat de droit* social" que réclamaient les socialistes et qui comportait un mélange de droits civiques, d'égalité politique et de socialisation de l'industrie où les syndicats joueraient un grand rôle (La lois fondamentale de la République Fédérale allemande en1949, une sorte de manifeste de rupture avec le totalitarisme, la définira comme un Etat de droit, républicain, démocratique et social). Les théoriciens du droit au service du nazisme vont définir l'Etat nazi comme un "nationaler Rechsstaat" (Etat de droit national)  au servie du volk  (la communauté raciale). Carl Schmitt*, en 1932, devant une association d'industriels, distingua entre la "totalité romaine" et la "totalité germanique", la première est quantitative et  intervient dans toutes les sphères de la vie tandis que la totalité germanique, quantitative, se contente d'un Etat fort dans la sphère politique mais laisse les activités économique libres. Et Hitler dans son discours du 23 mars 1933 devant le Reichstage se prononce en faveur de la propriété privée. Ces théorisations et affirmations devaient permettre de se rallier des mileux d'affaires. Selon Neumann la théorie de l'Etat totalitaire avait l'avantage de satisfaire tout le monde, bureaucrates et soldats, mais aussi d'aller dans le sens de la tradition occidentale qui a toujours valorisé l'Etat. Le totalitarisme se traduisit dans des processus d'unificatin et de concentration du pouvoir (comme par exemple l'abolition du statut indépendant des Länder) qui aboutirent à donner au Fürher des pouvoirs très étendus pendant la guerre (édit de janvier 1941), aussi bien exécutifs que législatifs. "La guerre a donc pleinement réalisé l'Etat totalitaire" (Béhémot, p. 71). Mais les exigences du parti n'allaient pas dans le sens d'une hégémonie de l'Etat. Hitler n'accordait que peu de place à l'Etat dans Mein Kampf et au congrès du parti de septembre 1934 il affirma : "l'Etat n'est pas notre maître ; nous sommes les maîtres de l'Etat". Selon Neumann, (qui écrivait en 1941) en Italie le parti était incorporé dans l'Etat, en URSS le parti contrôlait l'Etat et en Allemagne la situation était intermédiaire, ainsi dans le domaine de la police c'est le parti avec les S.S. qui domine l'Etat, alors que dans l'administration de l'armée, c'est l'inverse. "Quatre organes totalitaires", le parti, l'armée, la bureaucratie, l'industrie, "groupes compacts et centralisés" se disputent et passent des compromis entre eux (p.437). Dans une préface à l'édition de 1944, Neumann envisageait la possibilité d'une destruction de tout les vestiges de l'Etat au profit du Mouvement amorphe et informe (p. 15). Si la terreur policière, la violence du régime, sont présents dans son ouvrage, il ne sait pas que les persécutions contre les Juifs obéissaient à une logique de génocide. Le totalitarisme est, pour lui, une forme spécifique de domination où n'existe ni droit ni même peut-être d'Etat. Dans la postface en forme d'hommage que T. W. Adorno rédigea à Béhémot, en 1967, il soulignait comme un des mérites principaux de Neumann d'avoir montré que le "soi disant monolithisme" était en fait une "pluralité" où la "volonté politique se forgeait à travers la concurrence sauvage des lobbies sociaux les plus puissants" (p.597).
Bien qu'il ait beaucoup écrit et réfléchit sur les luttes et les conflits en URSS, Trotsky, avait pour sa part plutôt mis l'accent, à la fin de sa vie, sur le pouvoir de l'Un dans l'URSS de Staline. A la fin de son ouvrage sur Staline, qui resta inachevé en raison de son assassinat, en août 1940, il écrivait : ""L'Etat c'est moi" est presque une formule libérale en comparaison avec les réalités du régime totalitaire de Staline. Louis XIV ne s'identifiait qu'avec l'Etat. Les papes de Rome s'identifient avec l'Etat et avec l'Eglise — mais seulement durant les époques du pouvoir temporel. L'Etat totalitaire va bien adelà du césaro-papisme, car il embrasse l'économie entière du pays. A la diffèrence du Roi Soleil, Staline peut dire à bon droit : "La Société, c'est moi."" (Staline, t. 2, p. 338). L'attaque de l'URSS par l'Allemagne nazie, en faisant de Staline et de son régime, un allié des démocraties contre le nazisme, suspendit les analyses sur le totalitarismeen termes d'assimilation du communisme et du nazisme. En 1951 Hanna Arendt publie Les Origines du totalitarisme* qui, bien que très discuté, constitue un ouvrage majeur. Elle participe avec d'autres (dont Karl Deutsch dont la contribution porte sur la possibilité de désintégraton du monolithe totalitaire et renvoie à Béhémot), en 1953, à un séminaire pluridisciplinaire réunissant économistes, juristes, sociologues, historiens, philosophes, où Carl J. Frierdrich propose une caractérisation du syndrome du totalitarisme, qui sera complété ultérieurement par Zbigniew Brezinsky pour aboutir à six facteurs qui doivent se retrouver tous ensemble pour que la notion soit applicable :

1) Une idéologie officielle, comportant un corps doctrinal couvrant tous les aspects de l'existence humaine, auquel tout ceux qui vivent dans la société sont supposés adhérer, au moins passivement ; cette idéologie est organisée autour de thèmes millénaristes qui décrivent la société humaine parfaite.
2) un parti de masse unique rassemblant un pourcentage relativement faible de la population (moins de 10%) d'hommes et de femmes, passionnément et indéfectiblement dévoués à l'idéologie officielle et recherchant à lui assurer une acceptation générale  ; ce parti est organisé selon un ordre strictement hiérarchique, selon une forme oligarchique, habituellement avec un chef unique et il est supérieur à l'administration étatique ou il est imbriquée avec elle.
3) Un étroit monopole, techniquement conditionné, et aux mains du parti et de ses cadres subalternes dans l'administration ou les forces armés, du contrôle de tous les moyens effectifs de combat armé.
4) Un étroit monopole, techniquement conditionné, dans les mêmes mains,  des moyens de communication de masse.
5) Un contôle centralisé et la direction de toute l'économie par la coordination bureaucratique d'entités jadis indépendantes ; typiquement cette coordination s'étend à beaucoup d'autres associations et activités de groupe.
 6) un système de pouvoir policier terroriste dépendant pour son efficacité des points 3 et 4 et s'attaquant non seulement à des "ennemis" manifestes du régime, mais aussi à des groupes arbitrairement désignés de la population, les "ennemis objectifs".

Diffèrents théoriciens mettront l'accent sur un aspect ou sur un autre. C'est à l'économie planifiée qu'une fonction causale de la servitude totalitaire est attribuée comme le fait F. Hayek, tandis que Leonard Shapiro, spécialiste de l'histoire politique de la Russie soviétique et notamment de l'élimination des oppositions lors des premières années du régime, insiste sur l'importance du chef dans le régime totalitaire. Le sociologue et philosophe français Claude Lefort en s'appuyant sur Soljénitsyne (et Trotsky) parle d'''Egocratie" et s'intéresse, à rebours, à la démocratie et aux limites de la domination totalitaire. Certains auteurs soulignent la fonction de l'idéologie et, reprennant un mot de C. Milozs, parle d'idéocratie (A. Besançon, qui veut montrer la logique suréelle du régime soviétique), enfin d'autres  auteurs soulignent l'importance du système du parti unique et de l'épuration, sans nécessairement utiliser la notion de totalitarisme (D. Colas).

Les débats entre spécialistes sont diffèrents quant à l'Allemagne où une querelle forte et complexe s'est développée sur l'"intentionnalité" ou non du génocide des Juifs, et quant à l'URSS où une école dite revisionniste, principalement américaine, née dans les années 1980, entend montrer que le système soviétique comportait de nombreux dysfonctionnements qui interdissent de surévaluer son unité et qui analyse le sytème concentrationnaire plutôt comme dans la perspective d'une sociologie de la politique pénitentiaire que d'une théorisation de son rôle dans le système politique global. Mais, en tout état de cause, le concept est-il encore fondé et pertinent s'il ne sert pas à penser une similarité profonde entre communisme et nazisme ? N'est-il pas, au contraire, judicieux de l'utiliser si l'on souhaite marquer la ressemblance nazisme-communisme plutôt que celle entre fascisme italien et national-socialisme allemand ? Ainsi, en 1985, l'historien du nazisme,  K.D. Bracher estimait que le remplacement du "concept de totalitairsme" par celui de fascisme revenait à privilégier l'opposition socialisme-capitalisme par rapport à l'opposition démocratie-dictature et aussi à une "minimisation des conséquences, non seulement du communisme, mais du national-socialisme lui-même" (La Dictature allemande, p.15). Au delà se pose des problèmes éthiques liés au savoir et au désir de vérité : dans certains cas le refus d'utiliser la notion de totalitarisme se présente comme une forme de nihilisme des valeurs aux allures de positivisme méthodologique : ne pas porter le moindre jugement qui pourrait véhiculer une évaluation, se garder de toute appréciation ou dépréciation (sauf l'éloge implicite ou explicite de la discipline universitaire à laquelle on se rattache et la dévalorisation des autres).
Mais la notion de totalitarisme a reçu des définitions différentes de celles indiquées plus haut. Ainsi à la suite des théorisations de Lesek Kolakowski la société totalitaire a été conçue comme tendant à la fusion de la société civile et de l'Etat. Cette analyse critique du philosophe polonais (puis anglais) retourne, en quelque sorte, l'appareil conceptuel de Marx contre le socialisme réel. La notion de totalitarisme est quasiment refondée comme une notion qui s'applique d'abord au système communiste et à sa tentative moniste. Ernest Gellner dans le même esprit que Kolakowski auquel il se réfère caractérise le communisme soviétique comme un régime cesaro-papiste-mamoniste (confusion des sphères politique, hiérocratique et économique), qui a voulu édifier une umma * sécularisé est qui a échoué. La transition de certaines des anciennes démocraties populaires vers la démocratie pourrait, en ce sens, s'analyser comme un retour à la conception hégelienne de la société civile que Marx avait entendu renverser et de l'Etat de droit* pour laquelle les idéologues du droit ralliés au nazisme comme Carl Schmitt ou léninistes, tel Pasukanis (Le marxisme et la théorie du droit) avaient le plus grand mépris. La fin du communisme soviétique s'interpréte, sous l'angle de la validation de la notion de totalitarisme, de deux façons contradictoires : puisque le système s'est écroulé cela signifierait qu'il n'était ni monolithique ni tout puissant et donc point totalitaire ; ou au contraire : l'écroulement du système ne ferait nullement apparaître une société civile (du moins au sens d'une société capable d'autorganisation), ce qui montre que, s'il n'avait pas réussi positivement, le Parti-Etat a remporté une victoire négative (absence totale d'une culture civique, mépris pour le droit, primat accordé à la force, et même préparation à l'idéologie du "nettoyage ethnique" par celle de l'épuration de classe).

Sous un autre angle encore on pourrait chercher des modèles d'intelligibilité du totalitarisme chez La Boëtie et son Discours de la Servitude volontaire
 ou dans la "monarchie" telle que la dépeint Spinoza*, dans la préface du Traité théologico-politique, comme une manipulation de la superstition qui obscurcit la "saine raison" au point que "les hommes combattent pour leur servitude, comme s'il s'agissait de leur salut, et pensent non s'avilir, mais s'honorer au plus haut point lorsqu'ils répandent leur sang et sacrifient leur vie pour appuyer les bravades d'un unique individu ". Mais une des spécificités du totalitarisme est l'existence d'un parti unique et pas seulement d'"un unique individu", d'un leader unique, au point du reste que, du moins dans la cas de la Russie léniniste et stalinienne, le dictateur est à comprendre comme un effet de l'appareil de la dictature plutôt que l'inverse. Ainsi l'explication avancée par Khrouchtchev sur le "culte de la personnalité" de Staline, parfois exprimée par d'autres en vocabulaire psychiatrique qui pointe la supposée paranoïa de Staline, oublie que le stalinisme ne fut pas une pathologie du système ou d'un individu mais un de ses registres normaux et un de ses produits. La fréquence du phénomène du culte de la personnalité, dans les pays communistes et dans les partis communistes, même dans des sociétés démocratiques, montrent bien qu'il ne s'agissait pas d'un phénomène fortuit. On redonnerait dans ce cas une large extension à "totalitaire" en désignant ainsi des partis politiques qui n'exerçaient pas le pouvoir mais où se retrouvaient les mécanismes qui fonctionnaient en grand, et avec le monopole de la violence, dans les dites "démocraties populaires" (qui étaient en fait des dictatures du parti), sans même tenir compte de leur louange adressé à l'URSS et à Staline : le Parti communiste français pourrait être qualifié de "totalitaire".

La critique de la bureaucratie communiste, comme groupe tendant à l'hégémonie, a pu donc viser aussi bien les partis communistes au pouvoir à l'Est que dans l'opposition à l'Ouest, notamment quand les seconds applaudissaient à la repression de la révolution hongroise de 1956 par les premiers. Particulièrement actif intellectuellement en ce sens en France, la revue Socialisme ou Barbarie, plus proche de Rosa Luxemburg que du bolchévisme, et du communisme des conseils (qui insistent sur le rôle des soviets dans la révolution russe) que des tenants du "centralisme démocratique", revue animée par Claude Lefort et Cornelius Castoriadis et aussi par J. F. Lyotard. C'est celui-ci qui, ultérieurement, à proposé une définition du totalitarisme qui s'inscrit dans une réflexion sur la modernité (et donc est aussi un aperçu sur la post-modernité*). Selon Lyotard les habitants des pays totalitaires étaient  à la fois sujets d'une narration unique, les destinataires de cette narration et les supposés auteurs de cette narration dont ils n'avaient pas le droit de s'écarter (Instructions païennes, 1977). Dans cette perspective le totalitarisme apparait non comme un régime politique mais comme une tentative délibérée (dont l'impossibilité est patente) d'annihilation de toute subjectivité libre et de toute autonomie par rapport à l'instance sociale centrale, le Parti-Etat, où les écarts par rapport à la grande énonciation sont traités comme des parasites à éliminer.
Ce type d'interprétation fait du totalitarisme l'accomplissement et la fin de la modernité qui ne peut que laisser place à d'autres formes sociales. Au contraire d'autres courants ont vu dans le totalitarisme un accident dramatique dans la modernité mais qui ne reposait pas sur ses principes et qui traduirait la difficulté de la modernisation politique et économique dans certaines socitétés. Dans les deux cas le totalitarisme apparait bien comme une spécificité politique du XXe siècle, siècle des guerres totales et de la mobilisation générale (totale) de la population pour les gagner sur le front idéologique, économique, militaire dans une volonté de fondation d'un monde nouveau au nom soit de la classe, soit de la race.


Biblio. Arch Getty, J., Maning, R. T., Stalinist terror. New perspectives., Cambridge, UP. 1994. Bracher, K. D. La Dictature allemande, Privat, 1986. Besançon, A., Les Origines inetellectuelles du léninisme, Calmann Lévy, 1981. Colas, D., Lénine et le léninisme, PUF, 1982. Dupeux, Louis Le national-bolchevisme dans l'Allemagne de Weimar. Paris. Champion, 1979. Friedrich, C.J., Totalitarianism. Grosset et Dunlap. New York. 1964, Friedrich et Brezinski, Totalitarian dictatorship and Autocraty. Hermet, G., Hassner, P., Totalitarisme. Economica. Kautsky, K. Les Chemins du bolchévisme. (19??)? PUF, 1982. La question du totalitarisme,  Communisme. n°47-48, 1996, (spécialement l'article de M.I. Brudny). Kolakowski, L. "The Myth of Human Self-Idenbity : Unity of Civil Society and Political Society in Socialist Thought", in Hampshire et Kolakowski, (ed.) The Socialist Idea. A reappraisal. Londres. 1977. Mauss, M. Ecrits politiques Fayard. 1997. Neumann, F., Béhémot. structure et pratique du national-socialisme, (1941,1944), Payot, 1987. Trotsky, Staline, (1940) UGE, 10/18, 1979


Discours prononcé par Mussolini à l'Augusteo le 21 juin 1925 au Congrès fasciste : http://www.mussolinibenito.it/discorsodel21_06_1925.htm

1) Le modèle de la cité idéale dans la République : l'individu disparait au profit du tout.

  Les trois "classes" de la Cité idéale  (dans La République, Livre IV)

      classe

("genos" : lignée, race)
vertu, principe, fonction
lieu du corps
faculté (partie de l'âme)
analogie
métal mélangé à l'âme
rois-
philosophes
sagesse tête raison  bergers or
guerriers courage poitrine colère chiens argent
producteurs
tempérance ventre désir troupeau
bronze fer

2) La cohésion absolue des soldats citoyens selon les Lois




(Les Lois, Livre XII, 942)  traduction Chambry, http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/loisindex.htm#LOIS

Texte utilisé par Karl Popper dans la Sociéte ouverte et ses ennemis  pour montrer que Platon est l'ancêtre des théoriciens de la "société fermée"

"En ce qui concerne les expéditions militaires, il y aurait, pour bien faire, bien des conseils à donner et bien des lois à faire. Mais ce qui importe le plus, c'est qu'il n'y ait personne, ni homme ni femme, qui échappe à l'autorité d'un chef et qui s'accoutume, soit dans les combats sérieux, soit dans les jeux à agir seul et de son chef, mais que toujours, en paix comme en guerre, tout le monde ait les yeux sur le chef, le suive et se laisse gouverner par lui, jusque dans les plus petites choses ; que, par exemple, lorsqu'il le commande, on s'arrête, on marche, on s'exerce, on prenne un bain ou un repas, on s'éveille la nuit pour monter la garde ou transmettre des ordres : qu'au milieu même des dangers on ne poursuive personne et qu'on ne recule devant qui que ce soit que sur un signe des chefs, en un mot qu'on ne prenne pas l'habitude de faire quoi que ce soit seul, en dehors des autres, et qu'on ne cherche pas à connaître et qu'on ne sache absolument rien sans eux, mais qu'on vive tous et toujours, autant que possible, groupés dans une vie commune. Il n'y a pas en effet et il n'y aura jamais de meilleur moyen, d'invention, ni d'art plus efficace pour assurer à l'État le salut et la victoire à la guerre. C'est à cela que les citoyens doivent s'exercer dès l'enfance, même en temps de paix ; il faut qu'ils apprennent à commander et à obéir ; il faut bannir l'esprit d'indépendance de toute la vie de tous les hommes et des animaux soumis aux hommes". (Souligné par nous)




Karl Popper : Open Society and its ennemies (1945)
représentation sous forme de tableau du grand système d'oppositions proposé par Popper .

Société close  Société ouverte
tyrannie  démocratie
holisme
individualisme
tribalisme confrontation à des décisions personnelles
primat de la race, de la nation ou de la classe primat de l'individu
gestion sociale utopique gestion sociale fragmentaire 
changement de gouvernement avec effusion de sang changement de gouvernement sans effusion de sang
Fichte, Hegel, Heidegger Kant, 1789, Russell
politisation de la morale moralisation de la politique
nationalisme totalitaire fraternité humaine





III Légitimité de la guerre civile pour Marx


a) la lutte des classes produit les classes : les classes produits de l'affrontement, et du coup la guerre est au fondement de la politique

b) la guerre civile en Allemagne et la réhabilitation des "fanatiques" par Engels en 1850 après l'échec des révolutions en Allemagne. Mais montre la tradition révolutionnaire en Allemagne, fait de Luther un révolutionnaire inconséquent et réhabilite les groupes radicaux qui s'étaient insurgés contre le pouvoir politique lors de la Guerre des Paysans, 1525. La guerre civile est légitime plus que les guerres entre nation

c) la société civile moderne lieu d'une "guerre civile latente" selon la fomule du Manifeste du Parti Communiste (1848) qui deviendra ouverte (La Commune de Paris le confime à ses yeux)










   Platon La République,


LivreV. Comment se comporter avec les ennemis grecs et non grecs ? Guerre étrangère et discorde


Maintenant, comment nos soldats se conduiront-ils à l'égard de l'ennemi ?

En quoi ?

Premièrement en ce qui concerne l'esclavage. Estimes-tu juste que des cités (polis) grecques asservissent des Grecs 469c, ou bien faut-il qu'elles le défendent aux autres, dans la mesure du possible, et que les Grecs s'habituent à ménager la race (genos) grecque, par crainte de tomber dans la servitude des barbares  ?

En tout et pour tout, répondit-il, il importe que les Grecs en usent entre eux avec ménagement.

Il importe donc qu'ils ne possèdent pas eux-mêmes des esclaves Grecs, et qu'ils conseillent aux autres Grecs de suivre leur exemple .

Parfaitement; ainsi ils tourneront davantage leurs forces contre les barbares et s'abstiendront de les tourner contre eux-mêmes.

Mais quoi ? enlever aux morts d'autres dépouilles que leurs armes, après la victoire, est-ce bellement se comporter ? Cela ne donne-t-il point aux lâches le prétexte 469d, pour ne pas aller au fort du combat, d'accomplir une besogne nécessaire en restant penchés sur les cadavres ? La pratique de telles rapines n'a-t-elle point déjà perdu bien des armées ?

Si.

N'y a-t-il pas bassesse et cupidité à dépouiller un cadavre ? N'est-ce pas le signe d'un esprit de femme et mesquin que de traiter en ennemi le corps d'un adversaire, quand ce dernier est mort et s'est envolé, ne laissant que l'instrument dont il se servait pour combattre ? Crois-tu que la conduite de ceux qui agissent ainsi diffère 469e de celle des chiennes, qui mordent la pierre qu'on leur jette et ne font aucun mal à celui qui l'a jetée ?

Elle n'en diffère nullement, dit-il.

Il faut donc cesser de dépouiller les cadavres et d'interdire à l'ennemi de les enlever.

Oui, par Zeus, il faut cesser!

Nous ne porterons pas non plus dans les temples, pour les y consacrer aux dieux, les armes des vaincus, surtout celles des Grecs, pour peu que nous soyons jaloux 470 de la bienveillance de nos compatriotes. Nous craindrons plutôt de souiller les temples en y apportant les dépouilles de nos proches, à moins que le dieu ne le veuille autrement.

Très bien.

Passons maintenant à la dévastation du territoire grec et à l'incendie des maisons. Comment se conduiront tes soldats à l'égard de l'ennemi ?

J'aurais plaisir à entendre ton opinion là-dessus.

Eh bien! je crois qu'on ne doit ni dévaster ni incendier 470b, mais enlever seulement la récolte de l'année. Veux-tu que je te dise pour quelle raison ?

Oui.

Il me semble donc que si guerre (polemos) et discorde (stasis) sont deux noms différents, ils désignent deux choses réellement différentes, et s'appliquent aux divisions qui. surviennent en deux objets . Or je dis que le premier de ces objets est ce qui appartient à la famille ou lui est apparenté, et le second ce qui appartient à autrui ou est étranger à la famille. Ainsi le nom de discorde s'applique à l'inimitié entre parents (oikeios) et celui de guerre à l'inimitié entre étrangers.

Tu ne dis rien que de fort juste.

470c Vois si ce que je vais dire l'est aussi : je prétends en effet que les Grecs appartiennent à une même famille et sont parents entre eux, et que les barbares appartiennent à une famille différente et étrangère.

Bien, approuva-t-il.

Par suite, lorsque les Grecs combattent les barbares, et les barbares les Grecs, nous dirons qu'ils guerroient, qu'ils sont ennemis par nature, et nous appellerons guerre leur inimitié; mais s'il arrive quelque chose de semblable entre Grecs, nous dirons qu'ils sont amis par nature, mais qu'en un tel moment la Grèce est malade , en état de sédition 470d, et nous donnerons à cette inimitié le nom de discorde.

Je suis tout à fait de ton sentiment.

Considère maintenant, repris-je, ce qui arrive quand un de ces troubles, que l'on est convenu d'appeler séditions, se produit et divise une cité : si les citoyens de chaque faction ravagent les champs et brûlent les maisons des citoyens de la faction adverse, on estime que la sédition est funeste, et que ni les uns ni les autres n'aiment leur patrie - car s'ils l'aimaient, ils n'oseraient pas déchirer ainsi leur nourrice et leur mère; par contre on estime raisonnable que les vainqueurs n'enlèvent 470e que leurs récoltes aux vaincus, dans la pensée qu'ils se réconcilieront un jour avec eux et ne leur feront pas toujours la guerre.

Cette pensée dénote un plus haut degré de civilisation que la pensée contraire.

Mais quoi ? n'est-ce pas un État grec que tu fondes ?

Si, il doit être grec.

Ses citoyens seront, par conséquent, bons et civilisés ?

Au plus haut point.
Mais n'aimeront-ils pas les Grecs ? Ne regarderont-ils par la Grèce comme leur patrie ? N'assisteront-ils pas à de communes solennités religieuses ?

Sans doute.

471 Ils regarderont donc leurs différends (diaphora) avec les Grecs comme une discorde (stasis) entre parents (oikeous), et ne leur donneront pas le nom de guerre (polemos).

Parfaitement.

Et dans ces différends ils se conduiront comme devant un jour se réconcilier avec leurs adversaires.

Certes.

Ils les ramèneront doucement à la raison, et ne leur infligeront point, comme châtiment, l'esclavage et la ruine, étant des amis qui corrigent et non des ennemis.

Oui.

Grecs, ils ne ravageront pas la Grèce et ne brûleront pas les maisons; ils ne regarderont pas comme des adversaires tous les habitants d'une cité, hommes, femmes, enfants, mais seulement ceux, en petit nombre, qui sont responsables du différend; 471b en conséquence, et puisque la plupart des citoyens sont leurs amis (philios), ils se refuseront à ravager leurs terres et à détruire leurs demeures; enfin ils ne feront durer le différend qu'autant que les coupables n'auront pas été contraints, par les innocents qui souffrent, à subir le châtiment mérité.

Je reconnais avec toi que nos citoyens doivent ainsi se comporter à l'égard de leurs adversaires, et traiter les barbares comme les Grecs se traitent maintenant entre eux.

Faisons donc aussi une loi interdisant aux gardiens de dévaster les terres 471c  et d'incendier les maisons.

Oui, dit-il, et admettons qu'elle aura de bons effets, comme les précédentes .

Mais il me semble, Socrate, que si l'on te laisse poursuivre tu ne te souviendras jamais de la question que tu as écartée tantôt pour entrer dans tous ces développements : à savoir si pareil gouvernement est possible et comment il est possible. Que s'il se réalise dans une cité il y engendre tous ces biens, j'en conviens avec toi, et je citerai même d'autres avantages que tu omets : les citoyens lutteront d'autant plus vaillamment contre l'ennemi 471d qu'ils ne s'abandonneront jamais les uns les autres, se connaissant comme frères, pères et fils, et s'appelant de ces noms. Et si leurs femmes combattent avec eux - soit dans les mêmes rangs, soit placées à l'arrière pour effrayer l'ennemi et porter secours en cas de nécessité - je sais qu'alors ils seront invincibles.



CONCEPTS DE BASE DE CE PASSAGE

diaphoras  : différend
oikos : maison, parenté
genos : lignée, race
polemos : guerre étrangère
philios  : amitié
stasis : guerre domestique

voir aussi la distinction polemios et exthros présenté par Schmitt in Théorie du politique (cours n°11)







La stasis selon Schmitt in Théologie politique, (1969)
 (postface, p.173-174),
trad. de l'allemand par Jean Louis Schlegel, Gallimard, 1988

En revanche il est nécessaire de revenir encore sur le critère du politique et de la théologie politique, en l'occurence à la distinction entra ami et ennemi. (Erik) Peterson fait une référnce décisive, pour la doctrine de la Trinité chrétienne, à un passage de Grégoire de Nazianze, qui contient en son noyau la formulaton suivante : l'Un - to hen - est toujours en révolte - stasiazon - contre lui même - pros heauton.

 
Au coeur de la fomulation la plus irréprochable de l'épineux dogme (de la Trinité), apparait le mot stasis, au sens de révolte. L'histoire du sens du mot et du concept de stasis  mérité d'être évoquée dans ce contexte ; elle s'étend de Platon aux pères et aux docteurs de l'Eglise grecque (...) Stasis signifie en premier lieu  repos,  état de repos, position, arrêt (status), la notion inverse est kinesis : mouvement. Mais, en second lieu stasis signifie aussi trouble (politique), mouvement, révolte et guerre civile.

TRADUCTION  EN ANGLAIS DEPUIS LE GREC DU TEXTE DE Grégoire de Nazianze (329-390) auquel renvoie Erik Peterson cité par Schmitt. (j'ai souligné le passage qui correspond à ce qui est cité par Schmitt : cette traduction euphémise ce passage par rapport au grec)
http://www.ccel.org/ccel/schaff/npnf207.iii.xv.html


Oration XXIX.
The Third Theological Oration.
On the Son.

II.  The three most ancient opinions concerning God are Anarchia, Polyarchia, and Monarchia.  The first two are the sport of the children of Hellas, and may they continue to be so.  For Anarchy is a thing without order; and the Rule of Many is factious, and thus anarchical, and thus disorderly.  For both these tend to the same thing, namely disorder; and this to dissolution, for disorder is the first step to dissolution.
But Monarchy is that which we hold in honour.  It is, however, a Monarchy that is not limited to one Person, for it is possible for Unity if at variance with itself to come into a condition of plurality; but one which is made of an equality of Nature and a Union of mind, and an identity of motion, and a convergence of its elements to unity—a thing which is impossible to the created nature—so that though numerically distinct there is no severance of Essence.  Therefore Unity having from all eternity having from all eternity arrived by motion at Duality, found its rest in Trinity.  This is what we mean by Father and Son and Holy Ghost.  The Father is the Begetter and the Emitter. without passion of course, and without reference to time, and not in a corporeal manner.  The Son is the Begotten, and the Holy Ghost the Emission; for I know not how this could be expressed in terms altogether excluding visible things.  For we shall not venture to speak of “an overflow of goodness,” as one of the Greek Philosophers dared to say, as if it were a bowl overflowing, and this in plain words in his Discourse on the First and Second Causes.   Let us not ever look on this Generation as involuntary, like some natural overflow, hard to be retained, and by no means befitting our conception of Deity.  Therefore let us confine ourselves within our limits, and speak of the Unbegotten and the Begotten and That which proceeds from the Father, as somewhere God the Word Himself saith.





IV. Guerre et politique dans le Prince de Machiavel



La meilleure traduction française du   Prince est celle de Yves Lévy, Collection Garnier Flammarion, 1980.


Texte en italien  : 
http://www.classicitaliani.it/index007.htm  et Il Principe at MetaLibri Digital Library : http://metalibri.wikidot.com/authors:niccolo-di-bernardo-dei-machiavelli

ou http://www.liberliber.it/mediateca/libri/m/machiavelli/il_principe/pdf/machiavelli_il_principe.pdf

Le texte a été écrit en 1513 et publié en 1532, à Rome, cinq ans après la mort de Machiavel en 1527 et traduit en français et latin à la fin du XVI e  siècle


Sur le pouvoir comme art à Florence lire : La Civilisation de la Renaissance en Italie (1860)  de Jacob Burckardt (1818-1897) dont les théories ont influencé Nietzsche (Humain, trop humain)  qui fut son collègue à Bâle et suivi son cours sur l’histoire.

Le texte en français sur Gallica :http://gallica.bnf.fr/Catalogue/noticesInd/FRBNF37261299.htm

Gallica (http://gallica.bnf.fr/) est le site la bibliothèque "virtuelle" créé par la Bibliothèque nationale de France.



Un podcast en anglais : sur le Prince par un des meilleurs spécialistes de Machiavel , Quentin Skinner


http://cdn4.libsyn.com/philosophybites/Quentin_Skinner_on_Machiavellis_The_Prince.mp3?nvb=20081110205611&nva=20081111205611&t=02a512b186c401c070a9a


Texte du Prince en italien  http://www.liberliber.it/biblioteca/m/machiavelli/il_principe/html/sommario.htm



L’objet du Prince selon  Michel Foucault

« Cette principauté comme rapport du Prince à ses sujets et à son territoire, c’est cela qu’il s’agit de protéger, et non pas directement ou immédiatement ou fondamentalement ou premièrement, le territoire et ses habitants »

Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, cours au collège de France, 1977-1978.Gallimard, Seuil 2004


Capitolo XII

Quot sint genera militiae et de mercennariis militibus.
[Di quante ragioni sia la milizia, e de' soldati mercennarii]




Le Prince - Chapitre 12

Combien il y a de sortes de milices et de troupes mercenaires

Avete dunque a intendere come, tosto che in questi ultimi tempi lo imperio cominciò a essere ributtato di Italia, e che il papa nel temporale vi prese più reputazione, si divise la Italia in più stati; perché molte delle città grosse presono l'arme contra a' loro nobili, li quali, prima favoriti dallo imperatore, le tennono oppresse; e la Chiesia le favoriva per darsi reputazione nel temporale; di molte altre e' loro cittadini ne diventorono principi. Onde che, essendo venuta l'Italia quasi che nelle mani della Chiesia e di qualche Repubblica, et essendo quelli preti e quelli altri cittadini usi a non conoscere arme, cominciorono a soldare forestieri. El primo che dette reputazione a questa milizia fu Alberigo da Conio, romagnolo. Dalla disciplina di costui discese, intra li altri, Braccio e Sforza, che ne' loro tempi furono arbitri di Italia. Dopo questi, vennono tutti li altri che fino a' nostri tempi hanno governato queste arme. Et il fine della loro virtù è stato, che Italia è suta corsa da Carlo, predata da Luigi, sforzata da Ferrando e vituperata da' Svizzeri. Il faut donc savoir que lorsque, dans les derniers temps, l’empire [germanique] eut commencé à être repoussé de l’Italie, et que le pape eut acquis plus de prestige  quant au temporel, l'Italie se divisa en un grand nombre d’États. Plusieurs grandes villes, en effet, prirent les armes contre leurs nobles, qui, à l’ombre de l’autorité impériale [germanique], les tenaient sous l’oppression, et elles se rendirent indépendantes, favorisées en cela par l’Église, qui cherchait à accroître le  prestige temporel qu’elle avait gagné. Dans plusieurs autres villes, le pouvoir suprême fut usurpé ou obtenu par quelque citoyen qui s’y établit prince. De là s’ensuivit que la plus grande partie de l’Italie se trouva sous la dépendance, et en quelque sorte sous la domination de l’Église ou de quelque république ; et comme des prêtres, des citoyens paisibles, ne connaissaient nullement le maniement des armes, on commença à prendre en solde des étrangers. Le premier qui mit ce genre de milice en honneur fut Alberigo da Conio, natif de la Romagne : c’est sous sa discipline que se formèrent, entre autres, Braccio et Sforza, qui furent, de leur temps, les arbitres de l’Italie, et après lesquels ou a eu successivement tous ceux qui, jusqu’à nos jours, ont tenu dans leurs mains le commandement de ses armées. Et le résultat de leur valeur a a été de voir prise à et que l'Italie a été envahie par  Charles VIII [de France], ravagée par Louis XII [de France], violée par Ferdinand [d'Espagne], et insultée par les Suisses.
T


INTRODUCTION

Machiavel ne s'inscrit pas dans la tradition antique, mais ce n'est pas non plus un moderne au sens de Benjamin Constant : pour lui dans certains cas le pouvoir politique repose sur la domination militaire.

UN PROJET POLITIQUE :  PROTÉGER L'ITALIE DES AGRESSIONS ET L'UNIFIER :

[...] l'Italie n'est pas unie comme au temps de Rome (Portraits des choses de France (1510), trad. française pas Bec, Bouquins Laffont, p. 49)

Dans le Prince la guerre est un mécanisme d'acquisition et de conservation du pouvoir.
Il existe des ennemis extérieurs et intérieurs, mais il n'y a pas à proprement parler de guerre civile.
La conservation du pouvoir implique des alliances intérieures et extérieures.

Le rapport du Prince au territoire est un rapport d'extériorité, un rapport synthétique  (Foucault,
Sécurité, territoire, population, cours au collège de France, 1977-1978.Gallimard, Seuil 2004, p. 95) d'où le primat de la guerre comme art du pouvoir.

Le Prince doit être maîtriser l'art de la guerre : c'est l'objet du chapitre XIV.


Chapitre  XIV

Ce qui convient au prince en matière militaire
Capitolo XIV

Quello che s'appartenga a uno principe circa la milizia
Quod principem deceat circa militiam.
1. Donc un prince ne doit pas avoir d'autre objet ni d'autre pensée, ni prendre quoique ce soir pour son art, en dehors de la guerre et des institituons et de la discipline de celle-ci, car c'est le seul art qu'on attend de qui commande. Et il a une telle vertu (virtù) que non seulement il maintient ceux qui sont nés prince, mais souvent il fait monter au rang de prince des hommes de condition (fortuna) privée ; et inversemenent on voit que quand des hommes ont plus penser aux plaisirs qu'aux armes, ils ont perdu leur Etat. Et la première cause qui te le fait perdre et de négliger cet art, et la raison qui te le fait acquérir est d'être un expert de cet art.

1. - Debbe adunque uno principe non avere altro obietto né altro pensiero, né prendere cosa alcuna per sua arte, fuora della guerra et ordini e disciplina di essa; perché quella è sola arte che si espetta a chi comanda. Et è di tanta virtù, che non solamente mantiene quelli che sono nati principi, ma molte volte fa li uomini di privata fortuna salire a quel grado; e per avverso si vede che, quando e principi hanno pensato più alle delicatezze che alle arme, hanno perso lo stato loro. E la prima cagione che ti fa perdere quello, è negligere questa arte; e la cagione che te lo fa acquistare, è lo essere professo di questa arte.

http://www.classicitaliani.it/machiav/mac09.htm#cap14





LE PRINCE, un manuel dont l'objet est la relation de domination

" m'en tenir à la vérité effective des choses" (chap.XV)

A) Le Prince pose un problème spécifique : la conservation du pouvoir dans un Etat (stato) pour un souverain non héréditaire.  Comment "tenir (tenere) un Etat nouvellement conquis" (début du chap. IV) ?

Il faut au Prince arriver à "conserver un Etat stable et ferme" (conservare uno stato che sia già stabilito e fermo) (dernière ligne du chap. XX)

a) l'Etat est à la fois territoire et pouvoir

Conviene avere, nello esaminare le qualità di questi principati, un'altra considerazione: cioè, se uno principe ha tanto stato che possa, bisognando, per sé medesimo reggersi, o vero se ha sempre necessità della defensione di altri Il convient, lorsqu’on examine la qualité de ces monarchies, de s’arrêter à une autre considération : à savoir si un prince à un Etat suffisant pour pouvoir en cas de besoin tenir par lui-même ou s’il est toujours dans la nécessité d’être défendu par un autre.


b) Les types d’Etat dans le chapitre premier du Prince

Etat (stato)
Républiques
Monarchies

Héréditaires
Nouvelles

Entièrement nouvelles
Ajoutées à l’ Etat héréditaire du prince qui les conquiert

Habituées à vivre libres Habituées à vivre sous un prince
Etat acquis par les armes du prince
Etat acquis par les armes d’un autre prince
 Etat acquis par les armes du prince
Etat acquis par les armes d’un autre prince
Par fortune ou  par talent (virtù)
Par fortune ou par talent (virtù)

B) Plan du texte :


CHAPITRE I
LES DIFFÉRENTS TYPES DE MONARCHIES
CHAPITRE II À XI
COMMENT ACQUÉRIR ET CONSERVER LES MONARCHIES
CHAPITRE XI A XIV
LES QUESTIONS MILITAIRES
CHAPITRE XV A XXIII
LE PRINCE :  SES SUJETS ET SES AMIS
CHAPITRE XXIV A XXVI
LA QUESTION DE L'ITALIE

C) L'objet du prince n'est pas le gouvernement ou la "police" mais le pouvoir « imperio » (chap.VIII) ou « principato » (chap.VIII, IX, XIX).

Le prince n'est pas comme un berger (par opposition à celui de la République de Platon) et la "raison d'Etat" chez Machiavel n'est pas celle de l'Etat pastoral (Foucault) mais de la conservation du pouvoir. Il doit savoir avec qui s'allier : le peuple ou les nobles. Et il est important qu'il s'appuie sur une force armée qui peut être mercenaire.

D) Le pouvoir comme art ; la notion de virtù. Opposé à « vice » dans chap. XV et XVI mais sens essentiel : force, habilité, courage, mérite. Donc "virtuose "  signifie "habile" ou "virtuose" plutôt que "vertueux"
Parfois opposé  ou distingué de « fortuna » : "chance", "à la faveur de …". Mais les deux sont articulés : voir César Borgia : fortune et habilité



II Analytique de la domination

A) Analytique des formes d'Etat : monarchie à base féodale (France) vs.despotisme ( Empire Turque
(Chap IV)

   Il faut distinguer "conquérir" et "garder" : Il est plus facile de "conquérir" (occupare) le royaume de France que le "conserver" (tener), alors qu''il est plus difficile de "conquérir" (occupare) la Turquie que de la "garder".  En effet en France des "seigneurs" et en Turquie seulement des "esclaves" : il suffit donc après avoir conquis la Turquie de "liquider" (spegnere) la famille régnante. Dans l'antiquité Alexandre a pu s'emparer facilement du Royaume de Darius car après l'avoir battu il ne trouvait plus de résistance en face de lui. (L'idée que le Grand Turc est un "despote" dont les sujets sont des "esclaves" est, en partie un héritage de la pensée grecque sur l'Asie)

B) En Italie : fragmentation et nécessité d'un chef unificateur. Et un projet transcendant : unifier l'Italie. Appel à un Moïse pour l'Italie.



III Analytique des qualités du prince

 But du prince : "maintenir l'Etat" (mantenere lo stato)
(chap XVIII).

Vailidité de de tous les moyens utiles pour garder le pouvoir : « liquider » (spegnere) les ennemis (chap. VII


      A)  Force et loi.

Le centaure, le lion et le renard : supériorité de la ruse.

C'est un calcul rationnel : puisque je ne puis être sûr que l'autre est "bon", je dois me comporter comme s'il était méchant. Ceci relève de la "prudence".


  Deux manières de combattre :
    - soit   avec les lois, propre aux hommes
    - soit  avec la force, celle des bêtes.

Mais la première ne suffit pas donc le prince doit utiliser la manière des bêtes. Il en existe deux types :
     1) le lion,  qui ne sait pas se défendre des pièges
     2) Le renard, qui  ne sait pas se défendre des loups.

Un souverain ne peut être sûr que les hommes sont bons (Alexandre VI ne l’était pas) donc il est prudent (rationnel) doit être lion et renard. Mais le renard est le plus important des deux animaux. Le renard est capable de dissimuler qu'il est un renard. La ruse qui consiste à masquer que l'on est rusé.

Exemple d'un lion "très féroce" et d'un "renard très astucieux" l'empereur Sévère  qui arrive à ses fins, mais Commode à "l'âme cruelle et bestiale" devint méprisable aux yeux de ses soldats et fut tué dans une conspiration (chap. XIX).

B ) Le pouvoir de l'apparence

- Le prince doit sembler posséder cinq qualités (chap. XVIII) :
Miséricorde, bonne foi, droiture, humanité et surtout religion

- Le prince doit toujours conserver de la "majesté de son rang " ("la maestà della dignità sua" fin chap. XXI) ; contre exemple Commode (chap. XIX) qui fit beaucoup de choses viles et peu digne de la "majesté impériale" ("facendo altre cose vilissime e poco degne della maestà imperiale"). La "majesté" est un des éléments qui protège le prince des conspirateurs (chap.XIX)

- "Chacun voit ce que tu parais, peu percoivent ce que tu es : et ce petit nombre ne se hasarde pas à s'opposer à l'opinion d'une foule qui a la majesté de l'Etat (maestà de la stato) qui la défend" (chap. XVIII)


C) Le prince doit maîtriser un  "art" : l'art de la guerre

D) "Bon gouvernement" et "cruauté"


a) Annibal et son armée : "inhumaine cruauté" du chef militaire condition de sa capacité à commander.
Le roi d'Espagne Ferdinand a fait preuve d'une "pieuse cruauté" (pietosa crudelta) en chassant les Juifs convertis d'Espagne (début du chap. XXI)

b) Bon et mauvais usage des "cruautés" (chap. VIII, p.102). La cruauté mise en œuvre pour un temps bref est efficace et permet de se défendre contre les ennemis extérieurs sans crainte de conspiration


c) Si but est de conserver un pouvoir qui manque de légitimité la notion de "bon gouvernement" va signifier capacité à se maintenir au pouvoir au besoin par la "cruauté". César Borgia utilise celle de Ramiro d'Orco ("homme cruel et expétiditif") pour assurer son pouvoir en Romagne (chapitre VII) puis il est cruel pour faire porter la responsabilité à son ministre.




IV Machiavel et le machiavelisme

1)  Machiavel et l'éloge de la République (chap. V)

2)
L’interprétation de Spinoza (Traité politique, V, §7, 1675)

3) L'interprétation de Nietzsche. Le prince comme artiste, celui qui impose une forme à une matière (ainsi que le sculpteur) ; prototype du surhomme


Le Prince chap. XXVI
et in Italia nom manca materia de introdurvi ogni forrma
et en Italie il ne manque pas de matière où introduire quelque forme que ce soit


4) Les Italiens comparés aux Hébreux guidés par Moïse (chap. XXVI). Une fin transcendante : libérer l'Italie des "barbares". Une mission pour les  Médicis.


Conclusion

Machiavel, Weber et Schmitt


Le Prince - Chapitre 1

Combien il y a de sortes de principautés, et par quels moyens on peut les acquérir


Tutti li stati, tutti e' dominii che hanno avuto et hanno imperio sopra li uomini, sono stati e sono o repubbliche o principati. E' principati sono o ereditarii, de' quali el sangue del loro signore ne sia suto lungo tempo principe, o e' sono nuovi. E' nuovi, o sono nuovi tutti, come fu Milano a Francesco Sforza, o sono come membri aggiunti allo stato ereditario del principe che li acquista, come è el regno di Napoli al re di Spagna. Sono questi dominii cos� acquistati, o consueti a vivere sotto uno principe,o usi ad essere liberi; et acquistonsi, o con le armi d'altri o con le proprie, o per fortuna o per virtù. Tous les États, toutes les dominations qui ont tenu et tiennent encore les hommes sous leur empire, ont été et sont ou des républiques ou des principautés.
Les principautés sont ou héréditaires ou nouvelles.
Les héréditaires sont celles qui ont été longtemps possédées par la famille de leur prince.
Les nouvelles, ou le sont tout à fait, comme Milan le fut pour Francesco Sforza, ou elles sont comme des membres ajoutés aux États héréditaires du prince qui les a acquises ; et tel a été le royaume de Naples à l'égard du roi d’Espagne.
D’ailleurs, les États acquis de cette manière étaient accoutumés ou à vivre sous un prince ou à être libres : l'acquisition en a été faite avec les armes d'autrui, ou par celles de l'acquéreur lui-même, ou par la faveur de la fortune, ou par l'ascendant de la vertu.





UN SOUVERAIN NON HÉRÉDITAIRE TYPIQUE : CÉSAR BORGIA

César Borgia, (1475-1507) fils du pape Alexandre VI, nommé aussi Duc de Valentinois (il a reçu ce titre du roi de France Louis XII pour remercier Alexandre VI d'avoir annulé un précédent mariage pour lui permettre d'épouser Anne de Bretage)  ou "le duc" tout court : lire spécialement le chapitre VII. Il est désigne comme "nouveau prince" (chap. XVII) car souverain non héréditaire.

Machiavel l'a rencontré et il indique dans le Prince que César Borgia lui a parlé le jour de l'éléction de Jules II (successeur d'Alexandre VI Borgia son père ) de ses projets d'avenir : mais la "fortune" a fait qu'il est mort peu après.

 Machiavel et César Borgia parle de l'avenir après la mort d'Alexandre VI (1431-1503), père de César
Le Prince chapitre VII, p. 96 de la traduction Lévy chez Garnier Flammarion
Ma, se nella morte di Alessandro fussi stato sano, ogni cosa li era facile. E lui mi disse, ne' di che fu creato Iulio II, che aveva pensato a ciò che potessi nascere, morendo el padre, et a tutto aveva trovato remedio, eccetto che non pensò mai, in su la sua morte, di stare ancora lui per morire. Si sa santé n’eût point éprouvé d’atteinte au moment de la mort d’Alexandre [VI], tout lui [ à César Borgia] aurait été facile. Aussi me [ à moi Machiavel] disait-il, lors de la nomination de Jules II [ nouveau Pape], qu’il avait pensé à tout ce qui pouvait arriver si son père venait à mourir, et qu’il avait trouvé remède à tout ; excepté qu il n’avait jamais imaginé, lors de sa mort, qu'il se trouvait lui-même en danger de mort.

Le roi de France Louis XII n'arrive pas à stabliser son alliance avec le peuple de Milan : il perdi vite le contrôle de la Cité

Capitolo III

De principatibus mixtis.
[De' principati misti]

Le Prince chap. III

Des Principautés mixtes
[...] perché sempre, ancora che uno sia fortissimo in sulli eserciti, ha bisogno del favore de' provinciali a intrare in una provincia.
 Per queste ragioni Luigi XII re di Francia occupò subito Milano, e subito lo perdé; e bastò a torgnene,la prima volta le forze proprie di Lodovico; perché quelli populi che li aveano aperte le porte, trovandosi ingannati della opinione loro e di quello futuro bene che si avevano presupposto, non potevono sopportare e' fastidii del nuovo principe.
[...] quelque puissance qu’un prince ait par ses armées, il a toujours besoin, pour entrer dans un pays, d’être aidé par la faveur des habitants.
C'est pour cette raison que Louis XII, roi de France, se rendit maître en un instant du Milanais, qu’il perdit de même, et que d’abord les seules forces de Lodovico Sforza suffirent pour le lui arracher. En effet, les habitants qui lui avaient ouvert les portes, se voyant trompés dans leur espoir, et frustrés des avantages qu’ils avaient attendus, ne purent supporter les  pesanteurs d'un nouveau prince.
Louis XII roi de France (au pouvoir à Milan fin 1499)
Louis (Ludovici Sforza) (fils de François) (reprend le pouvoir à Louis XII début 1500 puis renversé et livré aux Français, meurt emprissonné à Loches (Indre et Loire) en 1508

 

César Borgia a gagné le pouvoir grâce à la «  fortune de son père »
puis fait preuve de virtuosité
(Chap. VIII début)

• Io voglio all'uno et all'altro di questi modi detti, circa el diventare principe per virtù o per fortuna, addurre dua esempli stati ne' dí della memoria nostra: e questi sono Francesco Sforza e Cesare Borgia
• De l’une ou l’autre de ces manières de devenir prince - par la force ou par la fortune- je veux produire deux exemples que nous avons en mémoire Francesco Sforza et César Borgia



Dall'altra parte Cesare Borgia […], acquistò lo stato con la fortuna del padre, e con quella lo perdé; non ostante che per lui si usassi ogni opera e facessi tutte quelle cose che per uno prudente e virtuoso uomo si doveva fare, per mettere le barbe sua in quelli stati che l'arme e fortuna di altri li aveva concessi. Perché,[..], chi non fa e' fondamenti prima, li potrebbe con una gran virtù farli poi, […]


D’autre part César Borgia […] acquis son Etat par la bonne fortune de son père, et avec celle-ci le perdit, bien qu’il eût mis tout en œuvre, et agi en toutes choses comme devait le faire un homme sage et habile,  pour prendre racine en ses Etats que les armes et la  fortune d’autrui lui avaient procuré. Car qui ne bâtit pas les fondements d’abords, pourrait le faire après avec une grand habilité.



La structure de l'Etat en France
El contrario interviene ne' regni governati come quello di Francia, perché con facilità tu puoi intrarvi, guadagnandoti alcuno barone del regno; perché sempre si truova de' malicontenti e di quelli che desiderano innovare. Costoro, per le ragioni dette, ti possono aprire la via a quello stato e facilitarti la vittoria; la quale di poi, a volerti mantenere, si tira drieto infinite difficultà, e con quelli che ti hanno aiutato e con quelli che tu hai oppressi. Né ti basta spegnere el sangue del principe; perché vi rimangono quelli signori che si fanno capi delle nuove alterazioni; e, non li potendo né contentare né spegnere, perdi quello statoqualunque
Le contraire [du royaume des Turcs] arrive avec les royaumes gouvernés comme la France ; car c’est avec facilité qu’on y peut entrer, en gagnant quelque baron du royaume, car toujours on trouve des mécontents et des gens qui souhaitent des changements : ces gens -là pour des raisons qu’on a dites, peuvent t’ouvrir le chemin de cet Etat et te faciliter la victoire. Et celle-ci, ensuite, lorsque tu cherches  à te maintenir entraîne après elle d’infinies difficultés tant avec ceux qui t’ont aidé qu’avec ceux que tu as  soumis ; et il ne suffit pas de liquider  la lignée du prince, car il reste ses seigneurs, qui se mettent à la tête de nouveaux changement, et ne les pouvant ni contenter ni liquider  tu perds cet Etat à la première occasion qui se présente.




