Problèmes de hanche
Un film de Frédéric Tachou tourné en septembre 2002
Carnet du tournage, par Dorothée Blanck
Photographies de tournage, par Pascal Pérennès
Alors que je venais dîner avec mes radios sous le bras, Fréderic
Tachou est arrivé
en béquilles. Une entorse au pied gauche. Deux éclopés
pour
tourner en extérieurs sur les routes d'Angoulême. Cette faiblesse
nous a rapprochés.
Avec F. Tachou
Le cafard s'abat sur moi. Répéter, c'est la panique. Tourner
encore un court,
je n'ose m'en vanter. Comme sur un jeu de dames,
un coup j'écris un texte, un coup un petit film.
J'avance dans mon âge; pouvu que ma colonne tienne !
Après avoir piétiné dans une prairie, un pied ne
veut plus se dresser
sur son talon; et je vais devoir aller faire pipi derrière un arbre;
en combien de prises ?
J'ai acheté un polo grège en solde à Stern,
il faut bien habiller ses petits vieux. Alors qu'il
ne me déshabille plus. Un corps que j'ai aimé, le couvrir
de tissu, telle une caresse.
Chacun répètera sa partition de son côté, ainsi
la rencontre au tournage gardera de la fraîcheur.
Avec F. Tachou et Martine Erhel
Nous n'avons pas répété, juste une mise
au point sur les intentions de Tachou, pour le face à face des
deux comédiennes.
Je deviens une femme chère, on m'a prélevé sept fioles
de sang et 150 euros pour savoir
comment et pourquoi je suis bouffée aux mites.
Plutôt que de rien attendre, je prends le train - cinq heures de
projection
de courts métrages ce soir à Trouville.
Piscine-films-piscine-films, et entre je recopie le texte de Tachou pour
le mémoriser.
Ma réticence à écrire ce carnet venait du fait
que je paniquais par le peu de contenu
dramatique de mon rôle. La peur de surjouer un personnage qui lui avait
été inspiré par moi, d'en faire une caricature;
en ayant à déambuler légèrement, je me voyais
en Folle de Chaillot.
Je ne voulais pas avoir de regard critique sur le déroulement
des opérations, je me suis laissé couler à la virgule
près dans les dialogues
écrits par Tachou, me déculotant pour de vrai afin que ce
soit réel quand
je vais faire pipi derrière un arbre; ce parfait naturalisme me
faisait espérer un
effet comique; en jouant la sincérité dans la moindre phrase
faussement
naïve, je pense avoir étayé mon personnage d'une ambiguïté
intéressante, à défaut
d'avoir le texte tragique de ma partenaire; qui de nous deux ramassera
les billes ?
Le montage nous le dira, et là non plus je ne participe pas, laissant
Tachou entièrement libre de son propos.
A chaque proposition de film j'espère grandir en vieillissant,
mais mon image reste
tributaire des années soixante, du fantasme de jeunes cinéphiles...