Déclaration
des droits et libertés dans l'Eglise
catholique
"C'est à la liberté que vous avez été
appelés", écrit saint Paul
aux Galates (5,13). Dieu nous a créés à son image, donc libres. Dieu est amour.
L'amour ne peut exister sans la liberté. Ce n'est que dans la liberté que l'on
peut se donner aux autres. Et Dieu nous a donné cette capacité.
Jésus
a chargé ses disciples de proclamer l'Evangile et cette mission incombe au
peuple de Dieu tout entier. Les disciples de Jésus ont ensemble la responsabilité
d'ouvrir la voie du Royaume de Dieu et Jésus leur a promis qu'ils recevraient
l'Esprit, qui les fera accéder à la vérité tout entière.
Jésus
n'a pas fondé une communauté où les prêtres aient un statut privilégié et où
les hommes commandent aux femmes.
Une
cause majeure de la propagation rapide du christianisme dans l'Empire romain
fut le message de liberté qu'apportait l'Evangile: liberté à l'égard de la
domination politique, du pouvoir des groupes sociaux et des structures
familiales, de celui de l'argent et des servitudes de la coutume.
Aussi
la liberté doit-elle se manifester en premier lieu dans la religion et dans
l'Eglise. Elle fonde la solidarité de frères et de soeurs qui unit les
chrétiens et les chrétiennes, leurs droits dans leur Eglise et dans leurs
rapports avec l'autorité ecclésiale. Elle fonde leur responsabilité commmune
quant au bien de l'Eglise.
L'Eglise de Vatican II l'a compris: le meilleur témoignage qu'elle
puisse et doive rendre au Christ est d'annoncer aux nations la bonne nouvelle
de la liberté. C'est ainsi qu'avec les autres Eglises chrétiennes, elle s'est
faite le héraut des droits de la personne humaine et que beaucoup d'individus,
de groupes et même des nations entières se tournent de nouveau vers elle pleins
d'espérance.
Mais
que vaudrait son témoignage si elle ne vivait pas elle-même cette liberté?
C'est pourquoi nous appelons les chrétiennnes et chrétiens de toutes
confessions à réaliser les exigences du Concile.
Il
va de soi que nous ne pouvons lutter efficacement pour la liberté de croyance
dans nos sociétés politiques si, dans nos Eglises, la liberté d'opinion n'est
pas respectée. Nous ne pouvons lutter
pour l'émancipation de la femme dans la vie publique, si, dans nos Eglises, elle ne jouit pas des mêmes
droits que l'homme.
Il
ne s'agit pas seulement de l'image de l'Eglise; il y va de la crédibilité du christianisme et de la véracité de
l'être chrétien. La foi ne peut croître que dans la liberté, car elle est une réponse libre
à l'appel gratuit de Dieu. Elle croît dans la mesure même où les disciples de
Jésus se sentent responsables de ce qu'ils disent et de ce qu'ils font. Elle
dépérit s'ils se déchargent sur d'autres du soin de faire la vérité qu'ils
proclament.
La
présente Déclaration s'appuie notamment sur la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée le 10 décembre 1948 par les
Nations-unies et qui s'inscrit dans un mouvement mondial de développement de la
démocratie.
Elle
a été élaborée à partir des travaux antérieurs de groupes chrétiens:
.
en 1975, en France, le groupe Droits et libertés dans les Eglises publiait un Manifeste de la liberté chrétienne.
.
en 1983, aux USA, l'Association for the rights of catholics in the Church
publiait une Charte des
droits des catholiques dans l'Eglise et invitait
les catholiques de tous les pays à travailler ensemble à une déclaration
universelle.
Les
deux Déclarations concordent sur tous les points essentiels, chacune comportant
quelques dispositions qui répondent aux conditions propres du pays d'origine.
La
présente Déclaration est ouverte aux modifications et compléments
qu'appellerait l'évolution de l'Eglise ou de la société.
Nous
appelons les chrétiennes et les chrétiens de toutes confessions à vivre dans la
liberté du Christ et à être ensemble son Eglise.