Liquider  ("spegnere") les ennemis du prince
Chi, adunque, iudica necessario nel suo principato nuovo assicurarsi de' nimici, guadagnarsi delli amici, vincere o per forza o per fraude, farsi amare e temere da' populi, seguire e reverire da' soldati, spegnere quelli che ti possono o debbono offendere, innovare con nuovi modi li ordini antichi, essere severo e grato, magnanimo e liberale, spegnere la milizia infidele, creare della nuova, mantenere l'amicizie de' re e de' principi in modo che ti abbino o a beneficare con grazia o offendere con respetto, non può trovare e' più freschi esempli che le azioni di costui.
Qui donc, à la tête d’une monarchie nouvelle, juge nécessaire de s’assurer de ses ennemis, se gagner des amis, vaincre par la force ou par ruse, se faire aimer et craindre du peuple,suivre et respecter des soldats, supprimer ceux qui vous peuvent ou doivent nuire, rénover par de nouveaux usages les institutions anciennes, être sévère et bienveillant, magnanime et libéral, supprimer une milice infidèle, entretenir l’amitié des rois et des princes  de sorte qu’ils aient ou plaisir à vous être utiles ou inquétude à vous nuire, ne peut trouver plus frais exemple que celui-là [ Alexandre VI]



Di che penso assicurarsi in quattro modi: prima, di spegnere tutti e’ sangui di quelli signori che lui aveva spoliati


Et il [Alexandre VI] pensa s’ assurer par quatre moyens : premièrement liquider la lignée des seigneurs qu’il avait dépouillés […]




Le Centaure Chiron

Sur les animaux en politique  Jacques Derrida, La bête et le souverain. Volume 1, (2001-2002), Gallilée, 2008
chiron
Et sur le chapitre XVIII du Prince dans ce livre qui reprend les textes des séminaires de Derrida on lira la troisième séance pp. 97-139
Le centaure Chiron dont parle Machiavel dans le chap. XVIII du Prince, (infra) : il tient Achille dans sa main et lu parle. Il est homme et cheval mâle. Il porte un lapin : le centaure est carnassier.

Vase par Pamphalos et Ottos, 520 avant J-C.

Musée du Louvre

Photograph by Maria Daniels, courtesy of the Musée du Louvre, January 1992

Sur la base Perseus  : http://www.perseus.tufts.edu/cgi-bin/image?lookup=1992.06.0304
consultée le 11 novembre 2008


  Deux manières de combattre  : ou avec les lois, ou avec la force
Capitolo XVIII

Quomodo fides a principibus sit servanda.



Dovete adunque sapere come sono dua generazione di combattere: l'uno con le leggi, l'altro con la forza: quel primo è proprio dello uomo, quel secondo delle bestie: ma, perché el primo molte volte non basta, conviene ricorrere al secondo. Per tanto a uno principe è necessario sapere bene usare la bestia e lo uomo. Questa parte è suta insegnata a' principi copertamente dalli antichi scrittori; li quali scrivono come Achille, e molti altri di quelli principi antichi, furono dati a nutrire a Chirone centauro, che sotto la sua disciplina li custodissi. Il che non vuol dire altro, avere per precettore uno mezzo bestia e mezzo uomo, se non che bisogna a uno principe sapere usare l'una e l'altra natura; e l'una sanza l'altra non è durabile.







Sendo adunque, uno principe necessitato sapere bene usare la bestia, debbe di quelle pigliare la golpe e il lione; perché il lione non si defende da' lacci, la golpe non si difende da' lupi. Bisogna, adunque, essere golpe a conoscere e' lacci, e lione a sbigottire e' lupi. Coloro che stanno semplicemente in sul lione, non se ne intendano. Non può per tanto uno signore prudente, né debbe, osservare la fede, quando tale osservanzia li torni contro e che sono spente le cagioni che la feciono promettere. E, se li uomini fussino tutti buoni, questo precetto non sarebbe buono; ma perché sono tristi, e non la osservarebbano a te, tu etiam non l'hai ad osservare a loro. Né mai a uno principe mancorono cagioni legittime di colorare la inosservanzia. Di questo se ne potrebbe dare infiniti esempli moderni e monstrare quante pace, quante promesse sono state fatte irrite e vane per la infedelità de' principi: e quello che ha saputo meglio usare la golpe, è meglio capitato. Ma è necessario questa natura saperla bene colorire, et essere gran simulatore e dissimulatore: e sono tanto semplici li uomini, e tanto obediscano alle necessità presenti, che colui che inganna troverrà sempre chi si lascerà ingannare.
 Chapitre 18

Comment les princes doivent tenir leur parole


On peut combattre de deux manières : ou avec les lois, ou avec la force. La première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme souvent celle-là ne suffit point, on est obligé de recourir à l’autre : il faut donc qu’un prince sache agir à propos, et en bête et en homme. C’est ce que les anciens écrivains ont enseigné allégoriquement, en racontant qu’Achille et plusieurs autres héros de l’antiquité avaient été confiés au centaure Chiron, pour qu’il les nourrît et les élevât.
Par là, en effet, et par cet instituteur moitié homme et moitié bête, ils ont voulu signifier qu’un prince doit avoir en quelque sorte ces deux natures, et que l’une a besoin d’être soutenue par l’autre.
 Le prince devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges ; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent tout simplement à être lions sont très malhabiles.
n prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner. Il ne serait pas bon sans doute, si les hommes étaient tous gens de bien ; mais comme ils sont méchants, et qu’assurément ils ne vous tiendraient point leur parole, pourquoi devriez-vous leur tenir la vôtre ? Et d’ailleurs, un prince peut-il manquer de raisons légitimes pour colorer l’inexécution de ce qu’il a promis ?
À ce propos on peut citer une infinité d’exemples modernes, et alléguer un très grand nombre de traités de paix, d’accords de toute espèce, devenus vains et inutiles par l’infidélité des princes qui les avaient conclus. On peut faire voir que ceux qui ont su le mieux agir en renard sont ceux qui ont le plus prospéré.
Mais pour cela, ce qui est absolument nécessaire, c’est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler. Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper.



      
 Le prince peut utiliser des mercenaires

Le Prince - Chapitre 12

Combien il y a de sortes de milices et de troupes mercenaires

Capitolo XII

Quot sint genera militiae et de mercennariis militibus.
[Di quante ragioni sia la milizia, e de' soldati mercennarii]


Si les Vénitiens et les Florentins, en employant de telles troupes [ mercenaires], accrurent néanmoins leurs puissance, et si les commandants, au lieu de les subjuguer, les défendirent, je réponds, pour ce qui regarde les Florentins, qu’ils en furent redevables à leur bonne fortune, qui fit que, de tous les généraux habiles qu’ils avaient et qu’ils pouvaient craindre, les uns ne furent point victorieux ; d’autres rencontrèrent des obstacles ; d’autres encore tournèrent ailleurs leur ambition.
L’un des premiers fut Giovanni Acuto, dont la fidélité, par cela même qu’il n’avait pas vaincu, ne fut point mise à l’épreuve ; mais on doit avouer que, s’il avait remporté la victoire, les Florentins seraient demeurés à sa discrétion.
E, se Viniziani e Fiorentini hanno per lo adrieto cresciuto lo imperio loro con queste arme, e li loro capitani non se ne sono però fatti principi ma li hanno difesi, respondo che Fiorentini in questo caso sono suti favoriti dalla sorte; perché de' capitani virtuosi, de' quali potevano temere, alcuni non hanno vinto, alcuni hanno avuto opposizione, altri hanno volto la ambizione loro altrove. Quello che non vinse fu Giovanni Aucut, del quale, non vincendo, non si poteva conoscere la fede; ma ognuno confesserà che, vincendo, stavano Fiorentini a sua discrezione.

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Le "condottiere" anglais Giovanni Aucut, en italien : John Hawkwood en anglais, Jean Haccoude en français (1320-1394) est nommé par Machiavel dans le chapitre XII du Prince. Un livre de W. Caffaro lui est consacré

Machiavel  pouvait voir une fresque réprésentant son monument funèbre équestre peinta par Paolo Uccello (1397-1475) dans la cathédrale Santa Maria dei Fiori à Florence, le Duomo.









La cruauté de César Borgia
Le "nouveau prince" doit savoir être cruel

Capitolo VII

De principatibus novis qui alienis armis et fortuna acquiruntur.
[De' principati nuovi che s'acquistano con le armi e fortuna di altri]

Preso che ebbe il duca la Romagna, e trovandola suta comandata da signori impotenti, li quali più presto avevano spogliato e' loro sudditi che corretti, e dato loro materia di disunione, non di unione, tanto che quella provincia era tutta piena di latrocinii, di brighe e di ogni altra ragione di insolenzia, iudicò fussi necessario, a volerla ridurre pacifica e obediente al braccio regio, darli buon governo. Però vi prepose messer Remirro de Orco uomo crudele et espedito, al quale dette pienissima potestà. Costui in poco tempo la ridusse pacifica et unita, con grandissima reputazione. Di poi iudicò el duca non essere necessario eccessiva autorità, perché dubitava non divenissi odiosa; e preposevi uno iudicio civile nel mezzo della provincia, con uno presidente eccellentissimo, dove ogni città vi aveva lo avvocato suo. E perché conosceva le rigorosità passate averli generato qualche odio, per purgare li animi di quelli populi e guadagnarseli in tutto, volle monstrare che, se crudeltà alcuna era seguta, non era nata da lui, ma dalla acerba natura del ministro. E presa sopr'a questo occasione, lo fece mettere una mattina, a Cesena, in dua pezzi in sulla piazza, con uno pezzo di legno e uno coltello sanguinoso a canto. La ferocità del quale spettaculo fece quelli populi in uno tempo rimanere satisfatti e stupidi.
Le Prince Chapitre VII

Des principautés nouvelles qu’on acquiert par les armes d’autrui et par la fortune


La Romagne, acquise par le duc, avait eu précédemment pour seigneurs des hommes faibles, qui avaient plutôt dépouillé que gouverné, plutôt divisé que réuni leurs sujets ; de sorte que tout ce pays était en proie aux vols, aux brigandages, aux violences de tous les genres. Le duc [de Valentinois = César Borgia ]  jugea que, pour y rétablir la paix et l’obéissance envers le prince, il était nécessaire d’y former un bon gouvernement : c’est pourquoi il y commit messire Ramiro d’Orco, homme cruel et expéditif, auquel il donna les pleins pouvoirs. Bientôt, en effet, ce gouvernement fit naître l’ordre et la tranquillité ; et il acquit par là une très grande réputation. Mais ensuite le duc, pensant qu’une telle autorité n’était plus nécessaire, et que même elle pourrait devenir odieuse, établit au centre de la province un tribunal civil, auquel il donna un très bon président, et où chaque commune avait son avocat. Il fit bien davantage : sachant que la rigueur d’abord exercée avait excité quelque haine, et désirant éteindre ce sentiment dans les cœurs, pour qu’ils lui fussent entièrement dévoués, il voulut faire voir que si quelques cruautés avaient été commises, elles étaient venues, non de lui, mais de la méchante nature de son ministre. Dans cette vue, saisissant l’occasion, il le fit exposer un matin sur la place publique de Césène, coupé en quartiers, avec un billot et un coutelas sanglant à côté. La férocité de ce  spectacle satisfit le ressentiment des habitants, et les frappa en même temps de terreur.

Capitolo XVII

De crudelitate et pietate; et an sit melius amari quam timeri, vel e contra.
[Della crudeltà e pietà e s'elli è meglio esser amato che temuto, o più tosto temuto che amato]

Scendendo appresso alle altre preallegate qualità, dico che ciascuno principe debbe desiderare di essere tenuto pietoso e non crudele: non di manco debbe avvertire di non usare male questa pietà. Era tenuto Cesare Borgia crudele; non di manco quella sua crudeltà aveva racconcia la Romagna, unitola, ridottola in pace et in fede. Il che se si considerrà bene, si vedrà quello essere stato molto più pietoso che il populo fiorentino, il quale, per fuggire el nome del crudele, lasciò destruggere Pistoia. Debbe, per tanto, uno principe non si curare della infamia di crudele, per tenere e' sudditi sua uniti et in fede; perché, con pochissimi esempli sarà più pietoso che quelli e' quali, per troppa pietà, lasciono seguire e' disordini, di che ne nasca occisioni o rapine: perché queste sogliono offendere una universalità intera, e quelle esecuzioni che vengono dal principe offendono uno particulare. Et intra tutti e' principi, al principe nuovo è impossibile fuggire el nome di crudele, per essere li stati nuovi pieni di pericoli.

Le Prince - Chapitre 17

De la cruauté et de la clémence, et s’il vaut mieux être aimé que craint



Continuant à suivre les autres qualités précédemment énoncées, je dis que tout prince doit désirer d’être réputé pitoyabe et non cruel. Il faut pourtant bien prendre garde de ne point user mal à propos de la pitié. César Borgia passait pour cruel, mais sa cruauté rassemblé la Romagne ; elle y ramena la paix et la fidélité. On peut dire aussi, en considérant bien les choses, qu’il fut plus clément que le peuple florentin, qui, pour éviter le reproche de cruauté, laissa détruire la ville de Pistoie.

Un prince ne doit donc point s’effrayer de ce reproche, quand il s’agit de contenir ses sujets dans l’union et la fidélité. En faisant un petit nombre d’exemples de rigueur, vous serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s’élever des désordres d’où s’ensuivent les meurtres et les rapines ; car ces désordres blessent la société tout entière, au lieu que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des particuliers. Et parmi tous les princes c'est au prince nouveau qu'il est impossible d'éviter le nom de cruel, car les Etats nouveaux sont pleins de périls.








 Spinoza Traité politique, V, §7, 1675

“  De quels moyens un Prince, dirigé par son appétit de domination (libido dominandi), doit user pour établir et maintenir son pouvoir (imperium), le très pénétrant Machiavel l'a montré abondamment; mais, quant à la fin qu'il a visée, elle n'apparaît pas très clairement. S'il s'en est proposé une bonne ainsi qu'il est à espérer d'un homme sage, ce semble être de montrer de quelle imprudence la masse fait preuve alors qu'elle supprime un tyran, tandis qu'elle ne peut supprimer les causes qui font qu'un Prince devient un tyran, mais qu'au contraire, plus le Prince a de sujets de crainte, plus il y a de causes propres à faire de lui un tyran, ainsi qu'il arrive quand la multitude fait du Prince un exemple et glorifie un attentat contre le souverain comme un haut fait. Peut être Machiavel a-t-il voulu montrer aussi combien la multitude doit se garder de s'en remettre de son salut à un seul homme qui, s'il n'est pas vain au point de se croire capable de plaire à tous, devra constamment craindre quelque embûche et par là se trouve contraint de veiller surtout à son propre salut et au contraire de tendre des pièges à la multitude plutôt que de veiller sur elle. Et je suis d'autant plus disposé à juger ainsi de ce très habile auteur qu'on s'accorde à le tenir pour un partisan constant de la liberté et que, sur la façon dont il faut la conserver, il a donné des avis très salutaires. ”






Cours n° 5
L'état de nature et guerre chez Hobbes


LECTURE OBLIGATOIRE :

Hobbes, Léviathan, chap. 13 et 14
(CHAPTER XIII OF THE NATURAL CONDITION OF MANKIND AS CONCERNING THEIR FELICITY AND MISERY  ;

CHAPTER XIV OF THE FIRST AND SECOND NATURAL LAWS, AND OF CONTRACTS)

 Une traduction en français sur internet : Leviathan Traduction originale de M. Philippe Folliot, Professeur de philosophie au Lycée Ango, Dieppe, Normandie.  Autres traduction en français : Tricaud chez Vrin, Mairet chez Gallimard

Le texte du Leviathan existe aussi dans une version en latin, due à Hobbes de 1668.

Hobbes : Du  Citoyen, (1642)  Garnier Flammarion, traduction par Sorbières lue et revue par Hobbes : le texte est en français du XVIIe siècle on y trouve fréquemment "société civile " qui est plus rare dans les textes en anglais (notamment le Leviathan)

Lectures d'autres auteurs recommandées :

Foucault : " Il faut défendre la société" Cours de Collège de France de 1976, Gallimard, 1998

Pasquale Pasquino, "Thomas Hobbes, la condition naturelle de l'humanité", in  Revue française de science politique, Année   1994, Volume   44, Numéro   2, pp. 294-307

(Le seul point commun entre "l'état de nature" et la relation qu'on trouve entre Etats est l'absence d'autorité au-dessus des hommes à "l'état de nature" et au dessus des Etats

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1994_num_44_2_394828


Quentin Skinner, Hobbes and Republican Liberty ,  Cambridge University Press, 2008

Sur la "cité" particulière qu' est celle de "l'honneur" chez Hobbes, lire Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la Justification. Les économies de la grandeur, Gallimard, 1991, p. 126-137 : "construction d'une grandeur fondée sur l'arbitraire des signes"


Podcast :

Quentin Skinner on Hobbes :

http://nigelwarburton.typepad.com/philosophy_bites/2007/10/quentin-skinner.html

  






For it can never be that Warre shall preserve life, and Peace destroy it."
(LEVIATHAN CHAP. XV)

 (TEXTE DU "PROJECT GUTEMBERG" : http://www.gutenberg.org/etext/3207)
hobbes


 

Frontispice du De Cive de Hobbes (Paris 1642)

En bas à gauche "Dominium", le pouvoir politique et une société régulée.
En bas à droite "Libertas" et des groupes en guerre.

(sur ce texte voir l'ouvrage de  Quentin Skinner, qui m'a fait connaître cette image, dont une part est consacrée à l'iconographie de Hobbes)

Introduction

Hobbes théoricien de l'absolutisme et de l'individualisme



  I Naturalisme politique et artificialisme : Hobbes vs Aristote



a) Hobbes refuse l'idée que la souverainté reposerait sur un droit issue de la conquête.

(les Normands vainqueurs des Saxons à la bataille d'Hastings en 1066 : Guillaume le Conquérant).

Il propose une théorie rationnelle de la souveraineté.



b) Le statut de l'état de nature : étape ou moment logique

En tout cas les théories du contrat s’opposent aux théories « naturalistes ».


Qu'est-ce qu'un contrat ? Accord volontaire entre deux individus (ou institutions considérées comme individu) qui prennent un engagement réciproque (par exemple que l'un livrera tel produit en telle quantité et à tel prix à une certaine date à l'autre, d'être fidèle sexuellement l'un à l'autre, de rendre quelque chose qui a été prêté...)


Aristote : l’homme est un animal social, politique :  "zoon politicon"


Hobbes : l'homme n'est pas un "animal politique"

La plupart de ceux qui ont écrit touchant les républiques, supposent ou demandent, comme une chose qui ne leur doit pas être refusée, que l'homme est un animal politique,
"zoon politicon"  selon le langage des Grecs, né avec une certaine disposition naturelle à la société. Sur ce fondement-là ils bâtissent la doctrine civile; de sorte que pour la conservation de la paix, et pour la conduite de tout le genre humain, il ne faut plus rien sinon que les hommes s'accordent et conviennent de l'observation de certains pactes et conditions, auxquelles alors ils donnent le titre de lois. Cet axiome, quoique reçu si communément, ne laisse pas d'être faux, et l'erreur vient d'une trop légère contemplation de la nature humaine


Du citoyen, livre I, chap. I, 2


Hobbes : l’homme est un loup pour l’homme : "homo homini lupus"



c) Les théories du contrat font de l’individu l’élément constitutif de la société (et non, par exemple, la famille)

Qu'est-ce qu'un contrat ? Accord volontaire entre deux individus (ou institutions considérées comme individu) qui prennent un engagement réciproque (par exemple que l'un livrera tel produit en telle quantité et à tel prix à une certaine date à l'autre, d'être fidèle sexuellement l'un à l'autre, de rendre quelque chose qui a été prêté...)


II  ) La conservation de soi chez Hobbes (et Spinoza)


a) La recherche de la puissance conduit à la guerre

 
"A Restlesse Desire Of Power", In All Men

LEVIATHAN CHAP. IX

So that in the first place, I put for a generall inclination of all mankind, a perpetuall and restlesse desire of Power
after power, that ceaseth onely in Death. And the cause of this, is not alwayes that a man hopes for a more intensive delight, than he has already attained to; or that he cannot be content with a moderate power: but because he cannot assure the power and means to live well, which he hath present, without the acquisition of more. And from hence it is, that Kings, whose power is greatest, turn their endeavours to the assuring it a home by Lawes, or abroad by Wars: and when that is done, there succeedeth a new desire; in some, of Fame from new Conquest; in others, of ease and sensuall pleasure; in others, of admiration, or being flattered for excellence in some art, or other ability of the mind. 


b) le principe d'inertie  et le "power" chez Hobbes : le "power" est comparé à un corps qui accélère


POWER  Leviathan, Part. I, chap. X



The POWER of a Man, (to take it Universally,) is his present means, to obtain some future apparent Good. And is either Originall, or Instrumentall.

Naturall Power, is the eminence of the Faculties of Body, or Mind: as extraordinary Strength, Forme, Prudence, Arts, Eloquence, Liberality, Nobility. Instrumentall are those Powers, which acquired by these, or by fortune, are means and Instruments to acquire more: as Riches, Reputation, Friends, and the Secret working of God, which men call Good Luck. For the nature of Power, is in this point, like to Fame, increasing as it proceeds; or like the motion of heavy bodies, which the further they go, make still the more hast.


  c) le "conatus" chez Spinoza : "chaque être s'efforce ce perseverer dans son être" ("Unaquaeque res quantum est in se perseverare conatur" : on parle donc du "conatus "comme désir de se maintenir dans l'être.

III) L'égalité de tous dans la nature

A) l'état de nature comme "guerre de tous contre tous" son statut. Historique/Logique ? Passé/ Présent ?  Individus/groupes ?

Quatre  exemples : 

¤ Meurtre  fratricide d'Abel par Cain
¤
Les Américains en "petites familles"
¤
Les guerres civiles
 
¤Les Etats qui se préparent à la guerre. Ce dernier exemple est celui non d'une guerre mais d'un "état de guerre"


 
Ainsi  la guerre de tous contre tous est liée à une série de menaces toujours présentes dans l'Europe moderne

Hobbes guerre de tous contre tous

hobbes guerre latin
Hobbes, Les éléments de philosophie. Frontispice de 164200

imperium libertas

(sur le cartouche texte Proverbes 15 "
By me kings reign, and princes decree justice." (King James Bible)

+ elle n'est pas un affrontement entre deux armées mais un situation  de violences potentielles


Hobbes, Leviathan, CHAPTER XIII. OF THE NATURALL CONDITION OF MANKIND
Out Of Civil States,

There Is Alwayes Warre Of Every One Against Every One Hereby it is
manifest, that during the time men live without a common Power to keep
them all in awe, they are in that condition which is called Warre;
and such a warre, as is of every man, against every man. For WARRE,
consisteth not in Battell onely, or the act of fighting; but in a tract
of time, wherein the Will to contend by Battell is sufficiently known:
and therefore the notion of Time, is to be considered in the nature of
Warre; as it is in the nature of Weather. For as the nature of Foule
weather, lyeth not in a showre or two of rain; but in an inclination
thereto of many dayes together: So the nature of War, consisteth not in
actuall fighting; but in the known disposition thereto, during all the
time there is no assurance to the contrary. All other time is PEACE.

b) L’épreuve de l'hostilité généralisée :  absence de sûreté

 Les trois types de conflit qu'on trouve dans la nature humaine (Leviathan, chap. XIII)
Causes de compétition entre les hommes But du combat
Usage de la violence pour
Profit competition 
Se rendre maître d’autres hommes, femmes, enfants et bétails
Defiance  
Sécurité Pour défendre ceux-ci
Gloire
Réputation  Pour des bagatelles (trifles) : un mot, un sourire, une opintion différente qui les sous estime,  soit eux même dans leur personne,  soit par projection, qui sous estime leur famille, leurs amis, leur nation, leur profession, leur nom




c) l'impossible supériorité de l'un sur l'autre à l'état de nature

Et certainement il est également vrai, et qu'un homme est un dieu à un autre homme, et qu'un homme est aussi un loup à un autre homme.

 

  1) L’homme  « enfant robuste et méchant »   (Le Citoyen). Dans l'état de nature tous les hommes sont égaux car chacun a assez de force pour tuer l'autre et aucun n'est assez fort pour se protéger en permanence. Donc pas d'asymétrie de forces, des petites différences qui ne permettent pas l'émergence d'un souverain, d'une autorité
 
  2) "La guerre de tous contre tous" (bellum omnium contra omnes)
Elle n'est pas un affrontement entre deux armées mais un situation  de violences potentielles : une tendance ("inclination") à la guerre






IV) l'optimisme de Hobbes et la possibilité de la société civile

A) Le calcul rationnel d'individus chez Hobbes : le passage de « l’état de nature » à la « société civile », qui apporte

1) la sécurité

2) la possiblité du bien être (welfare)

B) Le souverain (individu ou collectif).

Il existe plusieurs formes de souveraineté où le plus faible, le vaincu, reconnait son infériorité.  (chap. 20 du Léviathan)
- Par institution : un représentant
- Par acquisition : un conquérant.
- Par dépendance : mère de l'enfant

Ce dernier exemple montre que le souverain pour Hobbes n'est pas doué d'une toute puissance arbitraire. Il est un législateur auquel on doit obéir (avec des limites : s'il veut vous obliger à faire la guerre vous pouvez trouver un remplaçant mais si vous vous êtes engagé vous ne pouvez abandonner votre poste). Il doit être souverain temporel (le glaive) et spirituel (la crosse d'évêque)

C) Hobbes penseur de « l’absolutisme », mais l'homme garde un droit à la vie qui est inaliénable

D) L'unité du pouvoir comme condition de la société civile selon Hobbes : il faut éviter la division, la guerre dans la société





Frontispice du Leviathan de Hobbes


 

Etat et Eglise dans le frontispice du Leviathan de Hobbes : Le "corps politique" (qui rassemble tous les citoyens et qui assure leur unité) porte une couronne royale et il a en main et le glaive, pouvoir temporel, et la crosse, pouvoir spirituel. Le paysage sous lui montre des une ville fortifiée avec des églises, des gens paisibles. Le "Léviathan" sort de la mer comme selon le texte de Job

Dans la partie basse du frontispice on voit deux colonnes de cinq lignes de part et d'autre du titre l'une sous le glaive et l'autre sous la crosse de la partie haute :

côté du glaive (Etat)
         Leviathan
côté  de la crosse (Eglise)
château

or
The Matter, Forme,
église

couronne

and Power of a common mitre

canon
wealth Ecclesiasticall
and Civil
tonnerre

trophée militaire

by Thomas Hobbes
of Malmesbury
argumentation scolastique

bataille

London
Printed for Andrew Crooke
1651
cours éclésiastique catholique




Conclusion


a) la "reconnaissance" chez Hegel

b) La relation spéculaire chez Lacan

c) Blessure narcissique et agressivité



Introduction

Leviathan (1651)
Introduction

Leviathan

Nature (the art whereby God hath made and governs the world) is by the art of man, as in many other things, so in this also imitated, that it can make an artificial animal. For seeing life is but a motion of limbs, the beginning whereof is in some principal part within, why may we not say that all automata (engines that move themselves by springs and wheels as doth a watch) have an artificial life? For what is the heart, but a spring; and the nerves, but so many strings; and the joints, but so many wheels, giving motion to the whole body, such as was intended by the Artificer? Art goes yet further, imitating that rational and most excellent work of Nature, man. For by art is created that great LEVIATHAN called a COMMONWEALTH, or STATE (in Latin, CIVITAS), which is but an artificial man, though of greater stature and strength than the natural, for whose protection and defence it was intended; and in which the sovereignty is an artificial soul, as giving life and motion to the whole body; the magistrates and other officers of judicature and execution, artificial joints; reward and punishment (by which fastened to the seat of the sovereignty, every joint and member is moved to perform his duty) are the nerves, that do the same in the body natural; the wealth and riches of all the particular members are the strength; salus populi (the people's safety) its business; counsellors, by whom all things needful for it to know are suggested unto it, are the memory; equity and laws, an artificial reason and will; concord, health; sedition, sickness; and civil war, death. Lastly, the pacts and covenants, by which the parts of this body politic were at first made, set together, and united, resemble that fiat, or the Let us make man, pronounced by God in the Creation.






To describe the nature of this artificial man, I will consider
First, the matter thereof, and the artificer; both which is man.
Secondly, how, and by what covenants it is made; what are the rights and just power or authority of a sovereign; and what it is that preserveth and dissolveth it.
Thirdly, what is a Christian Commonwealth.
Lastly, what is the Kingdom of Darkness.

La nature (l'art par lequel Dieu a fait le monde et le gouverne) est si bien imitée par l’art de l'homme, en ceci comme en de nombreuses autres choses, que cet art peut  fabriquer un animal artificiel. Car, étant donné que la vie n'est rien d'autre qu'un mouvement de membres, dont le commencement est en quelque partie principale   intérieure, pourquoi ne pourrions-nous pas dire que tous les automates (des engins   qui se meuvent eux-mêmes , par des ressorts et des roues, comme une montre  ) ont une vie artificielle ? Car qu'est-ce que le coeur, sinon un ressort, les nerfs, sinon de nombreux fils  , et les jointures  , sinon autant de nombreuses roues qui donnent du mouvement au corps entier, comme cela a été  voulu par l'artisan. L'art va encore plus loin, imitant cet ouvrage raisonnable et le plus excellent de la Nature , l'homme. Car par l'art est créé ce grand LEVIATHAN appelé RÉPUBLIQUE , ou ÉTAT (en latin, CIVITAS), qui n'est rien d'autre qu'un homme artificiel, quoique d'une stature et d'une force supérieures à celles de l'homme naturel, pour la protection et la défense duquel il a été destiné, et en lequel la souveraineté est une âme artificielle, en tant qu'elle donne vie et mouvement au corps entier, où les magistrats et les autres officiers  affectés au jugement et à l'exécution sont des jointures artificielles, la récompense et la punition (qui, attachées au siège de la souveraineté, meuvent chaque jointure, chaque membre pour qu'il accomplisse son devoir) sont les nerfs, et [tout] cela s'accomplit comme dans le corps naturel : la prospérité et la richesse de tous les membres particuliers sont la force, le salus populi (la protection du peuple ) est sa fonction, les conseillers, qui lui proposent toutes les choses qu'il doit connaître, sont la mémoire, l'équité et les lois sont une raison et une volonté artificielles, la concorde est la santé, la sédition est la maladie, et la guerre civile est la mort. En dernier, les pactes et les conventions, par lesquels les parties de ce corps politique ont en premier lieu étaient faites, réunies et unifiées , ressemblent à ce Fiat ou au Faisons l'homme prononcé par Dieu lors de la création  .

Pour décrire la nature de cet homme artificiel, je considérerai :
* Premièrement, la matière de cet homme artificiel, et l'artisan, les deux étant l'homme.
* Deuxièmement, comment et par quelles conventions   il est fait; quels sont les droits et le juste pouvoir d'un souverain, et ce qui le conserve et le détruit  .
* Troisièmement, ce qu'est une République chrétienne  .
* Enfin, ce qu'est le royaume des ténèbres








CHAPTER XIII. OF THE NATURALL CONDITION OF MANKIND




From Diffidence Warre

And from this diffidence of one another, there is no way for any man to
secure himselfe, so reasonable, as Anticipation; that is, by force, or
wiles, to master the persons of all men he can, so long, till he see no
other power great enough to endanger him: And this is no more than his
own conservation requireth, and is generally allowed. Also because there
be some, that taking pleasure in contemplating their own power in
the acts of conquest, which they pursue farther than their security
requires; if others, that otherwise would be glad to be at ease within
modest bounds, should not by invasion increase their power, they would
not be able, long time, by standing only on their defence, to subsist.
And by consequence, such augmentation of dominion over men, being
necessary to a mans conservation, it ought to be allowed him.

Againe, men have no pleasure, (but on the contrary a great deale of
griefe) in keeping company, where there is no power able to over-awe
them all. For every man looketh that his companion should value him, at
the same rate he sets upon himselfe: And upon all signes of contempt,
or undervaluing, naturally endeavours, as far as he dares (which amongst
them that have no common power, to keep them in quiet, is far enough
to make them destroy each other,) to extort a greater value from his
contemners, by dommage; and from others, by the example.

So that in the nature of man, we find three principall causes of
quarrel. First, Competition; Secondly, Diffidence; Thirdly, Glory.

The first, maketh men invade for Gain; the second, for Safety; and
the third, for Reputation. The first use Violence, to make themselves
Masters of other mens persons, wives, children, and cattell; the second,
to defend them; the third, for trifles, as a word, a smile, a different
opinion, and any other signe of undervalue, either direct in their
Persons, or by reflexion in their Kindred, their Friends, their Nation,
their Profession, or their Name.




Out Of Civil States,

There Is Alwayes Warre Of Every One Against Every One Hereby it is
manifest, that during the time men live without a common Power to keep
them all in awe, they are in that condition which is called Warre;
and such a warre, as is of every man, against every man. For WARRE,
consisteth not in Battell onely, or the act of fighting; but in a tract
of time, wherein the Will to contend by Battell is sufficiently known:
and therefore the notion of Time, is to be considered in the nature of
Warre; as it is in the nature of Weather. For as the nature of Foule
weather, lyeth not in a showre or two of rain; but in an inclination
thereto of many dayes together: So the nature of War, consisteth not in
actuall fighting; but in the known disposition thereto, during all the
time there is no assurance to the contrary. All other time is PEACE.




The Incommodites Of Such A War

Whatsoever therefore is consequent to a time of Warre, where every man
is Enemy to every man; the same is consequent to the time, wherein men
live without other security, than what their own strength, and their
own invention shall furnish them withall. In such condition, there is
no place for Industry; because the fruit thereof is uncertain; and
consequently no Culture of the Earth; no Navigation, nor use of the
commodities that may be imported by Sea; no commodious Building; no
Instruments of moving, and removing such things as require much force;
no Knowledge of the face of the Earth; no account of Time; no Arts; no
Letters; no Society; and which is worst of all, continuall feare, and
danger of violent death; And the life of man, solitary, poore, nasty,
brutish, and short.

It may seem strange to some man, that has not well weighed these things;
that Nature should thus dissociate, and render men apt to invade,
and destroy one another: and he may therefore, not trusting to this
Inference, made from the Passions, desire perhaps to have the same
confirmed by Experience. Let him therefore consider with himselfe, when
taking a journey, he armes himselfe, and seeks to go well accompanied;
when going to sleep, he locks his dores; when even in his house he
locks his chests; and this when he knows there bee Lawes, and publike
Officers, armed, to revenge all injuries shall bee done him; what
opinion he has of his fellow subjects, when he rides armed; of his
fellow Citizens, when he locks his dores; and of his children, and
servants, when he locks his chests. Does he not there as much accuse
mankind by his actions, as I do by my words? But neither of us accuse
mans nature in it. The Desires, and other Passions of man, are in
themselves no Sin. No more are the Actions, that proceed from those
Passions, till they know a Law that forbids them; which till Lawes be
made they cannot know: nor can any Law be made, till they have agreed
upon the Person that shall make it.

It may peradventure be thought, there was never such a time, nor
condition of warre as this; and I believe it was never generally so,
over all the world: but there are many places, where they live so now.
For the savage people in many places of America, except the government
of small Families, the concord whereof dependeth on naturall lust, have
no government at all; and live at this day in that brutish manner, as
I said before. Howsoever, it may be perceived what manner of life there
would be, where there were no common Power to feare; by the manner of
life, which men that have formerly lived under a peacefull government,
use to degenerate into, in a civill Warre.

But though there had never been any time, wherein particular men were in
a condition of warre one against another; yet in all times, Kings, and
persons of Soveraigne authority, because of their Independency, are
in continuall jealousies, and in the state and posture of Gladiators;
having their weapons pointing, and their eyes fixed on one another;
that is, their Forts, Garrisons, and Guns upon the Frontiers of their
Kingdomes; and continuall Spyes upon their neighbours; which is a
posture of War. But because they uphold thereby, the Industry of their
Subjects; there does not follow from it, that misery, which accompanies
the Liberty of particular men.




In Such A Warre, Nothing Is Unjust

To this warre of every man against every man, this also is consequent;
that nothing can be Unjust. The notions of Right and Wrong, Justice and
Injustice have there no place. Where there is no common Power, there is
no Law: where no Law, no Injustice. Force, and Fraud, are in warre the
two Cardinall vertues. Justice, and Injustice are none of the Faculties
neither of the Body, nor Mind. If they were, they might be in a man that
were alone in the world, as well as his Senses, and Passions. They
are Qualities, that relate to men in Society, not in Solitude. It is
consequent also to the same condition, that there be no Propriety, no
Dominion, no Mine and Thine distinct; but onely that to be every mans
that he can get; and for so long, as he can keep it. And thus much
for the ill condition, which man by meer Nature is actually placed in;
though with a possibility to come out of it, consisting partly in the
Passions, partly in his Reason.



The Passions That Incline Men To Peace

The Passions that encline men to Peace, are Feare of Death; Desire of
such things as are necessary to commodious living; and a Hope by their
Industry to obtain them. And Reason suggesteth convenient Articles of
Peace, upon which men may be drawn to agreement. These Articles, are
they, which otherwise are called the Lawes of Nature: whereof I shall
speak more particularly, in the two following Chapters.










Le calcul rationnel d'individus chez Hobbes : le passage de « l’état de nature » à la « société civile »

Chapter XIV: Of the First and Second Natural Laws, and of Contracts
http://oregonstate.edu/instruct/phl302/texts/hobbes/leviathan-c.html#CHAPTERXIV
Première partie : De l’homme
Chapitre XIV

De la première et de la seconde
Lois naturelles, et des Contrats
http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan.html
If a covenant be made wherein neither of the parties perform presently, but trust one another, in the condition of mere nature (which is a condition of war of every man against every man) upon any reasonable suspicion, it is void: but if there be a common power set over them both, with right and force sufficient to compel performance, it is not void. For he that performeth first has no assurance the other will perform after, because the bonds of words are too weak to bridle men's ambition, avarice, anger, and other passions, without the fear of some coercive power; which in the condition of mere nature, where all men are equal, and judges of the justness of their own fears, cannot possibly be supposed. And therefore he which performeth first does but betray himself to his enemy, contrary to the right he can never abandon of defending his life and means of living.



But in a civil estate, where there a power set up to constrain those that would otherwise violate their faith, that fear is no more reasonable; and for that cause, he which by the covenant is to perform first is obliged so to do.

The cause of fear, which maketh such a covenant invalid, must be always something arising after the covenant made, as some new fact or other sign of the will not to perform, else it cannot make the covenant void. For that which could not hinder a man from promising ought not to be admitted as a hindrance of performing.


He that transferreth any right transferreth the means of enjoying it, as far as lieth in his power. As he that selleth land is understood to transfer the herbage and whatsoever grows upon it; nor can he that sells a mill turn away the stream that drives it. And they that give to a man the right of government in sovereignty are understood to give him the right of levying money to maintain soldiers, and of appointing magistrates for the administration of justice.

To make covenants with brute beasts is impossible, because not understanding our speech, they understand not, nor accept of any translation of right, nor can translate any right to another: and without mutual acceptation, there is no covenant.

To make covenant with God is impossible but by mediation of such as God speaketh to, either by revelation supernatural or by His lieutenants that govern under Him and in His name: for otherwise we know not whether our covenants be accepted or not. And therefore they that vow anything contrary to any law of nature, vow in vain, as being a thing unjust to pay such vow. And if it be a thing commanded by the law of nature, it is not the vow, but the law that binds them.

Si une convention est faite de telle façon qu'aucune des parties ne s'exécute tout de suite, car chacune fait confiance à l'autre, dans l'état de nature (qui est un état de guerre de tout homme contre homme), au [moindre] soupçon bien fondé , cette convention est nulle. Mais si existe un pouvoir commun institué au-dessus des deux parties, avec une force et un droit suffisants pour les contraindre à s'exécuter, la convention n'est pas nulle. Car celui qui s'exécute le premier n'a aucune assurance que l'autre s'exécutera après, parce que les liens créés par les mots sont trop faibles pour brider, chez les hommes, l'ambition, la cupidité, la colère et les autres passions, sans la crainte de quelque pouvoir coercitif qu'il n'est pas possible de supposer   dans l'état de simple nature, où tous les hommes sont égaux, et juges du bien-fondé   de leurs propres craintes. C'est pourquoi celui qui s'exécute le premier ne fait que se livrer  à son ennemi, contrairement au droit, qu'il ne peut jamais abandonner, de défendre sa vie et ses moyens de vivre.

Mais dans un état civil, où existe un pouvoir institué pour contraindre ceux qui, autrement, violeraient leur parole, cette crainte n'est plus raisonnable; et pour cette raison  , celui qui, selon la convention, doit s'exécuter le premier, est obligé de le faire.

La cause de crainte, qui rend une telle convention invalide, doit toujours être quelque chose qui se produit après que la convention a été faite, comme quelque nouveau fait ou quelque autre signe de la volonté de ne pas s'exécuter  . Autrement, la convention demeure valide, car on ne doit pas admettre que ce qui n'a pas pu empêcher un homme de promettre puisse l'empêcher de s'exécuter.

Celui qui transmet un droit transmet les moyens d'en jouir, dans la mesure où c'est en son pouvoir. Par exemple, celui qui vend un terrain est censé transmettre l'herbe et tout ce qui y pousse; De même, celui qui vend un moulin ne peut pas détourner le cours d'eau qui le fait fonctionner. Et ceux qui donnent un homme le droit de gouverner comme souverain sont censés lui donner le droit de lever des impôts pour entretenir des troupes et nommer des magistrats pour l'administration de la justice.

Faire des conventions avec des bêtes brutes est impossible parce que, ne compre-nant notre langage, elles ne comprennent et n'acceptent aucun transfert de droit, ni ne peuvent transférer un droit à un autre; et   sans acceptation mutuelle, il n'y a pas de convention.
Faire une convention avec Dieu est impossible, sinon par l'intermédiaire de ceux à qui Dieu parle, soit par révélation surnaturelle, soit par ses lieutenants qui gouvernent sous lui et en son nom, car autrement, nous ne savons pas si nos conventions sont acceptées ou non. Et c'est pourquoi ceux qui jurent quelque chose de contraire à une loi de nature, jurent en vain, car c'est une chose injuste de s'acquitter de ce qu'on a pu ainsi jurer . Et si c'est une chose ordonnée par la loi de nature, ce n'est pas le fait d'avoir juré, mais la loi, qui les lie  .






SPINOZA

E T H I C E S

P A R S   T E R T I A

DE ORIGINE ET NATURA AFFECTUUM.

http://users.telenet.be/rwmeijer/spinoza/indexfr.htm



PROPOSITIO IV. Nulla res nisi a causa externa potest destrui.

DEMONSTRATIO. Haec propositio per se patet. Definitio enim cuiuscumque rei ipsius rei essentiam affirmat, sed non negat; sive rei essentiam ponit, sed non tollit. Dum itaque ad rem ipsam tantum, non autem ad causas externas attendimus, nihil in eadem poterimus invenire, quod ipsam possit destruere. Q.E.D.



PROPOSITIO V. Res eatenus contrariae sunt naturae, hoc est, eatenus in eodem subiecto esse nequeunt, quatenus una alteram potest destruere.

DEMONSTRATIO. Si enim inter se convenire vel in eodem subiecto simul esse possent, posset ergo in eodem subiecto aliquid dari, quod ipsum posset destruere, quod (per prop. praeced.) est absurdum. Ergo res etc. Q.E.D.

PROPOSITIO VI. Unaquaeque res, quantum in se est, in suo esse perseverare conatur.

DEMONSTRATIO. Res enim singulares modi sunt, quibus Dei attributa certo et determinato modo exprimuntur (per coroll. prop. 25. P. 1.), hoc est (per prop. 34. P. 1.) res, quae Dei potentiam qua Deus est et agit, certo et determinato modo exprimunt. Neque ulla res aliquid in se habet, a quo possit destrui, sive quod eius existentiam tollat (per prop. 4. huius); sed contra ei omni, quod eiusdem existentiam potest tollere, opponitur (per prop. praeced.). Adeoque quantum potest et in se est, in suo esse perseverare conatur. Q.E.D.

PROPOSITIO VII. Conatus, quo unaquaeque res in suo esse perseverare conatur, nihil est praeter ipsius rei actualem essentiam.

DEMONSTRATIO. Ex data cuiuscumque rei essentia quaedam necessario sequuntur (per prop. 36. P. 1.), nec res aliud possunt, quam id quod ex determinata earum natura necessario sequitur (per prop. 29. P. 1.). Quare cuiuscumque rei potentia sive conatus, quo ipsa vel sola vel cum aliis quidquam agit, vel agere conatur, hoc est (per prop. 6. huius) potentia sive conatus, quo in suo esse perseverare conatur, nihil est praeter ipsius rei datam sive actualem essentiam. Q.E.D.

PROPOSITIO VIII. Conatus, quo unaquaeque res in suo esse perseverare conatur, nullum tempus finitum, sed indefinitum involvit.

DEMONSTRATIO. Si enim tempus limitatum involveret, quod rei durationem determinaret, tum ex sola ipsa potentia, qua res existit, sequeretur, quod res post limitatum illud tempus non posset existere, sed quod deberet destrui. Atqui hoc (per prop. 4. huius) est absurdum. Ergo conatus, quo res existit, nullum tempus definitum involvit, sed contra, quoniam (per eandem prop. 4. huius) si a nulla externa causa destruatur, eadem potentia, qua iam existit, existere perget semper, ergo hic conatus tempus indefinitum involvit. Q.E.D
PROPOSITION IV Aucune chose ne peut être détruite que par une cause extérieure.

Démonstration : Cette proposition est évidente par elle-même ; car la définition d'une chose quelconque contient l'affirmation et non la négation de l'essence de cette chose ; en d'autres termes, elle pose son essence, elle ne la détruit pas. Donc, tant que l'on considérera seulement la chose, abstraction faite de toute cause extérieure, on ne pourra rien trouver en elle qui soit capable de la détruire. C. Q. F. D.
 
PROPOSITION V
Deux choses sont de nature contraire ou ne peuvent exister en un même sujet, quand l'une peut détruire l'autre.
Démonstration : Car si ces deux choses pouvaient se convenir ou exister ensemble dans un même sujet, il pourrait donc y avoir en un sujet quelque chose qui fût capable de le détruire, ce qui est absurde (par la Propos. précéd.). Donc, etc. C. Q. F. D.
 
PROPOSITION VI
Toute chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être.

Démonstration : En effet, les choses particulières sont des modes qui expriment les attributs de Dieu d'une certaine façon déterminée (par le Corollaire de la Propos. 25, partie 1), c'est-à-dire (par la Propos. 34, partie 1) des choses qui expriment d'une certaine façon déterminée la puissance divine par qui Dieu est et agit. De plus, aucune chose n'a en soi rien qui la puisse détruire, rien qui supprime son existence (par la Propos. 4, partie 3) ; au contraire, elle est opposée à tout ce qui peut détruire son existence (par la Propos. précéd.), et par conséquent, elle s'efforce, autant qu'il est en elle, de persévérer dans son être. C. Q. F. D.
 
PROPOSITION VII
L'effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n'est rien de plus que l'essence actuelle de cette chose.
Démonstration : L'essence d'un être quelconque étant donnée, il en résulte nécessairement certaines choses (par la Propos. 36, partie 1) ; et tout être ne peut rien de plus que ce qui suit nécessairement de sa nature déterminée (par la Propos. 29, partie 1). Par conséquent, la puissance d'une chose quelconque, ou l'effort par lequel elle agit ou tend à agir, seule ou avec d'autres choses, en d'autres termes (par la Propos. 6, partie 3), la puissance d'une chose, ou l'effort par lequel elle tend à persévérer dans son être, n'est rien de plus que l'essence donnée ou actuelle de cette chose. C. Q. F. D.
 
PROPOSITION VIII
L'effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n'enveloppe aucun temps fini, mais un temps indéfini.
Démonstration : Si, en effet, il enveloppait un temps limité, qui déterminât la durée de la chose, il s'ensuivrait de cette puissance même par laquelle la chose existe, qu'après un certain temps elle ne pourrait plus exister et devrait être détruite. Or, cela est absurde (par la Propos. 4, partie 3) ; donc l'effort par lequel une chose existe n'enveloppe aucun temps déterminé ; mais, au contraire, puisque cette chose (en vertu de cette même Propos.), si elle n'est détruite par aucune cause extérieure, devra, par cette même puissance qui la fait être, toujours continuer d'être, il s'ensuit que l'effort dont nous parlons enveloppe un temps indéfini. C. Q. F. D.


Extrait de Jacques LACAN, Communication  au congrès international de psychanalyse, à Zürich, le 17 Juillet 1949
Le stade du miroir comme formateur de la fonction du "Je"


C'est ce moment qui décisivement fait basculer tout le savoir humain dans la médiatisation par le désir de l'autre, constitue ses objets dans une équivalence abstraite par la concurrence d'autrui, et fait du je cet appareil pour lequel toute poussée des instincts sera un danger, répondît-elle à une maturation naturelle, - la normalisation même de cette maturation dépendant dès lors chez l'homme d'un truchement culturel : comme il se voit pour l'objet sexuel dans le complexe d'Oedipe. Le terme de narcissisme primaire par quoi la doctrine désigne l'investissement libidinal propre à ce moment, révèle chez ses inventeurs, au jour de notre conception, le plus profond sentiment des latences de la sémantique. Mais elle éclaire aussi l'opposition dynamique qu'ils ont cherché à définir, de cette libido à la libido sexuelle, quand ils ont invoqué des instincts de destruction, voire de mort, pour expliquer la relation évidente de la libido narcissique à la fonction aliénante du je, à l'agressivité qui s'en dégage dans toute relation à l'autre, fût-ce celle de l'aide la plus samaritaine.
C'est qu'ils ont touché à cette négativité existentielle, dont la réalité est si vivement promue par la philosophie contemporaine de l'être et du néant.

Le stade du miroir chez Lacan présenté par Merleau-Ponty


Maurice Merleau-Ponty, Les relations à autrui chez l’enfant, éd. Les cours de la Sorbonne, pp.55-57.
 
 “La compréhension de l’image spéculaire consiste, chez l’enfant, à reconnaître pour sienne cette apparence visuelle qui est dans le miroir. Jusqu’au moment où l’image spéculaire intervient, le corps pour l’enfant est une réalité fortement sentie, mais confuse. Reconnaître son visage dans le miroir, c’est pour lui apprendre qu’il peut y avoir un spectacle de lui-même. Jusque là il ne s’est jamais vu, ou il ne s’est qu’entrevu du coin de l’œil en regardant les parties de son corps qu’il peut voir. Par l’image dans le miroir il devient spectateur de lui-même. Par l’acquisition de l’image spéculaire l’enfant s’aperçoit qu’il est visible et pour soi et pour autrui. Le passage du moi interoceptif au ” je spéculaire “, comme dit encore Lacan, c’est le passage d’une forme ou d’un état de la personnalité à un autre. La personnalité avant l’image spéculaire, c’est ce que les psychanalystes appellent chez l’adulte le soi, c’est-à-dire l’ensemble des pulsions confusément senties. L’image du miroir, elle, va rendre possible une contemplation de soi-même, en termes psychanalytiques d’un sur-moi, que d’ailleurs cette image soit explicitement posée, ou qu’elle soit simplement impliquée par tout ce que je vis à chaque minute. On comprend alors que l’image spéculaire prenne pour les psychanalystes l’importance qu’elle a justement dans la vie de l’enfant. Ce n’est pas seulement l’acquisition d’un nouveau contenu, mais d’une nouvelle fonction, la fonction narcissique. Narcisse est cet être mythique qui, à force de regarder son image dans l’eau, a été attiré comme par un vertige et a rejoint dans le miroir de l’eau son image. L’image propre en même temps qu’elle rend possible la connaissance de soi, rend possible une sorte d’aliénation : je ne suis plus ce que je me sentais être immédiatement, je suis cette image de moi que m’offre le miroir. Il se produit, pour employer les termes du docteur Lacan, une ” captation ” de moi par mon image spatiale. Du coup je quitte la réalité de mon moi vécu pour me référer constamment à ce moi idéal, fictif ou imaginaire, dont l’image spéculaire est la première ébauche. En ce sens je suis arraché à moi-même, et l’image du miroir me prépare à une autre aliénation encore plus grave, qui sera l’aliénation par autrui. Car de moi-même justement les autres n’ont que cette image extérieure analogue à celle qu’on voit dans le miroir, et par conséquent autrui m’arrachera à l’intimité immédiate bien plus sûrement que le miroir. L’image spéculaire, c’est ” la matrice symbolique, dit Lacan, où le je se précipite en une forme primordiale avant qu’il ne s’objective dans la dialectique de l’identification à l’autre. “

     M. Merleau-Ponty, Les relations à autrui chez l’enfant, éd. Les cours de la Sorbonne, pp.55-57.







"Homo homini lupus"

"L'homme est un loup pour l'homme"


Répères sur l'histoire de la formule


Plaute


La formule se trouve chez Plaute (254 -184 av. J.-C) auteur latin de comédie dans l'Asinaria. Un homme met pour condition au mariage de son fils qu'il puisse passer une nuit avec la jeune femme. Comme c'est une comédie, cet inceste n'aura pas lieu et tout se terminera bien...

 Mercator

Fortassis ! sed tamen me_numquam hodie induces, ut tibi credam hoc argentum ignoto._Lupus est homo homini, non homo, quom, qualis sit, non gnovit. 495

Plaute, Asinaria, Acte II, scène 4

Traduction

LE MARCHAND

Peut-être; mais tu ne me persuaderas point de te livrer cet argent sans savoir qui tu es. L'homme est un loup pour l’homme, et non un homme si c’est quelqu’un qu’on ne connaît pas.


Erasme

le grand humaniste de Rotterdam (1469-1536) a rédigé un receuil d'adages ou proverbes commentés qui a donnné lieu à des éditions diverses dont certaines sont beaucoup plus longues que d'autres. J'ai fait des recherches dans quatre éditions.

Dans une édition de 1514 on trouve l'expression "homo homini deus" ("l'homme est un dieu pour l'homme") [l'absence de majuscule est importante, quand dans le même texte Erasme parle du Dieu chrétien il y y a une majuscule], commentée longument .

Et à la suite l'expression "homo homini lupus" d'abord en grec puis  l'objet d'un bref commentaire en latin avec reférence explicite à Plaute.

Texte de 1514 (Erasmi Roterodami Adagiorum Chiliades Tres, Tubingen):


                                                                       Homo homini lupus.
erasme1514
                   fit non nouit.

Dans une édtion de 1520 on trouve une entrée où apparait l'expression "l'homme est un dieu pour l'homme" ("homo homini deus"). Très clairement il s'agit d'un "dieu" pour les païens puique Erasme cite un celèbre fragment de Virgile (70-29 av. J.-C.)  : "deus nobis haec otia fecit" ("Un dieu nous a procuré ce repos"), (Bucolique I, v. 6) où "deus", le dieu est l'empereur romain Auguste.

 Il y a aussi dans cette éditon la formule de Plaute "homo homini lupus"; mais comme les deux formules ne se suivent pas et que le texte emploi le mot grec  "daimon" comme synonyme de "deus" l'effet de parallèle entre les deux formules ("l'homme est un dieu pour l'homme", "l'homme est un homme pour l'homme") est moins fort que dans d'autres  éditions.

erasme deus 1520


erasme lupus 1520


(La première ligne est la fomule de Plaute en écriture abrégée : le papier est cher en 1520 !.Et ici la formule n'est pas traduit en grec)


Texte légèrement différent  (le nom de la pièce de Plaute est précisé) dans une édition de 1540 à Lyon : Adagiorum opus Des Erasmi Roterodami

Texte repris et augmenté dans une édition de Florence en 1575, qui a la particulartié d'être préfacée par le pape Grégoire XIII et ne pas être présenté comme une oeuvre d'Erasme :

 Esrasme


Sources :

Pour l'édition de 1514 voir  :     Erasmus, Desiderius, Adagiorum Chiliades tres, ac centuriae fere totidem
(Tubingae : in aedibus Thomae Anshelmi Badensis, impensis prouidi uiri Lodouici Hornecken Coloniensis incolae), sur le site : "Les Bibliothèques virtuelles humanistes" http://www.bvh.univ-tours.fr/index.htm de l'Université François-Rabelais de Tours

Pour l'éditon de 1520, pour  l'édition de 1540 et pour l'édition de 1575 le site Gallica 2 de la BNF.


Hobbes

Dans la dédicace du De Cive (1642) qui écrit en latin et traduit en français sous le titre Du Citoyen par Sorbière en 1646, traduction revue par Hobbes on lit :

"Le peuple romain peu favorable envers les rois, et à cause de la mémoire du nom des Tarquins et par les lois de la République, disait autrefois par la bouche de Caton le Censeur, que tous les monarques étaient de la nature de ces animaux qui ne vivent que de rapine. Comme si ce même peuple qui a pillé presque tout le monde par ses Africains, ses Asiatiques, ses Macédoniques, ses Achaïques, et par ses autres citoyens renommés à cause des dépouilles qu'ils ont emportées de différentes nations, n'était pas une bête plus formidable ? De sorte que Pontius Telesinus n'avait pas moins de raison lorsque dans le combat qui se fit à la porte Colline contre Sylla, il s'écria passant au travers des rangs de ses soldats, qu'il fallait démolir la ville de Rome, parce qu'on trouverait toujours des loups ravissants qui envahiraient la liberté de l'Italie, si l’on n'abattait la forêt où ils avaient coutume de se retirer. Et certainement il est également vrai, et qu'un homme est un dieu à un autre homme, et qu'un homme est aussi un loup à un autre homme. L'un dans la comparaison des Citoyens les uns avec les autres; et l'autre dans la considération des Républiques; là, par le moyen de la Justice et de la Charité, qui sont les vertus de la paix, on s'approche de la ressemblance de Dieu; et ici, les désordres des méchants contraignent ceux mêmes qui sont les meilleurs de recourir, par le droit d'une légitime défense, à la force et à la tromperie, qui sont les vertus de la guerre, c'est-à-dire à la rapacité des bêtes farouches; laquelle, quoique les hommes, par une coutume qui est née avec eux, se l'imputent mutuellement à outrage, se représentant leurs actions dans la personne des autres ainsi que dans un miroir où les choses qui sont à la main gauche paraissent à la droite, et celles qui sont à la droite, à la gauche, n'est pas toutefois condamnée comme un vice par ce droit naturel qui dérive de la nécessité de sa propre conservation." (souligné par nous)




SPINOZA

L'ETHIQUE (TRADUCTION APPUHN), publié en 1677

LIVRE IV

PROPOSITIION XXXV Rien dans la nature des choses n’est plus utile à l’homme que l’homme lui-même, quand il vit selon la raison. Car ce qu’il y a de plus utile pour l’homme, c’est ce qui s’accorde le mieux avec sa nature , c’est à savoir, l’homme (cela est évident de soi). Or, l’homme agit absolument selon les lois de sa nature quand il vit suivant la raison, et à cette condition seulement la nature de chaque homme s’accorde toujours nécessairement avec celle d’un autre homme. Donc rien n’est plus utile à l’homme entre toutes choses que l’homme lui-même, etc. C. Q. F. D.



Nihil singulare in rerum natura datur quod homini sit utilius quam homo qui ex ductu rationis vivit. Nam id homini utilissimum est quod cum sua natura maxime convenit (per corollarium propositionis 31 hujus) hoc est (ut per se notum) homo. At homo ex legibus suæ naturæ absolute agit quando ex ductu rationis vivit (per definitionem 2 partis III) et eatenus tantum cum natura alterius hominis necessario semper convenit (per propositionem præcedentem) ; ergo homini nihil inter res singulares utilius datur quam homo etc. Q.E.D.


Proposition XXXV


Ce que nous venons de montrer, l’expérience le confirme par des témoignages si nombreux et si décisifs que c’est une parole répétée de tout le monde : L’homme est pour l’homme un Dieu. Il est rare pourtant que les hommes dirigent leur vie d’après la raison, et la plupart s’envient les uns les autres et se font du mal. Cependant, ils peuvent à peine supporter la vie solitaire, et cette définition de l’homme leur plaît fort : L’homme est un animal sociable. La vérité est que la société a beaucoup plus d’avantages pour l’homme qu’elle n’entraîne d’inconvénients. Que les faiseurs de satires se moquent donc tant qu’il leur plaira des choses humaines ; que les théologiens les détestent à leur gré, que les mélancoliques vantent de leur mieux la vie grossière des champs, qu’ils méprisent les hommes et prennent les bêtes en admiration ; l’expérience dira toujours aux hommes que des secours mutuels leur donneront une facilité plus grande à se procurer les objets de leurs besoins, et que c’est seulement en réunissant leurs forces qu’ils éviteront les périls qui les menacent de toutes parts. Mais je m’abstiens d’insister ici, pour montrer qu’il est de beaucoup préférable et infiniment plus digne de notre intelligence de méditer sur les actions des hommes que sur celles des bêtes. Tout cela sera développé plus tard avec étendue.



Quæ modo ostendimus, ipsa etiam experientia quotidie tot tamque luculentis testimoniis testatur ut omnibus fere in ore sit : hominem homini Deum esse. Fit tamen raro ut homines ex ductu rationis vivant sed cum iis ita comparatum est ut plerumque invidi atque invicem molesti sint. At nihilominus vitam solitariam vix transigere queunt ita ut plerisque illa definitio quod homo sit animal sociale, valde arriserit et revera res ita se habet ut ex hominum communi societate multo plura commoda oriantur quam damna. Rideant igitur quantum velint res humanas satyrici easque detestentur theologi et laudent quantum possunt melancholici vitam incultam et agrestem hominesque contemnant et admirentur bruta ; experientur tamen homines mutuo auxilio ea quibus indigent multo facilius sibi parare et non nisi junctis viribus pericula quæ ubique imminent, vitare posse ; ut jam taceam quod multo præstabilius sit et cognitione nostra magis dignum hominum quam brutorum facta contemplari. Sed de his alias prolixius.

SUR LE SITE "HYPER SPINOZA"

Rousseau

  L'homme à l'état de nature (ou le sauvage qui en est proche) n'est pas un loup pour l'homme, mais un loup (ou un ours) pour le loup (ou l'ours)

"Mettez un ours, ou un loup aux prises avec un sauvage robuste ; agile, courageux comme ils sont tous, armé de pierres, et d’un bon bâton, et vous verrez que le péril sera tout au moins réciproque, et qu’après plusieurs expériences pareilles, les bêtes féroces, qui n’aiment point à s’attaquer l’une à l’autre, s’attaqueront peu volontiers à l’homme, qu’elles auront trouvé tout aussi féroce qu’elles."

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes - Première partie


Freud

 le malaise dans la civilisation est lié à l'agressité de l'homme qui est une propriété de l'espère tout entière

"L'homme n'est pas un être doux, en besoin d'amour, qui serait tout au plus en mesure de se défendre quand il est attaqué, mais qu'au contraire il compte aussi à juste titre parmi ses aptitudes pulsionnelles une très forte part de penchant à l'agression. En conséquence de quoi, le prochain n'est pas seulement pour lui un aide et un objet sexuel possibles, mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d'exploiter sans dédommagement sa force de travail, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer: homo homini lupus ; qui donc, d'après toutes les expériences de la vie et de l'histoire, a le courage de contester cette maxime? Cette cruelle agression attend en règle générale une provocation ou se met au service d'une autre visée dont le but pourrait être atteint aussi par des moyens plus doux. Dans des circonstances qui lui sont favorables, lorsque sont absentes les contre-forces animiques qui d'ordinaire l'inhibent, elle se manifeste d'ailleurs spontanément, dévoilant dans l'homme la bête sauvage, à qui est étrangère l'idée de ménager sa propre espèce. Quiconque se remémore les atrocités de la migration des peuples, des invasions des Huns, de ceux qu'on appelait Mongols sous Gengis Khan et Tamerlan, de la conquête de Jérusalem par les pieux croisés, et même encore les horreurs de la dernière guerre mondiale ne pourra que s'incliner humblement devant la confirmation de cette conception par les faits."

Sigmund Freud, Le Malaise dans la culture (1930), trad. P Cotet, R. Lainé et J. Stute-Cadiot, Éd. PUF, coll. Quadrige, 3` éd. corrigée, 1998, pp. 53-54.

Lacan

parmi les "poncifs" il range : "Homo homini lupus"

Les complexes familaux dans la formation de l'individu (1938)  in Autres Ecrits,


Bibliographie : un article en ligne sur la possibilité de résoudre un conflit par une politique de "reconnaissance"

"Sauver la face, sauver la paix. La politique de reconnaissance dans les crises internationales"  3 janvier 2009, Revue du Mauss

http://www.journaldumauss.net/spip.php?article446

"Dans les quatre crises que je propose d’examiner, la plupart des décideurs ont davantage agi par sentiment de vulnérabilité que par sentiment d’opportunité. Les guerres effectivement déclenchées n’étaient pas inévitables. Ce qui caractérise ces crises qui ont culminé dans une guerre, c’est leur gestion contraire à une politique de reconnaissance. J’examine dans cette optique quatre grandes crises inter-étatiques, les unes au dénouement belliqueux (la guerre des Six Jours 1967, la guerre contre l’Irak 2003), les autres au dénouement pacifique (la crise de Cuba en 1962, la crise américano- libyenne de 1986 à 2004) afin de voir si une variation de la variable dépendante (la paix ou la guerre ) va de pair avec une variation de la variable indépendante (la présence ou l’absence d’une politique de reconnaissance).

Thomas Lindemann





cours  6) et 7) La formule de Clausewitz  : « la guerre continuation de la politique par d’autres moyens »



Bibliographie

 De la Guerre. traduction Naville, éd. de Minuit. (trad. intégrale)

De la Guerre, trad. Muriawiec, Perrin

Texte allemand : http://www.clausewitz.com/readings/VomKriege1832/TOC.htm

en anglais : http://www.clausewitz.com/readings/OnWar1873/TOC.htm

NOTE: This version of Clausewitz's On War is the long-obsolete J.J. Graham translation published in London in 1873. The 1976/84 Howard/Paret version is the  standard translation today, though for the most accurate text one should consult the 1943 Jolles translation.

R. Aron, Penser la guerre, Clausewitz, 2 tomes, Gallimard, 1976

CR par J. Freund in RFSP : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1976_num_17_4_4894

R. Girard, Achever Clausewitz, Champs, Essais, 2008

"La forme scientifique consiste à scruter l’essence (Wesen) des phénomènes (Erscheinung) de guerre, de montrer leur lien (Verbindung mit der Natur der Dinge) avec la nature de la chose »
 
Clausewitz.


I Situation de Clausewitz (1780-1831)

"Der Krieg einer Gemeinheit - ganzer Völker - und namentlich gebildeter Völker geht immer von einem politischen Zustande aus und wird nur durch ein politisches Motiv hervorgerufen. Er ist also ein politischer Akt."

(The war of a community—of whole nations and particularly of civilised nations—always starts from a political condition, and is called forth by a political motive. It is therefore a political act.)

De la Guerre, L. I, chap. I, § 23

a) les guerres du XVIIIe siècle opposées aux guerres de la Révolution et de l'Empire

b) La situation de la Prusse : la paix de Tilsitt (
1807)

c) Le nouvel ordre européen après 1815

d) la guerre nationale.
 

Digression sur la nation et sur la distinction empire, nation (à partir de Gellner)
La définition de l'Etat par Max Weber et la définition de la Nation par Gellner

L'Etat  : institution qui cherche à détenir le monopole de la violence physique  légitime sur un territoire donné. (pas distinction d'avec l'Elgise)

La Nation : structure qui chercher à détenir le monopole de la culture légitime sur un territoire  étatique donné ; son moyen l'école

Opposition empire argro-lettré et Etat-Nation. (Empire austro-hongrois avant 1914 et République Tchèque en 2014)




Ce n'est pas une très bonne traduction

Book I—On the Nature of War
Chapter I
What is War?
1. Introduction.
WE propose to consider first the single elements of our subject, then each branch or part, and, last of all, the whole, in all its relations—therefore to advance from the simple to the complex. But it is necessary for us to commence with a glance at the nature of the whole, because it is particularly necessary that in the consideration of any of the parts the whole should be kept constantly in view.

2. Definition.

We shall not enter into any of the abstruse definitions of war used by publicists. We shall keep to the element of the thing itself, to a duel. War is nothing but a duel on an extensive scale. If we would conceive as a unit the countless number of duels which make up a war, we shall do so best by supposing to ourselves two wrestlers. Each strives by physical force to compel the other to submit to his will: his first object is to throw his adversary, and thus to render him incapable of further resistance.

War therefore is an act of violence to compel our opponent to fulfil our will.

Violence arms itself with the inventions of Art and Science in order to contend against violence. Self-imposed restrictions, almost imperceptible and hardly worth mentioning, termed usages of International Law, accompany it without essentially impairing its power. Violence, that is to say physical force (for there is no moral force without the conception of states and law), is therefore the means; the compulsory submission of the enemy to our will is the ultimate object. In order to attain this object fully, the enemy must be disarmed; and this is, correctly speaking, the real aim of hostilities in theory. It takes the place of the final object, and puts it aside in a manner as something not properly belonging to war.

3. Utmost use of force.

Now, philanthropists may easily imagine there is a skilful method of disarming and overcoming an enemy without causing great bloodshed, and that this is the proper tendency of the art of War. However plausible this may appear, still it is an error which must be extirpated; for in such dangerous things as war, the errors which proceed from a spirit of benevolence are just the worst. As the use of physical power to the utmost extent by no means excludes the co-operation of the intelligence, it follows that he who uses force unsparingly, without reference to the quantity of bloodshed, must obtain a superiority if his adversary does not act likewise. By such means the former dictates the law to the latter, and both proceed to extremities, to which the only limitations are those imposed by the amount of counteracting force on each side.

This is the way in which the matter must be viewed; and it is to no purpose, and even acting against one's own interest, to turn away from the consideration of the real nature of the affair, because the coarseness of its elements excites repugnance.

If the wars of civilised people are less cruel and destructive than those of savages, the difference arises from the social condition both of states in themselves and in their relations to each other. Out of this social condition and its relations war arises, and by it war is subjected to conditions, is controlled and modified. But these things do not belong to war itself; they are only given conditions; and to introduce into the philosophy of war itself a principle of moderation would be an absurdity.

The fight between men consists really of two different elements, the hostile feeling and the hostile view. In our definition of war, we have chosen as its characteristic the latter of these elements, because it is the most general. It is impossible to conceive the passion of hatred of the wildest description, bordering on mere instinct, without combining with it the idea of a hostile intention. On the other hand, hostile intentions may often exist without being accompanied by any, or at all events, by any extreme hostility of feeling. Amongst savages views emanating from the feelings, amongst civilised nations those emanating from the understanding, have the predominance; but this difference is not inherent in a state of barbarism, and in a state of culture in themselves it arises from attendant circumstances, existing institutions, etc., and therefore is not to be found necessarily in all cases, although it prevails in the majority. In short, even the most civilised nations may burn with passionate hatred of each other.

We may see from this what a fallacy it would be to refer the war of a civilised nation entirely to an intelligent act on the part of the Government, and to imagine it as continually freeing itself more and more from all feeling of passion in such a way that at last the physical masses of combatants would no longer be required; in reality, their mere relations would suffice—a kind of algebraic action.

Theory was beginning to drift in this direction until the facts of the last war taught it better. If war is an act of force, it belongs necessarily also to the feelings. If it does not originate in the feelings, it re-acts more or less upon them, and this more or less depends not on the degree of civilisation, but upon the importance and duration of the interests involved.

Therefore, if we find civilised nations do not put their prisoners to death, do not devastate towns and countries, this is because their intelligence exercises greater influence on their mode of carrying on war, and has taught them more effectual means of applying force than these rude acts of mere instinct. The invention of gunpowder, the constant progress of improvements in the construction of firearms are sufficient proofs that the tendency to destroy the adversary which lies at the bottom of the conception of war, is in no way changed or modified through the progress of civilisation.

We therefore repeat our proposition, that war is an act of violence, which in its application knows no bounds; as one dictates the law to the other, there arises a sort of reciprocal action, which in the conception, must lead to an extreme. This is the first reciprocal action, and the first extreme with which we meet (first reciprocal action).

4.—The aim is to disarm the enemy.

We have already said that the aim of the action in war is to disarm the enemy, and we shall now show that this in theoretical conception at least is necessary.

If our opponent is to be made to comply with our will, we must place him in a situation which is more oppressive to him than the sacrifice which we demand; but the disadvantages of this position must naturally not be of a transitory nature, at least in appearance, otherwise the enemy, instead of yielding, will hold out, in the prospect of a change for the better. Every change in this position which is produced by a continuation of the war, should therefore be a change for the worse, at least, in idea. The worst position in which a belligerent can be placed is that of being completely disarmed. If, therefore, the enemy is to be reduced to submission by an act of war, he must either be positively disarmed or placed in such a position that he is threatened with it according to probability. From this it follows that the disarming or overthrow of the enemy, whichever we call it, must always be the aim of warfare. Now war is always the shock of two hostile bodies in collision, not the action of a living power upon an inanimate mass, because an absolute state of endurance would not be making war; therefore what we have just said as to the aim of action in war applies to both parties. Here then is another case of reciprocal action. As long as the enemy is not defeated, I have to apprehend that he may defeat me, then I shall be no longer my own master, but he will dictate the law to me as I did to him. This is the second reciprocal action and leads to a second extreme (second reciprocal action).

5.—Utmost exertion of powers.

If we desire to defeat the enemy, we must proportion our efforts to his powers of resistance. This is expressed by the product of two factors which cannot be separated, namely, the sum of available means and the strength of the will. The sum of the available means may be estimated in a measure, as it depends (although not entirely) upon numbers; but the strength of volition, is more difficult to determine, and can only be estimated to a certain extent by the strength of the motives. Granted we have obtained in this way an approximation to the strength of the power to be contended with, we can then take a review of our own means, and either increase them so as to obtain a preponderance, or in case we have not the resources to effect this, then do our best by increasing our means as far as possible. But the adversary does the same; therefore there is a new mutual enhancement, which in pure conception, must create a fresh effort towards an extreme. This is the third case of reciprocal action, and a third extreme with which we meet (third reciprocal action).

6.—Modification in the reality.

Thus reasoning in the abstract, the mind cannot stop short of an extreme, because it has to deal with an extreme, with a conflict of forces left to themselves, and obeying no other but their own inner laws. If we should seek to deduce from the pure conception of war an absolute point for the aim which we shall propose and for the means which we shall apply, this constant reciprocal action would involve us in extremes, which would be nothing but a play of ideas produced by an almost invisible train of logical subtleties. If adhering closely to the absolute, we try to avoid all difficulties by a stroke of the pen, and insist with logical strictness that in every case the extreme must be the object, and the utmost effort must be exerted in that direction, such a stroke of the pen would be a mere paper law, not by any means adapted to the real world.

Even supposing this extreme tension of forces was an absolute which could easily be ascertained, still we must admit that the human mind would hardly submit itself to this kind of logical chimera. There would be in many cases an unnecessary waste of power, which would be in opposition to other principles of statecraft; an effort of will would be required disproportioned to the proposed object, and which therefore it would be impossible to realise, for the human will does not derive its impulse from logical subtleties.

But everything takes a different form when we pass from abstractions to reality. In the former everything must be subject to optimism, and we must imagine the one side as well as the other, striving after perfection and even attaining it. Will this ever take place in reality? It will if

1, War becomes a completely isolated act, which arises suddenly and is in no way connected with the previous history of the states;

2, If it is limited to a single solution, or to several simultaneous solutions;

3, If it contains within itself the solution perfect and complete, free from any reaction upon it, through a calculation beforehand of the political situation which will follow from it.

7.—War is never an isolated act.

With regard to the first point, neither of the two opponents is an abstract person to the other, not even as regards that factor in the sum of resistance, which does not depend on objective things, viz., the will. This will is not an entirely unknown quantity; it indicates what it will be to-morrow by what it is to-day. War does not spring up quite suddenly, it does not spread to the full in a moment; each of the two opponents can, therefore, form an opinion of the other, in a great measure, from what he is and what he does; instead of judging of him according to what he, strictly speaking, should be or should do. But, now, man with his incomplete organisation is always below the line of absolute perfection, and thus these deficiencies, having an influence on both sides, become a modifying principle.

8.—It does not consist of a single instantaneous blow.

The second point gives rise to the following considerations:—

If war ended in a single solution, or a number of simultaneous ones, then naturally all the preparations for the same would have a tendency to the extreme, for an omission could not in any way be repaired; the utmost, then, that the world of reality could furnish as a guide for us would be the preparations of the enemy, as far as they are known to us; all the rest would fall into the domain of the abstract. But if the result is made up from several successive acts, then naturally that which precedes with all its phases may be taken as a measure for that which will follow, and in this manner the world of reality here again takes the place of the abstract, and thus modifies the effort towards the extreme.

Yet every war would necessarily resolve itself into a single solution, or a sum of simultaneous results, if all the means required for the struggle were raised at once, or could be at once raised; for as one adverse result necessarily diminishes the means, then if all the means have been applied in the first, a second cannot properly be supposed. All hostile acts which might follow would belong essentially to the first, and form in reality only its duration.

But we have already seen that even in the preparation for war the real world steps into the place of mere abstract conception—a material standard into the place of the hypotheses of an extreme: that therefore in that way both parties, by the influence of the mutual reaction, remain below the line of extreme effort, and therefore all forces are not at once brought forward.

It lies also in the nature of these forces and their application, that they cannot all be brought into activity at the same time. These forces are the armies actually on foot, the country, with its superficial extent and its population, and the allies.

In point of fact the country, with its superficial area and the population, besides being the source of all military force, constitutes in itself an integral part of the efficient quantities in war, providing either the theatre of war or exercising a considerable influence on the same.

Now it is possible to bring all the moveable military forces of a country into operation at once, but not all fortresses, rivers, mountains, people, etc., in short not the whole country, unless it is so small that it may be completely embraced by the first act of the war. Further, the co-operation of allies does not depend on the will of the belligerents; and from the nature of the political relations of states to each other, this co-operation is frequently not afforded until after the war has commenced, or it may be increased to restore the balance of power.

That this part of the means of resistance, which cannot at once be brought into activity, in many cases is a much greater part of the whole than might at first be supposed, and that it often restores the balance of power, seriously affected by the great force of the first decision, will be more fully shown hereafter. Here it is sufficient to show that a complete concentration of all available means in a moment of time, is contradictory to the nature of war.

Now this, in itself, furnishes no ground for relaxing our efforts to accumulate strength to gain the first result, because an unfavourable issue is always a disadvantage to which no one would purposely expose himself, and also because the first decision, although not the only one, still will have the more influence on subsequent events, the greater it is itself.

But the possibility of gaining a later result causes men to take refuge in that expectation owing to the repugnance, in the human mind, to making excessive efforts; and therefore forces are not concentrated and measures are not taken for the first decision with that energy which would otherwise be used. Whatever one belligerent omits from weakness, becomes to the other a real objective ground for limiting his own efforts, and thus again, through this reciprocal action, extreme tendencies are brought down to efforts on a limited scale.

9.—The result in war is never absolute.

Lastly, even the final decision of a whole war is not always to be regarded as absolute. The conquered state often sees in it only a passing evil, which may be repaired in after times by means of political combinations. How much this also must modify the degree of tension and the vigour of the efforts made is evident in itself.

10.—The probabilities of real life take the place
of the conceptions of the extreme and the absolute.

In this manner the whole act of war is removed from under the rigorous law of forces exerted to the utmost. If the extreme is no longer to be apprehended, and no longer to be sought for, it is left to the judgment to determine the limits for the efforts to be made in place of it; and this can only be done on the data furnished by the facts of the real world by the laws of probability. Once the belligerents are no longer mere conceptions but individual states and governments, once the war is no longer an ideal, but a definite substantial procedure, then the reality will furnish the data to compute the unknown quantities which are required to be found.

From the character, the measures, the situation of the adversary, and the relations with which he is surrounded, each side will draw conclusions by the law of probability as to the designs of the other, and act accordingly.

11.—The political object now reappears.

Here, now, forces itself again into consideration a question which we had laid aside (see No. 2), that is, the political object of the war. The law of the extreme, the view to disarm the adversary, to overthrow him, has hitherto to a certain extent usurped the place of this end or object. Just as this law loses its force, the political object must again come forward. If the whole consideration is a calculation of probability based on definite persons and relations, then the political object, being the original motive, must be an essential factor in the product. The smaller the sacrifice we demand from our opponent, the smaller it may be expected will be the means of resistance which he will employ; but the smaller his are, the smaller will ours require to be. Further, the smaller our political object, the less value shall we set upon it, and the more easily shall we be induced to give it up altogether.

Thus, therefore, the political object, as the original motive of the war, will be the standard for determining both the aim of the military force, and also the amount of effort to be made. This it cannot be in itself; but it is so in relation to both the belligerent states, because we are concerned with realities, not with mere abstractions. One and the same political object may produce totally different effects upon different people, or even upon the same people at different times; we can, therefore, only admit the political object as the measure, by considering it in its effects upon those masses which it is to move, and consequently the nature of those masses also comes into consideration. It is easy to see that thus the result may be very different according as these masses are animated with a spirit which will infuse vigour into the action or otherwise. It is quite possible for such a state of feeling to exist between two states that a very trifling political motive for war may produce an effect quite disproportionate, in fact, a perfect explosion.

This applies to the efforts which the political object will call forth in the two states, and to the aim which the military action shall prescribe for itself. At times it may itself be that aim, as for example the conquest of a province. At other times, the political object itself is not suitable for the aim of military action; then such a one must be chosen as will be an equivalent for it, and stand in its place as regards the conclusion of peace. But, also, in this, due attention to the peculiar character of the states concerned is always supposed. There are circumstances in which the equivalent must be much greater than the political object in order to secure the latter. The political object will be so much the more the standard of aim and effort, and have more influence in itself, the more the masses are indifferent, the less that any mutual feeling of hostility prevails in the two states from other causes, and, therefore, there are cases where the political object almost alone will be decisive.

If the aim of the military action is an equivalent for the political object, that action will in general diminish as the political object diminishes, and that in a greater degree the more the political object dominates; and so is explained how, without any contradiction in itself, there may be wars of all degrees of importance and energy, from a war of extermination, down to the mere use of an army of observation. This, however, leads to a question of another kind which we have hereafter to develop and answer.

12.— A suspension in the action of war unexplained
by anything said as yet.

However insignificant the political claims mutually advanced, however weak the means put forth, however small the aim to which military action is directed, can this action be suspended even for a moment? This is a question which penetrates deeply into the nature of the subject.

Every transaction requires for its accomplishment a certain time which we call its duration. This may be longer or shorter, according as the person acting throws more or less despatch into his movements.

About this more or less we shall not trouble ourselves here. Each person acts in his own fashion; but the slow person does not protract the thing because he wishes to spend more time about it, but because, by his nature, he requires more time, and if he made more haste, would not do the thing so well. This time, therefore, depends on subjective causes, and belongs to the length, so-called, of the action.

If we allow now to every action in war this, its length, then we must assume, at first sight at least, that any expenditure of time beyond this length, that is, every suspension of hostile action appears an absurdity; with respect to this it must not be forgotten that we now speak not of the progress of one or other of the two opponents, but of the general progress of the whole action of the war.

13.—There is only one cause which can suspend the action,
and this seems to be only possible on one side in any case.

If two parties have armed themselves for strife, then a feeling of animosity must have moved them to it; as long now as they continue armed, that is do not come to terms of peace, this feeling must exist; and it can only be brought to a standstill by either side by one single motive alone, which is, that he waits for a more favourable moment for action. Now at first sight it appears that this motive can never exist except on one side, because it, eo ipso, must be prejudicial to the other. If the one has an interest in acting, then the other must have an interest in waiting.

A complete equilibrium of forces can never produce a suspension of action, for during this suspension he who has the positive object (that is the assailant) must continue progressing; for if we should imagine an equilibrium in this way, that he who has the positive object, therefore the strongest motive, can at the same time only command the lesser means, so that the equation is made up by the product of the motive and the power, then we must say, if no alteration in this condition of equilibrium is to be expected, the two parties must make peace; but if an alteration is to be expected, then it can only be favourable to one side, and therefore the other has a manifest interest to act without delay. We see that the conception of an equilibrium cannot explain a suspension of arms, but that it ends in the question of the expectation of a more favourable moment.

Let us suppose, therefore, that one of two states has a positive object, as, for instance, the conquest of one of the enemy's provinces—which is to be utilised in the settlement of peace. After this conquest his political object is accomplished, the necessity for action ceases, and for him a pause ensues. If the adversary is also contented with this solution he will make peace, if not he must act. Now, if we suppose that in four weeks he will be in a better condition to act, then he has sufficient grounds for putting off the time of action.

But from that moment the logical course for the enemy appears to be to act that he may not give the conquered party the desired time. Of course, in this mode of reasoning a complete insight into the state of circumstances on both sides, is supposed.

14.—Thus a continuance of action will ensue which
will advance towards a climax.

If this unbroken continuity of hostile operations really existed, the effect would be that everything would again be driven towards the extreme; for irrespective of the effect of such incessant activity in inflaming the feelings and infusing into the whole a greater degree of passion, a greater elementary force, there would also follow from this continuance of action, a stricter continuity, a closer connection between cause and effect, and thus every single action would become of more importance, and consequently more replete with danger.

But we know that the course of action in war has seldom or never this unbroken continuity, and that there have been many wars in which action occupied by far the smallest portion of time employed, the whole of the rest being consumed in inaction. It is impossible that this should be always an anomaly, and suspension of action in war must be possible, that is no contradiction in itself. We now proceed to show this, and how it is.

15.—Here, therefore, the principle of polarity is brought into requisition.

As we have supposed the interests of one commander to be always antagonistic to those of the other, we have assumed a true polarity. We reserve a fuller explanation of this for another chapter, merely making the following observation on it at present.

The principle of polarity is only valid when it can be conceived in one and the same thing, where the positive and its opposite the negative, completely destroy each other. In a battle both sides strive to conquer; that is true polarity, for the victory of the one side destroys that of the other. But when we speak of two different things, which have a common relation external to themselves, then it is not the things but their relations which have the polarity.

16.—Attack and defence are things differing in kind and of
unequal force. Polarity is, therefore, not applicable to them.

If there was only one form of war, to wit the attack of the enemy, therefore no defence; or in other words, if the attack was distinguished from the defence merely by the positive motive, which the one has and the other has not, but the fight precisely one and the same: then in this sort of fight every advantage gained on the one side would be a corresponding disadvantage on the other, and true polarity would exist.

But action in war is divided into two forms, attack and defence, which, as we shall hereafter explain more particularly, are very different and of unequal strength. Polarity, therefore, lies in that to which both bear a relation, in the decision, but not in the attack or defence itself.

If the one commander wishes the solution put off, the other must wish to hasten it; but certainly only in the same form of combat. If it is A's interest not to attack his enemy at present but four weeks hence, then it is B's interest to be attacked, not four weeks hence, but at the present moment. This is the direct antagonism of interests, but it by no means follows that it would be for B's interest to attack A at once. That is plainly something totally different.

17.—The effect of Polarity is often destroyed by the superiority of the Defence
over the Attack, and thus the suspension of action in war is explained.

If the form of defence is stronger than that of offence, as we shall hereafter show, the question arises, Is the advantage of a deferred decision as great on the one side as the advantage of the defensive form on the other? If it is not, then it cannot by its counter-weight overbalance the latter, and thus influence the progress of the action of the war. We see, therefore, that the impulsive force existing in the polarity of interests may be lost in the difference between the strength of the offensive and defensive, and thereby become ineffectual.

If, therefore, that side for which the present is favourable is too weak to be able to dispense with the advantage of the defensive, he must put up with the unfavourable prospects which the future holds out; for it may still be better to fight a defensive battle in the unpromising future than to assume the offensive or make peace at present. Now, being convinced that the superiority of the defensive (rightly understood) is very great, and much greater than may appear at first sight, we conceive that the greater number of those periods of inaction which occur in war are thus explained without involving any contradiction. The weaker the motives to action are, the more will those motives be absorbed and neutralised by this difference between attack and defence, the more frequently, therefore, will action in warfare be stopped, as indeed experience teaches.

18.—A second ground consists in the imperfect knowledge of circumstances.

But there is still another cause which may stop action in war, that is an incomplete view of the situation. Each commander can only fully know his own position; that of his opponent can only be known to him by reports, which are uncertain; he may, therefore, form a wrong judgment with respect to it upon data of this description, and, in consequence of that error, he may suppose that the initiative is properly with his adversary when it is really with himself. This want of perfect insight might certainly just as often occasion an untimely action as untimely inaction, and so it would in itself no more contribute to delay than to accelerate action in war. Still, it must always be regarded as one of the natural causes which may bring action in war to a standstill without involving a contradiction. But if we reflect how much more we are inclined and induced to estimate the power of our opponents too high than too low, because it lies in human nature to do so, we shall admit that our imperfect insight into facts in general must contribute very much to stop action in war, and to modify the principle of action.

The possibility of a standstill brings into the action of war a new modification, inasmuch as it dilutes that action with the element of Time, checks the influence or sense of danger in its course, and increases the means of reinstating a lost balance of force. The greater the tension of feelings from which the war springs, the greater, therefore, the energy with which it is carried on, so much the shorter will be the periods of inaction; on the other hand, the weaker the principle of warlike activity, the longer will be these periods: for powerful motives increase the force of the will, and this, as we know, is always a factor in the product of force.

19.—Frequent periods of inaction in war remove it further from the
absolute, and make it still more a calculation of probabilities.

But the slower the action proceeds in war, the more frequent and longer the periods of inaction, so much the more easily can an error be repaired; therefore so much the bolder a general will be in his calculations, so much the more readily will he keep them below the line of absolute, and build everything upon probabilities and conjecture. Thus, according as the course of the war is more or less slow, more or less time will be allowed for that which the nature of a concrete case particularly requires, calculation of probability based on given circumstances.

20.—It therefore now only wants the element of chance to make
of it a game, and in that element it is least of all deficient.

We see from the foregoing how much the objective nature of war makes it a calculation of probabilities; now there is only one single element still wanting to make it a game, and that element it certainly is not without: it is chance. There is no human affair which stands so constantly and so generally in close connection with chance as war. But along with chance, the accidental, and along with it good luck, occupy a great place in war.

21.—As war is a game through its objective nature,
so also is it through its subjective.

If we now take a look at the subjective nature of war, that is at those powers with which it is carried on, it will appear to us still more like a game. The element in which the operations of war are carried on is danger; but which of all the moral qualities is the first in danger? Courage. Now certainly courage is quite compatible with prudent calculation, but still they are things of quite a different kind, essentially different qualities of the mind; on the other hand, daring reliance on good fortune, boldness, rashness, are only expressions of courage, and all these propensities of the mind look for the fortuitous (or accidental), because it is their element.

We see therefore how from the commencement, the absolute, the mathematical as it is called, no where finds any sure basis in the calculations in the art of war; and that from the outset there is a play of possibilities, probabilities, good and bad luck, which spreads about with all the coarse and fine threads of its web, and makes war of all branches of human activity the most like a game of cards.

22.—How this accords best with the human mind in general.

Although our intellect always feels itself urged towards clearness and certainty, still our mind often feels itself attracted by uncertainty. Instead of threading its way with the understanding along the narrow path of philosophical investigations and logical conclusions, in order almost unconscious of itself, to arrive in spaces where it feels itself a stranger, and where it seems to part from all well known objects, it prefers to remain with the imagination in the realms of chance and luck. Instead of living yonder on poor necessity, it revels here in the wealth of possibilities; animated thereby, courage then takes wings to itself, and daring and danger make the element into which it launches itself, as a fearless swimmer plunges into the stream.

Shall theory leave it here, and move on, self satisfied with absolute conclusions and rules? Then it is of no practical use. Theory must also take into account the human element; it must accord a place to courage, to boldness, even to rashness. The art of war has to deal with living and with moral forces; the consequence of which is that it can never attain the absolute and positive. There is therefore everywhere a margin for the accidental; and just as much in the greatest things as in the smallest. As there is room for this accidental on the one hand, so on the other there must be courage and self-reliance in proportion to the room left. If these qualities are forthcoming in a high degree, the margin left may likewise be great. Courage and self reliance are therefore principles quite essential to war; consequently theory must only set up such rules as allow ample scope for all degrees and varieties of these necessary and noblest of military virtues. In daring there may still be wisdom also, and prudence as well, only that they are estimated by a different standard of value.

 23.—War is always a serious means for a serious object.

Its more particular definition.

Such is war; such the commander who conducts it; such the theory which rules it. But war is no pastime; no mere passion for venturing and winning; no work of a free enthusiasm; it is a serious means for a serious object. All that appearance which it wears from the varying hues of fortune, all that it assimilates into itself of the oscillations of passion, of courage, of imagination, of enthusiasm, are only particular properties of this means.

The war of a community—of whole nations and particularly of civilised nations—always starts from a political condition, and is called forth by a political motive. It is therefore a political act. Now if it was a perfect, unrestrained and absolute expression of force, as we had to deduce it from its mere conception, then the moment it is called forth by policy it would step into the place of policy, and as something quite independent of it would set it aside, and only follow its own laws, just as a mine at the moment of explosion cannot be guided into any other direction than that which has been given to it by preparatory arrangements. This is how the thing has really been viewed hitherto, whenever a want of harmony between policy and the conduct of a war has led to theoretical distinctions of the kind. But it is not so, and the idea is radically false. War in the real world, as we have already seen, is not an extreme thing which expends itself at one single discharge; it is the operation of powers which do not develop themselves completely in the same manner and in the same measure, but which at one time expand sufficiently to overcome the resistance opposed by inertia or friction, while at another they are too weak to produce an effect; it is therefore, in a certain measure, a pulsation of violent force more or less vehement, consequently making its discharges and exhausting its powers more or less quickly, in other words conducting more or less quickly to the aim, but always lasting long enough to admit of influence being exerted on it in its course, so as to give it this or that direction, in short to be subject to the will of a guiding intelligence. Now if we reflect that war has its root in a political object, then naturally this original motive which called it into existence should also continue the first and highest consideration in the conduct of it. Still the political object is no despotic lawgiver on that account; it must accommodate itself to the nature of the means, and through that is often completely changed, but it always remains that which has a prior right to consideration. Policy therefore is interwoven with the whole action of war, and must exercise a continuous influence upon it as far as the nature of the forces exploding in it will permit.

24.—War is a mere continuation of policy by other means.

We see, therefore, that war is not merely a political act, but also a real political instrument, a continuation of political commerce, a carrying out of the same by other means. All beyond this which is strictly peculiar to war relates merely to the peculiar nature of the means which it uses. That the tendencies and views of policy shall not be incompatible with these means, the art of war in general and the commander in each particular case may demand, and this claim is truly not a trifling one. But however powerfully this may react on political views in particular cases, still it must always be regarded as only a modification of them; for the political view is the object, war is the means, and the means must always include the object in our conception.

25.—Diversity in the nature of wars.

The greater and more powerful the motives of a war, the more it affects the whole existence of a people, the more violent the excitement which precedes the war, by so much the nearer will the war approach to its abstract form, so much the more will it be directed to the destruction of the enemy, so much the nearer will the military and political ends coincide, so much the more purely military and less political the war appears to be; but the weaker the motives and the tensions, so much the less will the natural direction of the military element—that is, force—be coincident with the direction which the political element indicates; so much the more must therefore the war become diverted from its natural direction, the political object diverge from the aim of an ideal war, and the war appear to become political.

But that the reader may not form any false conceptions, we must here observe that, by this natural tendency of war, we only mean the philosophical, the strictly logical, and by no means the tendency of forces actually engaged in conflict, by which would be supposed to be included all the emotions and passions of the combatants. No doubt in some cases these also might be excited to such a degree as to be with difficulty restrained and confined to the political road; but in most cases such a contradiction will not arise, because, by the existence of such strenuous exertions a great plan in harmony therewith would be implied. If the plan is directed only upon a small object, then the impulses of feeling amongst the masses will be also so weak, that these masses will require to be stimulated rather than repressed.

26.—They may all be regarded as political acts.

Returning now to the main subject, although it is true that in one kind of war the political element seems almost to disappear, whilst in another kind it occupies a very prominent place, we may still affirm that the one is as political as the other; for if we regard the state policy as the intelligence of the personified state, then amongst all the constellations in the political sky which it has to compute, those must be included which arise when the nature of its relations imposes the necessity of a great war. It is only if we understand by policy not a true appreciation of affairs in general, but the conventional conception of a cautious, subtle, also dishonest craftiness, averse from violence, that the latter kind of war may belong more to policy than the first.

27.—Influence of this view on the right understanding of
military history, and on the foundations of theory.

We see, therefore, in the first place, that under all circumstances war is to be regarded not as an independent thing, but as a political instrument; and it is only by taking this point of view that we can avoid finding ourselves in opposition to all military history. This is the only means of unlocking the great book and making it intelligible. Secondly, just this view shows us how wars must differ in character according to the nature of the motives and circumstances from which they proceed.

Now, the first, the grandest, and most decisive act of judgment which the statesman and general exercises is rightly to understand in this respect the war in which he engages, not to take it for something, or to wish to make of it something which, by the nature of its relations, it is impossible for it to be. This is, therefore, the first, the most comprehensive of all strategical questions. We shall enter into this more fully in treating of the plan of a war.

For the present we content ourselves with having brought the subject up to this point, and having thereby fixed the chief point of view from which war and its theory are to be studied.

28.—Result for theory.

War is, therefore, not only a true chameleon, because it changes its nature in some degree in each particular case, but it is also, as a whole, in relation to the predominant tendencies which are in it, a wonderful trinity, composed of the original violence of its elements, hatred and animosity, which may be looked upon as blind instinct; of the play of probabilities and chance, which make it a free activity of the soul; and of the subordniate nature of a political instrument, by which it belongs purely to the reason.

The first of these three phases concerns more the people; the second more the general and his army; the third more the Government. The passions which break forth in war must already have a latent existence in the peoples. The range which the display of courage and talents shall get in the realm of probabilities and of chance depends on the particular characteristics of the general and his army; but the political objects belong to the Government alone.

These three tendencies, which appear like so many different lawgivers, are deeply rooted in the nature of the subject, and at the same time variable in degree. A theory which would leave any one of them out of account, or set up any arbitrary relation between them, would immediately become involved in such a contradiction with the reality, that it might be regarded as destroyed at once by that alone.

The problem is, therefore, that theory shall keep itself poised in a manner between these three tendencies, as between three points of attraction.

The way in which alone this difficult problem can be solved we shall examine in the book on the "Theory of War." In every case the conception of war, as here defined, will be the first ray of light which shows us the true foundation of theory, and which first separates the great masses, and allows us to distinguish them from one another.











II La formule de Clausewitz :"la guerre continuation de la politique par d'autres moyens"

a) La guerre comme duel et jeu

"la guerre n'est rien d'autre qu'un duel à une plus vaste échelle"

"la guerre est un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté" "...il n'y a pas de limite à la manifestation de cette violence"

"chacun des adversaires fait sa loi à l'autre, d'où résulte une action réciproque, qui, en tant que concept, doit aller aux extrêmes"

Calcul de probablités plus chance font de la guerre, un jeu (comme un jeu de cartes), y compris subjectivement (rôle du courage)

b) "continuation" : stratégique et tactique



24. Der Krieg ist eine bloße Fortsetzung der Politik mit anderen Mitteln 24.—War is a mere continuation of policy by other means.

So sehen wir also, daß der Krieg nicht bloß ein politischer Akt, sondern ein wahres politisches Instrument ist, eine Fortsetzung des politischen Verkehrs, ein Durchführen desselben mit anderen Mitteln. Was dem Kriege nun noch eigentümlich bleibt, bezieht sich bloß auf die eigentümliche Natur seiner Mittel. Daß die Richtungen und Absichten der Politik mit diesen Mitteln nicht in Widerspruch treten, das kann die Kriegskunst im allgemeinen und der Feldherr in jedem einzelnen Falle fordern, und dieser Anspruch ist wahrlich nicht gering; aber wie stark er auch in einzelnen Fällen auf die politischen Absichten zurückwirkt, so muß dies doch immer nur als eine Modifikation derselben gedacht werden, denn die politische Absicht ist der Zweck, der Krieg ist das Mittel, und niemals kann das Mittel ohne Zweck gedacht werden.



We see, therefore, that war is not merely a political act, but also a real political instrument, a continuation of political commerce, a carrying out of the same by other means. All beyond this which is strictly peculiar to war relates merely to the peculiar nature of the means which it uses. That the tendencies and views of policy shall not be incompatible with these means, the art of war in general and the commander in each particular case may demand, and this claim is truly not a trifling one. But however powerfully this may react on political views in particular cases, still it must always be regarded as only a modification of them; for the political view is the object, war is the means, and the means must always include the object in our conception.




c) La "trinité" de Clausewitz

De la Guerre, L. I, chap. I, § 24


Les trois "tendances" légistlatrices  de la guerre
nature de la tendance
lieu spécificique de ces tendances
violence originelle, haine, animosité,
impulsion naturelle aveugle  : passion
peuple
jeu des probabilités, hasard
libre activité de l'âme  :  volonté
commandement et son armée
instrument subordonnée de la politique
relève de l'entendement pur  : entendement
gouvernement



Donc si la politique commande la montée aux extrêmes n'est pas inéluctable (c'est l'interprétation de R. Aron)


28. Resultat für die Theorie*
Howard/Paret translation

28. THE CONSEQUENCES FOR THEORY

Der Krieg ist also nicht nur ein wahres Chamäleon, weil er in jedem konkreten Falle seine Natur etwas ändert, sondern er ist auch seinen Gesamterscheinungen nach, in Beziehung auf die in ihm herrschenden Tendenzen eine wunderliche Dreifaltigkeit, zusammengesetzt aus der ursprünglichen Gewaltsamkeit seines Elementes, dem Haß und der Feindschaft, die wie ein blinder Naturtrieb anzusehen sind, aus dem Spiel der Wahrscheinlichkeiten und des Zufalls, die ihn zu einer freien Seelentätigkeit machen, und aus der untergeordneten Natur eines politischen Werkzeuges, wodurch er dem bloßen Verstande anheimfällt.

Die erste dieser drei Seiten ist mehr dem Volke, die zweite mehr dem Feldherrn und seinem Heer, die dritte mehr der Regierung zugewendet. Die Leidenschaften, welche im Kriege entbrennen sollen, müssen schon in den Völkern vorhanden sein; der Umfang, welchen das Spiel des Mutes und Talents im Reiche der Wahrscheinlichkeiten des Zufalls bekommen wird, hängt von der Eigentümlichkeit des Feldherrn und des Heeres ab, die politischen Zwecke aber gehören der Regierung allein an.

Diese drei Tendenzen, die als ebenso viele verschiedene Gesetzgebungen erscheinen, sind tief in der Natur des Gegenstandes gegründet und zugleich von veränderlicher Größe. Eine Theorie, welche eine derselben unberücksichtigt lassen oder zwischen ihnen ein willkürliches Verhältnis feststellen wollte, würde augenblicklich mit der Wirklichkeit in solchen Widerspruch geraten, daß sie dadurch allein schon wie vernichtet betrachtet werden müßte.

Die Aufgabe ist also, daß sich die Theorie zwischen diesen drei Tendenzen wie zwischen drei Anziehungspunkten schwebend erhalte.

Auf welchem Wege dieser schwierigen Aufgabe noch am ersten genügt werden könnte, wollen wir in dem Buche von der Theorie des Krieges untersuchen. In jedem Fall wird die hier geschehene Feststellung des Begriffs vom Kriege der erste Lichtstrahl, der für uns in den Fundamentalbau der Theorie fällt, der zuerst die großen Massen sondern und sie uns unterscheiden lassen wird.