Considérant que le
deuxième concile du Vatican, dans sa Constitution L'Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes), reconnaît à
toute personne les droits qui découlent de sa création à l'image de Dieu,
considérant que le
Concile, dans sa Déclaration La liberté
religieuse (Dignitatis humanae) déclare: "C'est par sa conscience que
l'homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine; c'est elle qu'il
doit suivre fidèlement en tout ce qu'il fait, pour parvenir à sa fin qui est
Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d'agir contre sa conscience. Mais il
ne doit pas non plus être empêché d'agir selon sa conscience, surtout en
matière religieuse" (I,3),
considérant que les
croyants et les croyantes qui s'engagent consciemment à suivre le Christ et
s'enracinent dans l'Eglise par le baptême, reçoivent les droits et libertés
nécessaires pour marcher ensemble sur la voie du Christ,
considérant que l'acte de
foi est, par sa nature même, un acte libre et que, en conséquence, celles et
ceux qui exercent une charge dans l'Eglise ont le devoir de faire naître et de
développer la liberté spirituelle,
considérant que les
droits et libertés ne peuvent exister sans responsabilité et qu'il n'y a pas de
responsabilité sans liberté,
considérant que, de par
le baptême, chrétiens et chrétiennes sont tous égaux en dignité, quels que
soient leur état de vie et les charges ou responsabilités qui leur sont confiées,
considérant que l'Eglise
ne saurait être en retrait par rapport à la Déclaration
universelle des droits de l'homme des Nations-Unies, objet d'une
reconnaissance universelle,
considérant que les
droits de la personne humaine et les droits spécifiques des chrétiens et
chrétiennes doivent être considérés comme un tout dans la constitution de
l'Eglise,
considérant que les
chrétiens et les chrétiennes ont le droit, et même dans certaines
circonstances, le devoir, de faire connaître à ceux et celles qui exercent des
charges dans l'Eglise, ainsi qu'aux autres chrétiennes et chrétiens, ce qui, à
leur avis, est utile au bien de l'Eglise,
considérant que l'Eglise
a pour mission de témoigner du message libérateur du Christ et que, faute de
réformer ce qui, dans ses structures et dans ses pratiques, engendre injustice,
discrimination ou oppression, elle perd sa crédibilité,
les chrétiennes et les chrétiens sont
appelés à agir pour que soient reconnus et garantis dans leurs Eglises les
droits et libertés fondamentales suivantes:
I. Egalité
en dignité et en droits
Article
1
1. Les
chrétiennes et les chrétiens sont égaux en dignité et en droits dans l'Eglise.
Ils ont le droit d'être reconnnus comme personnes juridiques. Il ne peut être
institué de différences qu'aux fins de l'exercice de certaines fonctions concourant
au bien commun.
2. Constituent
une atteinte à l'égalité de dignité et de droits les règles et pratiques
fondées sur l'idée d'une infériorité de l'un des sexes ou d'un statut
particulier.
3. L'égale
dignité de tous les chrétiens et chrétiennes interdit l'usage d'un langage
sexiste dans les documents de l'Eglise. De même l'Eglise ne doit pas utiliser
exclusivement des représentations masculines de Dieu et des symboles masculins,
le génie de chaque langue devant toutefois être respecté.
II. Droits et libertés personnelles
Article
2
La pensée et
la conscience sont libres. Cela implique:
a) la liberté
d'exprimer sa conviction tant en public qu'en privé, individuellement ou
collectivement,
b) la liberté
de professer sa foi, enracinée dans la tradition vivante de l'Eglise et de la
vivre selon sa culture, ce qui a des implications particulières dans la
liturgie.
c) le droit de
mener des recherches théologiques, d'en publier les résultats et de les
soumettre à l'épreuve de la discussion avec d'autres.
Article
3
Les
chrétiennes et les chrétiens ont droit à la liberté d'opinion, ce qui inclut:
a) le droit
d'exprimer leur opinion, voire leur désaccord avec les politiques et décisions
de l'autorité ecclésiastique.
b) le droit
d'obtenir et de diffuser idées et informations.
c) le droit de
ne pas être l'objet de discriminations en raison de leurs opinions.