War is more than a true chameleon that slightly adapts its characteristics to the given case. As a total phenomenon its dominant tendencies always make war a paradoxical trinity--composed of primordial violence, hatred, and enmity, which are to be regarded as a blind natural force; of the play of chance and probability within which the creative spirit is free to roam; and of its element of subordination, as an instrument of policy, which makes it subject to reason alone.

The first of these three aspects mainly concerns the people; the second the commander and his army; the third the government. The passions that are to be kindled in war must already be inherent in the people; the scope which the play of courage and talent will enjoy in the realm of probability and chance depends on the particular character of the commander and the army; but the political aims are the business of government alone.

These three tendencies are like three different codes of law, deep-rooted in their subject and yet variable in their relationship to one another. A theory that ignores any one of them or seeks to fix an arbitrary relationship between them would conflict with reality to such an extent that for this reason alone it would be totally useless.

Our task therefore is to develop a theory that maintains a balance between these three tendencies, like an object suspended between three magnets.






L'ouvrage de Clausewitz : table des matières.

Carl von Clausewitz
De la guerre
Texte intégral
Traduit de l’allemand par Denise Naville
Préface de Camille Rougeron
Introduction par Pierre Naville
1955
Collection « Arguments », 760 pages, 4 cartes, relié pleine toile   
Minuit

Table des matières ‑‑‑‑‑

Préface : Actualité de Clausewitz – Introduction : Carl von Clausewitz et la Théorie de la Guerre – Note de l’éditeur
Trois notes de Clausewitz sur De la Guerre –

  Préface de l’auteur

Première partie
Livre I : La nature de la guerre. Chapitre I. Qu’est-ce que la guerre ? – Chapitre II. La fin et les moyens dans la guerre – Chapitre III. Le génie guerrier – Chapitre IV. Du danger en guerre – Chapitre V. De l’effort physique en guerre – Chapitre VI. Le renseignement en guerre – Chapitre VII. La friction en guerre – Chapitre VIII. Conclusions du Livre I

Livre II : La théorie de la guerre. Chapitre I. Division de l’art de la guerre – Chapitre II. Sur la théorie de la guerre – Chapitre III. Art de la guerre ou science de la guerre – Chapitre IV. Méthodisme – Chapitre V. La critique – Chapitre VI. À propos des exemples

Livre III : De la stratégie en général. Chapitre I. Stratégie – Chapitre II. Les éléments de la stratégie – Chapitre III. Grandeurs morales – Chapitre IV. Les principales puissances morales– Chapitre V. Vertu guerrière de l’armée – Chapitre VI. L’intrépidité – Chapitre VII. Persévérance – Chapitre VIII. La supériorité numérique – Chapitre IX. La surprise – Chapitre X. La ruse – Chapitre XI. Réunion des forces dans l’espace – Chapitre XII. Réunion des forces dans le temps – Chapitre XIII. La réserve stratégique– Chapitre XIV. Économie des forces – Chapitre XV. L’élément géométrique – Chapitre XVI. Sur la suspension de l’acte de guerre – Chapitre XVII. Du caractère de la guerre moderne– Chapitre XVIII. Tension et repos (La loi dynamique de la guerre)

Livre IV : L’engagement. Chapitre I. Aperçu général – Chapitre II. Caractère de la bataille moderne – Chapitre III. L’engagement en général – Chapitre IV. L’engagement en général (suite) – Chapitre V. Signification de l’engagement – Chapitre VI. Durée de l’engagement – Chapitre VII. La décision de l’engagement – Chapitre VIII. Consentement des deux partie à l’engagement – Chapitre IX. La bataille principale. Sa décision – Chapitre X. La bataille principale. Les effets de la victoire – Chapitre XI. La bataille principale. L’usage de la bataille – Chapitre XII. Moyen stratégique d’utiliser la victoire – Chapitre XIII. Retraite après une bataille perdue – Chapitre XIV. L’engagement de nuit

Deuxième partie
Livre V : Les forces militaires. Chapitre I. Aperçu général – Chapitre II. Armée, théâtre de guerre et campagne – Chapitre III. Le rapport de force – Chapitre IV. Le rapport des armes – Chapitre V. Ordre de bataille de l’armée – Chapitre VI. Disposition générale de l’armée – Chapitre VII. Avant-garde et avant-postes – Chapitre VIII. Forme d’efficacité des corps avancés – Chapitre IX. – Les camps – Chapitre X. Les marches – Chapitre XI. Les marches (suite) – Chapitre XII. Les marches (suite) – Chapitre XIII. Les quartiers – Chapitre XIV. Le ravitaillement – Chapitre XV. Les bases d’opérations – Chapitre XVI. Les lignes de communications – Chapitre XVII. La contrée et le terrain – Chapitre XVIII. Les hauteurs dominantes

Livre VI : La défense. Chapitre I. Attaque et défense – Chapitre II. Rapports mutuels de l’attaque et de la défense en tactique – Chapitre III. Rapports mutuels de l’attaque et de la défense en stratégie – Chapitre IV. Caractère concentrique de l’attaque et excentrique de la défense– Chapitre V. Caractère de la défense stratégique – Chapitre VI. Étendue des moyens de la défense – Chapitre VII. Action réciproque de l’attaque et de la défense – Chapitre VIII. Méthodes de résistance – Chapitre IX. La bataille défensive – Chapitre X. Les forteresses – Chapitre XI. Les forteresses (suite) – Chapitre XII. La position défensive – Chapitre XIII. Positions fortifiées et camps retranchés – Chapitre XIV. La position de flanc – Chapitre XV. La défense en montagne – Chapitre XVI. La défense en montagne (suite) – Chapitre XVII. La défense en montagne (suite) – Chapitre XVIII. La défense des rivières et des fleuves – Chapitre XIX. La défense des rivières et des fleuves (suite) – Chapitre XX. La défense des marais. Les inondations – Chapitre XXI. La défense des forêts – Chapitre XXII. Le cordon – Chapitre XXIII. Clé de pays – Chapitre XXIV. Action contre un flanc – Chapitre XXV. Retraite à l’intérieur du pays – Chapitre XXVI. L’armement du peuple – Chapitre XXVII. Défense d’un théâtre de guerre– Chapitre XXVIII. Défense d’un théâtre de guerre (suite) – Chapitre XXIX. Défense d’un théâtre de guerre (suite). La résistance échelonnée– Chapitre XXX. La défense du théâtre de guerre quand on ne cherche pas de décision

Troisième partie
Livre VII : L’attaque. Chapitre I. Rapports de l’attaque et de la défense – Chapitre II. Nature de l’attaque stratégique – Chapitre III. Sur les objets de l’attaque stratégique – Chapitre IV. Force décroissante de l’attaque – Chapitre V. Le point culminant de l’attaque– Chapitre VI. Anéantissement des forces armées ennemies – Chapitre VII. La bataille offensive – Chapitre VIII. Le passage des fleuves – Chapitre IX. Attaque des positions défensives– Chapitre X. Attaque des camps retranchés – Chapitre XI. Attaque d’une chaîne de montagnes – Chapitre XII. Attaque des lignes en cordon – Chapitre XIII. La manœuvre – Chapitre XIV. Attaque des marécages, inondations, forêts – Chapitre XV. Attaque sur un théâtre de guerre au cas où l’on cherche une décision – Chapitre XVI. Attaque d’un théâtre de guerre sans décision – Chapitre XVII. Attaque des forteresses – Chapitre XVIII. Attaque des convois – Chapitre XIX. Attaque de l’armée ennemie dans ses quartiers – Chapitre XX. La diversion – Chapitre XXI. L’invasion – Chapitre XXII. Le point culminant de la victoire

Livre VIII : Le plan de guerre. Chapitre I. Aperçu général – Chapitre II. Guerre absolue et guerre réelle – Chapitre III. A. Cohésion interne de la guerre. B. Sur la grandeur du but de guerre et sur les efforts à fournir – Chapitre IV. Définition plus précise du but de la guerre. La défaite de l’ennemi – Chapitre V. Définition plus précise du but de la guerre (suite). But limité – Chapitre VI. A. Influence de l’objectif politique sur le but militaire. B. La guerre est un instrument de la politique – Chapitre VII. But limité. Guerre offensive – Chapitre VIII. But limité. La défense – Chapitre IX. -Le plan de guerre quand le but est la destruction de l’ennemi






7) La formule de Clausewitz (2) : « la guerre continuation de la politique par d’autres moyens »

cours 8

 Luttes des classes, guerres civiles et guerres nationales chez Marx

Le texte de Marx sur la Commune en français et en Allemand :

La guerre civile en France

 
Der Bürgerkrieg in Frankreich
Adresse des Generalrats der Internationalen Arbeiterassoziation
(30. Mai 1871)



Bibliographie complémentaire :
Colas, Races et racismes, Plon
Foucault, "Il faut défendre la société"
Marx, Engels, Manifeste du parti communiste


A Luttes des classes et guerres civile


I Les origines et principes de la théorie de lutte des classes de Marx

a)
Forces productives et rapports de production  : avec le moulin à eau, seigneurs et serfs, avec la machine à vapeur, bourgeois et prolétaire.

b) Critique le l'illusion représentative dans la société civile : contre les droits de l'homme et du citoyen en tant qu'idéologie aliénante

c) L'invention de la lutte des classes (vs. guerre des classes) par les historiens de la Révolution française (Sieyès, Augustin Thierry)

SIEYÈS


Qu’est-ce que le Tiers-État ?

Chapitre II

Qu’est-ce que le Tiers-État a été
jusqu’à présent ? Rien.


Nous n’examinerons point l’état de servitude où le Peuple a gémi longtemps, non plus que celui de contraintes et d’humiliation où il est encore retenu. Sa condition civile a changé ; elle doit changer encore ! il est bien impossible que la Nation en corps, ou même qu’aucun Ordre en particulier devienne libre, si le Tiers-État ne l’est pas. On n’est pas libre par des privilèges, mais par les droits de Citoyen : droits qui appartiennent à tous.
Que si les Aristocrates entreprennent, au prix même de cette liberté, dont ils se montreraient indignes, de retenir le Peuple dans l’oppression, il osera demander à quel titre. Si l’on répond à titre de conquête : il faut en convenir, ce sera vouloir remonter un peu haut. Mais le tiers ne doit pas craindre de remonter dans les temps passés. Il se rapportera à l’année qui a précédé la conquête ; et puisqu’il est aujourd’hui assez fort pour se pas se laisser conquérir, sa résistance sans doute sera plus efficace. Pourquoi ne renverrait-il pas dans les forêts de la Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des Conquérants, et d’avoir succédé à des droits de conquête ?
La Nation, alors épurée, pourra se consoler, je pense, d’être réduite à ne se plus croire composée que des descendants des Gaulois et des Romains. En vérité, si l’on tient à vouloir distinguer naissance et naissance, ne pourrait-on pas révéler à nos pauvres concitoyens que celle qu’on tire des Gaulois et des Romains, vaut au moins autant que celle qui viendrait des Sicambres, des Welchez, et autre Sauvages sortis des bois et des marais de l’ancienne Germanie ? Oui, dira-t-on ; mais la conquête a dérangé tous les rapports, et la Noblesse de naissance a passé du côté des Conquérants. Eh bien ! il faut la faire repasser de l’autre côté ; le Tiers redeviendra Noble en devenant Conquérant à son tour.
Mais, si tout est mêlé dans les races, si le sang des Francs, qui n’en vaudrait pas mieux séparé, coule confondu avec celui des Gaulois, si les ancêtres du Tiers-État sont les pères de la Nation entière, ne peut-on espérer de voir cesser un jour ce long parricide qu’une classe s’honore de commettre journellement contre toutes les autres ?
 
http://classiques.uqac.ca/classiques/sieyes_emmanuel_joseph/qu_est_ce_que_tiers_etat/qu_est_ce_que_tiers_etat.html


II De la "domination" du prolétariat à la "dictature du prolétariat"

a)  Ce veut-dire "dominination" (Herrschaft) dans "Le Manifeste du parti communiste" (janvier 1848) (à distinguer du concept cher Max Weber)

b) L'insurrection de juin 1848 et la "dictature de la bourgeoisie" qui se dévoile dans la répression.

c) Le caractère inéluctable de la "guerre civile" dans la "société civile moderne" la nécessité de la "dictature du prolétariat", réponse à la dictature de la bourgeoisie


 III La Commune de Paris selon Marx

a)  Origine de la Commune : la transformation bonapartiste de l'Etat en France et le caractère parasitaire de l'Etat bonapartise (et non pas de tout Etat)

b) La Commune de Paris premier exemple de "dictature du prolétariat" : plus d'armée permanente, plus de police, plus de fonctionnaires

  c) La révolution sans guerre civile : Engels en 1848 analyse la guerre des barricades à Paris en juin 1848 et en 1895 il préfaçe un texte de Marx de 1850, Les luttes des classes en  France  et imagine que les socialistes pourront conquérir l'Etat comme les chrériens ont conquis l'Empire romain.
 
 


LA POSTÉRITE DE LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT AU XXE SIÈCLE : LA DICTATURE DU PARTI ETAT INSTAURANT LA MOBILISATION GENERALE EN URSS

B Luttes des classes et guerres nationales selon Marx et ses successeurs

Introduction :

De la lutte des classe à la lutte pour la nation

De la révolution prolétarienne aux luttes de libération nationale



I Le primat explicatif et politique de la lutte des classes

a) la bourgeoisie comme classe internationale et le devenir monde du capitalisme

b) la guerre de sécession et  la guerre franco-prussienne de 1870 : la logique du développement historique

II La solution des "austro marxistes"

a) la spécificité de l'empire austro-hongrois (vs. empire russe)

b) l'autonomie culturelle nationale

c) la guerre de 14 met fin au projet austro-marxiste

III la réfutation des austro marxistes par Lénine et Staline

a) la situation avant et après 1905

b) l'importation de l'austro marxisme dans l'Empire russe et la riposte de Lénine-Staline

c) " Le marxisme et la question coloniale" de Staline et ses effets à moyen et long terme

d) le droit à l'autodétermination proposé par Lénine en 1914


La Nouvelle Gazette Rhénane
K. Marx - F. Engels

Les journées de juin 1848

Le 23 juin

(extraits)

La révolution de Juin est la révolution du désespoir et c'est avec la colère muette, avec le sang-froid sinistre du désespoir qu'on combat pour elle; les ouvriers savent qu'ils mènent une lutte à la vie et à la mort, et devant la gravité terrible de cette lutte le vif esprit français lui-même se tait.

L'histoire ne nous offre que deux moments ayant quelque ressemblance avec la lutte qui continue probablement encore en ce moment à Paris : la guerre des esclaves de Rome et l'insurrection lyonnaise de 1834. L'ancienne devise lyonnaise, elle aussi : « Vivre en travaillant ou mourir en combattant », a de nouveau surgi, soudain, au bout de quatorze ans, inscrite sur les drapeaux.

La révolution de Juin est la première qui divise vraiment la société tout entière en deux grands camps ennemis qui sont représentés par le Paris de l'est et le Paris de l'ouest. L'unanimité de la révolution de Février a disparu, cette unanimité poétique, pleine d'illusions éblouissantes, pleine de beaux mensonges et qui fut représentée si dignement par le traître aux belles phrases, Lamartine. Aujourd'hui, la gravité implacable de la réalité met en pièces toutes les promesses séduisantes du 25 février. Les combattants de Février luttent aujourd'hui eux-mêmes les uns contre les autres, et, ce qu'on n'a encore jamais vu, il n'y a plus d'indifférence, tout homme en état de porter les armes participe vraiment à la lutte sur la barricade ou devant la barricade.

http://wwhw.marxists.org/francais/engels/works/1848/06/fe18480628c.htm




Les luttes de classes en France
K. Marx
(1850)

Introduction par Friedrich Engels
(1895)


Le présent ouvrage de Marx fut sa première tentative d'explication d'un fragment d'histoire contemporaine à l'aide de sa conception matérialiste et en partant des données économiques qu'impliquait la situation. Dans le Manifeste communiste, la théorie avait été employée pour faire une vaste esquisse de toute l'histoire moderne, dans les articles de Marx et de moi qu'avait publiés la Neue Rheinische Zeitung nous l'avions utilisée pour interpréter les événements politiques du moment. Ici, il s'agissait, par contre, de démontrer l'enchaînement interne des causes dans le cours d'un développement de plusieurs années qui fut pour toute l'Europe aussi critique que typique, c'est-à-dire dans l'esprit de l'auteur, de réduire les événements politiques aux effets de causes, en dernière analyse, économiques.

Dans l'appréciation d'événements et de suites d'événements empruntés à l'histoire quotidienne, on ne sera jamais en mesure de remonter jusqu'aux dernières causes économiques. Même aujourd'hui où la presse technique compétente fournit des matériaux si abondants, il sera encore impossible, même en Angleterre, de suivre jour par jour la marche de l'industrie et du commerce sur le marché mondial et les modifications survenues dans les méthodes de production, de façon à pouvoir, à n'importe quel moment, faire le bilan d'ensemble de ces facteurs infiniment complexes et toujours changeants, facteurs dont, la plupart du temps, les plus importants agissent, en outre, longtemps dans l'ombre avant de se manifester soudain violemment au grand jour. Une claire vision d'ensemble de l'histoire économique d'une période donnée n'est jamais possible sur le moment même; on ne peut l'acquérir qu'après coup, après avoir rassemblé et sélectionné les matériaux. La statistique est ici une ressource nécessaire et elle suit toujours en boitant. Pour l'histoire contemporaine en cours on ne sera donc que trop souvent contraint de considérer ce facteur, le plus décisif, comme constant, de traiter la situation économique que l'on trouve au début de la période étudiée comme donnée et invariable pour toute celle-ci ou de ne tenir compte que des modifications à cette situation qui résultent des événements, eux-mêmes évidents, et apparaissent donc clairement elles aussi. En conséquence la méthode matérialiste ne devra ici que trop souvent se borner à ramener les conflits politiques à des luttes d'intérêts entre les classes sociales et les fractions de classes existantes, impliquées par le développement économique, et à montrer que les divers partis politiques sont l'expression politique plus ou moins adéquate de ces mêmes classes et fractions de classes.

Il est bien évident que cette négligence inévitable des modifications simultanées de la situation économique, c'est-à-dire de la base même de tous les événements à examiner, ne peut être qu'une source d'erreurs. Mais toutes les conditions d'un exposé d'ensemble de l'histoire qui se fait sous nos yeux renferment inévitablement des sources d'erreurs; or, cela ne détourne personne d'écrire l'histoire du présent.

Lorsque Marx entreprit ce travail, cette source d'erreurs était encore beaucoup plus inévitable. Suivre pendant l'époque révolutionnaire de 1848-1849 les fluctuations économiques qui se produisaient au même moment, ou même en conserver une vue d'ensemble, était chose purement impossible. Il en fut de même pendant les premiers mois de l'exil à Londres - pendant l'automne et l'hiver de 1849-1850. Or, ce fut précisément le moment où Marx commença son travail. Et malgré ces circonstances défavorables, sa connaissance exacte de la situation économique de la France avant la révolution de Février, ainsi que de l'histoire politique de ce pays depuis lors, lui a permis de faire une description des événements qui en révèle l'enchaînement interne d'une façon qui reste inégalée, description qui a subi brillamment la double épreuve que Marx lui-même lui a imposée par la suite.

La première épreuve eut lieu lorsque Marx, à partir du printemps de 1850, retrouva le loisir de se livrer à des études économiques et qu'il entreprit tout d'abord l'étude de l'histoire économique des dix dernières années. Ainsi, des faits eux-mêmes, il tira une vue tout à fait claire de ce que jusque-là il n'avait fait que déduire, moitié a priori, de matériaux insuffisants : à savoir que la crise commerciale mondiale de 1847 avait été la véritable mère des révolutions de Février et de Mars [1] et que la prospérité industrielle, revenue peu à peu dès le milieu de 1848 et parvenue à son apogée en 1849 et 1850, fut la force vivifiante où la réaction européenne puisa une nouvelle vigueur. Ce fut une épreuve décisive. Tandis que dans les trois premiers articles (parus dans les fascicules de janvier, février et mars de la Neue Rheinische Zeitung, revue d'économie politique, Hambourg, 1850) passe encore l'espoir d'un nouvel essor prochain de l'énergie révolutionnaire, le tableau historique du dernier fascicule double (de mai à octobre) paru en automne 1850 et qui fut composé par Marx et par moi, rompt une fois pour toutes avec ces illusions : « Une nouvelle révolution n'est possible qu'à la suite d'une nouvelle crise. Mais elle est aussi sûre que celle-ci. » Ce fut d'ailleurs la seule modification essentielle à faire. Il n'y avait absolument rien de changé à l'interprétation des événements donnée dans les chapitres précédents ni aux enchaînements de cause à effet qui y étaient établis, ainsi que le prouve la suite du récit donnée dans ce même tableau d'ensemble et qui va du 10 mars à l'automne de 1850. Voilà pourquoi j'ai inséré cette suite comme quatrième article dans cette nouvelle édition.

La deuxième épreuve fut plus dure encore. Immédiatement après le coup d'État de Louis Bonaparte du 2 décembre 1851, Marx travailla de nouveau à l'histoire de France de février 1848 jusqu'à cet événement qui marquait provisoirement la fin de la période révolutionnaire. (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 3° édition, Meissner Hambourg, 1885.) [2] Dans cette brochure, la période qu'il expose dans notre ouvrage est traitée à nouveau, quoique de façon plus brève. Que l'on compare avec la nôtre cette deuxième description écrite à la lumière de l'événement décisif survenu plus d'un an après, et l'on constatera que l'auteur n'eut que fort peu à y changer.

Ce qui donne encore à notre ouvrage une importance toute particulière, c'est le fait qu'il prononce pour la première fois sous sa forme condensée la formule par laquelle, à l'unanimité, les partis ouvriers de tous les pays du monde réclament la réorganisation de l'économie : l'appropriation des moyens de production par la société. Dans le deuxième chapitre, à propos du « droit au travail », qui est caractérisé comme « la première formule maladroite dans laquelle se résument les prétentions révolutionnaires du prolétariat », on peut lire :

Mais derrière le droit au travail il y a le pouvoir sur le capital, derrière le pouvoir sur le capital, l'appropriation des moyens de production, leur subordination à la classe ouvrière associée, c'est-à-dire la suppression du travail salarié ainsi que du capital et de leurs rapports réciproques.

Donc, pour la première fois, se trouve formulée ici la thèse par laquelle le socialisme ouvrier moderne se distingue nettement aussi bien de toutes les diverses nuances du socialisme féodal, bourgeois, petit-bourgeois, etc. que de la confuse communauté des biens du socialisme utopique et du communisme ouvrier primitif. Si, plus tard, Marx a élargi la formule à l'appropriation des moyens d'échange eux aussi, cette extension qui, d'ailleurs, allait de soi après le Manifeste communiste, n'exprimait qu'un corollaire de la thèse principale. Puis, quelques gens avisés en Angleterre ont encore ajouté dernièrement que l'on doit transférer aussi les « moyens de répartition » à la société. Il serait difficile à ces messieurs de dire quels sont donc ces moyens de répartition économiques différents des moyens de production et d'échange, à moins que l'on ne parle des moyens de répartition politiques, impôts, secours aux indigents, y compris le Sachsenwald  [3] et autres dotations. Mais, premièrement, ceux-ci ne sont-ils pas déjà maintenant des moyens de répartition en possession de la collectivité, de l'État ou de la commune, et, deuxièmement, ne voulons-nous pas précisément les faire disparaître ?



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Lorsque éclata la révolution de Février, nous étions tous, quant à la façon dont nous concevions les conditions et le cours des mouvements révolutionnaires, sous la hantise de l'expérience historique passée, et notamment de celle de la France. N'était-ce pas précisément de cette dernière qui, depuis 1789, avait dominé toute l'histoire de l'Europe, qu'était parti encore une fois le signal du bouleversement général ? Aussi, était-il évident et inévitable que nos idées sur la nature et la marche de la révolution « sociale » proclamée à Paris en février 1848, de la révolution du prolétariat, fussent fortement teintées des souvenirs des modèles de 1789 et de 1830 ! Et, notamment, lorsque le soulèvement de Paris trouva son écho dans les soulèvements victorieux de Vienne, Milan et Berlin, lorsque toute l'Europe jusqu'à la frontière russe fut entraînée. dans le mouvement, lorsque ensuite au mois de juin à Paris la première grande bataille pour le pouvoir se livra entre le prolétariat et la bourgeoisie, lorsque la victoire même de sa classe ébranla la bourgeoisie de tous les pays au point qu'elle se réfugia à nouveau dans les bras de la réaction monarchiste-féodale qu'on venait seulement de renverser, nous ne pouvions dans les circonstances d'alors absolument plus douter que le grand combat décisif était commencé, qu'il faudrait le livrer dans une seule période révolutionnaire de longue durée et pleine d'alternatives, mais qu'il ne pouvait se terminer que par la victoire définitive du prolétariat.

Après les défaites de 1849, nous ne partagions nullement les illusions de la démocratie vulgaire groupée autour des Gouvernements provisoires in partibus [4]. Celle-ci comptait sur une victoire prochaine, décisive une fois pour toutes, du « peuple » sur les « oppresseurs », nous sur une longue lutte, après l'élimination des « oppresseurs », entre les éléments antagonistes cachés précisément dans ce « peuple ». la démocratie vulgaire attendait le nouveau déclenchement du jour au lendemain; dès l'automne de 1850, nous déclarions que la première tranche au moins de la période révolutionnaire était close et qu'il n'y avait rien à attendre jusqu'à l'explosion d'une nouvelle crise économique mondiale. C'est pourquoi nous fûmes mis au ban comme des traîtres à la révolution par les mêmes gens qui, par la suite, ont fait presque sans exception leur paix avec Bismarck, pour autant que Bismarck trouva qu'ils en valaient la peine.

Mais l'histoire nous a donné tort à nous aussi, elle a révélé que notre point de vue d'alors était une illusion. Elle est encore allée plus loin : elle n'a pas seulement dissipé notre erreur d'alors, elle a également bouleversé totalement les conditions dans lesquelles le prolétariat doit combattre. Le mode de lutte de 1848 est périmé aujourd'hui sous tous les rapports, et c'est un point qui mérite d'être examiné de plus près à cette occasion.

Toutes les révolutions ont abouti jusqu'à présent à l'évincement de la domination d'une classe déterminée par celle d'une autre; mais toutes les classes dominantes n'étaient jusqu'à présent que de petites minorités par rapport à la masse du peuple dominé. C'est ainsi qu'une minorité dominante était renversée, qu'une autre minorité se saisissait à sa place du gouvernail de l'État et transformait les institutions publiques selon ses intérêts. Et, chaque fois, cette minorité était le groupe rendu apte au pouvoir et qualifié par l'état du développement économique et c'est précisément pour cela, et pour cela seulement, que lors du bouleversement la majorité dominée ou bien y participait en faveur de la minorité ou du moins l'acceptait paisiblement. Mais si nous faisons abstraction du contenu concret de chaque cas, la forme commune de toutes ces révolutions était d'être des révolutions de minorités. Même lorsque la majorité y collaborait, elle ne le faisait - sciemment ou non - qu'au service d'une minorité; mais par là, et déjà aussi du fait de l'attitude passive et sans résistance de la majorité, la minorité avait l'air d'être le représentant du peuple tout entier.

Après le premier grand succès, c'était la règle que la minorité victorieuse se scindât en deux : une des moitiés était satisfaite du résultat obtenu, l'autre voulait encore aller plus loin, posait de nouvelles revendications qui étaient au moins partiellement dans l'intérêt réel ou prétendu de la grande foule du peuple. Ces revendications plus radicales s'imposaient bien dans certains cas, mais fréquemment pour un instant seulement; le parti plus modéré reprenait la suprématie, les dernières acquisitions étaient perdues à nouveau en totalité ou partiellement; les vaincus criaient alors à la trahison ou rejetaient la défaite sur le hasard. Mais en réalité la chose était le plus souvent ainsi, les conquêtes de la première victoire n'étaient assurées que par la deuxième victoire du parti plus radical une fois cela acquis, c'est-à-dire ce qui était momentanément nécessaire, les éléments radicaux disparaissaient à nouveau du théâtre d'opérations et leurs succès aussi.

Toutes les révolutions des temps modernes, à commencer par la grande révolution anglaise du XVIIe siècle [5], présentèrent ces caractéristiques qui paraissaient inséparables de toute lutte révolutionnaire. Elles parurent également applicables aux luttes du prolétariat pour son émancipation; d'autant plus applicables que, précisément, en 1848, on pouvait compter les gens capables de comprendre, ne fût-ce que passablement, dans quelle direction il fallait chercher cette émancipation. Même à Paris, les masses prolétariennes elles-mêmes, n'avaient encore, après la victoire, absolument aucune idée claire de la voie à suivre. Et pourtant le mouvement était là instinctif, spontané, impossible à étouffer. N'était-ce pas là précisément la situation dans laquelle devait nécessairement réussir, une révolution conduite, il est vrai, par une minorité, mais cette fois non pas dans l'intérêt de la minorité, mais dans l'intérêt le plus immédiat de la majorité ? Si dans toutes les périodes révolutionnaires un peu longues, les grandes masses populaires pouvaient être gagnées si facilement par de simples supercheries présentées de façon plausible par les minorités poussant de l'avant, comment auraient-elles été moins accessibles à des idées qui étaient le reflet le plus caractéristique de leur situation économique et n'étaient autre chose que l'expression claire, rationnelle de leurs besoins qu'elles ne comprenaient pas encore elles-mêmes et dont elles n'avaient qu'un sentiment encore indistinct ? Cet état d'esprit révolutionnaire des masses, il est vrai, avait presque toujours fait place, et très vite le plus souvent, à une dépression ou même à un revirement en sens contraire, dès que l'illusion était dissipée et que la déception s'était produite. Mais il ne s'agissait point ici de supercheries, mais au contraire de la réalisation des intérêts les plus spécifiques de la grande majorité elle-même, d'intérêts qui, il est vrai, n'étaient point du tout clairs alors à cette grande majorité, mais qui devaient nécessairement lui devenir bientôt assez clairs au cours de la réalisation pratique par l'aspect convaincant de leur évidence. Et si, au printemps de 1850, comme Marx l'a démontré dans son troisième article, le développement de la République bourgeoise sortie de la révolution « sociale » de 1848 avait désormais concentré le véritable pouvoir dans les mains de la grande bourgeoisie - qui était en outre d'esprit monarchiste - et avait groupé par contre toutes les autres classes de la société, paysans comme petits bourgeois, autour du prolétariat, de telle sorte que dans et après la victoire commune ce n'étaient pas eux; mais bien le prolétariat qui avait profité des leçons de l'expérience et qui devait nécessairement devenir le facteur décisif, - n'y avait-il pas là toutes les perspectives de transformation de cette révolution de la minorité en révolution de la majorité ?

L'histoire nous a donné tort à nous et à tous ceux qui pensaient de façon analogue. Elle a montré clairement que l'état du développement économique sur le continent était alors bien loin encore d'être mûr pour la suppression de la production capitaliste; elle l'a prouvé par la révolution économique qui depuis 1848 a gagné tout le continent et qui n'a véritablement donné droit de cité qu'à ce moment à la grande industrie en France, en Autriche, en Hongrie, en Pologne et dernièrement en Russie et fait vraiment de l'Allemagne un pays industriel de premier ordre - tout cela sur une base capitaliste, c'est-à-dire encore très capable d'extension en 1848. Or, c'est précisément cette révolution industrielle qui, la première, a partout fait la lumière dans les rapports de classes, supprimé une foule d'existences intermédiaires provenant de la période manufacturière et en Europe orientale issues même des corps de métier, engendrant une véritable bourgeoisie et un véritable prolétariat de grande industrie et les poussant l'un et l'autre au premier plan du développement social. Mais, c'est à ce moment seulement, que la lutte de ces deux grandes classes qui, en 1848, en dehors de l'Angleterre, ne s'était produite qu'à Paris et tout au plus dans quelques grands centres industriels, s'élargit à toute l'Europe, prenant une intensité encore inimaginable en 1848. Alors, c'était encore la pléiade des évangiles fumeux de petits groupes avec leurs panacées, aujourd'hui c'est la seule théorie de Marx universellement reconnue, d'une clarté lumineuse et qui formule de façon décisive les fins dernières de la lutte; alors, c'étaient les masses séparées et divisées selon les localités et les nationalités, unies seulement par le sentiment de leurs souffrances communes, peu évoluées, ballottées entre l'enthousiasme et le désespoir, aujourd'hui, c'est la seule grande armée internationale des socialistes, progressant sans cesse, croissant chaque jour en nombre, en organisation, en discipline, en clairvoyance et en certitude de victoire. Même si cette puissante armée du prolétariat n'a toujours pas atteint le but, si, bien loin de remporter la victoire d'un seul grand coup, il faut qu'elle progresse lentement de position en position dans un combat dur, obstiné, la preuve est faite une fois pour toutes qu'il était impossible en 1848 de conquérir la transformation sociale par un simple coup de main.

Une bourgeoisie divisée en deux fractions, monarchistes dynastiques [6], mais qui demandait avant toute chose le calme et la sécurité pour ses affaires financières; en face d'elle, un prolétariat vaincu, il est vrai, mais toujours menaçant et autour duquel petits bourgeois et paysans se groupaient de plus en plus - la menace continuelle d'une explosion violente qui, malgré tout, n'offrait aucune perspective de solution définitive, - telle était la situation qu'on aurait dit faite pour le coup d'État du troisième larron, du prétendant pseudo-démocratique Louis Bonaparte. Se servant de l'armée, celui-ci mit fin le 2 décembre 1851 à la situation tendue, assurant bien à l'Europe la tranquillité intérieure, mais la gratifiant, par contre, d'une nouvelle ère de guerres [7]. La période des révolutions par en bas était close pour un instant; une période de révolutions par en haut lui succéda.

La réaction impériale de 1851 fournit une nouvelle preuve du manque de maturité des aspirations prolétariennes de cette époque. Mais elle devait elle-même créer les conditions dans lesquelles celles-ci ne pouvaient manquer de mûrir. La tranquillité intérieure assura le plein développement du nouvel essor industriel, la nécessité d'occuper l'armée et de détourner vers l'extérieur les courants révolutionnaires engendra les guerres où Bonaparte chercha, sous le prétexte de faire prévaloir le « principe des nationalités », à ramasser quelques annexions pour la France. Son imitateur Bismarck adopta la même politique pour la Prusse : il fit son coup d'État, sa révolution par en haut en 1866 face à la Confédération allemande et à l'Autriche, et tout autant face à la Chambre des conflits de Prusse. Mais l'Europe était trop petite pour deux Bonaparte, et l'ironie de l'histoire voulut que Bismarck renversât Bonaparte et que le roi Guillaume de Prusse instaurât non seulement le petit Empire allemand, mais aussi la République française [8]. Or, le résultat général fut qu'en Europe l'indépendance et l'unification interne des grandes nations, à la seule exception de la Pologne, furent établies en fait, A l'intérieur, il est vrai, de limites relativement modestes - mais néanmoins dans des proportions suffisantes pour que le processus de développement de la classe ouvrière ne trouvât plus d'obstacles sérieux dans les complications nationales. Les fossoyeurs de la révolution de 1848 étaient devenus ses exécuteurs testamentaires. Et à côté d'eux se dressait déjà menaçant l'héritier de 1848, le prolétariat, dans l'Internationale.

Après la guerre de 1870-1871, Bonaparte disparaît de la scène, et la mission de Bismarck est terminée, de sorte qu'il peut de nouveau redescendre au rang de vulgaire hobereau. Mais c'est la Commune de Paris qui constitue la fin de cette période. Une tentative sournoise de Thiers pour voler ses canons à la garde nationale de Paris, provoqua une insurrection victorieuse. Il s'avéra de nouveau qu'à Paris il n'y a plus d'autre révolution possible qu'une révolution prolétarienne. Après la victoire, le pouvoir échut tout à fait de lui-même, de façon absolument indiscutée à la classe ouvrière. Et on put voir une fois de plus combien à ce moment-là, ce pouvoir de la classe ouvrière était encore impossible vingt ans après l'époque que nous décrivons ici. D'une part, la France fit faux bond à Paris, le regardant perdre son sang sous les balles de Mac-Mahon, d'autre part, la Commune se consuma dans la querelle stérile des deux partis qui la divisaient, les blanquistes (majorité) et les proudhoniens (minorité), tous deux ne sachant ce qu'il y avait à faire. Le cadeau de la victoire en 1871 ne porta pas plus de fruits que le coup de main en 1848.

Avec la Commune de Paris on crut le prolétariat combatif définitivement enterré. Mais, tout au contraire, c'est de la Commune et de la guerre franco-allemande que date son essor le plus formidable. Le bouleversement total de toutes les conditions de la guerre par l'enrôlement de toute la population apte à porter les armes dans les armées qui ne se comptèrent plus que par millions, les armes à feu, les obus, et les explosifs d'un effet inconnu jusque-là, d'une part mirent une brusque fin à la période des guerres bonapartistes et assurèrent le développement industriel paisible en rendant impossible toute autre guerre qu'une guerre mondiale d'une cruauté inouïe et dont l'issue serait absolument incalculable. D'autre part, du fait que les dépenses de guerre s'accroissaient en progression géométrique, les impôts s'élevèrent à une hauteur vertigineuse, jetant les classes populaires les plus pauvres dans les bras du socialisme. L'annexion de l’Alsace-Lorraine, cause immédiate de la folle course aux armements, a bien pu exciter le chauvinisme des bourgeoisies française et allemande l'un contre l'autre; pour les ouvriers des deux pays, elle devint un élément nouveau d'union. Et l'anniversaire de la Commune de Paris fut le premier jour de fête universel de tout le prolétariat.

La guerre de 1870-1871 et la défaite de la Commune avaient, comme Marx l'avait prédit, transféré pour un temps de France en Allemagne le centre de gravité du mouvement ouvrier européen. En France, il va de soi qu'il fallut des années pour se remettre de la saignée de mai 1871. En Allemagne, par contre, où l'industrie, favorisée en outre par la manne des milliards français [9], se développait vraiment comme en serre chaude à un rythme toujours accéléré, la social-démocratie grandissait avec une rapidité et un succès plus grands encore. Grâce à l'intelligence avec laquelle les ouvriers allemands ont utilisé le suffrage universel institué en 1866, l'accroissement étonnant du Parti apparaît ouvertement aux yeux du monde entier dans des chiffres indiscutables. En 1871, 102 000; en 1874, 352 000; en 1877, 493 000 voix social-démocrates. Ensuite, vint la reconnaissance de ces progrès par les autorités supérieures sous la forme de la loi contre les socialistes [10]; le Parti fut momentanément dispersé, le nombre de voix tomba en 1881 à 312 000. Mais ce coup fut rapidement surmonté, et, dès lors, c'est seulement sous la pression de la loi d'exception, sans presse, sans organisation extérieure, sans droit d'association et de réunion, que l'extension rapide va vraiment commencer : 1884 : 550 000, 1887 : 763 000, 1890 : 1 427 000 voix. Alors, la main de l'État fut paralysée. La loi contre les socialistes disparut, le nombre des voix socialistes monta à 1787 000, plus du quart de la totalité des voix exprimées. Le gouvernement et les classes régnantes avaient épuisé tous leurs moyens - sans utilité, sans but, sans succès. Les preuves tangibles de leur impuissance, que les autorités, depuis le veilleur de nuit jusqu'au chancelier d'Empire, avaient dû encaisser, - et cela de la part d'ouvriers méprisés ! - ces preuves se comptaient par millions. L'État était au bout de son latin, les ouvriers n'étaient qu'au commencement du leur.

Mais, outre le premier service que constituait leur simple existence, en tant que Parti socialiste, parti le plus fort, le plus discipliné et qui grandissait le plus rapidement, les ouvriers allemands avaient rendu encore à leur cause un autre grand service. En montrant à leurs camarades de tous les pays comment on se sert du suffrage universel, ils leur avaient fourni une nouvelle arme des plus acérée.

Depuis longtemps déjà, le suffrage universel avait existé en France, mais il y était tombé en discrédit par suite du mauvais usage que le gouvernement bonapartiste en avait fait. Après la Commune, il n'y avait pas de parti ouvrier pour l'utiliser. En Espagne aussi, le suffrage universel existait depuis la République, mais en Espagne l'abstention aux élections fut de tout temps la règle chez tous les partis d'opposition sérieux. Les expériences faites en Suisse avec le suffrage universel étaient rien moins qu'un encouragement, pour un parti ouvrier. Les ouvriers révolutionnaires des pays romans s'étaient habitués à regarder le droit de suffrage comme un piège, comme un instrument d'escroquerie gouvernementale. En Allemagne, il en fut autrement. Déjà le Manifeste communiste avait proclamé la conquête du suffrage universel, de la démocratie, comme une des premières et des plus importantes tâches du prolétariat militant, et Lassalle avait repris ce point. Lorsque Bismarck se vit contraint d'instituer ce droit de vote [11] comme le seul moyen d'intéresser les masses populaires à ses projets, nos ouvriers prirent aussitôt cela au sérieux et envoyèrent August Bebel au premier Reichstag constituant. Et à partir de ce jour-là, ils ont utilisé le droit de vote de telle sorte qu'ils en ont été récompensés de mille manières et que cela a servi d'exemple aux ouvriers de tous les pays. Ils ont transformé le droit de vote, selon les termes du programme marxiste français  [12] de moyen de duperie qu'il a été jusqu'ici en instrument d'émancipation . Et si le suffrage universel n'avait donné d'autre bénéfice que de nous permettre de nous compter tous les trois ans, que d'accroître par la montée régulièrement constatée, extrêmement rapide du nombre des voix, la certitude de la victoire chez les ouvriers, dans la même mesure que l'effroi chez les adversaires, et de devenir ainsi notre meilleur moyen de propagande; que de nous renseigner exactement sur notre propre force ainsi que sur celle de tous les partis adverses et de nous fournir ainsi pour proportionner notre action un critère supérieur à tout autre, nous préservant aussi bien d'une pusillanimité inopportune que d'une folle hardiesse tout aussi déplacée - si c'était le seul bénéfice que nous ayons tiré du droit de suffrage, ce serait déjà plus que suffisant. Mais il a encore fait bien davantage. Avec l'agitation électorale, il nous a fourni un moyen qui n'a pas son égal pour entrer en contact avec les masses populaires là où elles sont encore loin de nous, pour contraindre tous les partis à défendre devant tout le peuple leurs opinions et leurs actions face à nos attaques : et, en outre, il a ouvert à nos représentants au Reichstag une tribune du haut de laquelle ils ont pu parler à leurs adversaires au Parlement ainsi qu'aux masses au dehors, avec une tout autre autorité et une tout autre liberté que dans la presse et dans les réunions. A quoi servait au gouvernement et à la bourgeoisie leur loi contre les socialistes si l'agitation électorale et les discours des socialistes au Reichstag la battaient continuellement en brèche.

Mais en utilisant ainsi efficacement le suffrage universel le prolétariat avait mis en œuvre une méthode de lutte toute nouvelle et elle se développa rapidement. On trouva que les institutions d'État où s'organise la domination de la bourgeoisie fournissent encore des possibilités d'utilisation nouvelles qui permettent à la classe ouvrière de combattre ces mêmes institutions d'État. On participa aux élections aux différentes Diètes, aux conseils municipaux, aux conseils de prud'hommes, on disputa à la bourgeoisie chaque poste dont une partie suffisante du prolétariat participait à la désignation du titulaire. Et c'est ainsi que la bourgeoisie et le gouvernement en arrivèrent à avoir plus peur de l'action légale que de l'action illégale du Parti ouvrier, des succès des élections que de ceux de la rébellion.

Car, là aussi, les conditions de la lutte s'étaient sérieusement transformées. La rébellion d'ancien style, le combat sur les barricades, qui, jusqu'à 1848, avait partout été décisif, était considérablement dépassé.

Ne nous faisons pas d'illusions à ce sujet : une véritable victoire de l'insurrection sur les troupes dans le combat de rues, une victoire comme dans la bataille entre deux armées est une chose des plus rares. Mais d'ailleurs il était rare aussi que les insurgés l'aient envisagée. Il ne s'agissait pour eux que d'amollir les troupes en les influençant moralement, ce qui ne joue aucun rôle ou du moins ne joue qu'un rôle beaucoup moins grand dans la lutte entre les armées de deux pays belligérants. Si cela réussit, la troupe refuse de marcher, ou les chefs perdent la tête, et l'insurrection est victorieuse. Si cela ne réussit pas alors, même avec des troupes inférieures en nombre, c'est la supériorité de l'équipement et de l'instruction, de la direction unique, de l'emploi systématique des forces armées et de la discipline qui l'emporte. Le maximum de ce que l'insurrection peut atteindre dans une action vraiment tactique, c'est l'établissement dans les règles et la défense d'une barricade isolée. Soutien réciproque, constitution et utilisation des réserves, bref, la coopération et la liaison des différents détachements indispensables déjà pour la défense d'un quartier, à plus forte raison de toute une grande ville, ne sauraient être réalisées que d'une façon tout à fait insuffisante et le plus souvent pas du tout; la concentration des forces armées sur un point décisif n'a naturellement pas lieu. La résistance passive est, par conséquent, la forme de lutte prédominante; l'attaque, ramassant ses forces, fera bien à l'occasion çà et là, mais encore de façon purement exceptionnelle, des avances et des attaques de flanc, mais en règle générale elle se bornera à l'occupation des positions abandonnées par les troupes battant en retraite. A cela s'ajoute encore que du côté de l'armée l'on dispose de canons et de troupes de génie complètement équipées et exercées, moyens de combat qui presque toujours font complètement défaut aux insurgés. Rien d'étonnant donc que même les combats de barricades disputés avec le plus grand héroïsme - à Paris en juin 1848, à Vienne en octobre 1848, à Dresde en mai 1849, - finirent par la défaite de l'insurrection dès que, n'étant pas gênés par des considérations politiques, les chefs dirigeant l'attaque agirent selon des points de vue purement militaires et que leurs soldats leur restèrent fidèles.

Les nombreux succès des insurgés jusqu'en 1848 sont dus à des causes très variées. A Paris, en juillet 1830 et en février 1848, comme dans la plupart des combats de rues en Espagne, il y avait entre les insurgés et les soldats une garde civile qui, ou bien passait directement du côté de l'insurrection ou bien, par son attitude flottante, irrésolue, amenait également un flottement dans les troupes et fournissait en outre des armes à l'insurrection. Là où cette garde civile se dressa dès le début contre l'insurrection, comme en juin 1848 à Paris, celle-ci fut aussi vaincue. A Berlin, en 1848, le peuple fut vainqueur, soit grâce à l'afflux considérable de nouvelles forces armées pendant la nuit et la matinée du 19, soit par suite de l'épuisement et du mauvais approvisionnement des troupes, soit enfin par suite de la paralysie du commandement. Mais, dans tous les cas, la victoire fut remportée parce que la troupe refusa de marcher, parce que l'esprit de décision manquait chez les chefs militaires ou parce qu'ils avaient les mains liées.

Même à l'époque classique des combats de rues, la barricade avait donc un effet plus moral que matériel. Elle était un moyen d'ébranler la fermeté des soldats. Si elle tenait jusqu'à ce que celle-ci flanche, la victoire était acquise; sinon, on était battu. (Tel est le point principal qu'il faut également avoir à l'esprit dans l'avenir lorsque l'on examine la chance d'éventuels combats de rues.)

Les chances d'ailleurs étaient assez mauvaises dès 1849. La bourgeoisie était passée partout du côté des gouvernements. « La civilisation et la propriété » saluaient et traitaient les soldats qui partaient contre les insurgés. La barricade avait perdu son charme, les soldats ne voyaient plus derrière elle le « peuple », mais des rebelles, des excitateurs, des pillards, des partageux, le rebut de la société; l'officier avait appris avec le temps les formes tactiques du combat de rues, il ne marchait plus directement et sans se couvrir sur la barricade improvisée, mais il la tournait en se servant des jardins, des cours et des maisons. Et avec quelque adresse, cela réussissait maintenant neuf fois sur dix.

Mais depuis lors, beaucoup de choses se sont encore modifiées, et toutes en faveur des soldats. Si les grandes villes ont pris une extension considérable, les armées ont grandi davantage encore. Depuis 1848, Paris et Berlin n'ont pas quadruplé, or, leurs garnisons se sont accrues au delà. Ces garnisons peuvent être plus que doublées en vingt-quatre heures grâce aux chemins de fer, et grossir, jusqu'à devenir des armées gigantesques en quarante-huit heures. L'armement de ces troupes énormément renforcées est incomparablement plus efficace. En 1848, c'était le simple fusil à percussion, aujourd'hui c'est le fusil à magasin de petit calibre qui tire quatre fois aussi loin, dix fois plus juste et dix fois plus vite que le premier. Autrefois, c'étaient les boulets et les obus de l'artillerie relativement peu efficaces : aujourd'hui ce sont les obus à percussion dont un seul suffit pour mettre en miettes la meilleure barricade. Autrefois, c'était le pic du pionnier pour percer les murs, aujourd'hui ce sont les cartouches de dynamite.

Du côté des insurgés, par contre, toutes les conditions sont devenues pires. Une insurrection qui a la sympathie de toutes les couches du peuple se reproduira difficilement; dans la lutte de classes toutes les couches moyennes ne se grouperont sans doute jamais d'une façon assez exclusive autour du prolétariat pour que, en contre-partie, le parti réactionnaire rassemblé autour de la bourgeoisie disparaisse à peu près complètement. Le « peuple » apparaîtra donc toujours divisé, et, partant, c'est un levier puissant, d'une si haute efficacité en 1848, qui manquera. Si du côté des insurgés viennent un plus grand nombre de combattants ayant fait leur service, leur armement n'en sera que plus difficile. Les fusils de chasse et de luxe des boutiques d'armuriers - même si la police ne les a pas rendus inutilisables au préalable en enlevant quelque pièce de la culasse - sont même dans la lutte rapprochée loin de valoir le fusil à magasin du soldat. Jusqu'en 1848, on pouvait faire soi-même avec de la poudre et du plomb les munitions nécessaires, aujourd'hui, la cartouche diffère pour chaque fusil et elle n'a partout qu'un seul point de commun, à savoir qu'elle est un produit de la technique de la grande industrie et que, par conséquent, on ne peut pas la fabriquer ex tempore  [13]; la plupart des fusils sont donc inutiles tant qu'on n'a pas les munitions qui leur conviennent spécialement. Enfin, les quartiers construits depuis 1848 dans les grandes villes ont des rues longues, droites et larges, et semblent adaptés à l'effet des nouveaux canons et des nouveaux fusils. Il serait insensé, le révolutionnaire qui choisirait les nouveaux districts ouvriers du nord et de l'est de Berlin pour un combat de barricades. [Cela veut-il dire qu'à l'avenir le combat de rues ne jouera plus aucun rôle ? Pas du tout. Cela veut dire seulement que les conditions depuis 1848 sont devenues beaucoup moins favorables pour les combattants civils, et beaucoup plus favorables pour les troupes. Un combat de rues ne peut donc à l'avenir être victorieux que si cette infériorité de situation est compensée par d'autres facteurs. Aussi, se produira-t-il plus rarement au début d'une grande révolution qu'au cours du développement de celle-ci, et il faudra l'entreprendre avec des forces plus grandes. Mais alors celles-ci, comme dans toute la Révolution française, le 4 septembre et le 31 octobre 1870 à Paris [14], préféreront sans doute l'attaque ouverte à la tactique passive de la barricade.] [15]

Le lecteur comprend-il maintenant pourquoi les pouvoirs dirigeants veulent absolument nous mener là où partent les fusils et où frappent les sabres ? Pourquoi on nous accuse aujourd'hui de lâcheté, parce que nous ne descendons pas carrément dans la rue où nous sommes certains à l'avance d'être défaits ? Pourquoi on nous supplie si instamment de vouloir bien enfin jouer un jour à la chair à canon ?

C'est inutilement et pour rien que ces messieurs gaspillent leurs suppliques comme leurs provocations. Nous ne sommes pas si bêtes. Ils pourraient aussi bien exiger de leur ennemi dans la prochaine guerre qu'il veuille bien se disposer en formations de ligne comme au temps du vieux Fritz ou en colonnes de divisions tout entières à la Wagram et à la Waterloo [16], et cela avec le fusil à pierre à la main. Si les conditions ont changé pour la guerre des peuples, elles n'ont pas moins changé pour la lutte de classes. Le temps des coups de main, des révolutions exécutées par de petites minorités conscientes à la tête des masses inconscientes, est passé. Là où il s'agit d'une transformation complète de l'organisation de la société, il faut que les masses elles-mêmes y coopèrent, qu'elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il s'agit, pour quoi elles interviennent (avec leur corps et avec leur vie). Voilà ce que nous a appris l'histoire des cinquante dernières années. Mais pour que les masses comprennent ce qu'il y a à faire, un travail long, persévérant est nécessaire; c'est précisément ce travail que nous faisons maintenant, et cela avec un succès qui met au désespoir nos adversaires.

Dans les pays romans aussi on comprend de plus en plus qu'il faut réviser l'ancienne tactique. Partout, [le déclenchement sans préparation de l'attaque passe au second plan, partout] on a imité l'exemple allemand de l'utilisation du droit de vote, de la conquête de tous les postes qui nous sont accessibles, [sauf si les gouvernements nous provoquent ouvertement à la lutte]. En France, où pourtant le terrain est miné depuis plus de cent ans par des révolutions successives, où il n'y a pas de parti qui n'ait eu sa part de conspirations, d'insurrections et d'autres actions révolutionnaires de toutes sortes, en France, où, par conséquent, l'armée n'est pas sûre du tout pour le gouvernement et où, en général, les circonstances sont beaucoup plus favorables pour un coup de main insurrectionnel qu'en Allemagne - même en France les socialistes comprennent de plus en plus qu'il n'y a pas pour eux de victoire durable possible, à moins de gagner auparavant la grande masse du peuple, c'est-à-dire ici les paysans. Le lent travail de propagande et l'activité parlementaire sont reconnus là aussi comme la tâche immédiate du Parti. Les succès n'ont pas manqué. Non seulement on a conquis toute une série de conseils municipaux; aux Chambres siègent cinquante socialistes et ceux-ci ont déjà renversé trois ministères et un président de la République. En Belgique, les ouvriers ont arraché l'année dernière le droit de vote et triomphé dans un quart des circonscriptions électorales. En Suisse, en Italie, au Danemark, voire même en Bulgarie et en Roumanie, les socialistes sont représentés au Parlement. En Autriche, tous les partis sont d'accord pour dire qu'on ne saurait nous fermer plus longtemps l'accès au Reichsrat (Conseil d'Empire). Nous y entrerons, c'est une chose certaine, on se querelle seulement sur la question de savoir par quelle porte. Et même si en Russie le fameux Zemski Sobor se réunit, cette Assemblée nationale contre laquelle se cabre si vainement le jeune Nicolas, même là nous pouvons compter avec certitude que nous y serons représentés également.

Il est bien évident que nos camarades étrangers ne renoncent nullement pour cela à leur droit à la révolution. Le droit à la révolution n'est-il pas après tout le seul « droit historique », réel, le seul sur lequel reposent tous les États modernes sans exception, y compris le Mecklembourg dont la révolution de la noblesse s'est terminée en 1755 par le « pacte héréditaire », glorieuse consécration écrite du féodalisme encore en vigueur aujourd'hui. Le droit à la révolution est ancré de façon si incontestable dans la conscience universelle que même le général de Bogouslavski fait remonter à ce droit du peuple seul, le droit au coup d'État qu'il réclame à son empereur.

Mais quoi qu'il arrive dans d'autres pays, la social-démocratie allemande a une situation particulière et, de ce fait, du moins dans l'immédiat, aussi une tâche particulière. Les deux millions d'électeurs qu'elle envoie au scrutin, y compris les jeunes gens et les femmes qui sont derrière eux en qualité de non-électeurs, constituent la masse la plus nombreuse, la plus compacte, le « groupe de choc » décisif de l'armée prolétarienne internationale. Cette masse fournit dès maintenant plus d'un quart des voix exprimées; et, comme le prouvent les élections partielles au Reichstag, les élections aux Diètes des différents pays, les élections aux conseils municipaux et aux conseils de prud'hommes, elle augmente sans cesse. Sa croissance se produit aussi spontanément, aussi constamment, aussi irrésistiblement et, en même temps, aussi tranquillement qu'un processus naturel. Toutes les interventions gouvernementales pour l'empêcher se sont avérées impuissantes. Dès aujourd'hui, nous pouvons compter sur deux millions et quart d'électeurs. Si cela continue ainsi, nous conquerrons d'ici la fin du siècle la plus grande partie des couches moyennes de la société, petits bourgeois ainsi que petits paysans, et nous grandirons jusqu'à devenir la puissance décisive dans le pays, devant laquelle il faudra que s'inclinent toutes les autres puissances, qu'elles le veuillent ou non. Maintenir sans cesse cet accroissement, jusqu'à ce que de lui-même il devienne plus fort que le système gouvernemental au pouvoir (ne pas user dans des combats d'avant-garde, ce « groupe de choc » qui se renforce journellement, mais le garder intact jusqu'au jour décisif), telle est notre tâche principale. Or, il n'y a qu'un moyen qui pourrait contenir momentanément le grossissement continuel des forces combattantes socialistes en Allemagne et même le faire régresser quelque temps, c'est une collision de grande envergure avec les troupes, une saignée comme en 1871 à Paris. A la longue, on surmonterait bien cette chose aussi. Rayer à coups de fusil de la surface du globe un parti qui se compte par millions, tous les fusils à magasin d'Europe et d'Amérique n'y suffisent pas. Mais le développement normal serait paralysé (le « groupe de choc » ne serait peut-être pas disponible au moment critique), le combat décisif serait retardé, prolongé et s'accompagnerait de sacrifices plus lourds.

L'ironie de l'histoire mondiale met tout sens dessus dessous. Nous, les « révolutionnaires », les « chambardeurs », nous prospérons beaucoup mieux par les moyens légaux que par les moyens illégaux et le chambardement. Les partis de l'ordre, comme ils se nomment, périssent de l'état légal qu'ils ont créé eux-mêmes. Avec Odilon Barrot, ils s'écrient désespérés : la légalité nous tue, alors que nous, dans cette légalité, nous nous faisons des muscles fermes et des joues roses et nous respirons la jeunesse éternelle. Et si nous ne sommes pas assez insensés pour nous laisser pousser au combat de rues pour leur faire plaisir, il ne leur restera finalement rien d'autre à faire qu'à briser eux-mêmes cette légalité qui leur est devenue si fatale.

En attendant, ils font de nouvelles lois contre le chambardement. Tout est à nouveau mis sens dessus dessous. Ces fanatiques de l'antichambardement d'aujourd'hui, ne sont-ils pas eux-mêmes les chambardeurs d'hier ? Est-ce nous peut-être qui avons provoqué la guerre civile de 1866 ? Est-ce nous qui avons chassé de leurs pays héréditaires légitimes, le roi de Hanovre, le prince électeur de Hesse, le duc, de Nassau et annexé ces pays héréditaires ? Et ces chambardeurs du Bund allemand et de trois couronnes par la grâce de Dieu se plaignent du chambardement ? Quis tulerit Gracchos de seditione querentes [17] ? Qui pourrait permettre aux adorateurs de Bismarck de se répandre en invectives sur le chambardement ?

Cependant, ils peuvent bien faire passer leurs projets de lois contre la révolution, ils peuvent les aggraver encore, transformer toutes les lois pénales en caoutchouc, ils ne feront rien que donner une nouvelle preuve de leur impuissance. Pour s'attaquer sérieusement à la social-démocratie, il leur faudra encore de tout autres mesures. Sur la révolution sociale-démocrate qui se porte justement si bien parce qu'elle se conforme aux lois, ils ne pourront avoir prise que par le chambardement du parti de l'ordre, lequel ne peut vivre sans briser les lois. M. Roessler, le bureaucrate prussien, et M. de Bogouslavski, le général prussien, leur ont montré la seule voie par laquelle on peut peut-être encore avoir prise sur les ouvriers qui ne se laisseront pas, tant pis, pousser au combat de rues. Rupture de la Constitution, dictature, retour à l'absolutisme, regis voluntas suprema lex [18] ! Donc, ayez seulement du courage, messieurs, il ne s'agit plus ici de faire semblant, il s'agit de siffler.

Mais n'oubliez pas que l'Empire allemand, comme tous les petits États et en général tous les États modernes, est le produit d'un pacte; du pacte d'abord des princes entre eux, ensuite des princes avec le peuple. Si une des parties brise le pacte, tout le pacte tombe et alors l'autre partie n'est plus liée non plus. [Comme Bismarck nous en a si bien donné l'exemple en 1866. Si donc vous brisez la Constitution impériale, la social-démocratie est libre, libre de faire ce qu'elle veut à votre égard. Mais ce qu'elle fera ensuite, elle se gardera bien de vous le dire aujourd'hui.]

Il y a maintenant presque exactement mille six cents ans que dans l'Empire romain sévissait également un dangereux parti révolutionnaire. Il sapait la religion et tous les fondements de l'État. Il niait carrément que la volonté de l'empereur fût la loi suprême, il était sans patrie, international, il s'étendait sur tout l'Empire depuis la Gaule jusqu'à l'Asie, débordait les limites de l'Empire, Il avait fait longtemps un travail de sape souterrain, secret. Mais depuis assez longtemps déjà il se croyait assez fort pour paraître au grand jour. Ce parti révolutionnaire qui était connu sous le nom de chrétien avait aussi sa forte représentation dans l'armée; des légions tout entières étaient chrétiennes. Lorsqu'ils recevaient l'ordre d'aller aux sacrifices solennels de l'Église païenne nationale pour y rendre les honneurs, les soldats révolutionnaires poussaient l'insolence jusqu'à accrocher à leur casque des insignes particuliers - des croix, - en signe de protestation. Même les chicanes coutumières des supérieurs à la caserne restaient vaines. L'empereur Dioclétien ne put conserver plus longtemps son calme en voyant comment on sapait l'ordre, l'obéissance et la discipline dans son armée. Il intervint énergiquement, car il était temps encore. Il promulgua une loi contre les socialistes, je voulais dire une loi contre les chrétiens. Les réunions des révolutionnaires furent interdites, leurs locaux fermés ou même démolis, les insignes chrétiens, croix, etc., furent interdits, comme en Saxe les mouchoirs rouges. Les chrétiens furent déclarés incapables d'occuper des postes publics, on ne leur laissait même pas le droit de passer caporaux. Comme on ne disposait pas encore à l'époque de juges aussi bien dressés au « respect de l'individu » que le suppose le projet de loi contre la révolution de M. de Koeller [19], on interdit purement et simplement aux chrétiens de demander justice devant les tribunaux. Cette loi d'exception resta elle aussi sans effet. Par dérision, les chrétiens l'arrachèrent des murs; bien mieux, on dit qu'à Nicomédie, ils incendièrent le palais au-dessus de la tête de l'empereur. Alors, celui-ci se vengea par la grande persécution des chrétiens de l'année 303 de notre ère. Ce fut la dernière de ce genre. Et elle fut si efficace que dix-sept années plus tard, l'armée était composée en majeure partie de chrétiens et que le nouvel autocrate de l'Empire romain qui succède à Dioclétien, Constantin, appelé par les curés le Grand, proclamait le christianisme religion d'État.

Londres, le 6 mars 1895.

Notes

Les passages en bleu sont en français dans le texte.

[1] La révolution de 1848 a commencé en France le 24 février, à Vienne le 13 mars, à Berlin le 18 mars.

[2] Éditions sociales, 1963.

[3] Une grande propriété qui fut offerte au chancelier Bismarck.

[4] Sur des territoires étrangers. Se dit de l'évêque dont le titre est purement honorifique et ne donne droit à aucune juridiction. On dit, par ironie, gouvernement, ministre, ambassadeur, etc., in partibus.

[5] Sur la révolution anglaise, voir l'étude d'Engels : « Le matérialisme historique » dans K. Marx et F. Engels : Études philosophiques, pp. 116-137, Éditions sociales, Paris, 1961.

[6] Il s'agit des légitimistes, partisans de la monarchie « légitime » des Bourbons qui fut au pouvoir jusqu'à la Révolution de 1789 et pendant la Restauration (1815-1830), et des orléanistes, partisans de la dynastie des Orléans qui vint au pouvoir au moment de la révolution de juillet 1830 et qui fut renversée par la révolution de 1848. Les premiers étaient les représentants de la grande propriété foncière, les seconds de la banque.

[7] Sous le règne de Napoléon III, la France participa à la guerre de Crimée (1854-1855); elle fit la guerre à l'Autriche (1859), organisa une expédition en Syrie (1860), participa avec l'Angleterre à la guerre contre la Chine, conquit le Cambodge (Indochine) et participa à l'expédition du Mexique en 1863 et en 1870 fit la guerre contre l'Allemagne.

[8] Le résultat de la victoire sur la France dans la guerre franco-allemande de 1870-71, fut la formation de l'Empire allemand à l'exclusion de l'Autriche (de là l'appellation « le petit Empire allemand »). La défaite de Napoléon III donna le signal de la révolution en France. La révolution renversa Napoléon III et conduisit à la proclamation de la République le 4 septembre 1870.

[9] La guerre franco-allemande une fois terminée, l'Allemagne annexa, conformément au traité de paix de 1871, l'Alsace-Lorraine et contraignit la France à payer une contribution de 5 milliards.

[10] C'est le 19 octobre 1878 qu'entra en vigueur en Allemagne la loi d'exception contre les socialistes, interdisant le Parti social-démocrate et le poussant à l'illégalité. Elle ne fut abolie qu'en 1890.

[11] Le suffrage universel fut introduit par Bismarck en 1866 lors des élections au Reichstag de l'Empire allemand unifié.

[12] Il s'agit du programme du Parti ouvrier français qui avait été élaboré par Jules Guesde et Paul Lafargue sous la direction personnelle de Marx.

[13] Sur le champ.

[14] Il s'agit du 4 septembre 1870, journée où le gouvernement de Louis Bonaparte fut renversé et la République proclamée, ainsi que de l'échec du soulèvement des blanquistes contre le gouvernement de la défense nationale le 31 octobre de cette même année.

[15] Les passages entre crochets, ici et par la suite, ont été rayés par Engels lui-même.

[16] Dans la bataille de Wagram en 1809, Napoléon ler vainquit l'armée autrichienne; à Waterloo, 18 juin 1815, les armées alliées (anglaise, prussienne, etc.), lui infligèrent une défaite décisive.

[17] Qui supportera que les Gracques se plaignent d'une sédition ?

[18] La volonté du roi est la loi suprême.

[19] Le 5 décembre 1894, un nouveau projet de loi contre les socialistes fut déposé au Reichstag. Ce projet fut renvoyé à une commission qui le discuta jusqu'au 25 avril 1895.










LETTRES MARX ENGELS PENDANT LA GUERRE FRANCO PRUSSIENNE DE 1870
Marx à Engels

Ramsgate, le 15 août 1870

Cher Fred,

Tu liras dans le Daily News - et reproduit dans la Pall Mall d'aujourd'hui - qu'un éminent écrivain vient de lancer un pamphlet anglais en faveur de l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne.

L'éminent homme de lettres qui a réussi à insérer lui-même cette nouvelle dans le Daily News, n'est naturellement personne d'autre que l'ex-étudiant Karl Blind. Cette misérable fripouille peut faire beaucoup de mal en ce moment avec ses intrigues dans la presse anglaise.

Comme tu as maintenant des rapports avec la Pall Mall, il faut que tu prennes note de cet animal afin de l'étriller sérieusement, sitôt qu'il lancera son pamphlet.

Soit dit entre nous, les Prussiens pourraient faire un grand coup diplomatique, sans réclamer pour eux le moindre pouce de territoire français, s'ils demandaient que la Savoie et Nice soient restituées à l'Italie et que la bande de territoire neutralisée par les accords de 1815 soit rendue à la Suisse.  [25]. Personne n'aurait rien à y objecter. Mais ce n'est pas à nous de donner des conseils pour des échanges de territoires.

Toute la famille s'amuse royalement ici. Tussy et la petite Jenny ne veulent pas quitter la mer et se font de belles réserves de force et de santé. En revanche, je reste plus ou moins immobilisé à cause de rhumatismes et d'insomnies.

Salut.

Ton K. M.
Engels à Marx

Manchester, le 15 août 1870



J'ignore dans quelle mesure le très faible Bracke s'est laissé entraîner par l'enthousiasme national et comme en 15 jours j'ai reçu tout au plus un numéro du Volksstaat, je ne suis pas en mesure de juger le Comité sur ce point, sauf à partir de la lettre de Bonhorst à Wilhelm [Liebknecht], qui est plutôt réservée, mais révèle des incertitudes théoriques. Par contraste, l'assurance bornée et l'invocation pédante des principes de la part de Liebknecht font, bien sûr, meilleur effet, comme nous le savons tous.

Il me semble que les choses se présentent comme suit: l'Allemagne a été entraînée par Badinguet dans une guerre pour son existence nationale. Si elle succombait, le bonapartisme serait consolidé pour longtemps, et l'Allemagne serait fichue pour des années, voire des générations. Il ne pourrait plus être question d'un mouvement ouvrier indépendant en Allemagne, la revendication de l'existence nationale absorbant toutes les énergies. Les ouvriers allemands seraient pris en remorque, dans le meilleur des cas, par les ouvriers français.

Si l'Allemagne triomphait, le bonapartisme français serait fichu en toute occurrence; les sempiternelles chamailleries autour de la réalisation de l'unité allemande étant enfin écartées, les ouvriers allemands pourraient s'organiser à l'échelle nationale, ce qu'ils ne pouvaient faire jusqu'ici, et les ouvriers français - quel que soit le gouvernement issu de ce bouleversement - auraient certainement les coudées plus franches que sous le bonapartisme. Toute la masse du peuple allemand et toutes les classes ont reconnu qu'il y allait avant tout de l'existence nationale, et elles ont aussitôt réagi. Il me semble que, dans ces conditions, il ne soit pas possible qu'un parti politique allemand prêche l'obstruction totale, en plaçant toutes sortes de considérations secondaires au-dessus de l'essentiel, comme le fait Wilhelm [Liebknecht].

Il y a, en outre, le fait que Badinguet n'eût pu mener cette guerre sans le chauvinisme des masses de la population française, des bourgeois et petits-bourgeois, aussi bien que des paysans et du prolétariat impérial du bâtiment, issu de paysans chargés dans les villes de réaliser les plans à la Haussmann. Tant que ce chauvinisme n'en prend pas un bon coup, il n'est pas de paix possible entre l'Allemagne et la France. On aurait pu s'attendre à ce qu'une révolution prolétarienne se charge de cette oeuvre, mais depuis qu'il y a la guerre, il ne reste plus aux Allemands qu'à s'en charger eux-mêmes dès à présent.

Venons-en maintenant aux considérations secondaires: si cette guerre est dirigée par Lehmann, Bismarck et Cie, et sert, pour le moment du moins, leur gloire; s'ils parviennent à la gagner, nous le devons à cette lamentable bourgeoisie allemande. Certes, c'est écœurant, mais il n'y a rien à y changer. Dans ces conditions, il serait absurde, pour cette seule raison, de faire de l'anti-bismarckisme le principe directeur unique de notre politique.

Tout d'abord, jusqu'ici - et notamment en 1866 - Bismarck n'a-t-il pas accompli une partie de notre travail, à sa façon et sans le vouloir certes, mais en l'accomplissant tout de même. Il nous procure une place plus nette qu'auparavant. Et puis, nous ne sommes plus en l'an 1815. Les Allemands du Sud ne manqueront pas, à présent, d'entrer au Reichstag, ce qui créera un contrepoids au prussianisme. En outre, il y a des devoirs nationaux qui lui incombent et - comme tu l'as déjà écrit - empêchent d'emblée une alliance avec la Russie. Bref, il est absurde de vouloir, comme Liebknecht, que l'histoire tout entière fasse marche arrière jusque 1866, parce qu'elle lui déplaît. Ne connaissons-nous pas les citoyens modèles que sont les Allemands du Sud. Tout cela est absurde.

J'estime que nos gens peuvent:

   1. se joindre au mouvement national dans la mesure où il se limite à la défense de l'Allemagne et tant qu'il s'y tient (ce qui n'exclut pas, au demeurant, l'offensive jusqu'à la paix).  [27]. Dans sa lettre, Kugelmann a montré combien ce mouvement national est puissant.
   2. souligner la différence entre les intérêts nationaux de l'Allemagne et les intérêts dynastiques et prussiens.
   3. s'opposer à toute annexion de l'Alsace-Lorraine (Bismarck laisse percer maintenant son intention de la rattacher au pays de Bade et à la Bavière).
   4. agir en faveur d'une paix honorable, dès l'instauration à Paris d'un gouvernement républicain, non chauvin.
   5. mettre sans cesse en évidence l'unité d'intérêts des ouvriers allemands et français, qui n'ont pas approuvé la guerre, et ne se font pas la guerre.
   6. la Russie, comme il en est question dans l'Adresse internationale  [28]. Wilhelm [Liebknecht] est amusant lorsqu'il déclare que la véritable position, c'est de rester neutre, parce que Bismarck a été dans le temps le compère de Badinguet. Si telle était l'opinion générale en Allemagne, nous en serions de nouveau à la Confédération rhénane,  [29] et notre noble Wilhelm serait étonné de voir quel rôle il pourrait y jouer, et ce qui resterait du mouvement ouvrier. L'idéal pour faire la révolution sociale, ce serait alors un peuple qui ne reçoit que des coups de pied et des coups de bâton et se trouve coincé dans la série de ces petits États chers à Wilhelm !

As-tu remarqué comment le misérable cherche à me dénoncer pour quelque chose qui est paru dans la Gazette d'Elberfeld !  [30]. Pauvre bête !

La débâcle en France semble terrible. Tout se décompose, s'achète et se vend. De mauvaise fabrication, les chassepots lâchent dans la bataille; comme il n'y en a plus, il faut aller chercher les vieux fusils à silex. Malgré tout, un gouvernement révolutionnaire - s'il vient rapidement - n'a pas à désespérer. Mais, il devra abandonner Paris à son sort et continuer la guerre dans le Sud. Il sera toujours possible alors de tenir assez longtemps pour acheter des armes et organiser des armées nouvelles, grâce à quoi l'ennemi sera progressivement repoussé jusqu'aux frontières. Ce serait en réalité la meilleure issue de la guerre, les deux pays se prouvant mutuellement leur invincibilité. Mais, si cela ne se produit pas bientôt, la comédie sera finie. Les opérations de Moltke sont tout à fait exemplaires; il semble que le vieux Guillaume lui laisse les mains libres pour tout, et les quatrièmes bataillons viennent déjà grossir l'armée, alors que les français n'existent pas encore.

Si Badinguet n'a pas déjà évacué Metz, cela pourrait mal tourner pour lui.



http://www.marxists.org/francais/marx/works/00/commune/kmfecom02.htm

Cours n° 9

Lenine : guerre civile et hygiène social

Colas, Le Léninisme, PUF (1982 et nouvelle édition 1992)
Foucault, "Il faut défendre la société", Cours au Collège de France, 1976, Hautes études, Gallimard, 1997

Lénine, L'Etat et la révolution, en russe : http://www.magister.msk.ru/library/lenin/lenin007.htm


Qui ne sait, en effet, que l'histoire de toutes les révolutions montre la transformation inévitable, et non fortuite, de la lutte des classes en guerre civile ?


Lénine, O.C., t. 25, p.276



Introduction

Lénine a lu Clausewitz en 1915 mais il renverse la formule : "la politique comme continuation de la politique par d'autres moyens"

Interprétations :

Le léninisme effet de la guerre de 1914 ?  Période de brutalisation

La mobilisation générale comme modèle pertinent de la « volonté unique »


Effet d’une vision de l’histoire russe comme marquée par un retard que l’ »épuration » sociale devra compenser et d’une volonté de construire une société parfaite (millénarisme). Le schéma de l’histoire européenne proposée par Marx joue comme un modèle historique : accumulation primitive du capital suppose l’expropriation des masses paysannes.

Ultérieurement importance de la propagande pacifiste et de la justification de la guerre révolutionnaire : la guerre c’est la paix.

I Le Parti unique : une invention bolchévique

A Fonctions du parti unique

a) Le parti unique substitut de la classe absente

b) Le parti appareil de la dictature

c)  Le parti infrastructure de la société

B Fonctionnement du parti unique

a) les modèles du parti : armée, usine, orchestre

b) “ Unité de la volonté ”   (son triomphe pendant la guerre de 14 selon Lénine)

c)  Epuration du parti et par le parti : guerre civile et hygiène social


II Lénine et la classification des guerres

1) la guerre de 14 guerre "impérialiste"

2) La transformation de la guerre en guerre contre son propre gouvernement

3) Mieux vaut une fin pleine d’horreur qu’une horreur sans fin : un calcul d'éspérance faussé par l'espoir d'un gain infini


III Lénine et la guerre civile : la réhabilitation de la guerre civile à la suite de Marx

1) La révolution de 1905 et la nécessité de la guerre civile

2) La légimité de la violence révolutionnaire et de la guerre civile

3) La double prophétie auto-créatrice de la guerre civile.


IV Lénine et l’épuration : le parti unique épuré et épurateur



a) L’exportation de la révolution dans les campagnes conduira à la "collectivisation forcée" qui vise à la "disparition des koulaks en tant que classe" en 1928.

b) Le nettoyage de classe. La biopolitique léniniste. Le racisme de classe.

c) Classification des ennemis de Lénine (source : Lénine, Oeuvres Complètes).


Types
Ennemis subjectifs et objectifs Ennemis objectifs
Ennemis objectifs mais amis subjectifs
 
À visage
découvert

Masqués


Hors du parti Dans le parti Hors du parti Dans le parti Hors du parti Dans le parti
Noms
Génériques

-Ennemis
-Blancs
Vendéens
-Contre-révolutionnaires


Traîtres
Saboteurs

Ennemis intérieurs
Traîtres Saboteurs
Bureaucra-tes
Canailles


Nuiseurs
Parasites
Vampires
Punaises,
Poux,
Fumier moyenâgeux

Déserteurs
Mauvais communistes

Hystériques
Salauds
Merde
Braillards
Phraseurs     


Institution de l’épuration
-Armée rouge
-Tcheka puis Guépéou

Tcheka puis Guépéou
CC ou CCC en liaison avec Tcheka
-Armée rouge
-Tcheka puis Guépéou, NKVD

CC ou CCC en liaison avec Tcheka
 puis Guépéou NKVD,
Armée rouge
-Tcheka

CC ou CCC en liaison avec la Tcheka puis Guépéou
Modalités de l’épuration
-Victoire militaire
-Terreur de masse
-Terreur  rouge

Exécution immédiate
-Procès, condamna- tion

Terreur,
-Exécution sans phrase

Epuration du sol russe
-Extermi-nation
 -Camp de concentration

-Epuration du parti
-Terreur,
exécution sans phrase

-Hôpital psychiatrique
-Prison
-Camp de concentration

-Epuration du parti.
-Prison
-Camp de concentration

Moments exemplaires
positifs

Commune de Paris
-Guerre civile
-Répression de Cronstadt
-guerre civile internatio-nale en 1922

-Lutte contre les cheminots mencheviks en  1917
-procès des “fabricants de charrue” en  1922
Epuration de 99% des mencheviks en 1921
Eté 1918
Printemps 1921
Printemps 1922

-Epuration de 1921
Tentative de coup d’État des S.R. de gauche en Juillet 1918
Rupture avec les mencheviks en 1903
-Paix de Brest-Litovsk en 1918 contre les gauchistes

Figures typiques
-Milioukov en 1917
Kornilov
-Wrangel
-fascistes italiens

Saboteurs dans les chemins de fer en 1917
Mencheviks infiltrés dans le parti 1921
Les koulaks en tant que classe
Les koulaks en tant que classe
Maria Spiridonova
en 1918

-Martov en 1902
-Boukharine en 1920

Figures positives 
inverses

-Rouges
-Armée Rouge
-Tcheka



Dzerdjinski
CCC, CC
Vieille garde bolchevik en 1923

Prolétaires conscients des villes et campagnes
Lénine,
CCC, CC
Vieille garde bolchevik

Trotski en 1917-1923
Bataillons de fer du prolétariat


 

Le léninisme et le stalinisme, sont-ils différents dans leur logique politique ? Le
totalitarisme comme mobilisation générale permanente




Lénine : Under a False Flag

Written: Written not earlier than February 1915
Published: First published in 1917, in the first Collection of the Priliv Publishers, Moscow. Signed: N. Konstantinov. Published according to the text in the Collection.
Source: Lenin Collected Works, Progress Publishers, [197[4]], Moscow, Volume 21, pages 135-157.
Translated:
Transcription\Markup: D. Walters and R. Cymbala

Public Domain: Lenin Internet Archive 2002 (2005). You may freely copy, distribute, display and perform this work; as well as make derivative and commercial works. Please credit “Marxists Internet Archive” as your source.
 

 


Issue No. 1 of Nashe Dyelo (Petrograd, January 1915)[4] published a highly characteristic programmatic article by Mr. A. Potresov, entitled “At the Juncture of Two Epochs”. Like an earlier magazine article by the same author, the present article sets forth the ideas underlying an entire bourgeois trend of public thought in Russia—the liquidationist—regarding the important and burning problems of the times. Strictly speaking, we have before us not articles but the manifesto of a definite trend, and anyone who reads them carefully and gives thought to their content will see that only fortuitous considerations, i.e., such that have nothing in common with purely literary interests, have prevented the author’s ideas (and those of his friends, since the author does not stand alone) from being expressed in the more appropriate form of a declaration or credo.

Potresov’s main idea is that present-day democracy stands at the juncture of two epochs, the fundamental difference between the old epoch and the new consisting in a transition from national isolation to internationalism. By present-day democracy, Potresov understands the kind that marked the close of the nineteenth century and the beginning of the twentieth, as distinct from the old bourgeois democracy that marked the end of the eighteenth century and the first two-thirds of the nineteenth.

At first glance it may seem that the author’s idea is absolutely correct, that we have before us an opponent to the national-liberal tendency predominant in present-day democracy, and that the author is an “internationalist”, not a national-liberal.

Indeed, this defence of internationalism, this reference to national narrow-mindedness and national exclusiveness as features of an outworn and bygone epoch—is it not a breakaway from the wave of national-liberalism, that bane   of present-day democracy or, rather, of its official representatives.

That, at first glance, is not only the possible but the almost inevitable impression. Yet it would be a gross error to think so. The author is transporting his cargo under a false flag. Consciously or otherwise—that does not matter in this instance—he has resorted to a stratagem by hoisting the flag of “internationalism” so as the more securely to transport under this flag his contraband cargo of national-liberalism. After all, Potresov is a most undeniable national-liberal. The gist of his article (and of his programme, platform, and credo) is in the employment of this little—and if you wish even innocent—stratagem, in carrying opportunism under the flag of internationalism. One must go into all the details of this manoeuvre, for the matter is of prime and tremendous importance. Potresov’s use of a false flag is the more dangerous since he not only cloaks himself with the principle of “internationalism” but also assumes the title of an adherent of “Marxist methodology”. In other words, Potresov pretends to be a true follower and exponent of Marxism, whereas in actual fact he substitutes national-liberalism for Marxism. Potresov tries to “amend” Kautsky, accusing him of “playing the advocate”, i.e., of defending liberalism now of one shade, now of another, that is to say, the liberalism of shades peculiar to various nations. Potresov is out to contrast national-liberalism (for it is absolutely indubitable and indisputable that Kautsky has become a national-liberal) with internationalism and Marxism. In reality, Potresov is contrasting particoloured national-liberalism with national-liberalism of a single colour, whereas Marxism is hostile—and in the present historical situation, absolutely hostile—to any kind of national-liberalism.

We shall now go on to show that such is the case, and why.
I

The highlight of Potresov’s misadventures, which led to his setting out under a national-liberal flag, can be best understood if the reader examines the following passage in his article:

“With their characteristic temperament, they [Marx and his comrades] attacked the problem, no matter how difficult it was; they diagnosed the conflict, and attempted to determine the success of which side opened up broader vistas for possibilities desirable from their point of view; thus they laid down a certain basis on which to build their tactics” (p. 73, our italics in excerpts).

“The success of which side is more desirable”—this is what has to be determined, and that from an international, not a national point of view. This is the essence of the Marxist methodology. This is what Kautsky does not do, thus turning from a “judge” (a Marxist) into an “advocate” (a national-liberal). Such is Potresov’s line of argument. Potresov himself is most deeply convinced that he is not “playing the advocate” when he defends the desirability of success for one side (namely, his own) and that, conversely, he is guided by truly international considerations with regard to the egregious sins of the other side.

Potresov, Maslov, Plekhanov, etc., who are all guided by truly international considerations, have reached the same conclusions as Potresov has. This is a simple-mindedness that borders on—well, we shall not make undue haste, but shall first complete an analysis of the purely theoretical question.

“The success of which side is more desirable” was established by Marx in the Italian war of 1859, for instance. Potresov dwells on this particular instance, which, he says, “has a special interest for us because of certain of its features”. We too, for our part, are willing to take the instance chosen by Potresov.

In 1859 Napoleon III declared war on Austria, allegedly for the liberation of Italy, but in reality for his own dynastic aims.

“Behind the back of Napoleon III,” says Potresov, “could be discerned the figure of Gorchakov, who had just signed a secret agreement with the Emperor of the French.” What we have here is a tangle of contradictions: on the one side, the most reactionary European monarchy, which has been oppressing Italy; on the other, the representatives of revolutionary Italy, including Garibaldi, fighting for her liberation, side by side with the ultra-reactionary Napoleon III, etc.   “Would it not have been simpler,” Potresov writes, “to step aside and to say that the two are equally bad? However, neither Engels, Marx, nor Lassalle were attracted by the “simplicity” of such a solution, but started to search the problem [Potresov means to say, to study and explore the problem], of the particular outcome of the conflict which might provide the greatest opportunities for a cause dear to all three.”

Lassalle notwithstanding, Marx and Engels came to the conclusion that Prussia must intervene. Among their considerations, as Potresov himself admits, was that “of the possibility, as a result of a conflict with the enemy coalition, of a national movement in Germany, which might develop over the heads of its numerous rulers; there was also the consideration as to which Power in the Concert of Europe was the main evil: the reactionary Danubian monarchy, or other outstanding representatives of this Concert”.

“To us, it is not important who was right, Marx or Lassalle,” Potresov concludes; “what is important is that all were agreed on the necessity of determining, from an international point of view, the success of which side was more desirable.”

This is the instance cited by Potresov, and the way our author pursues the argument. If Marx was then able “to appraise international conflicts” (Potresov’s expression), notwithstanding the highly reactionary character of the governments of both belligerent sides, then Marxists too are at present obliged to make a similar appraisal, Potresov concludes.

This conclusion is either naïve childishness or crass sophistry, since it boils down to the following: since, in 1859, Marx was working on the problem of the desirability of success for which particular bourgeoisie, we, over half a century later, must solve the problem in exactly the same way.

Potresov has failed to notice that, to Marx in 1859 (as well as in a number of later cases), the question of “the success of which side is more desirable” meant asking “the success of which bourgeoisie is more desirable”. Potresov has failed to notice that Marx was working on the problem at a time when there existed indubitably progressive bourgeois movements, which moreover did not merely exist, but were   in the forefront of the historical process in the leading states of Europe. Today, it would be ridiculous even to imagine a progressive bourgeoisie, a progressive bourgeois movement, in, for instance, such key members of the “Concert” of Europe, as Britain and Germany. The old bourgeois “democracy” of these two key states has turned reactionary. Potresov has “forgotten” this, and has substituted the standpoint of the old (bourgeois) so-called democracy for that of present-day (non-bourgeois) democracy. This shift to the standpoint of another class, and moreover of an old and outmoded class, is sheer opportunism. There cannot be the least doubt that a shift like this cannot be justified by an analysis of the objective content of the historical process in the old and the new epochs.

It is the bourgeoisie—for instance in Germany, and in Britain too, for that matter—that endeavours to effect the kind of substitution accomplished by Potresov, viz., replacing of the imperialist epoch by that of bourgeois-progressive, national and democratic movements for liberation. Potresov is uncritically following in the wake of the bourgeoisie. This is the more unpardonable, since, in the instance he has selected, Potresov has himself been obliged to recognise and specify the considerations guiding Marx, Engels, and Lassalle in those bygone days.[1]

First of all, these were considerations on the national movement (in Germany and Italy)—on the latter’s development over the heads of the “representatives of medievalism”; secondly, these were considerations on the “main evil” of   the reactionary monarchies (the Austrian, the Napoleonic, etc.) in the Concert of Europe.

These considerations are perfectly clear and indisputable. Marxists have never denied the progressiveness of bourgeois national-liberation movements against feudal and absolutist forces. Potresov cannot but know that nothing like this does or can exist in the major, i.e., the leading rival states of today. In those days there existed, both in Italy and in Germany, popular national-liberation movements with decades of struggle behind them. In those days the Western bourgeoisie did not give financial support to certain other states; on the contrary, those states were really “the main evil”. Potresov cannot but know—as he admits in the same article—that today none of the other states is or can be the “main evil”.

The bourgeoisie (in Germany, for instance, though not in that country alone) is, for selfish reasons, encouraging the ideology of national movements, attempting to translate that ideology into the epoch of imperialism, i.e., an entirely different epoch. As usual, the opportunists are plodding along in the rear of the bourgeoisie, abandoning the standpoint of present-day democracy and shifting over to that of the old (bourgeois) democracy. That is the chief shortcoming in all the articles, as well as in the entire position and the entire line of Potresov and his liquidationist fellow-thinkers. At the time of the old (bourgeois) democracy Marx and Engels were working on the problem of the desirability of success for which particular bourgeoisie; they were concerned with a modestly liberal movement developing into a tempestuously democratic one. In the period of present-day (non-bourgeois) democracy, Potresov is preaching bourgeois national-liberalism at a time when one cannot even imagine bourgeois progressive movements, whether modestly liberal or tempestuously democratic, in Britain, Germany, or France. Marx and Engels were ahead of their epoch, that of bourgeois-national progressive movements; they wanted to give an impetus to such movements so that they might develop “over the heads” of the representatives of medievalism.

Like all social-chauvinists, Potresov is moving backwards, away from his own period, that of present-day democracy,   and skipping over to the outworn, dead, and therefore intrinsically false viewpoint of the old (bourgeois) democracy.

That is why Potresov’s following appeal to democracy reveals his muddled thinking and is highly reactionary:

“Do not retreat, but advance, not towards individualism, but towards internationalist consciousness in all its integrity and all its vigour. To advance means, in a certain sense, to go also back—back to Engels, Marx, and Lassalle, to their method of appraising international conflicts, and to their finding it possible to utilise inter-state relations for democratic purposes.”

Potresov drags present-day democracy backwards, not “in a certain sense” but in all senses; he drags it back to the slogans and the ideology of the old bourgeois democracy, to the dependence of the masses upon the bourgeoisie. . . . Marx’s method consists, first of all, in taking due account of the objective content of a historical process at a given moment, in definite and concrete conditions; this in order to realise, in the first place, the movement of which class is the mainspring of the progress possible in those concrete conditions. In 1859, it was not imperialism that comprised the objective content of the historical process in continental Europe, but national-bourgeois movements for liberation. The mainspring was the movement of the bourgeoisie against the feudal and absolutist forces. Fifty-five years later, when the place of the old and reactionary feudal lords has been taken by the not unsimilar finance capital tycoons of the decrepit bourgeoisie, the knowledgeable Potresov is out to appraise international conflicts from the standpoint of the bourgeoisie, not of the new class.[2]

Potresov has not given proper thought to the significance of the truth he uttered in the above words. Let us suppose that two countries are at war in the epoch of bourgeois, national-liberation movements. Which country should we wish success to from the standpoint of present-day   democracy? Obviously, to that country whose success will give a greater impetus to the bourgeoisie’s liberation movement, make its development more speedy, and undermine feudalism the more decisively. Let us further suppose that the determining feature of the objective historical situation has changed, and that the place of capital striving for national liberation has been taken by international, reactionary and imperialist finance capital. The former country, let us say, possesses three-fourths of Africa, whereas the latter possesses one-fourth. A repartition of Africa is the objective content of their war. To which side should we wish success? It would be absurd to state the problem in its previous form, since we do not possess the old criteria of appraisal: there is neither a bourgeois liberation movement running into decades, nor a long process of the decay of feudalism. It is not the business of present-day democracy either to help the former country to assert its “right” to three-fourths of Africa, or to help the latter country (even if it is developing economically more rapidly than the former) to take over those three-fourths.

Present-day democracy will remain true to itself only if it joins neither one nor the other imperialist bourgeoisie, only if it says that the two sides are equally bad, and if it wishes the defeat of the imperialist bourgeoisie in every country. Any other decision will, in reality, be national-liberal and have nothing in common with genuine internationalism.

The reader should not let himself be deceived by the pretentious terminology Potresov employs to conceal his switch over to the standpoint of the bourgeoisie. When Potresov exclaims: “. . . not towards individualism, but towards internationalist consciousness in all its integrity and all its vigour”, his aim is to contrast his own point of view with that of Kautsky. He calls the latter’s view (and that of others like him) “individualism”, because of Kautsky’s refusal to decide “the success of which side is more desirable”, and his justification of the workers’ national-liberalism in each “individual” country. We, on the contrary, he, as it were, says, we—Potresov, Cherevanin, Muslov,   Plekhanov, and others—appeal to “internationalist consciousness in all its integrity and all its vigour”, for we stand for national-liberalism of a definite shade, in no way from the standpoint of an individual state (or an individual nation) but from a standpoint that is genuinely internationalist. This line of reasoning would be ridiculous if it were not so—disgraceful.

Both Potresov and Co. and Kautsky, who have betrayed the standpoint of the class which they are trying hard to represent, are following in the wake of the bourgeoisie.
II

Potresov has entitled his article “At the Juncture of Two Epochs”. We are undoubtedly living at the juncture of two epochs, and the historic events that are unfolding before our eyes can be understood only if we analyse, in the first place, the objective conditions of the transition from one epoch to the other. Here we have important historical epochs; in each of them there are and will always be individual and partial movements, now forward now backward; there are and will always be various deviations from the average type and mean tempo of the movement. We cannot know how rapidly and how successfully the various historical movements in a given epoch will develop, but we can and do know which class stands at the hub of one epoch or another, determining its main content, the main direction of its development, the main characteristics of the historical situation in that epoch, etc. Only on that basis, i.e., by taking into account, in the first place, the fundamental distinctive features of the various “epochs” (and not single episodes in the history of individual countries), can we correctly evolve our tactics; only a knowledge of the basic features of a given epoch can serve as the foundation for an understanding of the specific features of one country or another.

It is to this region that both Potresov’s and Kautsky’s main sophism, or their fundamental historical error, pertains (Kautsky’s article was published in the same issue of Nashe Dyelo ), an error which has led both of them to national-liberal, not Marxist, conclusions.

The trouble is that the instance chosen by Potresov, which has presented a “special interest” to him, namely, the instance of the Italian campaign of 1859, as well as a number of similar historical instances quoted by Kautsky, “in no way pertain to those historical epochs”, “at the juncture” of which we are living. Let us call the epoch we are entering (or have entered, and which is in its initial stage) the present-day (or third) epoch. Let us call that which we have just emerged from the epoch of yesterday (or the second). In that case we shall have to call the epoch from which Potresov and Kautsky cite their instances, the day-before-yesterday (or first) epoch. Both Potresov’s and Kautsky’s revolting sophistry, the intolerable falseness of their arguments, consist in their substituting for the conditions of the present-day (or third) epoch the conditions of the day-before-yesterday (or first) epoch.

I shall try to explain what I mean.

The usual division into historical epochs, so often cited in Marxist literature and so many times repeated by Kautsky and adopted in Potresov’s article, is the following: (1) 1789-1871; (2) 1871-1914; (3) 1914 - ? Here, of course, as everywhere in Nature and society, the lines of division are conventional and variable, relative, not absolute. We take the most outstanding and striking historical events only approximately, as milestones in important historical movements. The first epoch from the Great French Revolution to the Franco-Prussian war is one of the rise of the bourgeoisie, of its triumph, of the bourgeoisie on the upgrade, an epoch of bourgeois-democratic movements in general and of bourgeois-national movements in particular, an epoch of the rapid breakdown of the obsolete feudal-absolutist institutions. The second epoch is that of the full domination and decline of the bourgeoisie, one of transition from its progressive character towards reactionary and even ultra-reactionary finance capital. This is an epoch in which a new class—present-day democracy—is preparing and slowly mustering its forces. The third epoch, which has just set in, places the bourgeoisie in the same “position” as that in which the feudal lords found themselves during the first epoch. This is the epoch of imperialism and imperialist upheavals, as well as of upheavals stemming from the nature of imperialism.

It was none other than Kautsky who, in a series of articles and in his pamphlet Der Weg zur Macht (which appeared in 1909), outlined with full clarity the basic features of the third epoch that has set in, and who noted the fundamental differences between this epoch and the second (that of yesterday), and recognised the change in the immediate tasks as well as in the conditions and forms of struggle of present-day democracy, a change stemming from the changed objective historical conditions. Kautsky is now burning that which he worshipped yesterday; his change of front is most incredible, most unbecoming and most shameless. In the above-mentioned pamphlet, he spoke forthrightly of symptoms of an approaching war, and specifically of the kind of war that became a fact in 1914. It would suffice simply to place side by side for comparison a number of passages from that pamphlet and from his present writings to show convincingly how Kautsky has betrayed his own convictions and solemn declarations. In this respect Kautsky is not an individual instance (or even a German instance); he is a typical representative of the entire upper crust of present-day democracy, which, at a moment of crisis, has deserted to the side of the bourgeoisie.

All the historical instances quoted by Potresov and Kautsky belong to the first epoch. The main objective content of the historical wartime phenomena, not only of 1855, 1859, 1864, 1866, or 1870, but also of 1877 (the Russo-Turkish war) and 1896-1897 (the wars between Turkey and Greece and the Armenian disturbances) were bourgeois-national movements or “convulsions” in a, bourgeois society ridding itself of every kind of feudalism. At that time there could have been no possibility of really independent action by present-day democracy, action of the kind befitting the epoch of the over-maturity, and decay of the bourgeoisie, in a number of leading countries. The bourgeoisie was then the chief class, which was on the upgrade as a result of its participation in those wars; it alone could come out with overwhelming force against the feudal-absolutist institutions. Represented by various strata of propertied producers of commodities, this bourgeoisie was progressive in various degrees in the different countries,   sometimes (like part of the Italian bourgeoisie in 1859) being even revolutionary. The general feature of the epoch, however, was the progressiveness of the bourgeoisie, i.e., its unresolved and uncompleted struggle against feudalism. It was perfectly natural for the elements of present-day democracy, and for Marx as their representative, to have been guided at the time by the unquestionable principle of support for the progressive bourgeoisie (i.e., capable of waging a struggle) against feudalism, and for them to be dealing with the problem as to “the success of which side”, i.e., of which bourgeoisie, was more desirable. The popular movement in the principal countries affected by the war was generally democratic at that time, i.e., bourgeois-democratic in its economic and class content. It is quite natural that no other question could have been posed at the time except the following: the success of which bourgeoisie, the success of which combination of forces, the failure of which reactionary forces (the feudal-absolutist forces which were hampering the rise of the bourgeoisie) promised contemporary democracy more “elbow room”.

As even Potresov has had to admit, Marx was guided, in his “appraisal” of international conflicts springing from bourgeois national and liberation movements, by considerations as to whose success was more capable of contributing to the “development” (p. 74 of Potresov’s article) of national and, in general, popular democratic movements. That means that, during military conflicts stemming from the bourgeoisie’s rise to power within the various nationalities, Marx was, as in 1848, most of all concerned with extending the scope of the bourgeois-democratic movement and bringing it to a head through the participation of broader and more “plebeian” masses, the petty bourgeoisie in general, the peasantry in particular, and finally of the poor classes as a whole. This concern of Marx for the extension of the movement’s social base and its development is the fundamental distinction between Marx’s consistently democratic tactics and Lassalle’s inconsistent tactics, which veered towards an alliance with the national-liberals.

The international conflicts in the third epoch have, in form, remained the same kind of international conflicts as those of the first epoch, but their social and class content has   changed radically. The objective historical situation has grown quite different.

The place of the struggle of a rising capital, striving towards national liberation from feudalism, has been taken by the struggle waged against the new forces by the most reactionary finance capital, the struggle of a force that has exhausted and outlived itself and is heading downward towards decay. The bourgeois-national state framework, which in the first epoch was the mainstay of the development of the productive forces of a humanity that was liberating itself from feudalism, has now, in the third epoch, become a hindrance to the further development of the productive forces. From a rising and progressive class the bourgeoisie has turned into a declining, decadent, and reactionary class. It is quite another class that is now on the upgrade on a broad historical scale.

Potresov and Kautsky have abandoned the standpoint of that class; they have turned back, repeating the false bourgeois assertion that today too the objective content of the historical process consists in the bourgeoisie’s progressive movement against feudalism. In reality, there can now be no talk of present-day democracy following in the wake of the reactionary imperialist bourgeoisie, no matter of what “shade” the latter may be.

In the first epoch, the objective and historical task was to ascertain how, in its struggle against the chief representatives of a dying feudalism, the progressive bourgeoisie should “utilise” international conflicts so as to bring the greatest possible advantage to the entire democratic bourgeoisie of the world. In the first epoch, over half a century ago, it was natural and inevitable that the bourgeoisie, enslaved by feudalism, should wish the defeat of its “own” feudal oppressor, all the more so that the principal and central feudal strongholds of all-European importance were not so numerous at the time. This is how Marx “appraised” the conflicts: he ascertained in which country, in a given and concrete situation, the success of the bourgeois-liberation movement was more important in undermining the all-European feudal stronghold.

At present, in the third epoch, no feudal fortresses of all-European significance remain. Of course, it is the task of   present-day democracy to “utilise” conflicts, but—despite Potresov and Kautsky—this international utilisation must be directed, not against individual national finance capital, but against international finance capital. The utilisation should not be effected by a class which was on the ascendant fifty or a hundred years ago. At that time it was a question of “international action” (Potresov’s expression) by the most advanced bourgeois democracy; today it is another class that is confronted by a similar task created by history and advanced by the objective state of affairs.
III

The second epoch or, as Potresov puts it, “a span of forty-five years” (1870-1914), is characterised very inconclusively by him. The same incompleteness is the shortcoming in Trotsky’s characterisation of the same period, given in his German work, although he does not agree with Potresov’s practical conclusions (this, of course, standing to the former’s credit). Both writers hardly realise the reason for their standing so close to each other, in a certain sense.

Here is what Potresov writes of this epoch, which we have called the second, that of yesterday:

“A detailed restriction of work and the struggle and an all-pervading gradualism—these signs of the times, which by some have been elevated to a principle, have become to others an ordinary fact in their lives, and, as such, have become part of their mentality, a shade of their ideology” (p. 71). “Its [this epoch’s] talent for a smooth and cautious advance had, as its reverse, firstly, a pronounced non-adaptability to any break in gradualness and to catastrophic phenomena of any kind and secondly, an exceptional isolation within the sphere of national action—the national milieu. . .” (p. 72). “Neither revolution, nor war. . .” (p. 70). “Democracy became the more effectively nationalist, the longer the period of its ‘position warfare’ was protracted and the longer there lingered on the stage that spell of European history which . . . knew of no international conflicts in the heart of Europe, and consequently   experienced no unrest extending beyond the boundaries of national state territories, and felt no keen interest on a general European or world scale” (75-76).

The chief shortcoming in this characterisation, as in Trotsky’s characterisation of the same epoch, is a reluctance to discern and recognise the deep contradictions in modern democracy, which has developed on the foundation described above. The impression is produced that the democracy contemporary with the epoch under review remained a single whole, which, generally speaking, was pervaded with gradualism, turned nationalist, was by degrees weaned away from breaks in gradualness and from catastrophes, and grew petty and mildewed.