Article
4
Les chrétiens
et les chrétiennes sont libres de leurs choix et de leurs engagements
politiques.
Article
5
Les
chrétiennes et les chrétiens ont le droit de jouir librement des fruits de la
culture et en particulier de l'art. Ils ont le droit de développer leurs
talents artistiques sous leur responsabilité, sans encourir de censure.
Article
6
Les chrétiens
et les chrétiennes ont le devoir d'obéir à leur conscience. Cela vaut en
particulier en ce qui concerne:
a) le choix
d'un état de vie,
b) la
détermination du nombre de leurs enfants et le choix des méthodes de régulation
de la conception,
c) la décision
de mettre fin à une union irrémédiablement brisée et celle de s'engager dans
une nouvelle union.
Article
7
Les
chrétiennes et les chrétiens ont droit à une éducation qui:
a) forme à
l'exercice de la liberté, du discernement, de la responsabilité et favorise la
maturation d'une personnalité enracinée dans la foi,
b) prépare à
l'accueil et à l'intelligence de la parole évangélique, ainsi qu'à la pleine
participation à la vie de l'Eglise,
c) développe
le respect des droits et des libertés fondamentales,
d) favorise la
compréhension et la tolérance entre les nations, les groupes sociaux, les races
et les religions.
Article
8
Les chrétiens
et les chrétiennes ont le droit de participer à l'élaboration des principes
éthiques et moraux, avec l'autorité que leur confèrent leur compétence, leur
expérience et leur sens de la foi.
Article
9
1. Les
chrétiennes et les chrétiens ont le droit de participer pleinement à la vie
sacramentelle de l'Eglise, après une préparation appropriée, sans considération
de sexe, d'orientation sexuelle, d'état de vie ou de statut social.
2. Les
chrétiennes et les chrétiens qui ont divorcé et se sont engagés dans une
nouvelle union conservent ce droit.
III. Droits et libertés communautaires
Article
10
Les
chrétiennes et les chrétiens ont le droit d'être membres d'une communauté telle
qu'ils puissent vivre en communion avec le Christ et croître dans la foi. Ils
ont le droit de former, en lien avec les paroisses locales, là où ils vivent,
les communautés dont ils ont besoin.
Article
11
La communauté
chrétienne tout entière a droit à ce que ses vues soient prises en
considération dans le développement de interprétations de la révélation et dans
le développement des la tradition.
Article
12
1. La
participation à la vie de l'Eglise inclut le droit d'association et de réunion.
Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit d'organiser leur vie collective
d'une manière correspondant à leur compréhension des exigences de l'Evangile.
2. Les
associations ont le droit de déterminer leurs propres statuts. Elles peuvent se
constituer selon le droit canonique ou selon le droit civil.
Article
13
Les chrétiens
et les chrétiennes ont le droit de co-décision et de co-responsabilité dans
toutes les affaires de l'Eglise, soit directement, soit par l'intermédiaire de
représentants élus au moyen de scrutins périodiques et secrets.
Article
14
1. Toute
communauté chrétienne a droit aux ministères et services nécessaires à sa vie
communautaire et à l'accomplissement de sa mission. Cela vaut en particulier
pour la célébration de l'Eucharistie.
2. Au titre de
sa participation au sacerdoce du Christ, toute chrétienne et tout chrétien,
sans considération de sexe, d'orientation sexuelle, de nationalité ou de
culture, ont le droit d'être désignés pour les fonctions et ministères et comme
candidats à l'élection pour toutes les assemblées, selon des critères
clairement définis et rendus publics.
Ce droit
implique celui de recevoir la formation requise pour exercer ces activités.
Article
15
1. Les
personnes employées par l'Eglise ont droit à des conditions équitables de
travail et à un salaire leur assurant ainsi qu'à leur famille une existence
digne selon les normes et usages de la société où elles vivent.
2. Elles
bénéficient des garanties prévues par la législation du travail du pays où
elles exercent leur activité et au moins de celles définies par les conventions
internationales.