In reality this could not have happened, since, side by side with the aforesaid tendencies, other and reverse tendencies were undoubtedly operating: the day-by-day life of the working masses was undergoing an internationalisation—the cities were attracting ever more inhabitants, and living conditions in the large cities of the whole world were being levelled out; capital was becoming internationalised, and at the big factories townsmen and country-folk, both native and alien, were intermingling. The class contradictions were growing ever more acute; the employers’ associations were exercising ever greater pressure on the workers’ unions; sharper and more bitter forms of struggle were arising, as, for instance, mass strikes; the cost of living was rising; the pressure of finance capital was becoming intolerable, etc., etc.

In actual fact, events did not follow the pattern described by Potresov. This we know definitely. In the period under discussion, none, literally not one, of the leading capitalist countries of Europe was spared by the struggle between the two mutually opposed currents within contemporary democracy. In each of the big countries, this struggle at times assumed most violent forms, including splits, this despite the general “peaceful”, “sluggish”, and somnolent character of the epoch. These contradictory currents have affected all the various fields of life and all problems of modern democracy without exception, such as the attitude towards the bourgeoisie, alliances with the liberals, the voting for war credits, the attitude towards such matters as   colonial policies, reforms, the character of economic struggle, the neutrality of the trade unions, etc.

“All-pervading gradualism” was in no way the predominant sentiment in all contemporary democracy, as the writings of Potresov and Trotsky imply. No, this gradualism was taking shape as a definite political trend, which at the time often produced individual groups, and sometimes even individual parties, of modern democracy in Europe. That trend had its own leaders, its press organs, its policy, and its own particular—and specially organised—method of influencing the masses of the population. Moreover, this trend was more and more basing itself—and ultimately based itself solidly—on the interests of a definite social stratum within the democracy of the time.

“All-pervading gradualism” naturally attracted into the ranks of that democracy a number of petty-bourgeois fellow-travellers; furthermore, the specifically petty-bourgeois conditions, and consequently, a petty-bourgeois political orientation, became the rule with a definite stratum of parliamentarians, journalists, and trade union officials; a kind of bureaucracy and aristocracy of the working class was arising in a manner more or less pronounced and clear-cut.

Take, for instance, the possession of colonies and the expansion of colonial possessions. These were undoubted features of the period dealt with above, and with the majority of big states. What did that mean in the economic sense? It meant a sum of super-profits and special privileges for the bourgeoisie. It meant, moreover, the possibility of enjoying crumbs from this big cake for a small minority of the petty bourgeois, as well as for the better placed employees, officials of the labour movement, etc. The enjoyment of crumbs of advantage from the colonies, from privileges, by an insignificant minority of the working class in Britain, for instance, is an established fact, recognised and pointed out by Marx and Engels. Formerly confined to Britain alone, this phenomenon became common to all the great capitalist countries of Europe, as their colonial possessions expanded, and in general as the imperialist period of capitalism grew and developed.

In a word, the “all-pervading gradualism” of the second epoch (the one of yesterday) has created, not only a certain   “non-adaptability to any break in gradualness”, as Potresov thinks, not only certain “possibilist” tendencies, as Trotsky supposes, but an entire opportunist trend based on a definite social stratum within present-day democracy, and linked with the bourgeoisie of its own national “shade” by numerous ties of common economic, social, and political interests—a trend directly, openly, consciously, and systematically hostile to any idea of a “break in gradualness”.

A number of Trotsky’s tactical and organisational errors (to say nothing of Potresov’s) spring from his fear, or his reluctance, or inability to recognise the fact of the “maturity” achieved by the opportunist trend, and also its intimate and unbreakable link with the national-liberals (or social-nationalists) of our times. In practice, this failure to recognise this “maturity” and this unbreakable link leads, at least, to absolute confusion and helplessness in the face of the predominant social-nationalist (or national-liberal) evil.

The link between opportunism and social-nationalism is, generally speaking, denied by Potresov, by Martov, Axelrod, V. Kosovsky (who has talked himself into defending the German democrats’ national-liberal vote for war credits) and by Trotsky.

Their main “argument” is that no full coincidence exists between yesterday’s division of democracy “along the line of opportunism” and today’s division “along the line of social-nationalism”. This argument is, firstly, incorrect in point of fact, as we shall presently show; secondly, it is absolutely one-sided, incomplete and untenable from the standpoint of Marxist principles. Persons and groups may shift from one side to the other; that is not only possible, but even inevitable in any great social upheaval; however, it does not at all affect the nature of a definite trend, or the ideological links between definite trends, or their class significance. All these considerations might seem so generally known and indisputable that one feels almost embarrassed at having to lay such emphasis on them. Yet the above-mentioned writers have lost sight of these very considerations. The fundamental class significance of opportunism—or, in other words, its social-economic content—lies in certain elements of present-day democracy   having gone over (in fact, though perhaps unconsciously) to the bourgeoisie, on a number of individual issues. Opportunism is tantamount to a liberal-labour policy. Anyone who is fearful of the “factional” look of these words would do well to go to the trouble of studying the opinions of Marx, Engels, and Kautsky (is the latter not an “authority” highly suitable to the opponents of “factionalism”?) on, let us say, British opportunism. There cannot be the slightest doubt that such a study would lead to a recognition of the coincidence of fundamentals between opportunism and a liberal-labour policy. The basic class significance of today’s social-nationalism is exactly the same. The fundamental idea of opportunism is an alliance or a drawing together (sometimes an agreement, bloc, or the like) between the bourgeoisie and its antipode. The fundamental idea of social-nationalism is exactly the same. The ideological and political affinity, connection, and even identity between opportunism and social-nationalism are beyond doubt. Naturally, we must take as our basis, not individuals or groups, but a class analysis of the content of social trends, and an ideological and political examination of their essential and main principles.

Approaching the same subject from a somewhat different angle, we shall ask: whence did social-nationalism appear? How did it grow and mature? What gave it significance and strength? He who has been unable to find answers to these questions has completely failed to understand what social nationalism is, and is consequently quite incapable of drawing an “ideological line” between himself and social-nationalism, no matter how vehemently he may assert that he is ready to do so.

There can be only one answer to this question: social nationalism has developed from opportunism, and it was the latter that gave it strength. How could social-nationalism have appeared “all of a sudden”? In the same fashion as a babe appears “all of a sudden” if nine months have elapsed since its conception. Each of the numerous manifestations of opportunism during the entire second (or yesterday) epoch in all the European countries was a rivulet, which now flowed “all of a sudden” into a big though very shallow (and, we might add parenthetically, muddy and dirty)   river of social-nationalism. Nine months after conception the babe must separate from its mother; many decades after opportunism was conceived, social-nationalism, its ripe fruit, will have to separate from present-day democracy within a period that is more or less brief (as compared with decades). No matter how good people may scold, rage or vociferate over such ideas and words, this is inevitable, since it follows from the entire social development of present-day democracy and from the objective conditions in the third epoch.

But if division “along the line of opportunism” and division “along the line of social-nationalism” do not fully coincide, does that not prove that no substantial link exists between these two facts? It does not, in the first place, just as the fact that individual bourgeois at the end of the eighteenth century went over either to the side of the feudal lords or that of the people does not prove that there was “no link” between the growth of the bourgeoisie and the Great French Revolution of 1789. Secondly, taken by and large, there is such a coincidence (and we are speaking only in a general sense and of movements as a whole). Take, not one individual country but a number of them, let us say ten European countries: Germany, Britain, France, Belgium, Russia, Italy, Sweden, Switzerland, Holland, and Bulgaria. Only the three countries given in italics may seem the exceptions. In the others, the trends of uncompromising antagonists to opportunism have given birth to trends hostile to social-nationalism. Compare the well-known Monatshefte and its opponents in Germany, Nashe Dyelo and its opponents in Russia, the party of Bissolati and its opponents in Italy, the adherents of Greulich and Grimm in Switzerland, Branting and Höglund in Sweden, and Troelstra, Pannekoek and Gorter in Holland, and finally the Obshcho Dyelo adherents and the Tesnyaki in Bulgaria.[5] The general coincidence between the old and the new division is a fact; as for complete coincidences, they do not occur even in the simplest of natural phenomena, any more than there is complete coincidence between the Volga before the Kama joins it, and the Volga below that point; neither is there full similarity between a child and its parents. Britain only seems the exception; in reality, there   were two main currents in Britain prior to the war, these being identified with two dailies—which is the truest objective indication of the mass character of these currents—namely, the Daily Citizen,[6] the opportunists’ newspaper, and the Daily Herald,[7] the organ of the opponents of opportunism. Both papers have been swamped by the wave of nationalism; yet, opposition has been expressed by under one-tenth of the former’s adherents and by some three-sevenths of the adherents of the latter. The usual method of comparison, whereby only the British Socialist Party is compared with the Independent Labour Party, is erroneous because it overlooks the existence of an actual bloc of the latter with the Fabians[8] and the Labour Party. It follows, then, that only two out of the ten countries are exceptions, but even here the exceptions are not complete, since the trends have not changed places; only (for reasons so obvious that they need not be dwelt on) the wave has swamped almost all the opponents of opportunism. This undoubtedly proves the strength of the wave, but it does not in any way disprove coincidence between the old division and the new for all Europe.

We are told that division “along the line of opportunism” is outmoded, and that only one division is of significance, namely, that between the adherents of internationalism and the adherents of national self-sufficiency. This opinion is fundamentally wrong. The concept of “adherents of internationalism” is devoid of all content and meaning, if we do not concretely amplify it; any step towards such concrete amplification, however, will be an enumeration of features of hostility to opportunism. In practice, this will prove truer still. An adherent of internationalism who is not at the same time a most consistent and determined adversary of opportunism is a phantom, nothing more. Perhaps certain individuals of this type will honestly consider themselves “internationalists”. However, people are judged, not by what they think of themselves but by their political behaviour. The political behaviour of “internationalists” who are not consistent and determined adversaries of opportunism will always aid and abet the nationalist trend. On the other hand, nationalists, too, call themselves “internationalists” (Kautsky, Lensch, Haenisch, Vandervelde,   Hyndman, and others); not only do they call themselves so, but they fully acknowledge an international rapprochement, an agreement, a union of persons sharing their views. The opportunists are not against “internationalism”; they are only in favour of international approval for and international agreement among the opportunists.
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Notes

[1] Incidentally Potresov refuses to make up his mind as to whether Marx or Lassalle was right in appraising the conditions of the war of 1859. We think that (Mehring notwithstanding) Marx was right, whereas Lassalle was then an opportunist, just as he was during his flirtation with Bismarck. Lassalle was adapting himself to the victory of Prussia and Bismarck, to the lack of sufficient strength in the democratic national movements of Italy and Germany. Thus Lassalle deviated towards a national-liberal labour policy, whereas Marx encouraged and developed an independent, consistently democratic policy hostile to national-liberal cowardice (Prussia’s intervention in 1859 against Napoleon would have stimulated the popular movement in Germany). Lassalle was casting glances, not downwards but upwards, as he was fascinated by Bismarck. Bismarck’s “success” was no justification of Lassalle’s opportunism. —Lenin

[2] “Indeed,” Potresov writes, “it was during that period of seeming stagnation that tremendous molecular processes were taking place in every country, the international situation too was gradually changing, the policy of colonial acquisitions, of militant imperialism becoming its determining feature.” —Lenin

[3] A number of changes were made in Lenin’s article “Under a False Flag” by the editors of the Collection issued in March 1917 by Priliv Publishers.

[4] Nashe Dyelo (Our Cause )—a monthly of the Menshevik liquidators; mouthpiece of social-chauvinists in Russia. It began publication in 1915 in Petrograd to replace Nasha Zarya, which had been suppressed in October 1914.

[5] Obshcho Dyelo (The Common Cause ) adherents (also known as Shiroki socialists)—an opportunist trend in Bulgarian Social-Democratic Party. The journal Obshcho Dyelo was published from 1900 onwards. After a split at the Tenth Congress of the Social-Democratic Party in 1903 in Ruse they formed a reformist Bulgarian Social-Democratic Party (of Shiroki socialists). During the world imperialist war of 1914-18 the Obshcho Dyelo adherents took a chauvinist stand.

Tesnyaki—a revolutionary trend in the Bulgarian Social-Democratic Party, which in 1903 took shape as an independent Bulgarian Workers’ Social-Democratic Party. The founder and leader of Tesnyaki was D. Blagoyev, his followers, Georgy Dimitrov and Vasil Kolarov, among others, later heading that Party. In 1914-18 the Tesnyaki came out against the imperialist war. In 1919 they joined the Communist International and formed the Communist Party of Bulgaria.

[6] The Daily Citizen—originally organ of the opportunist bloc—the Labour Party, Fabians and the Independent Labour Party of Britain, published in London from 1912 to 1915.

[7] The Daily Herald—organ of the British Socialist Party, published in London since 1912.

[8] The Fabians—members of the Fabian Society, a British reformist organisation founded in 1884. The name is an allusion to the Roman commander Quintus Fabius Maximus (d. 203), called Cunctator, i.e., the Delayer, for his tactics of harassing Hannibal’s army without risking a pitched battle. Most of the Society’s members were bourgeois intellectuals: scholars, writers, politicians (such as Sidney and Beatrice Webb, Bernard Shaw, Ramsay MacDonald), who denied the need for the class struggle of the proletariat and a socialist revolution, and insisted that the transition from capitalism to socialism lay only through petty reform and a gradual transformation of society. Lenin said it was “an extremely opportunist trend” (see present edition, Vol. 13, p. 358). The Fabian Society, which was   affiliated to the Labour Party in 1900, is one of the ideological sources of Labour Party policy.

During World War I, the Fabians took a social-chauvinist stand. For Lenin’s description of the Fabians, see “British Pacifism and the British Dislike of Theory” (the present volume, pp. 260-65).


  Lenin
How to Organise Competition?


Written: December 24-27, 1917
Source: Collected Works, Volume 26, p. 404-15
Publisher: Progress Publishers
First Published: Pravda No. 17, January 20, 1929.
Translated: Yuri Sdobnikov and George Hanna
Online Version: marx.org 1997; marxists.org 1999
Transcribed: Robert Cymbala
HTML Markup: Brian Baggins and David Walters

 

Bourgeois authors have been using up reams of paper praising competition, private enterprise, and all the other magnificent virtues and blessings of the capitalists and the capitalist system. Socialists have been accused of refusing to understand the importance of these virtues, and of ignoring "human nature". As a matter of fact, however, capitalism long ago replaced small, independent commodity production, under which competition could develop enterprise, energy and bold initiative to any considerable extent, by large- and very large-scale factory production, joint-stock companies, syndicates and other monopolies. Under such capitalism, competition means the incredibly brutal suppression of the enterprise, energy and bold initiative of the mass of the population, of its overwhelming majority, of ninety-nine out of every hundred toilers; it also means that competition is replaced by financial fraud, nepotism, servility on the upper rungs of the social ladder.

Far from extinguishing competition, socialism, on the contrary, for the first time creates the opportunity for employing it on a really wide and on a really mass scale, for actually drawing the majority of working people into a field of labour in which they can display their abilities, develop the capacities, and reveal those talents, so abundant among the people whom capitalism crushed, suppressed and strangled in thousands and millions.

Now that a socialist government is in power our task is to organise competition.

The hangers-on and spongers on the bourgeoisie described socialism as a uniform, routine, monotonous and drab barrack system. The lackeys of the money-bags, the lickspittles of the exploiters, the bourgeois intellectual gentlemen used socialism as a bogey to "frighten" the people, who, under capitalism, were doomed to the penal servitude and the barrack-like discipline of arduous, monotonous toil, to a life of dire poverty and semi-starvation. The first step towards the emancipation of the people from this penal servitude is the confiscation of the landed estates, the introduction of workers’ control and the nationalisation of the banks. The next steps will be the nationalisation of the factories, the compulsory organisation of the whole population in consumers’ societies, which are at the same time societies for the sale of products, and the state monopoly of the trade in grain and other necessities.
Classification of .

Only now is the opportunity created for the truly mass display of enterprise, competition and bold initiative. Every factory from which the capitalist has been ejected, or in which he has at least been curbed by genuine workers’ control, every village from which the landowning exploiter has been smoked out and his land confiscated has only now become a field in which the working man can reveal his talents, unbend his back a little, rise to his full height, and feel that he is a human being. For the first time after centuries of working for others, of forced labour for the exploiter, it has become possible to work for oneself and moreover to employ all the achievements of modern technology and culture in one’s work.

Of course, this greatest change in human history from working under compulsion to working for oneself cannot take place without friction, difficulties, conflicts and violence against the inveterate parasites and their hangers-on. No worker has any illusions on that score. The workers and poor peasants, hardened by dire want and by many long years of slave labour for the exploiters, by their countless insults and acts of violence, realise that it will take time to break the resistance of those exploiters. The workers and peasants are not in the least infected with the sentimental illusions of the intellectual gentlemen, of the Novaya Zhizn crowd and other slush, who "shouted" themselves hoarse "denouncing" the capitalists and "gesticulated" against them, only to burst into tears and to behave like whipped puppies when it came to deeds, to putting threats into action, to carrying out in practice the work of removing the capitalists.

The great change from working under compulsion to working for oneself, to labour planned and organised on a gigantic, national (and to a certain extent international, world) scale, also requires—in addition to "military" measures for the suppression of the exploiters’ resistance—tremendous organisational, organising effort on the part of the proletariat and the poor peasants. The organisational task is interwoven to form a single whole with the task of ruthlessly suppressing by military methods yesterday’s slave-owners (capitalists) and their packs of lackeys—the bourgeois intellectual gentlemen. Yesterday’s slave-owners and their "intellectual" stooges say and think, "We have always been organisers and chiefs. We have commanded, and we want to continue doing so. We shall refuse to obey the ’common people’, the workers and peasants. We shall not submit to them. We shall convert knowledge into a weapon for the defence of the privileges of the money-bags and of the rule of capital over the people."

That is what the bourgeoisie and the bourgeois intellectuals say, think, and do. From the point of view of self-interest their behaviour is comprehensible. The hangers-on and spongers on the feudal landowners, the priests, the scribes, the bureaucrats as Gogol depicted them, and the "intellectuals" who hated Belinsky, also found it "hard" to part with serfdom. But the cause of the exploiters and of their "intellectual" menials is hopeless. The workers and peasants are beginning to break down their resistance—unfortunately, not yet firmly, resolutely and ruthlessly enough—and break it down they will.

"They" think that the "common people", the "common" workers and poor peasants, will be unable to cope with the great, truly heroic, in the world-historic sense of the word, organisational tasks which the socialist revolution has imposed upon the working people. The intellectuals who are accustomed to serving the capitalists and the capitalist state say in order to console themselves: "You cannot do without us." But their insolent assumption has no truth in it; educated men are already making their appearance on the side of the people, on the side of the working people, and are helping to break the resistance of the servants of capital. There are a great many talented organisers among the peasants and the working class, and they are only just beginning to become aware of themselves, to awaken, to stretch out towards great, vital, creative work, to tackle with their own forces the task of building socialist society.

One of the most important tasks today, if not the most important, is to develop this independent initiative of the workers, and of all the working and exploited people generally, develop it as widely as possible in creative organisational work. At all costs we must break the old, absurd, savage, despicable and disgusting prejudice that only the so-called "upper classes", only the rich, and those who have gone through the school of the rich, are capable of administering the state and directing the organisational development of socialist society.

This is a prejudice fostered by rotten routine, by petrified views, slavish habits, and still more by the sordid selfishness of the capitalists, in whose interest it is to administer while plundering and to plunder while administering. The workers will not forget for a moment that they need the power of knowledge. The extraordinary striving after knowledge which the workers reveal, particularly now, shows that mistaken ideas about this do not and cannot exist among the proletariat. But every rank-and-file worker and peasant who can read and write, who can judge people and has practical experience, is capable of organisational work. Among the "common people", of whom the bourgeois intellectuals speak with such haughtiness and contempt, there are many such men and women. This sort of talent among the working class and the peasants is a rich and still untapped source.

The workers and peasants are still "timid", they have not yet become accustomed to the idea that they are now the ruling class; they are not yet resolute enough. The revolution could not at one stroke instill these qualities into millions and millions of people who all their lives had been compelled by want and hunger to work under the threat of the stick. But the Revolution of October 1917 is strong, viable and invincible because it awakens these qualities, breaks down the old impediments, removes the worn-out shackles, and leads the working people on to the road of the independent creation of a new life.

Accounting and control--this is the main economic task of every Soviet of Workers’, Soldiers’ and Peasant’ Deputies, of every consumers’ society, of every union or committee of supplies, of every factory committee or organ of workers’ control in general.

We must fight against the old habit of regarding the measure of labour and the means of production from the point of view of the slave whose sole aim is to lighten the burden of labour or to obtain at least some little bit from the bourgeoisie. The advanced, class-conscious workers have already started this fight, and they are offering determined resistance to the newcomers who flocked to the factory world in particularly large numbers during the war and who now would like to treat the people’s factory, the factory that has come into the possession of the people, in the old way, with the sole aim of "snatching the biggest possible piece of the pie and clearing out". All the class-conscious, honest and thinking peasants and working people will take their place in this fight by the side of the advanced workers.

Accounting and control, if carried on by the Soviets of Workers’, Soldiers’ and Peasants’ Deputies as the supreme state power, or on the instructions, on the authority, of this power -- widespread, general, universal accounting and control, the accounting and control of the amount of labour performed and of the distribution of products—is the essence of socialist transformation, once the political rule of the proletariat has been established and secured.

The accounting and control essential for the transition to socialism can be exercised only by the people. Only the voluntary and conscientious co-operation of the mass of the workers and peasants in accounting and controlling the rich, the rogues, the idlers and the rowdies, a co-operation marked by revolutionary enthusiasm, can conquer these survivals of accursed capitalist society, these dregs of humanity, these hopelessly decayed and atrophied limbs, this contagion, this plague, this ulcer that socialism has inherited from capitalism.

Workers and peasants, working and exploited people! The land, the banks and the factories have now become the property of the entire people! You yourselves must set to work to take account of and control the production and distribution of products—this, and this alone is the road to the victory of socialism, the only guarantee of its victory, the guarantee of victory over all exploitation, over all poverty and want! For there is enough bread, iron, timber, wool, cotton and flax in Russia to satisfy the needs of everyone, if only labour and its products are properly distributed, if only a business-like, practical control over this distribution by the entire people is established, provided only we can defeat the enemies of the people: the rich and their hangers-on, and the rogues, the idlers and the rowdies, not only in politics, but also in everyday economic life.

No mercy for these enemies of the people, the enemies of socialism, the enemies of the working people! War to the death against the rich and their hangers-on, the bourgeois intellectuals; war on the rogues, the idlers and the rowdies! All of them are of the same brood—the spawn of capitalism, the offspring of aristocratic and bourgeois society; the society in which a handful of men robbed and insulted the people; the society in which poverty and want forced thousands and thousands on to the path of rowdyism, corruption and roguery, and caused them to lose all human semblance; the society which inevitably cultivated in the working man the desire to escape exploitation even by means of deception, to wriggle out of it, to escape, if only for a moment, from loathsome labour, to procure at least a crust of bread by any possible means, at any cost, so as not to starve, so as to subdue the pangs of hunger suffered by himself and by his near ones.

The rich and the rogues are two sides of the same coin, they are the two principal categories of parasites which capitalism fostered; they are the principal enemies of socialism. These enemies must be placed under the special surveillance of the entire people; they must be ruthlessly punished for the slightest violation of the laws and regulations of socialist society. Any display of weakness, hesitation or sentimentality in this respect would be an immense crime against socialism.

In order to render these parasites harmless to socialist society we must organise the accounting and control of the amount of work done and of production and distribution by the entire people, by millions and millions of workers and peasants, participating voluntarily, energetically and with revolutionary enthusiasm. And in order to organise this accounting and control, which is fully within the ability of every honest, intelligent and efficient worker and peasant, we must rouse their organising talent, the talent that is to be found in their midst; we must rouse among them—and organise on a national scale -- competition in the sphere of organisational achievement; the workers and peasants must be brought to see clearly the difference between the necessary advice of an educated man and the necessary control by the "common" worker and peasant of the slovenliness that is so usual among the "educated".

This slovenliness, this carelessness, untidiness, unpunctuality, nervous haste, the inclination to substitute discussion for action, talk for work, the inclination to undertake everything under the sun without finishing anything, are characteristics of the "educated"; and this is not due to the fact that they are bad by nature, still less is it due to their evil will; it is due to all their habits of life, the conditions of their work, to fatigue, to the abnormal separation of mental from manual labor, and so on, and so forth.

Among the mistakes, shortcomings and defects of our revolution a by no means unimportant place is occupied by the mistakes, etc., which are due to these deplorable—but at present inevitable—characteristics of the intellectuals in our midst, and to the lack of sufficient supervision by the workers over the organisational work of the intellectuals.

The workers and peasants are still "timid"; they must get rid of this timidity, and they certainty will get rid of it. We cannot dispense with the advice, the instruction of educated people, of intellectuals and specialists. Every sensible worker and peasant understands this perfectly well, and the intellectuals in our midst cannot complain of a lack of attention and comradely respect on the part of the workers and peasants. Advice and instruction, however, is one thing, and the organisation of practical accounting and control is another. Very often the intellectuals give excellent advice and instruction, but they prove to be ridiculously, absurdly, shamefully "unhandy" and incapable of carrying out this advice and instruction, of exercising practical control over the translation of words into deeds.

In this very respect it is utterly impossible to dispense with the help and the leading role of the practical organisers from among the "people", from among the factory workers and working peasants. "It is not the gods who make pots"—this is the truth that the workers and peasants should get well drilled into their minds. They must understand that the whole thing now is practical work; that the historical moment has arrived when theory is being transformed into practice, vitalised by practice, corrected by practice, tested by practice; when the words of Marx, "Every step of real movement is more important than a dozen programmes", become particularly true—every step in really curbing in practice, restricting, fully registering the rich and the rogues and keeping them under control is worth more than a dozen excellent arguments about socialism. For, "theory, my friend, is grey, but green is the eternal tree of life".

Competition must be arranged between practical organisers from among the workers and peasants. Every attempt to establish stereotyped forms and to impose uniformity from above, as intellectuals are so inclined to do, must be combated. Stereotyped forms and uniformity imposed from above have nothing in common with democratic and socialist centralism. The unity of essentials, of fundamentals, of the substance, is not disturbed but ensured by variety in details, in specific local features, in methods of approach, in methods of exercising control, in ways of exterminating and rendering harmless the parasites (the rich and the rogues, slovenly and hysterical intellectuals, etc., etc.).

The Paris Commune gave a great example of how to combine initiative, independence, freedom of action and vigour from below with voluntary centralism free from stereotyped forms. Our Soviets are following the same road. But they are still "timid"; they have not yet got into their stride, have not yet "bitten into" their new, great, creative task of building the socialist system. The Soviets must set to work more boldly and display greater initiative. All "communes"—factories, villages, consumers’ societies, and committees of supplies—must compete with each other as practical organisers of accounting and control of labour and distribution of products. The programme of this accounting and control is simple, clear and intelligible to all—everyone to have bread; everyone to have sound footwear and good clothing; everyone to have warm dwellings; everyone to work conscientiously; not a single rogue (including those who shirk their work) to be allowed to be at liberty, but kept in prison, or serve his sentence of compulsory labour of the hardest kind; not a single rich man who violates the laws and regulations of socialism to be allowed to escape the fate of the rogue, which should, in justice, be the fate of the rich man. "He who does not work, neither shall he eat"—this is the practical commandment of socialism. This is how things should be organised practically. These are the practical successes our "communes" and our worker and peasant organisers should be proud of. And this applies particularly to the organisers among the intellectuals (particularly, because they are too much, far too much in the habit of being proud of their general instructions and resolutions).

Thousands of practical forms and methods of accounting and controlling the rich, the rogues and the idlers must be devised and put to a practical test by the communes themselves, by small units in town and country. Variety is a guarantee of effectiveness here, a pledge of success in achieving the single common aim—to clean the land of Russia of all vermin, of fleas—the rogues, of bugs—the rich, and so on and so forth. In one place half a score of rich, a dozen rogues, half a dozen workers who shirk their work (in the manner of rowdies, the manner in which many compositors in Petrograd, particularly in the Party printing-shops, shirk their work) will be put in prison. In another place they will be put to cleaning latrines. In a third place they will be provided with "yellow tickets" after they have served their time, so that everyone shall keep an eye on them, as harmful persons, until they reform. In a fourth place, one out of every ten idlers will be shot on the spot. In a fifth place mixed methods may be adopted, and by probational release, for example, the rich, the bourgeois intellectuals, the rogues and rowdies who are corrigible will be given an opportunity to reform quickly. The more variety there will be, the better and richer will be our general experience, the more certain and rapid will be the success of socialism, and the easier will it be for practice to devise—for only practice can devise—the best methods and means of struggle.

In what commune, in what district of a large town, in what factory and in what village are there no starving people, no unemployed, no idle rich, no despicable lackeys of the bourgeoisie, saboteurs who call themselves intellectuals? Where has most been done to raise the productivity of labour, to build good new houses for the poor, to put the poor in the houses of the rich, to regularly provide a bottle of milk for every child of every poor family? It is on these points that competition should develop between the communes, communities, producer-consumers’ societies and associations, and Soviets of Workers’, Soldiers’ and Peasants’ Deputies. This is the work in which talented organisers should come to the fore in practice and be promoted to work in state administration. There is a great deal of talent among the people. It is merely suppressed. It must be given an opportunity to display itself. It and it alone, with the support of the people, can save Russia and save the cause of socialism.

Vl. Ilyin

Collected Works Volume 26
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Lenin Works Archive

(souligné par moi DC)

Dominique Colas, La logique de l'épuration des paysans du sol russe théorisée pas Lénine en 1907 (texte inédit en français).

Le texte principalement utilisé dans ce texte est :  V. I.   Lenin
The Agrarian Question and the “Critics of Marx” http://www.marxists.org/archive/lenin/works/1907/agrarcom/index.htm

Conclusion : Lénine et le modèle d’ accumulaton du Capital chez Marx
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Le léninisme, à la fois comme idéologie et comme période de la révolution russe, ne peut nullement être considére, comme une sorte de moment de pureté qui aurait ultérieurement subi une série de dégradations ou de souillures. Bien sûr l’histoire de l’URSS et des pays communistes est une histoire au sens le plus simple du terme : des événements non prévus s’y sont produits, des phénomènes inédits y sont apparus. Mais si l’on s’en tient, ce qui pour un régime de dictature de parti unique visant à la construction d’une société nouvelle après destruction de l’ancien, aux pratiques et aux théorisations de la repression est essentiel, au discours (à la fois la formulation d’une forme de rationalité et les pratiques qu’elle fonde) léniniste, il ne contient rien de moins que ce qui se développera ultérieurement. L’épuration n’est pas un accident du socialisme réel qu’on pourrait mettre entre parenthèses pour soutenir qu’il existe un socialisme vrai qui aurait été  perverti : d’emblée le léninisme à opérier dans le double registre de la terreur de masse et de la purification mise en œuvre dans une recherche forcénée de l’unité par un  parti unique et unifié.
Il reste qu’il n’est pas absurde de se demander si ce socialisme vrai est l’invention du bolchévisme ou se trouve déjà dans le marxisme de Marx. Et l’on sait que l’idée « d’un retour à Marx » dont le mauvais usage, la lecture erronée auraient entrainé la catastrophe stalinienne  a été avancée, notamment dans l’Ecole de Louis Althusser. On peut noter sur un point clef, la question du parasitisme l’écart entre certains des textes de Marx que Lénine a lus et cités et les décisions qu’il a prises. Lénine dans L’Etat et la révolution- s’est beaucoup appuyé sur l’ouvrage de Marx sur la Commune de Paris en 1871. Dans son texte Marx propose une rapide sociologie historique de l’Etat en France (qui reprend des arguments exposés dans la deuxième édition, de 1868, de Louis Napoléon Bonaparte et le coup d’Etat du 2 décembre) : l’histoire de l’Etat en France est caractérisé par une lente différenciation de l’Etat et de la société civile (bürgerliche Gesselschaft) comme on l’observe, avec des spécificités propres, aussi en Angleterre. Mais avec l’apparition du bonapartisme se produit un phénomène nouveau : faute de disposer d’une base de classe suffisante (son soutien essentiel ce sont les petits paysans parcellaires qui reportent sur lui la vénération religieuse qu’ils ont pour son oncle, Napoléon Ier), Napoléon III développe une « bureaucratie » qui étaye son pouvoir.Cette bureaucratie, tout le contraire de la bureaucratie weberienne efficace et rationalisatrice, est composée d’employés de bureau surnuméraires et de sous-officiers inutiles. Aussi pour Marx avec le bonapartisme, l’Etat, dont un des aspects est la fête impériale où l’on dépense sans compter dans un tourbillon de plaisir, est-il le « parasite «  de la société civile, son vampire, sa goule.  Dans la Commune de Paris il faut voir la révolte de la société civile contre un buveur de sang, une lutte contre un boa constrictor qui l’enserrait dans ses anneaux. Lénine, effectuant une relecture des textes de Marx sur la Commune  et une réinterprétation de celle-ci, à la lumière de la révolution de 1905 et de l’insurrection de décembre 1905 à Moscou considère que les communards ont commis deux erreurs. D’une part ils n’ont pas procédé à « l’expropriation des expropriateurs », en ne saississant pas, par exemple, les banques ; la deuxième faute du prolétariat sur « sa trop grande magnanimité »  : « au lieu d’exterminer ses ennemis, il chercha à exercer une influence morale sur eux » et ne marcha pas sur Versailles. Lénine réaffirme que la lutte des classes se transforme à certains moments en guerre civile où les « intérêts du prolétariat » le conduisent à « l’extermination implacable de ses ennemis dans des combats déclarés » . La véhémence du texte est d’autant plus remarquable qu’il a été publié dans un journal en Russie, ce qui contraignait à une certaine prudence.
 Mais plus généralement encore Lénine dénonce moins l’Etat parasite qu’il ne dénonce les parasites : pour lui la destruction de l’Etat tsariste et de toutes les institutions qui lui sont liées, par la dictature du parti, s’accompagne d’une politique d’éradication des groupes sociaux considérés comme parasitaires. Mais si l’on peut marquer une solution de continuité  entre Lénine et Marx (avec la réserve que la quantité de textes que celui-ci a produit limite notre affirmation au seul corpus cité plus haut), l’on pourrait relever que l’idée de parasites sociaux et plus généralement la vision de la politique comme hygiène sociale, est banale chez les socialistes du XIXe siècle. Pas plus que Lénine n’a inventé les camps de concentration, il n’a inventé la thématique de la nocifité de groupes de profiteurs qu’il faudrait éradiquer. Mais l’on peut redire de son usage de la notion de « parasite » ce qu’on a dit à propos des institutions de repression : on ne peut évacuer la spécificité du léninisme par référence à d’autres usages du même terme chez des socialistes contemporains, car « parasite « chez lui n’est pas seulement un motif idéologique, c’est une catégorie discursive et pratique qui conduit  ceux qu’elle désigne à l’exclusion ou à la destruction. On sait que le « parasitisme « fut une catégorie pénale soviétique fort productive de sanctions.
Sur un autre mode on pourrait dire que certains textes qui, chez Marx, avaient le statut de descriptions et d’analyses ont été érigés par Lénine en prescriptions. Le décalage est d’autant plus sensible que Lénine a pris comme  des commandements pertinents pour la Russie des analyses que Marx avait présenté quant à l’Angleterre. L’exemple le plus net est la longue citation d’un passage du livre IV du Capital  que Lénine fait en 1907 dans Le Programme agraire de la social)démocratie dans la première révolution russe de 1905-1917. Ce texte, un des plus longs de Lénine, qui essaye de trouver une réponse à la politique agraire de Stolypine qui s’en prend à la propriété féodale mais que Lénine doit cependant condamner comme bourgeois d’autant que certains socialistes la soutiennent, est d’autant plus pertinent pour montrer les origines de la théorie de l’épuration chez Lénine qu’il fut republié en septembre 1917. Cette continuité permet d’affirmer que la légitimité du « nettoyage de la terre russe » était affirmée par Lénine 10 ans avant la révolution et plus de 20 ans avant la dékoulokisation stalinienne.  L’ouvrage est un plaidoyer pour la « nationalisation «  de la terre contre la solution qui consisterait à un soutien, au travers par exemple, la « municipalisation » , de « la propriété paysanne parcellaire ». Cette solution ne permettrait pas de faire passer la Russie de la domination économique de l’agriculture à une domination  économique de l’industrie ou, comme le dit Lénine, de passer de la « Russie du bois » à la « Russie du fer ». Pour ce faire il faut soutenir la solution  qui permet le meilleur développement des forces productives : il faut suivre une voie qui ne soit pas celle de la lente transformation de l’exploitation féodale en exploitation paysanne (comme avec les junkers  prussiens), mais de la destruction de la propriété féodale qui permette « la transformation du paysan patriarcal en fermier bourgeois » (une solution à l’américaine).  Ainsi sera déblayé la voie qui accélera le développement du capitalisme. Citons ce texte en entier en indiquant les termes utilisés en russe pour traduire Marx et qui font bien apparaître la continuité entre le « clearing of estates » anglais et la ciska, l’épuration russe.

« L’Angleterre est à cet égard [la destruction du régime agraire traditionnel]  le pays le plus révolutionnaire du monde. Tous les régimes que l’histoire lui a légués, là où ils étaient contraires aux conditions de la production  capitaliste dans l’agriculture, ou ne correspondaient pas à ces conditions, ont été balayés sans merci ; non seulement la disposition des localités rurales a été modifiée, mais ces localités elles-mêmes ont été balayées : balayés non seulement les logis et les lieux habités par la population  agricole, mais même la population ; balayés les centres d’économie traditionnels, mais jusqu’à l’économie même. […] Chez les Anglais, le régime historique de l’agriculture s’est trouvé être progressivement constitué par le capital, à partir du XVe siècle. L’expression technique habituelle dans le Royaume-Uni clearing of estates (littéralement : éclaircissement des bien-fonds ou nettoyage (tchiska) des terres) ne se retrouve dans aucun autre pays continental. »

Et Marx, toujours dans la citation  donné par Lénine, poursuivait en décrivant les nethodes du clearing of estates, -explusion, destructin de bâtiments, modification des types de production -  « bref, on n’adoptait pas toutes les conditions de la production sous la forme où elles existaient par tradition, mais on les créait historiquement sous une forme propre à répondre, dans chaque cas donné,     aux exigences d’une application avantageuse du capital » . Création d’un nouveau mode de production par épuration (tchsicka), n’est-ce pas l’essentiel de la politique agraire léniniste-stalinienne ?


L’évolution des théories agraires de Lénine n’a pas besoin d’être retracée ici, sinon pour souligner qu’il a pour thèse permanente celle d’une population excédentaire dont il faut nettoyer la terre russe. Dès ses premiers textes il parle des koulaks comme de « vampires »  ou de « sangsues », dont le nombre est énorme par rapport à la quantité minime de produits dont disposent les paysans , tout en affirmant que ses usuriers et « les paysans bien assis » relèvent d’un même phénomène, le développement du capitalisme dans les campagnes. Ainsie est annoncé, dès avant 1900, l’assimilation que Lénine établie en 1918 entre « koulaks « et « élements exploiteurs des campagnes » ou « bourgeoisie rurale »  . Du reste Lénine, dans le même texte de 1897, soutient que « dans son activité économique le moujik tend à devenir un koulak » . Il se peut que l’idée de parasitisme et de parasitisme de paysans riches ne soit par original, qu’elle ne soit par une invention de Lénine mais  l’idée changera de statut que il le programme communiste sera de se débarasser de ces centaines de milliers de paysans aisés qu’il faut « écraser » par la violence comme le mot d’ordre est donné en 1920-1921 par Lénine .
Si l’on peut souligner que Lénine à trouver chez Marx le modèle de l’institution  efficace parce qu’épurée et la théorisation de la nécessaire élimination de groupes excédentaires dans la paysannerie, on doit aussi noter deux différences remarquables. Dans la théorisation de la coopération  comme création d’un « corps collectif », Marx souligne que la « direction capitaliste » à une double face : « procès de production coopératif «  et « procès d’extraction de plus-value » aussi la forme de cette direction devient nécessairement « despotique ». Ce despotisme de la fabrique Lénine l’oublie pour ne retenir de la coopération que le prodigieux gain d’efficacité qu’elle permet . Mais l’écart d’avec Marx est aussi remarquable dans la transformation de la notion d’Etat parasite, que l’on trouve chez Marx à la conception  léniniste du parasitisme. En effet, dans La Commune de Paris, 1871, Marx présente l’Etat bonapartise comme un produit ultime de la différenciation entre société civile (bürgerlichte Gesselchaft) et Etat où l’Etat bureaucratique menace de dévorer la société civile : c’est un vampire, un buveur de sang, une goule, un parasite dit Marx. Mais si Marx qualifie l’Etat bourgeois de parasite et souhaite son remplacement par la dictature du parti, il ne ne parle jamais des bureaucrates comme de parasites qu’il faudrait exterminer . En ce sens, et dans la mesure même où l’épuration est au cœur même du dispositif qu’il a conçu, on peut dire que Lénine introduit un concept nouveau de la politique par rapport à Marx : sa théorisation n’est pas centrée sur la distinction entre société civile et Etat, mais entre parti épuré et société à épurer.
Si l’on peut donc  considérer qu’il y a une discontinuité entre Marx et Lénine quant à leur conception du corps social, ce corps collectif que Lénine voudrait exempt de toute impureté (et sans tenire compte des différences entre leur statut historique), on peut soutenir, au contraire la continuité entre Lénine et Staline. Quand  Lénine meurt tous les instruments de la terreur de masse et des diffèrentes formes de violence ont été expérimentés sur une plus ou moins grande échelle : les camps de concentration (dont le premier ouvre en août 1918), la mise en place de l’extermination des koulaks en tant que classe (printemps 1918), l’internement dans des hôpitaux psychiatriques pour des opposants politiques (fevrier 1919), l’organisation de procès truqués, la lutte contre les opposants dans le parti par la mise en place d’une policie intérieure au parti, la rédaction d’articles du code pénal permettant une représsion illimitée. Et il a commençé à faire fonctionner des mécanismes de terreur sur le parti qui sont pour des auteurs comme Arendt ou Aron typique du totalitarisme, même si l’ampleur des violences n’est pas comparable à celle que Staline déploiera.






Cours 10 Mao  tsé toung, lecteur de Clausewitz.



" «La guerre est la continuation de la politique.» En ce sens, la guerre, c'est la politique; elle est donc en elle-même un acte politique; depuis les temps les plus anciens, il n'y a jamais eu de guerre qui n'ait eu un caractère politique. . . .

Mais la guerre a aussi ses caractères spécifiques.

En ce sens, elle n'est pas identique à la politique en général. «La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens.»

Une guerre éclate pour lever les obstacles qui se dressent sur la voie de la politique, quand celle-ci a atteint un certain stade qui ne peut être dépassé par les moyens habituels. . . .

Lorsque l'obstacle est levé et le but politique atteint, la guerre prend fin.

Tant que l'obstacle n'est pas complètement levé, il faut poursuivre la guerre jusqu'à ce qu'elle atteigne son but politique. . . .

C'est pourquoi l'on peut dire que la politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique avec effusion de sang."




De la guerre prolongée» (Mai 1938), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome II.


Textes en français et en PDF : http://classiques.chez-alice.fr/start/mao00.html




Dans une bombe, avant l'explosion, les contraires, par suite de conditions déterminées, coexistent dans l'unité. Et c'est seulement avec l'apparition de nouvelles conditions (allumage) que se produit l'explosion. Une situation analogue se retrouve dans tous les phénomènes de la nature où, finalement, la solution d'anciennes contradictions et la naissance de choses nouvelles se produisent sous forme de conflits ouverts.

Il est extrêmement important de connaître ce fait. Il nous aide à comprendre que, dans la société de classes, les révolutions et les guerres révolutionnaires sont inévitables, que, sans elles, il est impossible d'obtenir un développement par bonds de la société, de renverser la classe réactionnaire dominante et de permettre au peuple de prendre le pouvoir.

Mao tsé toung, De la contradictionhttp://classiques.chez-alice.fr/mao/contradic7.html

ON CONTRADICTION

August 1937


Citations de Mao tsé toung : "Le Petit livre rouge " (1966)

http://classiques.chez-alice.fr/mao/PLR.html
ONTENTS
1. The Communist Party
2. Classes and Class Struggle
3. Socialism and Communism3
4. The Correct Handling of Contradictions Among the People
5. War and Peace
6. Imperialism and All Reactionaries Are Paper Tigers
7. Dare to Struggle and Dare to Win
8. People's War
9. The People's Army
10. Leadership of Party Committees
11. The Mass Line
12. Political Work
13. Relations Between Officers and Men
14. Relations Between the Army and the People
15. Democracy in the Three Main Fields
16. Education and the Training of Troops
17. Serving the People
18. Patriotism and Internationalism
19. Revolutionary Heroism
20. Building Our Country Through Diligence and Frugality
21. Self-Reliance and Arduous Struggle
22. Methods of Thinking and Methods of Work
23. Investigation and Study
24. Correcting Mistaken Ideas
25. Unity
26. Discipline
27. Criticism and Self-Criticism
28. Communists
29. Cadres
30. Youth
31. Women
32. Culture and Art
33. Study

Quotations from Mao Tse Tung 

(http://art-bin.com/art/omaotoc.html)

ou : http://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/red-book/

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Introduction

De la difficulté à lire Mao

Définition du "peuple" :
Communists must use the democratic method of persuasion and education when working among the labouring people and must on no account resort to commandism or coercion. The Chinese Communist Party faithfully adheres to this Marxist-Leninist principle.

    On the Correct Handling of Contradictions Among the People  (February 27, 1957), 1st pocket ed., p. 15.*

[ texte complet : ON THE CORRECT HANDLING OF CONTRADICTIONS AMONG THE PEOPLE
Our comrades must understand that ideological remoulding involves long-term, patient and painstaking work, and they must not attempt to change people's ideology, which has been shaped over decades of life, by giving a few lectures or by holding a few meetings. Persuasion, not compulsion, is the only way to convince them. Compulsion will never result in convincing them. To try to convince them by force simply won't work. This kind of method is permissible in dealing with the enemy, but absolutely impermissible in dealing with comrades or friends.

    Speech at the Chinese Communist Party's National Conference on Propaganda Work  (March 12, 1957), lst pocket ed., p. 23.

We must make a distinction between the enemy and ourselves, and we must not adopt an antagonistic stand towards comrades and treat them as we would the enemy. In speaking up, one must have an ardent desire to protect the cause of the people and raise their political consciousness, and there must be no ridiculing or attacking in one's approach.

    Ibid.,  p. 20.*






I Modèle russe et modèle chinois de la prise du pouvoir

1) Centre et périphérie dans les révolutions russes et chinoises
Début de la Révolution russe : octobre 1917 insurrection à Saint Petersbourg. La prise du pouvoir par les communistes en Chine se termine avec la prise de Pékin en 1949. Mao théorisera l’encerclement des villes par les campagnes.

2) Guerres étrangères et guerre civile
En Russie la Révolution de février et le coup d’Etat d’Octobre on lieu dans le contexte d’une guerre étrangère à laquelle les bolchéviks sont opposés. Et la révolution d’Octobre conduira  a une guerre civile.En Chine une guerre civile devient une guerre nationale après l’invasion japonaise de 1937

3) Le primat du parti
Le PCC copie la structure organisationnelle du PCbR. Et dans les deux pays le parti et l’armée sont distincts et celle-ci subordonnée au parti.
Voir l’extrait sur l’APL et le PCC en 2012 sur NTD (TV de Chinois à l’étranger) :

 http://www.youtube.com/watch?v=VtZvD3U1df0

Mao Tsétoung

«Problèmes de la guerre et de la stratégie» (6 novembre 1938), Œuvres choisies, tome II

« Chaque communiste doit s'assimiler cette vérité que «le pouvoir est au bout du fusil» ».

"Notre principe, c'est : le Parti commande aux fusils, et il est inadmissible que les fusils commandent au Parti."
II La Guerre et la paix


a)  théorie générale de la guerre

Chapitre 5 du Petit livre rouge (1966) : http://art-bin.com/art/omao5.html

b) les impérialistes sont des tigres en papier

Chapitre 6 du Petit livre rouge : http://art-bin.com/art/omao6.html

III La guerre de guérilla

a) la guerre populaire

Chapitre 8 du Petit livre rouge : http://art-bin.com/art/omao8.html

b) l'Armée populaire de libération

Chapitre 9 du PLR : http://art-bin.com/art/omao9.html

Et chapitre 13 http://art-bin.com/art/omao13.html
et chapitre 14 http://art-bin.com/art/omao14.html

Chapitre 16 : http://art-bin.com/art/omao16.html

c) le principe général

IV Guerre populaire anti japonaise (nationaliste)

a) Un nationalisme rural :
It is the peasants who are the source of China's industrial workers. In the future, additional tens of millions of peasants will go to the cities and enter factories. If China is to build up powerful national industries and many large modern cities, there will have to be a long process of transformation of rural into urban inhabitants.

It is the peasants who constitute the main market for China's industry. Only they can supply foodstuffs and raw materials in great abundance and absorb manufactured goods in great quantities.

It is the peasants who are the source of the Chinese army. The soldiers are peasants in military uniform, the mortal enemies of the Japanese aggressors.

It is the peasants who are the main political force for democracy in China at the present stage. Chinese democrats will achieve nothing unless they rely on the support of the 360 million peasants.

It is the peasants who are the chief concern of China's cultural movement at the present stage. If the 360 million peasants are left out, do not the "elimination of illiteracy", "popularization of education", "literature and art for the masses" and "public health" become largely empty talk?

In saying this, I am of course not ignoring the political, economic and cultural importance of the rest of the people numbering about 90 million, and in particular am not ignoring the working class, which is politically the most conscious and therefore qualified to lead the whole revolutionary movement. Let there be no misunderstanding.
  Mao tsé toung Du Gouvernement de coalition,  avril, 1945


b) Mais une vision en termes de classes

c) La lutte de classes après la prise du pouvoir : la Révolution culturelle

RAPPORT DE LIN PIAO AU IX CONGRÈS DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS (avril 1969)
Les renégats et agents secrets, les propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, mauvais éléments, et droitiers, qui refusent de s'amender, les contre-révolutionnaires agissants ainsi que les arrivistes et individus à double face de la bourgeoisie, cette poignée de gens qui se dissimulent parmi les masses, ne se révèlent pas tant qu'il n'y a pas le climat voulu. Au cours de l'été 1967 et du printemps 1968, ils déclenchèrent à nouveau un sinistre courant réactionnaire de réhabilitation, de droite et d'extrême "gauche". Ils visaient le quartier général du prolétariat dont le président Mao est le commandant en chef, ainsi que l'Armée populaire de Libération et les comités révolutionnaires nouvellement établis ; par ailleurs, ils dressèrent une partie des masses contre une autre, organisèrent des groupes de conspirateurs contre-révolutionnaires pour tenter de reprendre le pouvoir au prolétariat. Cependant, cette poignée d'individus furent finalement démasqués tout comme leur chef de file, Liou Chao-chi. C'est là une importante victoire de la Grande Révolution culturelle prolétarienne.



V La guerre contre la paysannerie

ouvrage fondamental
:
Yang Jisheng, Tombstone. The Great Chinese Famine, 1958-1962,  traduit du chinois, FSG, 2012

a) Le précédent soviétique. Une guerre contre la paysannerie  : la collectivisation forcée en 1929-1932 et ses conséquences 

b) La reprise du modèle soviétique par Mao tsé toung

c) les Communise populaires et la famine de la fin des années 50.


Conclusion : mélange de guerre civile et d'hygiène social





On Guerrilla Warfare (http://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/1937/guerrilla-warfare/index.htm)
6. The Political Problems Of Guerrilla Warfare (http://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/1937/guerrilla-warfare/ch06.htm)

In Chapter 1, I mentioned the fact that guerrilla troops should have a precise conception of the political goal of the struggle and the political organization to be used in attaining that goal. This means that both organization and discipline of guerrilla troops must be at a high level so that they can carry out the political activities that are the life of both the guerilla armies and of revolutionary warfare.

First of all, political activities depend upon the indoctrination of both military and political leaders with the idea of anti-Japanism. Through them, the idea is transmitted to the troops. One must not feel that he is anti-Japanese merely because he is a member of a guerrilla unit. The anti-Japanese idea must be an ever-present conviction, and if it is forgotten, we may succumb to the temptations of the enemy or be overcome with discouragement. In a war of long duration, those whose conviction that the people must be emancipated is not deep rooted are likely to become shaken in their faith or actually revolt. Without the general education that enables everyone to understand our goal of driving out Japanese imperialism and establishing a free and happy China, the soldiers fight without conviction and lose their determination.

The political goal must be clearly and precisely indicated to inhabitants of guerrilla zones and their national consciousness awakened. Hence, a concrete explanation of the political systems used is important not only to guerrilla troops but to all those who are concerned with the realization of our political goal. The Kuomintang has issued a pamphlet entitled System of National Organization for War, which should be widely distributed throughout guerrilla zones. If we lack national organization, we will lack the essential unity that should exist between the soldiers and the people.

A study and comprehension of the political objectives of this war and of the anti-Japanese front is particularly important for officers of guerrilla troops. There are some militarists who say: 'We are not interested in politics but only in the profession of arms.' It is vital that these simple-minded militarists be made to realize the relationship that exists between politics and military affairs. Military action is a method used to attain a political goal. While military affairs and political affairs are not identical, it is impossible to isolate one from the other.

It is to be hoped that the world is in the last era of strife. The vast majority of human beings have already prepared or are preparing to fight a war that will bring justice to the oppressed peopled of the world. No matter how long this war may last, there is no doubt that it will be followed by an unprecedented epoch of peace The war that we are fighting today for the freedom of all human beings, and the independent, happy, and liberal China that we are fighting to establish will be a part of that new world order. A conception like this is difficult for the simple-minded militarist to grasp and it must therefore be carefully explained to him.

There are three additional matters that must be considered under the broad question of political activities. These are political activities, first, as applied to the troops; second, as applied to the people; and, third, as applied to the enemy. The fundamental problems are: first, spiritual unification of officers and men within the army; second spiritual unification of the army and the people; of the army and the people; and, last, destruction of the unity of the enemy. The concrete methods for achieving these unities are discussed in detail in pamphlet Number 4 of this series, entitled Political Activities in Anti-Japanese Guerrilla Warfare.

A revolutionary army must have discipline that is established on a limited democratic basis. In all armies, obedience the subordinates to their superiors must be exacted. This is true in the case of guerrilla discipline, but the basis for guerrilla discipline must be the individual conscience. With guerrillas, a discipline of compulsion is ineffective. In any revolutionary army, there is unity of purpose as far as both officers and men are concerned, and, therefore, within such an army, discipline is self-imposed. Although discipline in guerrilla ranks is not as severe as in the ranks of orthodox forces, the necessity for discipline exists. This must be self-imposed, because only when it is, is the soldier able to understand completely, why he fights and why he must obey. This type of discipline becomes a tower of strength within the army, and it is the only type that can truly harmonize the relationship that exists between officers and soldiers.

In any system where discipline is externally imposed, the relationship that exists between officer and man is characterized by indifference of the one to the other. The idea that officers can physically beat or severely tongue-lash their men is a feudal one and is not in accord with the conception of self-imposed discipline. Discipline of the feudal type will destroy internal unity and fighting strength. A discipline self-imposed is the primary characteristic of a democratic system in the army .

A secondary characteristic is found in the degree of liberties accorded officers and soldiers. In a revolutionary army, all individuals enjoy political liberty and the question, for example, of the emancipation of the people must not only be tolerated but discussed, and propaganda must encouraged. Further, in such an army, the mode of living of the officers and the soldiers must not differ too much, and this is particularly true in the case of guerilla troops. Officers should live under the same conditions as their men, for that is the only way in which they can gain from their men the admiration and confidence so vital in war. It is incorrect to hold to a theory of equality in all things. But there must be equality of existence in accepting the hardships and dangers of war, thus we may attain to the unification of the officer and soldier groups a unity both horizontal within the group itself, and vertical, that is, from lower to higher echelons. It is only when such unity is present that units can be said to be powerful combat factors.

There is also a unity of spirit that should exist between troops and local inhabitants. The Eighth Route Army put into practice a code known as 'Three Rules and the Eight Remarks', which we list here:

Rules:

All actions are subject to command.
Do not steal from the people.
Be neither selfish nor unjust.

Remarks:

Replace the door when you leave the house.
Roll up the bedding on which you have slept.
Be courteous.
Be honest in your transactions.
Return what you borrow.
Replace what you break.
Do not bathe in the presence of women.
Do not without authority search those you arrest.

The Red Army adhered to this code for ten years and the Eighth Route Army and other units have since adopted it.

Many people think it impossible for guerrillas to exist for long in the enemy's rear. Such a belief reveals lack of comprehension of the relationship that should exist between the people and the troops. The former may be likened to water the latter to the fish who inhabit it. How may it be said that these two cannot exist together? It is only undisciplined troops who make the people their enemies and who, like the fish out of its native element cannot live.

We further our mission of destroying the enemy by propagandizing his troops, by treating his captured soldiers with consideration, and by caring for those of his wounded who fall into our hands. If we fail in these respects, we strengthen the solidarity of our enemy.

Le parti, l'armée et le peuple (en 1964)

Talk On Putting Military Affairs
Work Into Full Effect And
Cultivating Successors To
The Revolution http://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-9/mswv9_21.htm

June 16, 1964


June 16, 1964

[SOURCE: Long Live Mao Tse-tung Thought, a Red Guard Publication.]

I shall talk about two problems. The first is the question of local party committees paying attention to military affairs, and the second is the question of dealing with successors. . . it will not do to merely observe demonstrations. It is necessary to pay attention to troops, it is necessary to operate armament plants. . . the provinces must inquire into the matter of troop units and the militia. You first secretaries of provincial committees are also political commissars. You have not carried out your duties for a number of years, you have been political commissars in name only and have not paid attention to military affairs. When a problem arises, you become confused without help. Regardless of which direction the enemy may come, it is necessary that you be ready, then our country shall not perish. The various levels of party committees must all pay attention to military affairs work and to militia work. . . How can only we rely on the several millions of Liberation Army troops of the central government in a country such as ours and on such a large battle front? We cannot depend on them. You must make up your own minds. The local authorities have the responsibility. . . needless to say, they will want to fight an atomic war! We shall run away when they drop the atom bombs. When they enter the city, we shall also enter the city and the enemy will not dare to use the atom bomb. We shall engage in street fighting. At any rate, we shall fight them.

It is necessary that the militia be organized a little better organizationally, politically, and militarily. Organizational improvement is to have some sort of an established organization of cadre-militiamen and ordinary militiamen, to have fighters, squad and platoon leaders, and company, battalion, regiment, and division commanders, and to become really functional. It is also necessary that political work personnel be organized so that in case something happens, they may take up their arms and go. Some people have said that their psychological outlook improved greatly after three months of service in the militia. The militia must have organization, it must have soldiers, it must have officers, and it must be put into full effect At present, many localities have not put it into full effect. It is necessary to carry out political work and the work of the people. To put politics into full effect, it is necessary to have a political structure, political commissars, political officers, and political instructors. To do political work is to perform the work of the people. It is necessary to distinguish between the good and the bad people in the militia and eliminate the bad ones. It is necessary to clearly explain to the militiamen that regardless of whatever important matter which may occur, they must not become flustered, for how can one win battles if one is flustered? One must not become flustered in fighting with rifles, guns, or atom bombs. One will not become flustered if one is well prepared politically. When the atom bomb is dropped, there is nothing else but to see Marx; since the days of old there has always been death. Without a belief, one cannot establish oneself. Those who are doomed to die shall die, and those who do not die shall go on. To kill all the Chinese people. I cannot see that, the imperialists will not do that, for who will they have to exploit!. . . . in 20 years of war, have we not lost many people? Huang Kung-lueh, Liu Hu-lan, and Huang Chikuang. . . we did not die, we are the! remaining dregs. When the burden is too heavy, death is the way out. Indeed, death called on Comrade XXX, but he did not go, so he is still alive. It is necessary to be prepared militarily. It is necessary to be prepared with rifles during peacetime, it will be too late when war starts. . . if one only cares about dealing with civil and not military affairs, if one only wants people and not rifles. When war begins, it will be necessary to depend upon China to hold on, it will not do to depend on the revisionists. When the enemy fight their way in, we will be able to fight our way out. In general, we must be ready to fight, we must not become flustered when the fighting starts, we also must not be flustered in fighting the atom bomb. Do not be afraid. It is nothing but a big disorder throughout the world. It is nothing but people dying. Man eventually must die, he may die standing up or lying down. Those who do not die will go on with their work, if one-half meets with death, there is still another half. . . Do not be afraid of imperialism. It will not do to be afraid, the more one is afraid, the less enthusiasm one will have. Being prepared and unafraid, one will have the enthusiasm.

The second problem is to prepare for the future and to bring up successors.

The imperialists have said that our first generation presented no problem, the second generation did not unchange, and that there is hope for the third and fourth generations. Will this hope of the imperialists be realized? Will these words of the imperialists come true? I hope that it will not come true; however, it can also come true. In the Soviet Union, it was the third generation that produced the Soviet Khrushchev Revisionism. We can also possibly produce revisionism. How can we guard against revisionism? How can we cultivate successors to the revolution? As I see it, there are five requirements.

1. It is necessary to regularly observe and educate our cadres, they must have some knowledge of Marxism-Leninism; it would be best if they have a bit more knowledge of Marxism-Leninism. They must practice Marxism-Leninism, not revisionism.

2. They must serve the majority of the people and not the minority. They must serve the majority of the people of China. They must serve the majority of the people of the world and not the minority, or the landlords, rich peasants, counter-revolutionaries, bad elements, and rightists. Without this prerequisite, one cannot serve as a party branch secretary. Moreover, one cannot serve as the central (committee) secretary or the central chairman, Khrushchev was for the minority, we are for the majority of the people.

3. They must be able to unite the majority of the people. What is meant by uniting the majority of the people includes those people who had previously and erroneously opposed ourselves. Regardless of which mountain peak they belong to, we must not seek revenge, we cannot have a new group of officials for each emperor. Our experiences have proven that we would not have been victorious in our revolution if it had not been for the correct guidelines of the 7th National Congress.


Mao et la bombe atomique
THE CHINESE PEOPLE CANNOT BE COWED BY THE ATOM BOMB

January 28, 1955
 
[Main points of a conversation with Ambassador Carl-Johan (Cay) Sundstrom, the first Finnish envoy to China, when he presented his credentials.]

China and Finland are friendly countries. Our relations are based on the Five Principles of Peaceful Coexistence.

China and Finland have never come into conflict. In the past, China's wars with European countries were only with Britain, France, Germany, tsarist Russia, Italy, the Austro-Hungarian Empire and Holland, these countries all came from afar to commit aggressions against China, as in the invasions by the Anglo-French allied forces and by the allied forces of the eight powers, including the United States and Japan. Sixteen countries took part in the war of aggression against Korea, including Turkey and Luxembourg. All these aggressor countries claimed to be peace-loving while branding Korea and China as aggressors

Today, the danger of a world war and the threats to China come mainly from the warmongers in the United States. They have occupied our Taiwan and the Taiwan Straits and are contemplating an atomic war. We have two principles: first, we don't want war; second, we will strike back resolutely if anyone invades us. This is what we teach the members of the Communist Party and the whole nation. The Chinese people are not to be cowed by U.S. atomic blackmail. Our country has a population of 600 million and an area of 9,600,000 square kilometres. The United States cannot annihilate the Chinese nation with its small stack of atom bombs. Even if the U.S. atom bombs were so powerful that, when dropped on China, they would make a hole right through the earth, or even blow it up, that would hardly mean anything to the universe as a whole, though it might be a major event for the solar system.

We have an expression, millet plus rifles. In the case of the United States, it is planes plus the A-bomb. However, if the United States with its planes plus the A-bomb is to launch a war of aggression against China, then China with its millet plus rifles is sure to emerge the victor. The people of the whole world will support us. As a result of World War I, the tsar, the landlords and the capitalists in Russia were wiped out; as a result of World War II, Chiang Kai-shek and the landlords were overthrown in China and the East European countries and a number of countries in Asia were liberated. Should the United States launch a third world war and supposing it lasted eight or ten years, the result would be the elimination of the ruling classes in the United States, Britain and the other accomplice countries and the transformation of most of the world into countries led by Communist Parties. World wars end not in favour of the warmongers but in favour of the Communist Parties and the revolutionary people in all lands. If the warmongers are to make war, then they mustn't blame us for making revolution or engaging in "subversive activities" as they keep saying all the time. If they desist from war, they can survive a little longer on this earth. But the sooner they make war the sooner they will be wiped from the face of the earth. Then a people's united nations would be set up, maybe in Shanghai, maybe somewhere in Europe, or it might be set up again in New York, provided the U.S. warmongers had been wiped out.
ALL REACTIONARIES ARE PAPER TIGERS

November 18, 1957


[Excerpts from a speech at the Moscow Meeting of Representatives of the Communist and Workers' Parties. ]

When Chiang Kai-shek started his offensive against us in 1946, many of our comrades and the people of the country were much concerned about whether we could win the war. I myself was concerned. But we were confident of one thing. At that time an American correspondent, Anna Louise Strong, came to Yenan. In an interview, I discussed many questions with her, including Chiang Kai-shek, Hitler, Japan, the United States and the atom bomb. I said all allegedly powerful reactionaries are merely paper tigers. The reason is that they are divorced from the people. Look! Wasn't Hitler a paper tiger? Wasn't he overthrown? I also said that the tsar of Russia was a paper tiger, as were the emperor of China and Japanese imperialism, and see, they were all overthrown. U.S. imperialism has not yet been overthrown and it has the atom bomb, but I believe it too is a paper tiger and will be overthrown. Chiang Kai-shek was very powerful, for he had a regular army of more than four million. We were then in Yenan. What was the population of Yenan? Seven thousand. How many troops did we have? We had 900,000 guerrillas, all isolated by Chiang Kai-shek in scores of base areas. But we said that Chiang Kai-shek was only a paper tiger and that we could certainly defeat him. We have developed a concept over a long period for the struggle against the enemy, namely, strategically we should despise all our enemies, but tactically we should take them all seriously. In other words, with regard to the whole we must despise the enemy, but with regard to each specific problem we must take him seriously. If we do not despise him with regard to the whole, we shall commit opportunist errors. Marx and Engels were but two individuals, and yet in those early days they already declared that capitalism would be overthrown throughout the world. But with regard to specific problems and specific enemies, if we do not take them seriously, we shall commit adventurist errors. In war, battles can only be fought one by one and the enemy forces can only be destroyed one part at a time. Factories can only be built one by one. Peasants can only plough the land plot by plot. The same is even true of eating a meal. Strategically, we take the eating of a meal lightly, we are sure we can manage it. But when it comes to the actual eating, it must be done mouthful by mouthful, you cannot swallow an entire banquet at one gulp. This is called the piecemeal solution and is known in military writings as destroying the enemy forces one by one.
People Of The World, Unite
And Defeat The U.S. Aggressors
And All Their Running Dogs
May 23, 1970
http://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-9/mswv9_86.htm



[SOURCE: Peking Review (23 May, 1970).]

A new upsurge in the struggle against U.S. imperialism is now emerging throughout the world. Ever since the Second World War, U.S. imperialism and its followers have been continuously launching wars of aggression and the people in various countries have been continuously waging revolutionary wars to defeat the aggressors. The danger of a new world war still exists, and the people of all countries must get prepared. But revolution is the main trend in the world today.

Unable to win in Vietnam and Laos, the U.S. aggressors treacherously engineered the reactionary coup d’etat by the Lon Nol Sirik Matak clique, brazenly dispatched their troops to invade Cambodia and resumed the bombing of North Vietnam, and this has aroused the furious resistance of the three Indo Chinese peoples. I warmly support the fighting spirit of Samdech Norodom Sihanouk, Head of State of Cambodia, in opposing U.S. imperialism and its lackeys. I warmly support the Joint Declaration of the Summit Conference of the Indo Chinese Peoples. I warmly support the establishment of the Royal Government of National Union under the Leadership of the National United Front of Kampuchea. Strengthening their unity, supporting each other and persevering in a protracted people’s war, the three Indo-Chinese peoples will certainly overcome all difficulties and win complete victory.

While massacring the people in other countries, U.S. imperialism is slaughtering the white and black people in its own country. Nixon’s fascist atrocities have kindled the raging flames of the revolutionary mass movement in the United States. The Chinese people firmly support the revolutionary struggle of the American people. I am convinced that the American people who are fighting valiantly will ultimately win victory and that the fascist rule in the United States will inevitably be defeated.

The Nixon government is beset with troubles internally and externally, with utter chaos at home and extreme isolation abroad. The mass movement of protest against U.S. aggression in Cambodia has swept the globe. Less than ten days after its establishment, the Royal Government of National Union of Cambodia was recognized by nearly twenty countries. The situation is getting better and better in the war of resistance against U.S. aggression and for national salvation waged by the people of Vietnam, Laos and Cambodia. The revolutionary armed struggles of the people of the South-east Asian countries, the struggles of the people of Korea, Japan and other Asian countries against the revival of Japanese militarism by the U.S. and Japanese reactionaries, the struggles of the Palestinian and other Arab peoples against the U.S.-Israeli aggressors, the national-liberation struggles of the Asian, African and Latin American peoples, and the revolutionary struggles of the peoples of North America, Europe and Oceania are all developing vigorously. The Chinese people firmly support the people of the three Indo-Chinese countries and of other countries of the world in their revolutionary struggles against U.S. imperialism and its lackeys.

U.S. imperialism, which looks like a huge monster, is in essence a paper tiger, now in the throes of its deathbed struggle. In the world of today, who actually fears whom? It is not the Vietnamese people, the Laotian people, the Cambodian people, the Palestinian people, the Arab people or the people of other countries who fear U.S. imperialism; it is U.S. imperialism which fears the people of the world. It becomes panic-stricken at the mere rustle of leaves in the wind. Innumerable facts prove that a just cause enjoys abundant support while an unjust cause finds little support. A weak nation can defeat a strong, a small nation can defeat a big. The people of a small country can certainly defeat aggression by a big country, if only they dare to rise in struggle, dare to take up arms and grasp in their own hands the destiny of their country. This is a law of history.

People of the world, unite and defeat the U.S. aggressors and all their running dogs!

Transcription by the Maoist Documentation Project.
HTML revised 2004 by Marxists.org

Selected Works of Mao Tse-tung



La Grande révolution culturelle prolétarienne : la lutte des classes continue après la révolution
Speech To The Albanian
Military Delegation


May 1, 1967

[SOURCE: Long Live Mao Tse-tung Thought, a Red Guard Publication.] http://www.marxists.org/reference/archive/mao/selected-works/volume-9/mswv9_74.htm
I say the revolutionary spirit of the revolutionary little generals is very strong, and this is excellent. But you cannot step onto the stage now, because if you step onto the stage now, you will be kicked off the stage tomorrow. But this word has been leaked out by a Vice Premier’s own mouth, and this is highly inappropriate. As far as the revolutionary little generals are concerned, it is a question of nurturing and training them. At a time when they have committed certain errors, to use such words will only dampen their spirits. Some say that elections are very good and very democratic. As far as I am concerned, election is merely a fancy word, and do not feel that there is any genuine election. I have been elected by the Peking district to serve as a representative to the National People’s Congress, but how many in Peking really understood me? I feel that Chou En-lai’s premiership was an appointment by the Central Committee. Others say that China is profoundly peace-loving, but I cannot see how profound that love is. I think Chinese are militant.

In regard to cadres, we must establish the belief that 95 percent or more of them are good or relatively good, and we must never depart from this class viewpoint! In regard to leading cadres who are revolutionary or want to be revolutionary, one should protect them, protect them forthrightly and bravely, and liberate them from their errors. Even though they have taken the capitalist road, we must allow them to make revolution after they have undergone long-term education and their errors have been rectified. There are not many really bad persons. Among the masses, they constitute at most 5 percent; within the party and league, 1 to 2 percent; and there are only a handful of power holders who stubbornly take the capitalist road. But we must regard this handful of power holder within the party who take the capitalist road as the principal target of attack because their influence and insidious poison are deep and far-reaching. Thus, this is the principal task of this Great Cultural Revolution. As for bad elements among the masses, they number at most 5 percent, and they are scattered, without much strength. If the 35 million of them, calculated at 5 percent, should band together to form an army and oppose us in an organized manner, that would be a problem deserving serious consideration. But since they are diffused in various localities and powerless, they cannot be the principal target of the Great Proletarian Cultural Revolution. However, it is necessary for us to heighten our vigilance and, especially at this crucial stage of the struggle, prevent these bad elements from wreaking havoc. Thus, there should be two premises for the great alliance: one is to destroy self-interest and foster devotion to the public interest; the other is that there must be a struggle. Without struggle the great alliance will not be effective.

The fourth stage of this Great Cultural Revolution is the crucial stage of the struggle between the two classes, the two roads and the two lines. Thus, a relatively longer period of time will be needed to arrange mass criticism. It is still being discussed by the Cultural Revolution Group of the Central Committee. Some feel that the end of this year would be an appropriate time for this, and others feel that next May would be more appropriate. However, the time must conform to the laws of class struggle.

  Un mouvement maoïste : Le sentier luminieux au Pérou.


Intervención del Movimiento Popular Perú en la Conferencia Internacional para celebrar el XX° aniversario de la fundación del Movimiento Revolucionario Internacionalista (http://www.solrojo.org/conf2004/Conf2004_mpp1.htm)
(NOVEMBRE 2004)


¡Proletarios de todos los países, uníos!

¡Viva el XXº aniversario de la fundación del Movimiento Revolucionario Internacionalista!

El Movimiento Popular Perú saluda con fervor revolucionario a la presente Conferencia Internacional, a los Partidos y organizaciones representados, a los que han enviado mensajes y saludos, y a todos los asistentes.
El MPP ha convocado esta Conferencia Internacional para celebrar el 20 aniversario de la fundación del Movimiento Revolucionario Internacionalista (MRI), que el Partido Comunista del Perú considera como un paso adelante en la reunificación de los comunistas a nivel internacional, a la cual servirá en tanto se sustente y siga una línea ideológica y política justa y correcta.
El Partido Comunista del Perú brega por imponer el maoísmo como único mando y guía de la revolución mundial y contribuye al desarrollo del MRI con el pensamiento gonzalo y con nuestra guerra popular.El Presidente Gonzalo aporta a la revolución mundial

[consignas:]
¡Viva el XXº aniversario de la fundación del Movimiento Revolucionario Internacionalista!

Desde la publicación de su acta de nacimiento, el Manifiesto Comunista, los comunistas vienen luchando incesantemente para unirse, y hoy más que nunca esto debe ser asumido con mayor tenacidad y resolución. La unidad de los comunistas tiene hoy que ser basada en el marxismo-leninismo-maoísmo, principalmente el maoísmo; en la lucha implacable contra el revisionismo; y en el servicio a la revolución proletaria mundial, haciendo la propia revolución a través de la guerra popular. Por ello es una necesidad fortalecer y desarrollar las relaciones entre los Partidos Comunistas y organizaciones revolucionarias del mundo. Hay que partir de que estamos en la nueva gran ola de la revolución proletaria mundial y que sólo el marxismo-leninismo-maoísmo, principalmente maoísmo, debe ser su único mando y guía. En la mayoría de los países aún no existen Partidos Comunistas, y la conformación o reconstitución de dichos Partidos como Partidos Comunistas marxistas-leninistas-maoístas militarizados es una tarea estratégica atrasada. La conformación del Partido de la clase para iniciar la Guerra Popular es una necesidad histórica, un Partido con una base de unidad partidaria marxista-leninista-maoísta, principalmente maoísta, porque es el más alto desarrollo de la ideología del proletariado, la tercera, nueva y superior etapa del marxismo.
La lucha de los pueblos de los países oprimidos tiene gran trascendencia para el desarrrollo de la nueva gran ola de la revolución proletaria mundial, constituyendo su propia base. Los pueblos sumidos por siglos en la más cruel explotación y miseria, son fuente inagotable de lucha, claman por la guerra popular. Los pueblos sabrán asumir bajo la dirección del Partido; corresponde en cada país aplastar los planes del imperialismo de montar falsos “partidos comunistas”, con caudillos, que no hacen nada ni harán nunca nada para la clase, porque están hechos de podre revisionista, les importa un pepino la sangre derramada de las masas, son agentes pagados por el imperialismo. La reacción y el revisionismo están coludidos para que la guerra popular no se desarrolle, saben que será su fin, así como los imperialistas saben el papel decisivo que tendrán los pueblos oprimidos en la revolución proletaria mundial, para cercar a los Estados imperialistas, teniendo como bases de apoyo a las naciones oprimidas que desarrollan guerra popular.
Lo que nos falta es más Partidos Comunistas que desarrollen guerra popular para cambiar la correlación de fuerzas. De esta manera, coordinadas estratégicamente las guerras populares de los Partidos Comunistas de las naciones oprimidas irán nucleando a los pueblos del mundo, y solo a través de ello se forjara un verdadero Movimiento Comunista Internacional, porque estarán los que quieren el comunismo, los que desarrollen la guerra popular. Así la unidad será sólida y cohesionada por el maoísmo; la unidad se da entre los que aplican el marxismo de hoy, el marxismo-leninismo-maoísmo, principalmente el maoísmo. Visto así, el MRI es solo un paso en la conformación del movimiento comunista internacional; es la guerra popular mundial la que lo va generar. El movimiento comunista internacional no se genera como consecuencia de conferencias, de foros, no es una amalgama de organizaciones, sino se conforma por los que aplican la guerra popular especificada a cada país, lo que demanda una Jefatura y un pensamiento guía para cada revolución específica..El movimiento comunista internacional será de los comunistas del mundo, es una tarea inmediata, tenemos una gran responsabilidad y cada Partido debe bregar para cumplir a cabalidad su jornada.

Al plasmar la revolución democrática mediante la guerra popular, como parte de la revolución proletaria mundial, el Partido Comunista del Perú está sirviendo a la revolución mundial y el Presidente Gonzalo aporta a la misma. Es gracias a nuestra grandiosa ideología, el marxismo-leninismo-maoísmo, pensamiento gonzalo, principalmente pensamiento gonzalo, y a la guerra popular, pujante y victoriosa, que nuestro Partido cumple su honroso papel de bregar por poner el marxismo-leninismo-maoísmo, principalmente el maoísmo, como único mando y guía de la revolución mundial, que es obligación cada vez más creciente, es tarea para todos los comunistas de la Tierra, pues hoy no se es comunista si no se es maoísta.


Un ancêtre de Mao et de la guerre asymétrique.

L' ART DE LA GUERRE

 

 de Sun Tzu (entre 443 et 221 avant Jésus-Christ), le texte comporte en effet quelques références à ces Royaumes Combattants.

Article XIII


DE LA CONCORDE ET DE LA DISCORDE
 

Sun Tzu dit: Si, ayant sur pied une armée de cent mille hommes, vous devez la conduire jusqu'à la distance de cent lieues, il faut compter qu'au-dehors, comme au-dedans, tout sera en mouvement et en rumeur. Les villes et les villages dont vous aurez tiré les hommes qui composent vos troupes; les hameaux et les campagnes dont vous aurez tiré vos provisions et tout l'attirail de ceux qui doivent les conduire; les chemins remplis de gens qui vont et viennent, tout cela ne saurait arriver qu'il n'y ait bien des familles dans la désolation, bien des terres incultes, et bien des dépenses pour l'État.

Sept cent mille familles dépourvues de leurs chefs ou de leurs soutiens se trouvent tout à coup hors d'état de vaquer à leurs travaux ordinaires; les terres privées d'un pareil nombre de ceux qui les faisaient valoir diminuent, en proportion des soins qu'on leur refuse, la quantité comme la qualité de leurs productions.

Les appointements de tant d'officiers, la paie journalière de tant de soldats et l'entretien de tout le monde creusent peu à peu les greniers et les coffres du prince comme ceux du peuple, et ne sauraient manquer de les épuiser bientôt.

Être plusieurs années à observer ses ennemis, ou à faire la guerre, c'est ne point aimer le peuple, c'est être l'ennemi de son pays; toutes les dépenses, toutes les peines, tous les travaux et toutes les fatigues de plusieurs années n'aboutissent le plus souvent, pour les vainqueurs eux-mêmes, qu'à une journée de triomphe et de gloire, celle où ils ont vaincu. N'employer pour vaincre que la voie des sièges et des batailles, c'est ignorer également et les devoirs de souverain et ceux de général; c'est ne pas savoir gouverner; c'est ne pas savoir servir l'État.

 

Ainsi, le dessein de faire la guerre une fois formé, les troupes étant déjà sur pied et en état de tout entreprendre, ne dédaignez pas d'employer les artifices.

Commencez par vous mettre au fait de tout ce qui concerne les ennemis; sachez exactement tous les rapports qu'ils peuvent avoir, leurs liaisons et leurs intérêts réciproques; n'épargnez pas les grandes sommes d'argent; n'ayez pas plus de regret à celui que vous ferez passer chez l'étranger, soit pour vous faire des créatures, soit pour vous procurer des connaissances exactes, qu'à celui que vous emploierez pour la paie de ceux qui sont enrôlés sous vos étendards: plus vous dépenserez, plus vous gagnerez; c'est un argent que vous placez pour en retirer un gros intérêt.

Ayez des espions partout, soyez instruit de tout, ne négligez rien de ce que vous pourrez apprendre; mais, quand vous aurez appris quelque chose, ne la confiez pas indiscrètement à tous ceux qui vous approchent.

Lorsque vous emploierez quelque artifice, ce n'est pas en invoquant les Esprits, ni en prévoyant à peu près ce qui doit ou peut arriver, que vous le ferez réussir; c'est uniquement en sachant sûrement, par le rapport fidèle de ceux dont vous vous servirez, la disposition des ennemis, eu égard à ce que vous voulez qu'ils fassent.

Quand un habile général se met en mouvement, l'ennemi est déjà vaincu: quand il combat, il doit faire lui seul plus que toute son armée ensemble; non pas toutefois par la force de son bras, mais par sa prudence, par sa manière de commander, et surtout par ses ruses. Il faut qu'au premier signal une partie de l'armée ennemie se range de son côté pour combattre sous ses étendards: il faut qu'il soit toujours le maître d'accorder la paix et de l'accorder aux conditions qu'il jugera à propos.

Le grand secret de venir à bout de tout consiste dans l'art de savoir mettre la division à propos; division dans les villes et les villages, division extérieure, division entre les inférieurs et les supérieurs, division de mort, division de vie.

Ces cinq sortes de divisions ne sont que les branches d'un même tronc. Celui qui sait les mettre en usage est un homme véritablement digne de commander; c'est le trésor de son souverain et le soutien de l'empire.

J'appelle division dans les villes et les villages celle par laquelle on trouve le moyen de détacher du parti ennemi les habitants des villes et des villages qui sont de sa domination, et de se les attacher de manière à pouvoir s'en servir sûrement dans le besoin.

J'appelle division extérieure celle par laquelle on trouve le moyen d'avoir à son service les officiers qui servent actuellement dans l'armée ennemie.

Par la division entre les inférieurs et les supérieurs, j'entends celle qui nous met en état de profiter de la mésintelligence que nous aurons su mettre entre alliés, entre les différents corps, ou entre les officiers de divers grades qui composent l'armée que nous aurons à combattre.

La division de mort est celle par laquelle, après avoir fait donner de faux avis sur l'état où nous nous trouvons, nous faisons courir des bruits tendancieux, lesquels nous faisons passer jusqu'à la cour de son souverain, qui, les croyant vrais, se conduit en conséquence envers ses généraux et tous les officiers qui sont actuellement à son service.

La division de vie est celle par laquelle on répand l'argent à pleines mains envers tous ceux qui, ayant quitté le service de leur légitime maître, ont passé de votre côté, ou pour combattre sous vos étendards, ou pour vous rendre d'autres services non moins essentiels.

Si vous avez su vous faire des créatures dans les villes et les villages des ennemis, vous ne manquerez pas d'y avoir bientôt quantité de gens qui vous seront entièrement dévoués. Vous saurez par leur moyen les dispositions du grand nombre des leurs à votre égard, ils vous suggéreront la manière et les moyens que vous devez employer pour gagner ceux de leurs compatriotes dont vous aurez le plus à craindre; et quand le temps de faire des sièges sera venu, vous pourrez faire des conquêtes, sans être obligé de monter à l'assaut, sans coup férir, sans même tirer l'épée.

Si les ennemis qui sont actuellement occupés à vous faire la guerre ont à leur service des officiers qui ne sont pas d'accord entre eux; si de mutuels soupçons, de petites jalousies, des intérêts personnels les tiennent divisés, vous trouverez aisément les moyens d'en détacher une partie, car quelque vertueux qu'ils puissent être d'ailleurs, quelque dévoués qu'ils soient à leur souverain, l'appât de la vengeance, celui des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner; et quand une fois ces passions seront allumées dans leur coeur, il n'est rien qu'ils ne tenteront pour les satisfaire.

Si les différents corps qui composent l'armée des ennemis ne se soutiennent pas entre eux, s'ils sont occupés à s'observer mutuellement, s'ils cherchent réciproquement à se nuire, il vous sera aisé d'entretenir leur mésintelligence, de fomenter leurs divisions; vous les détruirez peu à peu les uns par les autres, sans qu'il soit besoin qu'aucun d'eux se déclare ouvertement pour votre parti; tous vous serviront sans le vouloir, même sans le savoir.

Si vous avez fait courir des bruits, tant pour persuader ce que vous voulez qu'on croie de vous, que sur les fausses démarches que vous supposerez avoir été faites par les généraux ennemis; si vous avez fait passer de faux avis jusqu'à la cour et au conseil même du prince contre les intérêts duquel vous avez à combattre; si vous avez su faire douter des bonnes intentions de ceux mêmes dont la fidélité à leur prince vous sera la plus connue, bientôt vous verrez que chez les ennemis les soupçons ont pris la place de la confiance, que les récompenses ont été substituées aux châtiments et les châtiments aux récompenses, que les plus légers indices tiendront lieu des preuves les plus convaincantes pour faire périr quiconque sera soupçonné.

Alors les meilleurs officiers, leurs ministres les plus éclairés se dégoûteront, leur zèle se ralentira; et se voyant sans espérance d'un meilleur sort, ils se réfugieront chez vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert.

Leurs parents, leurs alliés ou leurs amis seront accusés, recherchés, mis à mort. Les complots se formeront, l'ambition se réveillera, ce ne seront plus que perfidies, que cruelles exécutions, que désordres, que révoltes de tous côtés.

Que vous restera-t-il à faire pour vous rendre maître d'un pays dont les peuples voudraient déjà vous voir en possession?

Si vous récompensez ceux qui se seront donnés à vous pour se délivrer des justes craintes dont ils étaient perpétuellement agités, et pour mettre leurs jours à couvert; si vous leur donnez de l'emploi, leurs parents, leurs alliés, leur amis seront autant de sujets que vous acquerrez à votre prince.

Si vous répandez l'argent à pleines mains, si vous traitez bien tout le monde, si vous empêchez que vos soldats ne fassent le moindre dégât dans les endroits par où ils passeront, si les peuples vaincus ne souffrent aucun dommage, assurez-vous qu'ils sont déjà gagnés, et que le bien qu'ils diront de vous attirera plus de sujets à votre maître et plus de villes sous sa domination que les plus brillantes victoires.

Soyez vigilant et éclairé; mais montrez à l'extérieur beaucoup de sécurité, de simplicité et même d'indifférence; soyez toujours sur vos gardes, quoique vous paraissiez ne penser à rien; défiez-vous de tout, quoique vous paraissiez sans défiance; soyez extrêmement secret, quoiqu'il paraisse que vous ne fassiez rien qu'à découvert; ayez des espions partout; au lieu de paroles, servez-vous de signaux; voyez par la bouche, parlez par les yeux; cela n'est pas aisé, cela est très difficile. On est quelquefois trompé lorsqu'on croit tromper les autres. Il n'y a qu'un homme d'une prudence consommée, qu'un homme extrêmement éclairé, qu'un sage du premier ordre qui puisse employer à propos et avec succès l'artifice des divisions. Si vous n'êtes point tel, vous devez y renoncer; l'usage que vous en feriez ne tournerait qu'à votre détriment.

Après avoir enfanté quelque projet, si vous apprenez que votre secret a transpiré, faites mourir sans rémission tant ceux qui l'auront divulgué que ceux à la connaissance desquels il sera parvenu. Ceux-ci ne sont point coupables encore à la vérité, mais ils pourraient le devenir. Leur mort sauvera la vie à quelques milliers d'hommes et assurera la fidélité d'un plus grand nombre encore.

Punissez sévèrement, récompensez avec largesse: multipliez les espions, ayez-en partout, dans le propre palais du prince ennemi, dans l'hôtel de ses ministres, sous les tentes de ses généraux; ayez une liste des principaux officiers qui sont à son service; sachez leurs noms, leurs surnoms, le nombre de leurs enfants, de leurs parents, de leurs amis, de leurs domestiques; que rien ne se passe chez eux que vous n'en soyez instruit.

Vous aurez vos espions partout: vous devez supposer que l'ennemi aura aussi les siens. Si vous venez à les découvrir, gardez-vous bien de les faire mettre à mort; leurs jours doivent vous être infiniment précieux. Les espions des ennemis vous serviront efficacement, si vous mesurez tellement vos démarches, vos paroles et toutes vos actions, qu'ils ne puissent jamais donner que de faux avis à ceux qui les ont envoyés.

Enfin, un bon général doit tirer parti de tout; il ne doit être surpris de rien, quoi que ce soit qui puisse arriver. Mais par-dessus tout, et de préférence à tout, il doit mettre en pratique ces cinq sortes de divisions. Rien n'est impossible à qui sait s'en servir.

Défendre les États de son souverain, les agrandir, faire chaque jour de nouvelles conquêtes, exterminer les ennemis, fonder même de nouvelles dynasties, tout cela peut n'être que l'effet des dissensions employées à propos.

Telle fut la voie qui permit l'avènement des dynasties Yin et Tcheou, lorsque des serviteurs transfuges contribuèrent à leur élévation.


       


      
   

    
Che Guevarra


Guerra de guerrillas: un método.

 
Cuba Socialista, septiembre de 1963. : http://www.diariochebolivia.cubasi.cu/ampliacion.asp?id_contenido=166&tipo_info=7


La guerra de guerrillas ha sido utilizada innúmeras veces en la historia en condiciones diferentes y persiguiendo distintos fines. Últimamente ha sido usada en diversas guerras populares de liberación donde la vanguardia del pueblo eligió el camino de la lucha armada irregular contra enemigos de mayor potencial bélico. Asia, África y América han sido escenario de estas acciones cuando se trataba de lograr el poder en lucha contra la explotación feudal, neocolonial o colonial. En Europa se la empleó como complemento de los ejércitos regulares propios o aliados.

En América se ha recurrido a la guerra de guerrillas en diversas oportunidades. Como antecedente mediato más cercano puede anotarse la experiencia de César Augusto Sandino, luchando contra las fuerzas expedicionarias yanquis en la Segovia nicaragüense. Y, recientemente, la guerra revolucionaria de Cuba. A partir de entonces, en América se han planteado los problemas de la guerra de guerrillas en las discusiones teóricas de los partidos progresistas del Continente y la posibilidad y conveniencia de su utilización es materia de polémicas encontradas.

Estas notas tratarán de expresar nuestras ideas sobre la guerra de guerrillas y cuál sería su utilización correcta.

Ante todo hay que precisar que esta modalidad de lucha es un método; un método para lograr un fin. Ese fin, indispensable, ineludible para todo revolucionario, es la conquista del poder político. Por tanto, en los análisis de las situaciones específicas de los distintos países de América, debe emplearse el concepto de guerrilla reducido a la simple categoría de método de lucha para lograr aquel fin, casi inmediatamente surge la pregunta: ¿El método de la guerra de guerrillas es la fórmula única para la toma del poder en la América entera; o será, en todo caso, la forma predominante?; o, simplemente, ¿será una fórmula más entre todas las usadas para la lucha? y, en último extremo, se preguntan, ¿será aplicable a otras realidades continentales el ejemplo de Cuba? Por el camino de la polémica, suele criticarse a aquellos que quieren hacer la guerra de guerrillas, aduciendo que se olvidan de la lucha de masas, casi como si fueran métodos contrapuestos. Nosotros rechazamos el concepto que encierra esa posición; la guerra de guerrillas es una guerra de pueblo, es una lucha de masas. Pretender realizar este tipo de guerra sin el apoyo de la población, es el preludio de un desastre inevitable.

La guerrilla es la vanguardia combativa del pueblo, situada en un lugar determinado de algún territorio dado, armada, dispuesta a desarrollar una serie de acciones bélicas tendientes al único fin estratégico posible: la toma del poder. Está apoyada por las masas campesinas y obreras de la zona y de todo el territorio de que se trate. Sin esas premisas no se puede admitir la guerra de guerrillas.

«En nuestra situación americana, consideramos que tres aportaciones fundamentales hizo la Revolución Cubana a la mecánica de los movimientos revolucionarios en América; Son ellas: Primero: las fuerzas populares pueden ganar una guerra contra el ejército. Segundo: no siempre hay que esperar a que se den todas las condiciones para la revolución; el foco insurreccional puede crearlas. Tercero: en la América subdesarrollada, el terreno de la lucha armada debe ser fundamentalmente el campo».

Tales son las aportaciones para el desarrollo de la lucha revolucionaria en América, y pueden aplicarse a cualquiera de los países de nuestro Continente en los cuales se vaya a desarrollar una guerra de guerrillas.

La Segunda Declaración de La Habana señala: En nuestros países se juntan las circunstancias de una industria subdesarrollada con un régimen agrario de carácter feudal.

Es por eso que, con todo lo duras que son las condiciones de vida de los obreros urbanos, la población rural vive aún en las más horribles condiciones de opresión y explotación; pero es también, salvo excepciones, el sector absolutamente mayoritario, en proporciones que a veces sobrepasan el setenta por ciento de las poblaciones latinoamericanas.

Descontando los terratenientes, que muchas veces residen en las ciudades, el resto de esa gran masa libra su sustento trabajando como peones en las haciendas por salarios misérrimos, o labran la tierra en condiciones de explotación que nada tienen que envidiar a la Edad Media. Estas circunstancias son las que determinan que en América Latina la población pobre del campo constituya una tremenda fuerza revolucionaria potencial.

Los ejércitos, estructurados y equipados para la guerra convencional, que son la fuerza en que se sustenta el poder de las clases explotadoras, cuando tienen que enfrentarse a la lucha irregular de los campesinos en el escenario natural de estos, resultan absolutamente impotentes; pierden diez hombres por cada combatiente revolucionario que cae, y la desmoralización cunde rápidamente en ellos al tener que enfrentarse a un enemigo invisible e invencible que no les ofrece ocasión de lucir sus tácticas de academia y sus fanfarrias de guerra, de las que tanto alarde hacen para reprimir a los obreros y a los estudiantes en las ciudades.

La lucha inicial de reducidos núcleos combatientes se nutre incesantemente de nuevas fuerzas, el movimiento de masas comienza a desatarse, el viejo orden se resquebraja poco a poco en mil pedazos, y es entonces el momento en que la clase obrera y las masas urbanas deciden la batalla.

¿Qué es lo que desde el comienzo mismo de la lucha de esos primeros núcleos los hace invencibles, independientemente del número, el poder y los recursos de sus enemigos? El apoyo del pueblo, y con ese apoyo de las masas contarán en grado cada vez mayor.

Pero el campesino es una clase que, por el estado de incultura en que lo mantienen y el aislamiento en que vive, necesita la dirección revolucionaria y política de la clase obrera y los intelectuales revolucionarios, sin la cual no podría por sí sola lanzarse a la lucha y conquistar la victoria.

En las actuales condiciones históricas de América Latina, la burguesía nacional no puede encabezar la lucha antifeudal y antimperialista. La experiencia demuestra que en nuestras naciones esa clase, aun cuando sus intereses son contradictorios con los del imperialismo yanqui, ha sido incapaz de enfrentarse a este, paralizada por el miedo a la revolución social y asustada por el clamor de las masas explotadas.

Completando el alcance de estas afirmaciones que constituyen el nudo de la declaración revolucionaria de América, la Segunda Declaración de La Habana expresa en otros párrafos lo siguiente:

Las condiciones subjetivas de cada país, es decir, el factor conciencia, organización, dirección, puede acelerar o retrasar la revolución, según su mayor o menor grado de desarrollo; pero tarde o temprano en cada época histórica, cuando las condiciones objetivas maduran, la conciencia se adquiere, la organización se logra, la dirección surge y la revolución se produce. Que ésta tenga lugar por cauces pacíficos o nazca al mundo después de un parto doloroso, no depende de los revolucionarios; depende de las fuerzas reaccionarias de la vieja sociedad, que se resisten a dejar nacer la sociedad nueva, que es engendrada por las contradicciones que lleva en su seno la vieja sociedad. La revolución es en la historia como el médico que asiste al nacimiento de una nueva vida. No usa sin necesidad los aparatos de fuerza; pero los usa sin vacilaciones cada vez que sea necesario para ayudar al parto. Parto que trae a las masas esclavizadas y explotadas las esperanza de una vida mejor. [La révolution est dans l'histoire comme le médecin qui aide à la naissance d'une nouvelle vie. Il n'utilise pas sans nécessésit les forceps mais il les utiliste sans hésiter chaque fois que c'est nécessaire pour aider l'accouchement. Acouchement qui apporte aux masses soumises à l'esclavage et à l'exploitation l'espoir d'une vie meilleure. Trad. de D. Colas].

En muchos países de América Latina la revolución es hoy inevitable. Ese hecho no lo determina la voluntad de nadie. Está determinado por las espantosas condiciones de explotación en que vive el hombre americano, el desarrollo de la conciencia revolucionaria de las masas, la crisis mundial, del imperialismo y el movimiento universal de lucha de los pueblos subyugados...

Partiremos de estas bases para el análisis de toda la cuestión guerrillera en América.

Establecimos que es un método de lucha para obtener un fin. Lo que interesa, primero, es analizar el fin y ver si se puede lograr la conquista del poder de otra manera que por la lucha armada, aquí en América.

La lucha pacífica puede llevarse a cabo mediante movimientos de masas y obligar -en situaciones especiales de crisis- ceder a los gobiernos, ocupando eventualmente el poder las fuerzas populares que establecerían la dictadura proletaria. Correcto teóricamente. Al analizar lo anterior en el panorama de América tenemos que llegar a las siguientes conclusiones: En este Continente existen en general condiciones objetivas que impulsan a las masas a acciones violentas contra los gobiernos burgueses y terratenientes, existen crisis de poder en muchos otros países y algunas condiciones subjetivas también. Claro está que, en los países en que todas las condiciones estén dadas, sería hasta criminal no actuar para la toma del poder. En aquellos otros en que esto no ocurre es lícito que aparezcan distintas alternativas y que de la discusión teórica surja la decisión aplicable a cada país. Lo único que la historia no admite es que los analistas y ejecutores de la política del proletariado se equivoquen. Nadie puede solicitar el cargo de partido de vanguardia como un diploma oficial dado por la Universidad. Ser partido de vanguardia es estar al frente de la clase obrera en la lucha por la toma del poder, saber guiarla a su captura, conducirla por los atajos, incluso. Esa es la misión de nuestros partidos revolucionarios y el análisis debe ser profundo y exhaustivo para que no haya equivocación.

Hoy por hoy, se ve en América un estado de equilibrio inestable entre la dictadura oligárquica y la presión popular. La denominamos con la palabra oligárquica pretendiendo definir la alianza reaccionaria entre las burguesías de cada país y sus clases de terratenientes, con mayor o menor preponderancia de las estructuras feudales. Estas dictaduras transcurren dentro de ciertos marcos de legalidad que se adjudicaron ellas mismas para su mejor trabajo durante todo el período irrestricto de dominación de clase, pero pasamos por una etapa en que las presiones populares son muy fuertes; están llamando a las puertas de la legalidad burguesa y ésta debe ser violada por sus propios autores para detener el impulso de las masas. Sólo que las violaciones descaradas, contrarias a toda legislación preestablecida - o legislación establecida a posteriori para santificar el hecho - ponen en mayor tensión a las fuerzas del pueblo. Por ello, la dictadura oligárquica trata de utilizar los viejos ordenamientos legales para cambiar la constitucionalidad y ahogar más al proletariado, sin que el choque sea frontal. No obstante, aquí es donde se produce la contradicción. El pueblo ya no soporta las antiguas y, menos aún, las nuevas medidas coercitivas establecidas por la dictadura, y trata de romperlas. No debemos de olvidar nunca el carácter clasista, autoritario y restrictivo del Estado burgués. Lenin se refiere a él así: El Estado es producto y manifestación del carácter irreconciliable de las contradicciones de clase. El Estado surge en el sitio en el momento y en el grado en que las contradicciones de clase no pueden, objetivamente, conciliarse. Y viceversa: la existencia del Estado demuestra que las contradicciones de clase son irreconciliables.

Es decir, no debemos admitir que la palabra democracia, utilizada en forma apologética para representar la dictadura de las clases explotadoras, pierda su profundidad de concepto y adquiera el de ciertas libertades más o menos óptimas dadas al ciudadano.

Luchar solamente por conseguir la restauración de cierta legalidad burguesa sin plantearse, en cambio, el problema del poder revolucionario, es luchar por retornar a cierto orden dictatorial preestablecido por las clases sociales dominantes; es, en todo caso, luchar por el establecimiento de unos grilletes que tengan en su punta una bola menos pesada para el presidiario.

En estas condiciones de conflicto, la oligarquía rompe sus propios contratos, su propia apariencia de «democracia» y ataca al pueblo, aunque siempre trate de utilizar los métodos de la superestructura, que ha formado para la opresión. Se vuelve a plantear en ese momento el dilema: ¿Qué hacer? Nosotros contestamos: La violencia no es patrimonio de los explotadores, la pueden usar los explotados y más aun la deben usar en su momento. Martí decía: Es criminal quien promueve en un país la guerra que se le puede evitar; y quien deja de promover la guerra inevitable.

Lenin, por otra parte, expresaba: La social-democracia no ha mirado nunca ni mira la guerra desde un punto de vista sentimental. Condena en absoluto la guerra como recurso feroz para dilucidar las diferencias entre los hombres, pero sabe que las guerras son inevitables mientras la sociedad esté dividida en clases, mientras exista la explotación del hombre por el hombre. Y para acabar con esa explotación no podemos prescindir de la guerra que empiezan siempre y en todos los sitios las mismas clases explotadoras, dominantes y opresoras.

Esto lo decía en el año 1905; después, en El programa militar de la revolución proletaria , analizando profundamente el carácter de la lucha de clases, afirmaba: Quien admita la lucha de clases no puede menos que admitir las guerras civiles, que en toda sociedad de clase representan la continuación, el desarrollo y el recrudecimiento - naturales y en determinadas circunstancias inevitables- de la lucha de clases. Todas las grandes revoluciones lo confirman. Negar las guerras civiles u olvidarlas sería caer en un oportunismo extremo y renegar de la revolución socialista.

Es decir, no debemos temer a la violencia, la partera de las sociedades nuevas; solo que esa violencia debe desatarse exactamente en el momento preciso en que los conductores del pueblo hayan encontrado las circunstancias más favorables.

¿Cuales serán éstas? Dependen, en lo subjetivo de dos factores que se complementan y que a su vez se van profundizando en el transcurso de la lucha: la conciencia de la necesidad del cambio y la certeza de la posibilidad de este cambio revolucionario; los que, unidos a las condiciones objetivas -que son grandemente favorables en casi toda América para el desarrollo de la lucha-, a la firmeza en la voluntad de lograrlo y a las nuevas correlaciones de fuerzas en el mundo, condicionan un modo de actuar.

Por lejanos que estén los países socialistas, siempre se hará sentir su influencia bienhechora sobre los pueblos en lucha, y su ejemplo educador les dará más fuerza. Fidel Castro decía el último 26 de julio: Y el deber de los revolucionarios, sobre todo en este instante, es saber percibir, saber captar los cambios de correlación de fuerzas que han tenido lugar en el mundo, y comprender que ese cambio facilita la lucha de los pueblos. El deber de los revolucionarios, de los revolucionarios latinoamericanos, no está en esperar que el cambio de correlación de fuerzas produzca el milagro de las revoluciones sociales en América Latina, sino aprovechar cabalmente todo lo que favorece al movimiento revolucionario ese cambio de correlación de fuerzas ¡y hacer las revoluciones!