3. Elles ont
le droit d'adhérer à des syndicats pour la défense de leurs intérêts ou d'en
fonder.
IV.
Garanties juridiques et institutionnelles
Article
16
Toutes les
chrétiennes et tous les chrétiens peuvent se prévaloir des droits et libertés
énoncées dans la présente Déclaration.
Article
17
Nul chrétien
et nulle chrétienne ne seront l'objet de la part des autorités ecclésiastiques
d'immixtions arbitraires dans leur vie privée ou d'atteintes à leur réputation.
Article
18
Les
chrétiennes et les chrétiens ont droit à ce que l'Eglise, et particulièrement
ceux et celles qui y exercent des charges, les soutiennent dans l'exercice de
leur liberté spirituelle. Ce droit inclut l'encouragement au libre débat requis
pour que leur conscience s'affermisse, leur foi grandisse et la vie
communautaire s'épanouisse.
Article
19
Les
institutions de l'Eglise garantissent les droits et libertés énoncées par la
présente Déclaration, ce qui implique:
a) que soient
attachés aux divers types de règles du droit canonique des degrés différents de
force juridique et que des instances ecclésiastiques indépendantes soient
habilitées à se prononcer sur la conformité des règlements particuliers aux
principes généraux,
b) que les droits et libertés soient définies par des textes canoniques du plus haut niveau et fassent l'objet de garanties spéciales,
c) que les
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire soient clairement séparés et que
leurs compétences soient clairement définies,
d) que soient
instituées des procédures démocratiques de décision,
e) que soit
appliqué le principe de subsidiarité, en vertu duquel ne doit être décidé, au
niveau de l'Eglise universelle que ce qui ne peut l'être au niveau
interdiocésain ou diocésain et, au niveau diocésain que ce qui ne peut l'être
au niveau local.
Article
20
1. Les
chrétiens et les chrétiennes ont droit à ce que leur cause soit jugée publiquement selon des procédures légales de
droit commun par un tribunal d'Eglise régulièrement constitué, indépendant et
impartial qui, sans délais indus, statuera, dans les matières concernant leurs
droits et obligations et appréciera le bien fondé de toute accusation.
2. Les
chrétiennes et les chrétiens ont le droit de faire appel devant un tribunal
d'Eglise indépendant et impartial d'une décision de justice de première
instance.
3. Les
chrétiens et les chrétiennes ont le droit de former un recours devant un
tribunal d'Eglise indépendant et impartial contre les actes d'une autorité
ecclésiastique.
Les droits et
libertés énoncées dans la présente Déclaration ne peuvent faire l'objet de
restrictions qu'en vertu de mesures requises pour la sauvegarde des droits
d'autrui.
Article 22
1. La présente
déclaration fera l'objet d'un réexamen tous les trois ans ou à la demande d'une
organisation membre du Réseau européen
pour une Eglise de liberté.
2. Chacune des organisations membres peut compléter la présente
Déclaration en fonction des conditions propres à son pays, pour autant que ces
compléments n'aillent à l'encontre d'aucune disposition de la Déclaration.
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Réseau européen
Pour une Eglise de
liberté
(Conférence
européenne pour les droits et libertés dans les Eglises)
Janvier 1994
La Déclaration est publiée, en version française, par Droits et libertés dans les Eglises,
68 rue de Babylone, F-75007 Paris.
Elle se substitue à celle que l'association
avait elle-même publiée en 1992.
Organisations soutenant la Déclaration
(janvier 1994)
.Initiative Kirche von unten
.Initiative Christenrechte in der Kirche
Allemagne
.Sammelbewegung offene Kirche
Autriche
.Netwerk kristelijke basisgroepen
.Communautés de base de Belgique francophone
Belgique
.Droits et libertés dans les Eglises
France
.Catholics for a changing Church
Grande
Bretagne
.Communauté Bokor
Hongrie
.Comunità di base italiane
.Movimento Vocatio
Italie
.8 mei beweging
Pays-Bas
.Aufbruch Bewegung
Suisse
.Communautés Emmaüs –Tchéquie
[HT 2005 -Liste à
mettre à jour]