Hay quienes dicen «admitamos la guerra revolucionaria como el medio adecuado, en ciertos casos específicos, para llegar a la toma del poder político; ¿de dónde sacamos los grandes conductores, los Fidel Castro que nos llevan al triunfo?» Fidel Castro, como todo ser humano, es un producto de la historia. Los jefes militares y políticos, que dirijan las luchas insurreccionales en América, unidos, si fuera posible, en una sola persona, aprenderán el arte de la guerra en el ejercicio de la guerra misma. No hay oficio ni profesión que se pueda aprender solamente en libros de texto. La lucha, en este caso, es la gran maestra. Claro que no será sencilla la tarea ni exenta de graves amenazas en todo su transcurso.

Durante el desarrollo de la lucha armada aparecen dos momentos de extremo peligro para el futuro de la revolución.

El primero de ellos surge en la etapa preparatoria y la forma en que se resuelva da la medida de la decisión de lucha y claridad de fines que tengan las fuerzas populares.

Cuando el Estado burgués avanza contra las posiciones del pueblo, evidentemente tiene que producirse un proceso de defensa contra el enemigo que, en ese momento de superioridad, ataca. Si ya se han desarrollado las condiciones objetivas y subjetivas mínimas, la defensa debe ser armada, pero de tal tipo que no se conviertan las fuerzas populares en meros receptores de los golpes del enemigo; no dejar tampoco que el escenario de la defensa armada simplemente se transforme en un refugio extremo de los perseguidos.

La guerrilla, movimiento defensivo del pueblo en un momento dado, lleva en sí, y constantemente debe desarrollarla, su capacidad de ataque sobre el enemigo. Esta capacidad es la que va determinando con el tiempo su carácter de catalizador de las fuerzas populares. Vale decir, la guerrilla no es autodefensa pasiva, es defensa con ataque y, desde el momento en que se plantea como tal, tiene como perspectiva final la conquista del poder político.

Este momento es importante. En los procesos sociales la diferencia entre violencia y no violencia no puede medirse por las cantidades de tiros intercambiados; responde a situaciones concretas y fluctuantes y hay que saber ver el instante en que las fuerzas populares, conscientes de su debilidad relativa, pero al mismo tiempo de su fuerza estratégica, deben obligar al enemigo a que dé los pasos necesarios para que la situación no retroceda. Hay que violentar el equilibrio dictadura oligárquica- presión popular.

La dictadura trata constantemente de ejercerse sin el uso aparatoso de la fuerza; el obligar a presentarse sin disfraz, es decir, en su aspecto verdadero de dictadura violenta de las clases reaccionarias, contribuirá a su desenmascaramiento, lo que profundizará la lucha hasta extremos tales que ya no se pueda regresar. De cómo cumplan su función las fuerzas del pueblo abocadas a la tarea de obligar a definiciones a la dictadura -retroceder o desencadenar la lucha-, depende el comienzo firme de una acción armada de largo alcance.

Sortear el otro momento peligroso depende del poder del desarrollo ascendente que tengan las fuerzas populares.

Marx recomendaba siempre que, una vez comenzado el proceso revolucionario, el proletariado tenía que golpear y golpear sin descanso. Revolución que no se profundice constantemente es revolución que regresa. Los combatientes, cansados, empiezan a perder la fe y puede fructificar entonces alguna de las maniobras a que la burguesía nos tiene tan acostumbrados. Estas pueden ser elecciones con la entrega del poder a otro señor de voz más meliflua y cara más angelical que el dictador de turno, o un golpe dado por los reaccionarios, encabezados, en general, por el ejército y apoyándose, directa o indirectamente, en las fuerzas progresistas. Caben otras, pero no es nuestra intención analizar estratagemas tácticas.

Llamamos la atención principalmente sobre la maniobra del golpe militar apuntada arriba. ¿Qué pueden dar los militares a la verdadera democracia? ¿Qué lealtad se les puede pedir si son meros instrumentos de dominación de las clases reaccionarias y de los monopolios imperialistas y como casta, que vale en razón de las armas que posee, aspiran solamente a mantener sus prerrogativas?

Cuando, en situaciones difíciles para los opresores, conspiren los militares y derroquen a un dictador, de hecho vencido, hay que suponer que lo hacen porque aquel no es capaz de preservar sus prerrogativas de clase sin violencia extrema, cosa que, en general, no conviene en los actuales momentos a los intereses de las oligarquías.

Esta afirmación no significa, de ningún modo, que se deseche la utilización de los militares como luchadores individuales, separados del medio social en que han actuado y, de hecho, rebelados contra él. Y esta utilización debe hacerse en el marco de la dirección revolucionaria a la que pertenecerán como luchadores y no como representantes de una casta.

En tiempos ya lejanos, en el prefacio de la tercera edición de La Guerra Civil en Francia , Engels decía: Los obreros, después de cada revolución, estaban armados; por eso el desarme de los obreros era el primer mandamiento de los burgueses que se hallaban al frente del Estado. De ahí que, después de cada revolución ganada por los obreros se llevara a cabo una nueva lucha que acababa con la derrota de estos...

Este juego de luchas continuas en que se logra un cambio formal de cualquier tipo y se retrocede estratégicamente, se ha repetido durante decenas de años en el mundo capitalista. Pero aún, el engaño permanente al proletariado en este aspecto lleva más de un siglo de producirse periódicamente.

Es peligroso también que, llevados por el deseo de mantener durante algún tiempo condiciones más favorables para la acción revolucionaria mediante el uso de ciertos aspectos de la legalidad burguesa, los dirigentes de los partidos progresistas confundan los términos, cosa que es muy común en el curso de la acción, y se olviden del objetivo estratégico definitivo: la toma del poder.

Estos dos momentos difíciles de la revolución, que hemos analizado someramente, se obvian cuando los partidos dirigentes marxistas-leninistas son capaces de ver claro las implicaciones del momento y de movilizar las masas al máximo, llevándolas por el camino justo de la resolución de las contradicciones fundamentales.

En el desarrollo del tema hemos supuesto que eventualmente se aceptara la idea de la lucha armada y también la fórmula de la guerra de guerrillas como método de combate. ¿Por qué estimamos que, en las condiciones actuales de América, la guerra de guerrillas es la vía correcta? Hay argumentos fundamentales que, en nuestro concepto, determinan la necesidad de la acción guerrillera en América como eje central de la lucha.

Primero: aceptando como verdad que el enemigo luchará por mantenerse en el poder, hay que pensar en la destrucción del ejército opresor; para destruirlo hay que oponerle un ejército popular enfrente. Ese ejército no nace espontáneamente, tiene que armarse en el arsenal que brinda su enemigo, y esto condiciona una lucha dura y muy larga, en la que las fuerzas populares y sus dirigentes estarían expuestos siempre al ataque de fuerzas superiores sin adecuadas condiciones de defensa y maniobrabilidad.

En cambio, el núcleo guerrillero, asentado en terrenos favorables a la lucha, garantiza la seguridad y permanencia del mando revolucionario. Las fuerzas urbanas, dirigidas desde el estado mayor del ejército del pueblo, pueden realizar acciones de incalculable importancia. La eventual destrucción de estos grupos no haría morir el alma de la revolución, su jefatura, que, desde la fortaleza rural, seguiría catalizando el espíritu revolucionario de las masas y organizando nuevas fuerzas para otras batallas.

Además, en esta zona comienza la estructuración del futuro aparato estatal encargado de dirigir eficientemente la dictadura de clase durante todo el periodo de transición.

Cuanto más larga sea la lucha, más grandes y complejos serán los problemas administrativos y en su solución se entrenarán los cuadros para la difícil tarea de la consolidación del poder y el desarrollo económico, en una etapa futura.

Segundo: La situación general del campesinado latinoamericano y el carácter cada vez más explosivo de su lucha contra las estructuras feudales, en el marco de una situación social de alianza entre explotadores locales extranjeros.

Volviendo a la Segunda Declaración de La Habana: Los pueblos de América se liberaron del coloniaje español a principios del siglo pasado, pero no se liberaron de la explotación. Los terratenientes feudales asumieron la autoridad de los gobernantes españoles, los indios continuaron en penosa servidumbre, el hombre latinoamericano en una u otra forma siguió esclavo y las mínimas esperanzas de los pueblos sucumben bajo el poder de las oligarquías y la coyunda del capital extranjero. Esta ha sido la verdad de América, con uno u otro matiz, con alguna que otra variante. Hoy América Latina yace bajo un imperialismo mucho más feroz, mucho más poderoso y más despiadado que el imperialismo colonial español.

Y ante la realidad objetiva e históricamente inexorable de la revolución latinoamericana, ¿cuál es la actitud del imperialismo yanqui? Disponerse a librar una guerra colonial con los pueblos de América Latina; crear el aparato de fuerza, los pretextos políticos y los instrumentos pseudolegales suscritos con los representantes de las oligarquías reaccionarias para reprimir a sangre y fuego la lucha de los pueblos latinoamericanos.

Esta situación objetiva nos muestra la fuerza que duerme, desaprovechada, en nuestros campesinos y la necesidad de utilizarla para la liberación de América.

Tercero: El carácter continental de la lucha. ¿Podría concebirse esta nueva etapa de la emancipación de América como el cotejo de dos fuerzas locales luchando por el poder en un territorio dado? Difícilmente. La lucha será a muerte entre todas las fuerzas populares y todas las fuerzas de represión. Los párrafos arriba citados también lo predicen.

Los yanquis intervendrán por solidaridad de intereses y porque la lucha en América es decisiva. De hecho, ya intervienen en la preparación de las fuerzas represivas y la organización de un aparato continental de lucha. Pero, de ahora en adelante, lo harán con todas sus energías; castigarán a las fuerzas populares con todas las armas de destrucción a su alcance; no dejarán consolidarse al poder revolucionario y, si alguno llegara a hacerlo, volverán a atacar, no lo reconocerán, tratarán de dividir las fuerzas revolucionarias, introducirán saboteadores de todo tipo, crearán problemas fronterizos, lanzarán a otros Estados reaccionarios en su contra, intentarán ahogar económicamente al nuevo Estado, aniquilarlo, en una palabra.

Dado este panorama americano, se hace difícil que la victoria se logre y consolide en un país aislado. A la unión de las fuerzas represivas debe contestarse con la unión de las fuerzas populares. En todos los países en que la opresión llegue a niveles insostenibles, debe alzarse la bandera de la rebelión, y esta bandera tendrá, por necesidad histórica, caracteres continentales. La Cordillera de los Andes esta llamada a ser la Sierra Maestra de América, como dijera Fidel, y todos los inmensos territorios que abarca este Continente están llamados a ser escenarios de la lucha a muerte contra el poder imperialista.

No podemos decir cuándo alcanzará estas características continentales, ni cuánto tiempo durara la lucha; pero podemos predecir su advenimiento y su triunfo, porque es resultado de circunstancias históricas, económicas y políticas inevitables y su rumbo no se puede torcer. Iniciarla cuando las condiciones estén dadas, independientemente de la situación de otros países, es la tarea de la fuerza revolucionaria en cada país. El desarrollo de la lucha irá condicionando la estrategia general; la predicción sobre el carácter continental es fruto del análisis de las fuerzas de cada contendiente, pero esto no excluye, ni mucho menos, el estallido independiente Así como la iniciación de la lucha en un punto de un país está destinada a desarrollarla en todo su ámbito, la iniciación de la guerra revolucionaria contribuye a desarrollar nuevas condiciones en los países vecinos.

El desarrollo de las revoluciones se ha producido normalmente por flujos y reflujos inversamente proporcionales; al flujo revolucionario corresponde el reflujo contrarrevolucionario y, viceversa, en los momentos de descenso revolucionario hay un ascenso contrarrevolucionario. En estos instantes, la situación de las fuerzas populares se torna difícil y deben recurrir a los mejores medios de defensa para sufrir los daños menores. El enemigo es extremadamente fuerte, continental. Por ello no se pueden analizar las debilidades relativas de las burguesías locales con vistas a tomar decisiones de ámbitos restringidos. Menos podría pensarse en la eventual alianza de estas oligarquías con el pueblo en armas. La Revolución Cubana ha dado el campanazo de alarma. La dolarización de fuerzas llegará a ser total: explotadores de un lado y explotados de otro; la masa de la pequeña burguesía se inclinará a uno u otro bando, de acuerdo con sus intereses y el acierto político conque se la trate; la neutralidad constituirá una excepción. Así será la guerra revolucionaria.

Pensemos cómo podría comenzar un foco guerrillero.

Núcleos relativamente pequeños de personas eligen lugares, favorables para la guerra de guerrillas, ya sea con la intención de desatar un contraataque o para capear el vendaval, y allí comienzan a actuar. Hay que establecer bien claro lo siguiente: en el primer momento, la debilidad relativa de la guerrilla es tal que solamente debe trabajar para fijarse al terreno, para ir conociendo el medio, estableciendo conexiones con la población y reforzando los lugares que eventualmente se convertirán en su base de apoyo.

Hay tres condiciones de supervivencia de una guerrilla que comience su desarrollo bajo las premisas expresadas aquí: Movilidad constante, vigilancia constante, desconfianza constante. Sin el uso adecuado de estos tres elementos de la táctica militar, la guerrilla difícilmente sobrevivirá.

Hay que recordar que la heroicidad del guerrillero, en estos momentos, consiste en la amplitud del fin planeado y la enorme serie de sacrificios que deberá realizar para cumplimentarlo.

Estos sacrificios no serán el combate diario, la lucha cara a cara con el enemigo; adquirirán formas más sutiles y más difíciles de resistir para el cuerpo y la mente del individuo que está en la guerrilla.

Serán quizás castigados duramente por los ejércitos enemigos; divididos en grupos, a veces; martirizados los que cayeren prisioneros; perseguidos como animales acosados en las zonas que hayan elegido para actuar; con la inquietud, constante de tener enemigos sobre los pasos de la guerrilla; con la desconfianza constante frente a todo, ya que los campesinos atemorizados los entregarán, en algunos casos, para quitarse de encima, con la desaparición del pretexto, a las tropas represivas; sin otra alternativa que la muerte o la victoria, en momentos en que la muerte es un concepto mil veces presente y la victoria el mito que sólo un revolucionario puede soñar.

Esa es la heroicidad de la guerrilla; por eso se dice que caminar también es una forma de combatir, que rehuir el combate en un momento dado no es sino una forma de combatir. El planteamiento es, frente a la superioridad general del enemigo, encontrar la forma táctica de lograr una superioridad relativa en un punto elegido, ya sea poder concentrar más efectivos que este, y a asegurar ventajas en el aprovechamiento del terreno que vuelque la correlación de fuerzas. En estas condiciones se asegura la victoria táctica; si no está clara la superioridad relativa, es preferible no actuar. No se debe dar combate que no produzca una victoria, mientras se pueda elegir el «cómo» y el «cuándo».

En el marco de la gran acción político-militar, del cual es un elemento, la guerrilla irá creciendo y consolidándose; se irán formando entonces las bases de apoyo, elemento fundamental para que el ejército guerrillero pueda prosperar. Estas bases de apoyo son puntos en los cuales el ejército enemigo solo puede penetrar a costa de grandes pérdidas, bastiones de la revolución, refugio y resorte de la guerrilla para incursiones cada vez más lejanas y atrevidas.

A este momento se llega si se han superado simultáneamente las dificultades de orden táctico y político. Los guerrilleros no pueden olvidar nunca su función de vanguardia del pueblo, el mandato que encarnan, y por tanto, deben crear las condiciones políticas necesarias para el establecimiento del poder revolucionario basado en el apoyo total de las masas. Las grandes reivindicaciones del campesinado deben ser satisfechas en la medida y forma que las circunstancias aconsejen, haciendo de toda la población un conglomerado compacto y decidido.

Si difícil será la situación militar de los primeros momentos, no menos delicada será la política; y si un solo error militar puede liquidar la guerrilla, un error político puede frenar su desarrollo durante grandes períodos.

Político-militar es la lucha, así hay que desarrollarla y por lo tanto, entenderla.

La guerrilla, en su proceso de crecimiento, llega a un instante en que su capacidad de acción cubre una determinada región para cuyas medidas sobran hombres y hay demasiada concentración en la zona. Allí comienza el efecto de colmena, en el cual uno de los jefes, guerrillero distinguido, salta a otra región y va repitiendo la cadena de desarrollo de la guerra de guerrillas, sujeto, eso sí, a un mando central.

Ahora bien, es preciso apuntar que no se puede aspirar a la victoria sin la formación de un ejército popular. Las fuerzas guerrilleras podrán extenderse hasta determinada magnitud; las fuerzas populares, en las ciudades y en otras zonas permeables del enemigo, podrán causarle estragos, pero el potencial militar de la reacción todavía estaría intacto. Hay que tener siempre presente que el resultado final debe ser el aniquilamiento del adversario. Para ello, todas estas zonas nuevas que se crean, más las zonas de perforación del enemigo detrás de sus líneas, más las fuerzas que operan en las ciudades principales, deben tener una relación de dependencia en el mando. No se podrá pretender que exista la cerrada ordenación jerárquica que caracteriza a un ejército, pero sí una ordenación estratégica. Dentro de determinadas condiciones de libertad de acción, las guerrillas deben de cumplir todas las órdenes estratégicas del mando central, instalado en alguna de las zonas, la más segura, la más fuerte, preparando las condiciones para la unión de las fuerzas en un momento dado.

¿Habrá otras posibilidades menos cruentas?

La guerra de guerrillas o guerra de liberación tendrá en general tres momentos: el primero, de la defensiva estratégica, donde la pequeña fuerza que, huye muerde al enemigo; no está refugiada para hacer una defensa pasiva en un círculo pequeño, sino que su defensa consiste en los ataques limitados que pueda realizar. Pasado esto, se llega a un punto de equilibrio en que se estabilizan las posibilidades de acción del enemigo y de la guerrilla y, luego, el momento final de desbordamiento del ejército represivo que llevará a la toma de las grandes ciudades, a los grandes encuentros decisivos, al aniquilamiento total del adversario.

Después de logrado el punto de equilibrio, donde ambas fuerzas se respetan entre sí, al seguir su desarrollo, la guerra de guerrillas adquiere características nuevas. Empieza a introducirse el concepto de la maniobra; columnas grandes que atacan puntos fuertes; guerra de movimientos con traslación de fuerzas y medios de ataque de relativa potencia. Pero, debido a la capacidad de resistencia y contraataque que todavía conserva el enemigo, esta guerra de maniobra no sustituye definitivamente a las guerrillas; es solamente una forma de actuar de las mismas; una magnitud superior de las fuerzas guerrilleras, hasta que, por fin, cristaliza en un ejército popular con cuerpos de ejércitos. Aún en este instante, marchando delante de las acciones de las fuerzas principales, irán las guerrillas en su estado de «pureza», liquidando las comunicaciones, saboteando todo el aparato defensivo del enemigo.

Habíamos predicho que la guerra sería continental. Esto significa también que será prolongada; habrá muchos frentes, costará mucha sangre, innúmeras vidas durante largo tiempo. Pero, algo más, los fenómenos de dolarización de fuerzas que están ocurriendo en América, la clara división entre explotadores y explotados que existirá en las guerras revolucionarias futuras, significan que al producirse la toma del poder por la vanguardia armada del pueblo, el país, o los países, que lo consigan, habrán liquidado simultáneamente, en el opresor, a los imperialistas y a los explotadores nacionales.

Habrá cristalizado la primera etapa de la revolución socialista; estarán listos los pueblos para restañar sus heridas e iniciar la construcción del socialismo.

¿Habrá otras posibilidades menos cruentas?

Hace tiempo que se realizó el último reparto del mundo en el cual a los Estados Unidos le tocó la parte del león de nuestro Continente; hoy se están desarrollando nuevamente los imperialistas del viejo mundo y la pujanza del mercado común europeo atemoriza a los mismos norteamericanos. Todo esto podría hacer pensar que existiera la posibilidad de asistir como espectadores a la pugna interimperialista para luego lograr avances, quizás en alianza con las burguesías nacionales más fuertes. Sin contar conque la política pasiva nunca trae buenos resultados en la lucha de clases y las alianzas con la burguesía, por revolucionaria que esta luzca en un momento dado, sólo tienen carácter transitorio, hay razones de tiempo que inducen a tomar otro partido. La agudización de la contradicción fundamental luce ser tan rápida en América que molesta el «normal» desarrollo de las contradicciones del campo imperialista en su lucha por los mercados.

Las burguesías nacionales se han unido al imperialismo norteamericano, en su gran mayoría, y deben correr la misma suerte que este en cada país. Aún en los casos en que se producen pactos o coincidencias de contradicciones entre la burguesía nacional y otros imperialismos con el norteamericano, esto sucede en el marco de una lucha fundamental que englobará necesariamente en el curso de su desarrollo, a todos los explotados y a todos los explotadores. La polarización de fuerzas antagónicas de adversarios de clases es, hasta ahora, más veloz que el desarrollo de las contradicciones entre explotadores por el reparto del botín. Los campos son dos: la alternativa se vuelve más clara para cada quien individual y para cada capa especial de la población.

La Alianza para el Progreso es un intento de refrenar lo irrefrenable. Pero si el avance del mercado común europeo o cualquier otro grupo imperialista sobre los mercados americanos, fuera más veloz que el desarrollo de la contradicción fundamental, sólo restaría introducir las fuerzas populares como cuña, en la brecha abierta, conduciendo estas toda la lucha y utilizando a los nuevos intrusos con clara conciencia de cuáles son sus intenciones finales.

No se debe entregar ni una posición, ni un arma, ni un secreto al enemigo de clase, so pena de perderlo todo.

De hecho, la eclosión de la lucha americana se ha producido. ¿Estará su vórtice en Venezuela, Guatemala, Colombia, Perú, Ecuador? ¿Serán estas escaramuzas actuales solo manifestaciones de una inquietud que no ha fructificado? No importa cuál sea el resultado de las luchas de hoy. No importa, para el resultado final, que uno u otro movimiento sea transitoriamente derrotado. Lo definitivo es la decisión de lucha que madura día a día; la conciencia de la necesidad del cambio revolucionario, la certeza de su posibilidad.

Es una predicción. La hacemos con el convencimiento de que la historia nos dará la razón. El análisis de los factores objetivos y subjetivos de América y del mundo imperialista, nos indica la certeza de estas aseveraciones basadas en la Segunda Declaración de La Habana.





Che Guevarra : Bien utiliser les mitaillettes.

    


      Las ametralladoras en el combate defensivo.

 
Verde Olivo, 24 de julio de 1960.

Por la rapidez de tiro y la precisión las ametralladoras constituyen el armazón de toda defensa bien organizada. ¿Cuántas veces en el transcurso de las últimas guerras, una ametralladora, bien emplazada y con sirvientes serenos y abnegados, han hecho fracasar el ataque de batallones enteros causándoles además enorme cantidad de bajas...?

Por esto, todo miliciano o soldado cubano en su preparación para la defensa de la Patria, debe aprender el manejo de la ametralladora (su funcionamiento, mecanismo y el tiro con ella) y, además, lo que no es menos importante, el empleo de la misma en el combate y en particular en el combate defensivo.

Es ésta una cuestión de tanta importancia, que no podía ser pasada por alto en estos consejos al combatiente y a ella se va a dedicar una serie de los mismos.

Pero antes de entrar a explicar los principios del empleo de las ametralladoras en el combate defensivo, vamos a recordar las características principales que distinguen esta arma y las reglas elementales de su tiro como cuestiones estrechamente ligadas a la aplicación de dichos principios.

La primera característica de la ametralladora, para facilitar la exposición generalizada, en cierto modo, refiriéndonos a la ametralladora de ajuste rígido con trípode o ruedas, independientemente de su marca, ya que los distintos tipos no se distinguen tanto que requieran un empleo diferente, es la velocidad de tiro.

En los momentos críticos del combate la ametralladora durante varios minutos puede disparar con cadencias prácticas de hasta 250 disparos por minuto, que permite formar barras de fuego de una densidad tal que sean completamente insalvables para la infantería atacante.

La segunda característica es la precisión en el tiro que lo da la rigidez del ajuste. En este sentido la ametralladora está muy por encima del fusil ametralladora (llamado también ametralladora ligera) y más aún del fusil automático o FAL. Disparando con puntería fija, la ametralladora a 200 metros da un haz de proyectiles de sólo 0,40 metros de anchura; a 600 metros dicho haz tiene 1,4 metros de anchura; 2,70 a 800 metros de distancia; 11,7 metros a 1.800 metros y unos quince metros de anchura al llegar a los 2.000 metros. A estas mismas distancias el fusil ametralladora -y aún más el FAL- da dispersiones varias veces superior.

La tercera característica es la potencia o poder perforante de la bala de la ametralladora, que si bien no se toma en consideración cuando se trata de obstáculos materiales puede batir y poner fuera de combate a cualquier combatiente al descubierto hasta distancias de 3.000 metros.

Por último, la característica más importante de la ametralladora es la tensión de la trayectoria de sus balas o, dicho con otras palabras, de la rasancia de la misma. Esta es la condición que da la mayor eficacia al fuego de la ametralladora. La rasancia de la trayectoria de las ametralladoras es tal que a distancia hasta los 500 metros en un terreno llano, en ningún punto del recorrido de la bala alcanza una altura superior a 1,50 metros, o sea, que la bala en todo su recorrido es capaz de batir a un hombre que esté de pie.

Esta característica permite, hasta una profundidad de 500 metros, formar barreras continuas de fuego que impidan el acceso del atacante bajo pena de ser puesto fuera de combate por uno o varios proyectiles. A partir de 500 metros, la rasancia de la trayectoria de la ametralladora disminuye rápidamente; tirando a más de esta distancia, la bala en su recorrido se eleva hasta varios metros del suelo y deja amplias zonas sin batir. Como veremos más adelante, la rasancia de las trayectorias de las ametralladoras son el factor predominante en la organización del plan de fuegos de la defensa.

De las reglas elementales de tiro se destaca por su importancia la rápida corrección del mismo.

Para que la ametralladora pueda ser verdaderamente eficaz, el tiro debe ser preparado partiendo de la medición más exacta posible de la distancia y además el tirador debe ser capaz de corregir los pequeños errores de apreciación de distancias o la influencia de factores como viento, lluvia, etc. Si el tirador tarda en la corrección del tiro dará tiempo al enemigo a ponerse a cubierto sin sufrir bajas. Para la corrección del tiro suelen emplearse balas trazadoras que intercaladas por series entre las normales permiten a intervalos regulares efectuar las debidas correcciones. Pero las balas trazadoras tienen un grave inconveniente: desenmascaran el emplazamiento de la ametralladora. Por esto su empleo se autoriza solamente cuando el enemigo no puede observar la trayectoria de tiro desde un flanco. Si no se tiene en cuenta esta condición, el empleo inoportuno de las balas trazadoras traería como consecuencia la rápida localización de la ametralladora que las usa y su destrucción por el fuego de la artillería o morteros enemigos.

Por los efectos que persigue el fuego de la ametralladora pueden ser de destrucción y de neutralización. El fuego de destrucción se efectúa sobre las formaciones enemigas que están al descubierto. Sólo en casos excepcionales se permite el fuego de ametralladora sobre combatientes aislados. El fuego de destrucción es el más empleado por el defensor y generalmente se efectúa a las cadencias máximas, ya que las formaciones atacantes, que sufran sus efectos, intentarán ponerse a cubierto con la mayor rapidez. Por esto y para poder causar el mayor número de bajas en el mínimo tiempo, además de la cadencia acelerada hasta lo posible, se requiere la más minuciosa preparación del tiro.

Para esta clase de fuego el conseguir el efecto de la sorpresa es decisivo. Con el fin de conseguir la sorpresa las ametralladoras de la defensa que deben efectuar el tiro de la destrucción no cumplen ninguna otra misión y abren el fuego solamente al aparecer el atacante en la dirección asignada y a las distancias fijadas en el plan de fuego.

El fuego de neutralización es el que se efectúa contra un enemigo atrincherado o que está a cubierto por algún obstáculo natural con el fin de impedir que use sus armas o pueda moverse. Se realiza a cadencias normales, pero para su efectividad, requiere también una meticulosa preparación. En la defensa esta clase de fuego se emplea generalmente para dificultar la maniobra del enemigo, que tratando de aprovechar los accidentes del terreno, procurará evitar las zonas más peligrosas batidas de flanco por las ametralladoras que efectúan el fuego de destrucción.

Desde el punto de vista táctico los tiros de ametralladoras se pueden clasificar en tiros de barrera, de concentración y de hostigamiento. En la defensa el fuego de ametralladora más empleado es el de barrera. Es una modalidad del tiro de destrucción que tiene por objeto, como su nombre lo indica, hacer infranqueable una faja de terreno determinada. Para ello, las ametralladoras que deben formar la barrera delante de la posición principal estarán ocultas a la vista del enemigo y cubiertas de los fuegos (aprovechando los accidentes del terreno y sobre todo la fortificación y el enmascaramiento de la misma), (el problema del emplazamiento de las ametralladoras de la defensa es tan importante que le dedicamos, a él solo, uno de estos artículos). El tiro de barrera se efectúa siempre de flanco y a distancias no mayores de 500 metros para poder aprovechar la rasancia de la trayectoria de las balas de la ametralladora. Delante de la posición principal de resistencia la barrera de fuego de ametralladoras debe ser por lo menos el doble (en los lugares más peligrosos puede ser triple o cuádruple). Esto quiere decir que serán no una, sino varias ametralladoras las que tendrán la misión de formar la barrera sobre la misma faja de terreno desde emplazamientos distintos. De este modo, aún en el caso de que algunas de las ametralladoras sean puestas fuera de combate por el fuego enemigo o a causa de desperfectos mecánicos, quedará asegurada la continuidad de la barrera delante de la posición. Dentro de la posición principal se organizarán por el mismo principio (fuego de flanco a distancias no mayores de 500 metros) barreras sucesivas y distancias variables según el terreno. Las ametralladoras que las forman pueden apoyar desde emplazamientos provisionales (no desde los que tienen asignados para el fuego de barrera), el combate de las fuerzas que defienden las trincheras con los emplazamientos de las ametralladoras que forman la barrera anterior.

Tanto en el caso de la barrera delante de posición principal de resistencia como en el de las barreras interiores, el fuego de unas ametralladoras debe cruzarse con el de otras a distancias no mayores de 250 metros, o sea, a la mitad del trozo de barrera asignada a cada una de ellas. Así se consigue también una mejor continuidad de la barrera cuando por cualquier motivo algunas de las ametralladoras empleadas en ella dejen de tirar.

Cuando el enemigo avanza el fuego de barrera se efectúa a cadencia acelerada al máximo, para causar el mayor número posible de bajas al atacante en el mínimo tiempo. Alcanzado el efecto y detenido el ataque, algunas de las ametralladoras mantienen la barrera disparando con tiro intermitente.

El tiro de concentración es un tiro de barrera aplicado sobre un punto que por las características del terreno sabemos el enemigo intentará forzosamente atravesar u ocupar. Se efectúa reuniendo sobre dicho punto los haces de proyectiles de varias ametralladoras que disparan simultáneamente a tiro rápido.

La defensa organiza tiros de concentración para batir objetivos a distancias superiores a alas que se efectúa la barrera (normalmente a distancias de 600 a 2.000 metros). Los tiros de concentración lo efectúan las ametralladoras que no están designadas para efectuar el tiro de barrera.

El tiro de hostigamiento se realiza a intervalos sobre zonas de terreno difícilmente observables y a grandes distancias (de 2.000 a 3.000 metros). Con esta clase de tiro, que requiere una preparación especial y se lleva a cabo con baterías de ametralladoras (de 6 y más máquinas), la defensa hostiliza los segundos escalones del atacante, los emplazamientos de artillería de apoyo, las reservas enemigas.

En algunos casos una misma ametralladora podrá cumplir varias misiones en el combate defensivo, particularmente en la barrera, en las concentraciones y en el hostigamiento. Pero en todos los casos estas ametralladoras dispararán desde emplazamientos distintos para que el enemigo no las pueda localizar y destruir.




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Cours 11 Carl Schmitt , la politique comme discrimination entre l’ami et l’ennemi (Schmitt vs Constant)

bibliographie complémentaire de textes de Schmitt :

Le Nomos  de la terre, trad. de l'allemand, PUF,  accessible sur Amazon fr : le chaptire IV et spécialement à partir de la page 256 "

 Changement de sens de la guerre". Opposition radicale de Schmitt au  traité de Versailles notamment articles 228-230 portent sur les crimes de guerre au sens du jus bello et oblige à livrer ses propres ressortissants : il n'y a plus d'amnistie. Et Guillaume II accusé de crime : Art. 227.—Les puissances alliees et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur d’Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités. (...) Les puissances-alliées et associées adresseront au Gouvernement des Pays-Bas une requête le priant de livrer l’ancien empereur entre leurs mains pour qu’il soit jugé." Selon Schmitt "caractère odieux d'un droit trop personnel" (Mais ne sera pas suvi d'effet)


La politique comme discrimination entre amis et ennemis

Introduction

Défense de la politique : le monde n'est pas une unité politique mais il est un pluriversum politique (
Notion de Politique p. 97 et 190)

"Les sommets de la grande politique sont les moments où il y a perception nette et concrète de l'ennemi et de l'ami en tant que tel." (
Notion de Politique p. 114)

I La difficulté à lire Schmitt

1) Schmitt, 
Heidegger et Hitler

2) Il a donné les "postulats élémentaires" d'un système de pensée spécifiquement politique : la conviction de détenir la vérité, le bien et la justice qui provoque les inimitiés les plus redoutables et la "guerre de tous contre tous"  (
Notion de Politique, p. 111-112)


Le "cristal de Hobbes" (Notion de Politique, p. 192)

 1 Veritas : Jesus Christus 5
Quis interpretablitur? 4
 
3 Autoritas, non veritas, facit legem 3
4 Potestas directa, non indirecta 2
5 Oboedentia   Oboedentia 1
et            et
Protectio        Protectio

3) Politique et théologie : "Tout comme la disctinction entre l'ami et l'ennemi, le dogme théologique fondamental affirmant le pêché du monde et l'homme pêcheur aboutit [...] à répartir les hommes en catégories, à marquer les distances, et il rend impossible l'optimisme indifférencié propre aux conceptions courantes de l'homme" (
Notion de Politique, p. 110-111)

4) Il y a une histoire de la guerre liée à celle de l'Etat et des formes de domination

SCHMITT EN 1941 : LA MER ET LA TERRE RELÈVE DU PASSÉ, L'AVENIR DE L'ALLEMAGNE DANS L'AIR

IN D COLAS DICTIONNAIRE DE LA PENSÉE POLITIQUE, LAROUSSE

Schmitt*, dans deux textes de 1941, a voulu faire apparaître le lien entre l'Angleterre et la mer comme élément :  il ne faut pas penser la mer comme une partie de la terre, mais penser la terre comme un prolongement, une dépendance de la mer. Avec Elisabeth Iere, l'Angleterre a opté pour la mer contre la terre, et la conquête en a été assurée par la "society" et  non par l'Etat, qui est un concept terrestre. L'Angleterre, qui apparteint aux mers du globe, s'est assuré une suprématie mondiale face au continent européen. Mais pronostique Carl Schmitt, - à qui le destin de l'Etat nazi vaincu par la mer (anglaise), la terre (soviétique) et l'air (américain) apportera un démenti total  -, l'avenir appartient désormais à l'air, à l'espace. et à l'Allemagne qui serait à la fois terrestre, maritime et aérienne.
->frontières naturelles, Kant, Projet de paix perpétuelle.

Biblio Schmitt, C., "La mer contre la terre" (1941) et  "Souveraineté de l'Etat et liberté des mers. Opposition de la Terre et de la Mer dans le droit international moderne", in Du politique.   Pardès : 1990




II Schmitt par différences et affinités

1) Schmitt et  Donoso Cortès

ARTICLE DONOSE CORTÈS DANS COLAS, DICTIONNAIRE DE LA PENSÉE POLITIQUE, LAROUSSE
Donoso Cortès. Juan, marquis de Valdegamas, (1809 -1853). Homme d'Etat et théoricien catholique royaliste espagnol

Ency. Il fut député aux Cortès et Ambassadeur d'Espagne à Paris et à Berlin et connu une certaine notoriété de son vivant. Son antagoniste imaginaire était Proudhon*, son grand traumatisme, la montée du socialisme et l'instauration, brève, de la République à Rome qui priva le pontife de sa souveraineté politique. Il se prononce pour la monarchie constitutionnelle et contre la monarchie parlementaire et la démocratie. Pour lui l'Eglise est l'institution sociale fondamentale et lorsque la religion "abandonne les sociétes elles sont condamnées à la stérilité et à la mort". Or, si "l'homme est par nature religieux, intelligent et libre", ces trois caractères n'ont été réunis que par le Christ et l'histoire de l'humanité est celle d'une décadence.
Dans le "Discours sur la situation générale de l'Europe" (1850), il affirme que le mal est dans les peuples qui sont devenus ingouvernables car l'idée de "l'autorité divine et de l'autorité humaine" a disparu. Deux formes de civilisation l'une catholique, l'autre révolutionnaire s'opposent. Pour la première il y a un Dieu personnel, qui est présent partout et qui gouverne absolument les choses divines et humaines. et, dans l'ordre politique, un roi qui est présent partout par ses agents, qui règne sur ses sujets et les gouverne, ce qui peut prendre la forme d'une monarchie constitutionnelle ou absolue. En face, on trouve des degrés divers du mal : le parti progressiste, déiste, pour qui, si Dieu existe, il est trop éléve pour gouverner les choses humaines et, selon qu,i le Roi règne mais ne gouverne pas ; le panthéisme auquel correspond le républicanisme : le pouvoir est tout ce qui vit, c'est la multitude. Puis vient l'athée : Proudhon qui dit qu'il n'y a pas de gouvernement. Ainsi le socialisme, va plus loin, que la Révolution française de 1789 qui a dissous la société : en dépouillant les propriétaires, il tue les racines du patriotisme et il détruira les armées permanentes. Aussi, bientôt, tous les Slaves s'uniront sous le protectorat de la Russie qui,  s'emparera de l'Occident, pour son "châtiment", avant de sombrer elle-même dans la "putréfaction". Face à cette décadence seul le christianisme apparait comme civilisé (alors que les Grecs et les Romains n'étaient que cultivés) car il a rendu l'autorité inviolable, l'obéissance sainte et la charité divine mais ces idées ne sont plus dans la "société civile*", seules "l'Eglise et l'Armée sont aujourd'hui les deux représentants de la civilisation européenne".
Si chez Saint Augustin l'histoire de la cité terrestre voit alterner des phases de valeur différente (le règne pacifique d'Auguste vaut mieux que celui de Néron), Donoso Cortès propose une inversion absolue de l'idée de progrès telle qu'on pourrait la trouver chez Kant, Hegel et une multitude d'auteurs des XVIIIe et XIXe siècles. L'histoire de l'humanité est celle d'un accroissement constant du pouvoir politique qui conduit le monde vers un despotisme gigantesque et destructeur. Le Christ avait fondé une société de disciples sans gouvernement, mais depuis la "répression religieuse intérieure" diminue et le rôle du gouvernement politique augmente, hier, avec Luther et la monarchie absolue, aujourd'hui avec l'armée permanente où le soldat est un "esclave en uniforme", et où le gouvernement avec sa police, son administration, (qui s'appuie sur le nouvelles technologiques de l'information comme le télégraphe) devient omnipotent. Sans "réaction religieuse" le despotisme est inélécutable si bien que le choix est entre la dictature de l'insurrection ou celle du gouvernement et Donoso Cortès proclame qu'il choisit la dictature qui vient "d'en haut" contre celle qui vient "d'en bas", le sabre plutôt que le poignard.
Par rapport aux autres réactionnaires catholiques du XIXe siècle sa doctrine n'est guère originale : il rejette l'érection de la raison en tribunal ce qui aboutit à la "négation de tout lien entre Dieu et l'homme". Il remonte à la Réforme pour chercher la responsabilité de 1789. Il refuse le principe même des révolutions car pour la théorie catholique le mal est dans l'homme et non dans les institutions, et elle "condamne tout bouleversement comme insensé ou inutile". Il dénonce dans la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen une prétention du philosophe à écrire de nouvelles Tables des lois. Il s'en prend au suffrage universel qui est une corruption généralisée : "les élus trafiquent de leur pouvoir, les électeurs trafiquent de leur influence, tous corrompent la foule par leurs promesses, et la foule les corrompt tous par ses demandes menaçantes et rugissantes" (Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, 1851). Il voit dans le socialisme un "paganisme" et la "dictature de la multitude". Il met en accusation la révolution de 1848, pour son mensonge, selon un argumentaire qui pourrait se retrouver chez d'autres, (partiellement chez Marx) : en guise de liberté, elle a instauré la dictature, en guise d'égalité, elle a fait naître une "aristocratie démocratique", en guise de fraternité, elle a organisé la répression sanglantes des journées de juin, ce qui confirme que seul le catholicisme pourrait instaurer véritablement la liberté, l'égalité et la fraternité mais ni le libéralisme, ni le socialisme.
Herzen, en1850, tout en s'étonnant de l'image que le théocrate espagnol a de la Russie, s'en prend à l'appel de Donoso Cortès à l'union du prêtre catholique et du soldat pour sauver l'Europe de la décadence, car "une fois acceptée qu'il faut détester la terre et honorer le ciel [...] on parvient assez vite à accepeter aussi que l'individu n'est rien et que l'Etat est tout". Mais Schmitt se reconnaîtra dans une tentative de théologie politique réactionnaire comme celle de Donoso Cortès pour qui l'infaillibilité pontificale était le modèle du pouvoir. Il en a fait une de ses références quant à la définition de la souveraineté comme décision car Donose Cortès a montré que dans le combat entre socialisme athée et catholicisme, le libéralisme était  incapable de se battre : la bourgeoisie est une "classe discutante", qui veut un roi mais impuissant et elle réclame liberté et égalité mais réduites aux classes possédantes.

Donoso Cortès Œuvres, traduit de l'espagnol précédé d'une introducton par M. Louis Veuillot. Paris 3 vol. 1858.  Schmitt, C.. Théologie Politique. Trad. de l'allemand par J.-L. Schlegel. Gallimard. Herzen  . 1850.  Réédition de la trad. française (depuis l'Allemand) de 1870 Slatkine, Genève, 1980




b)
Schmitt et Erik Paterson (voir infra)

c) Schmitt et Hegel : l'Etat hégelien au dessus de la Société mais "l'évolution historique vise à l'identification démocratique entre Etat et Société" (
Notion de Politique, p. 63)



III Définition de la politique comme discrimination ami/ennemi
 
a) Le politique n'est pas l'étatique.

Avec l'équivalence "étatique, politique" et l'interpénétration de l'Etat et de la société les domaines neutres cessent de l'être. Etat total : tout est politique, donc il n'y a plus de définition spéficique du politique.

 Esthétique : beau/laid
Ethique : bien/mal
Économie : utile/inutile
Religion : catholicisme /protestantisme

Politique : ami/ennemi





Carl Schmitt, "hostis" et "inimicus" in Théorie du politique, p. 69 ( polemios et exthros)
Le passage bien connu : " Aimez vos ennemis" (Math. 5, 44 ; Luc 6, 27) signifie  diligite inimicos vostros (αγαπατε τους εχθρους υμων) et non diligite hostes vostros ; il n'y ait pas fait allusion à l'ennemi poltique. Et dans la lutte millénaire entre le christianisme et l'Islam, il ne serait venu à l'idée d'aucun chrétien qu'il fallait, par amour pour les Sarrasins ou pour les Turcs, livrer l'Europe à l'Islam au lieu de la défendre.
Sur ce passage des Evangiles voir les différentes traductions à la page : http://scripturetext.com/matthew/5-44.htm



b) le débat sur la "stasis"


c) l’ennemi n’est pas à détruire


COURS 12  Schmitt  et le partisan

Schmitt donne des conférences en Espagne en 1962 qu'il présente comme un complément à La notion de politique sous le titre : Théorie du partisan

  Importante mythologie sur les "partisans" notamment pour des chants :
 Chant de la résistance italienne : Bella Ciao : http://www.youtube.com/watch?v=_D2q_JmxU28

Chant des partisans russes : http://www.youtube.com/watch?v=0OfBf9GHz44

Chant des partisans français : Druon, Kessel pour les paroles, Anna Marly pour la musique : http://www.youtube.com/watch?v=-lvjASyf9Fw


Un hommage ceui-ci par Leonard Cohen :

http://www.youtube.com/watch?v=oG4ndbhOkpI



De "parti" : troupes détachées de l'armée régulière battant la campagne et lié à un parti politique (non à un Etat)

La guerre limitée obéissant au droit public européen classique est comme un "duel d'honneur" au regard de la guerre de partisans. (Théorie du partisan, p.264)

"Petite guerre" contre "grande guerre"

I La notion de partisan

a) Une histoire du partisan  :

Partisans en Espagne contre Napoléon.
Invitation à la guerre de partisan en 1808 en Prusse mais sans effet
Des partisans en Russie contre Napoléon en 1812
Partisans français contre prussiens en 1871 à l'instigation de Gambetta mais qui veut faire une "grande guerre" et qui la perd.

Partisans communistes dans la guerre civile russe.
Partisans en Chine contre les Japonais
Partisans en URSS contre l'armée allemande
Partisans dans les guerres coloniales


Mais il faut en distinguer deux types : "le défenseur autochtone du sol natal et l'activiste révolutionnaire, force d'agression mondiale". (p.241)

b) Effets sur le droit international

Définition élargie du "belligérant" selon La Convention  de la Haye du 10 octobre 1907


Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

SECTION I. - DES BELLIGERANTS.

CHAPITRE I. - De la qualité de belligérant.

Article Premier.

Les lois, les droits et les devoirs de la guerre ne s'appliquent pas seulement à l'armée, mais encore aux milices et aux corps de volontaires réunissant les conditions suivantes:
1°. d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés ;
2°. d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance ;
3°. de porter les armes ouvertement et
4°. de se conformer dans leurs opérations aux lois et coutumes de la guerre.
Dans les pays où les milices ou des corps de volontaires constituent l'armée ou en font partie, ils sont compris sous la dénomination d'' armée '.
    Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La Haye, 18 octobre 1907.

http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Treaty.xsp?action=openDocument&documentId=7C5A1DD850591B0FC12563140043A35B

Après la seconde guerre mondiale on élargit la protection en cas de guerre en  direction de la population mais ne visent pas les guerres de partisans de type communiste chinois : Convention de Genève du 12 août 1949 http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/vwTreaties1949.xsp
      ARTICLE 13 [ Link ] . - La présente Convention s'appliquera aux blessés et malades appartenant aux catégories suivantes:

      1) les membres des forces armées d'une Partie au conflit, de même que les membres des milices et des corps de volontaires faisant partie de ces forces armées;

      2) les membres des autres milices et les membres des autres corps de volontaires, y compris ceux des mouvements de résistance organisés, appartenant à une Partie au conflit et agissant en dehors ou à l'intérieur de leur propre territoire, même si ce territoire est occupé, pourvu que ces milices ou corps de volontaires, y compris ces mouvements de résistance organisés, remplissent les conditions suivantes:

      a) d'avoir à leur tête une personne responsable pour ses subordonnés;

      b) d'avoir un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance;

      c) de porter ouvertement les armes;

      d) de se conformer, dans leurs opérations, aux lois et coutumes de la guerre;

      3) les membres des forces armées régulières qui se réclament d'un gouvernement ou d'une autorité non reconnus par la Puissance détentrice;

      4) les personnes qui suivent les forces armées sans en faire directement partie, telles que les membres civils d'équipages d'avions militaires, correspondants de guerre, fournisseurs, membres d'unités de travail ou de services chargés du bien-être des militaires, à condition qu'elles en aient reçu l'autorisation des forces armées qu'elles accompagnent;

      5) les membres des équipages, y compris les commandants, pilotes et apprentis, de la marine marchande et les équipages de l'aviation civile des Parties au conflit qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu d'autres dispositions du droit international;

      6) la population d'un territoire non occupé qui, à l'approche de l'ennemi, prend spontanément les armes pour combattre les troupes d'invasion sans avoir eu le temps de se constituer en forces armées régulières, si elle porte ouvertement les armes et si elle respecte les lois et coutumes de la guerre. (souligné par moi, DC)
http://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/9ac284404d38ed2bc1256311002afd89/34ee8029

c) les théoriciens de la guerre de partisan
Clausewitz mais il privilégie le duel et la bataille
Engels renonce à la guerre de barricades en espèrant prise du pouvoir pacifique

Mais en 1907 Lénine defend le combat de partisans dans un texte de 1906 (La Guerre de partisans, OC, t.11, p.215). Il justifie et même recommande la "lutte armée" conduite par des petits groupes qui résulte de la période de troubles qui suit la Révolution de 1905.  Car pour lui, dit Schmitt, "seule la guerre révolutionnaire" est une guerre véritable". Et ceci est poursuivi et radicalisé par Mao. Coupure fondamentale pour Schmitt. [Mais on peut dire que Lénine privilégie l'insurrection et que pour lui la guerre de partisans se déroule entre les "grandes batailles" toutefois il veut un "parti combattant", ce que va réaliser Mao sur une longue période, sans insurrection et ce que dit Schmitt p. 263 est mal fondé. Et chez Mao la guerre de partisans est une des deux formes de guerre]

La logique du partisan, selon Mao (Théorie du partisan, p.272)
La raison d'être de la guerre est dans l'hostilité. La guerre étant la continuation de la politique, la politique contient toujours,  elle aussi, du moins comme un possible, un élément d'hostilité potentielle.

Chez Mao divers types d'hostilité qui produisent une hostilité "absolue" : hostilité de race, de classe, du frère de la même race.

Les partisans dans les guerres de libération nationale : soutient de la Chine et de l'URSS

d) Définition du partisan

Quatre traits dans la connotation :

+ irrégularité, (pas d'uniforme)
+ haut degrè de mobilité du combat actif (petits groupes, nocturnes, dans les fôrets)
+ haut degré d'intensité de l'engagement politique (ne sont pas des bandits)
+ caractère tellurique

e) Une définition qui évolue

Le caractère tellurique est entrain de s'estomper



  II  Pour déconstruire Schmitt : Ennemi/ami et guerre : la définition comme polémique



a) la politique renvoie à la guerre : "la guerre moyen extrême de la politique" (
Notion de Politique p. 76)

b) la politique ne conduit pas toujours à la guerre et toutes les guerres ne sont pas identiques : les guerres conduites au nom du pacifisme comme "dernières guerres de l'humanité" et "elles discréditent l'ennemi dans les catégories morales et autres pour en faire un monstre inhumain" qui doit être "anéanti définitivement" (
Notion de Politique p. 77)

c) D
éfinition et polémique : la définition chez Aristote par classification. Schmitt définit par oppositions donc définition polémique voir Jacques Derrida, Politique de l'Amitié


III Schmitt :  Critique du libéralisme et de la démocratie

Le libéralisme : réduit tout à la concurrence et à la morale (Etat de droit) (NP, p.118)

a) libéralisme et commerce

b) démocratie et libéralisme

c) critique des partis politiques


Pour continuer

Ce tableau est une sorte de commentaire du frontispice du Léviathan de Hobbes et de réflexions inspirées pas les définitions de l’Etat et de l’Eglise par Weber et la lecture d’Erik Peterson : Le Monothéisme : Théologie politique

Structure du monopole de la violence physique et de la violence psychique
Mode d’organisation politique et religieux
Type-idéal de guerre
Exemples
Pas d’Eglise
Pas d’Etat

Tribalisme, cultes locaux
Guerres inter tribales
Les Nuer  du Soudan
Pas d’Etat
Une religion tribale

Pouvoir religieux national
Guerres externes
Israël biblique
Un Etat
Pluralité des Eglises

Empire
Guerres internes
Russie tsariste et contemporaine
Un Etat
Une Eglise nationale unique

Théocratie (ou idéocratie
Guerres externes
URSS,
Iran

Un Etat, une Eglise transnationale
Centralisation du pouvoir politique
Guerres externes
France de Louis XIV
Pas d’Eglise
Sectes, anarchie
Guerres civiles politico-religieuses
Allemagne 1525







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Professeur Dominique  Colas, professeur émérité des universités à l'Institut d' Etudes Politiques de Paris
email :  dominique.colas@sciences-po.fr