A l’occasion
du centenaire de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises
et de l’Etat
Dans
la perspective des débats du centenaire de la loi de 1905, les catholiques de
Droits et Libertés dans les Eglises (DLE)
ont engagé une réflexion et élaboré des propositions.
Après
avoir pris acte des déclarations récentes de l’autorité catholique, ils
proposent une avancée
institutionnelle :
.appelée
par la nature profonde de l’Eglise, déjà présente dans le Code de droit
canonique et à laquelle l’accord
international de 1924 ne ferait pas obstacle,
.souhaitée
par une grande partie du Peuple de Dieu
et progressivement manifestée par des pratiques communautaires,
.ouverte aux perspectives européennes.
I- DECLARATIONS RECENTES
DE L’AUTORITE CATHOLIQUE
Dès 1996, dans sa Lettre aux catholiques, la
Conférence de évêques de France (CEF) reconnaissait publiquement « le caractère positif de la laïcité (…) telle qu’elle est devenue, après plus
d’un siècle d’évolutions culturelles et politiques : un cadre institutionnel et en même temps
un état d’esprit qui aide à
reconnaître le fait religieux (…) Nous acceptons, sans hésiter, de nous situer
comme catholiques dans le contexte culturel et institutionnel d’aujourd’hui,
marqué notamment par (…) le principe de la laïcité.(…) L’Eglise catholique ne
doit pas rêver d’obtenir une position privilégiée, plus ou moins favorisée par
les pouvoirs publics ».
En février 2002, à l’issue d’une rencontre avec le
gouvernement français conclue par la mise en place d’une structure de dialogue,
la CEF prenait acte publiquement de ce que l’ordre laïque français ne signifie pas
ignorance du fait religieux ou exclusion des familles religieuses du débat public.
En novembre 2002, à l’issue de son Assemblée
annuelle,
la CEF déclarait ne demander aucune modification de la loi de 1905 ni
de son application. A cette
occasion, son président a lancé un appel : « Le centenaire
de la loi de 1905 constitue une occasion pour un certain nombre d’instances de
réfléchir sur la place des cultes aujourd’hui dans notre société. Dans mes
rencontres avec des responsables de l’Etat, il m’a souvent été affirmé que les
religions avaient une dimension sociale qui devait être prise en compte, un
rôle à jouer à côté d’autres familles de pensée (…) Il nous faudra saisir cette
occasion pour dire clairement comment
notre Eglise souhaite se situer concrètement dans notre société ».
La présente déclaration et nos travaux se veulent une
réponse à cet appel.
4. A la même occasion, le président de la
CEF a commenté cette déclaration en affirmant : « Nous ne
sommes
pas concernés par cette loi au même titre que ceux qui en ont accepté les
articles concernant les associations cultuelles ». Cette déclaration nous
a surpris, car l’interprétation faite en 1924 de la loi de 1905 n’exclut
aucunement d’autres lectures qui seraient conformes, elles aussi, à
l’organisation du culte catholique, et de nature à nous rapprocher davantage
des autres confessions religieuses et de l’ensemble de nos concitoyens.
Cette attitude positive de l’Eglise
catholique à l’égard des lois laïques, nous proposons aujourd’hui de la
traduire dans une nouvelle avancée institutionnelle, répondant aux aspirations associatives et démocratiques
de la société française, mais surtout appelée par la nature profonde de
l’Eglise telle que nous la fait redécouvrir Vatican II.
Cette avancée institutionnelle consistera à
mettre en œuvre, dans la subsidiarité, la liberté d’organisation garantie aux
cultes par la loi de 1905 et à inscrire davantage l’institution
ecclésiale dans ce cadre légal.
1. A
titre de préalable, il s’agira ainsi de demander au gouvernement français que
le mécanisme de dialogue récemment
mis en place soit effectivement ouvert à
tous les cultes. En donnant ainsi un signe fort et positif pour le dialogue
interreligieux, de son souci de l’égalité des religions devant la loi, la CEF s’affirmera
soucieuse de favoriser une démarche de démocratie participative permettant aux
organisations religieuses d’apporter leur concours parmi celles de la société
civile.
2. La logique associative comporte une
dynamique participative et solidaire forte ainsi qu’une exigence de légitimation
pour les partenaires du dialogue démocratique. En associant au dialogue avec
les pouvoirs publics des représentants
laïcs (femmes et hommes), librement élus au sein des communautés et dûment
mandatés, la CEF manifestera une volonté de cohérence
entre les pratiques ecclésiales et les fonctionnements démocratiques :
elle donnera ainsi un signe clair d’ecclésialité participative.
3. Enfin et surtout, il s’agira de
décider la constitution, au sein de l’Eglise catholique, à plusieurs niveaux
(p. ex. regroupements paroissiaux, diocèses, régions pastorales, organisation
nationale), d’associations cultuelles
conformes aux règles d’organisation canoniques et s’inscrivant dans le cadre
légal de caractère associatif offert par la loi française.
En
rejoignant ainsi la démarche accomplie il y a bientôt un siècle par les Eglises
de la Réforme, celle aussi de la communauté juive, et celles que s’efforcent de
réaliser, dans un dialogue aux multiples épisodes avec les pouvoirs publics,
les communautés musulmanes, l’Eglise catholique s’affirmera comme une église citoyenne, respectueuse et
partie prenante de la société civile.
Une renonciation volontaire au régime associatif établi en
1924 témoignera avec force en faveur de l’égalité des religions devant la loi.
Elle apportera, comme le souhaite le président de la CEF, un désaveu
significatif aux nostalgiques « d’un impossible retour à ce que l’on
appelait la chrétienté ».
III- AUCUNEMENT CONTRAIRE A L’ACCORD DE
1924
L’accord de 1924 a mis fin à deux décennies de conflit, et
il a constitué un grand pas dans l’application effective de la loi de 1905
après une reprise des relations diplomatiques entre la France et le Saint
Siège. Certains catholiques sont tentés d’en surestimer la portée et d’y voir
un quasi-concordat organisant une relation d’Etat à Etat. En fait, son objet
est très circonscrit : nomination des évêques, engagement du gouvernement
de défendre en justice la légalité des associations cultuelles diocésaines en
particulier.
Elaborés au fil de la négociation de 1921-1924 par l’Eglise
catholique de France sous la conduite du Saint-Siège et soumis par le
Gouvernement à un examen de légalité qui s’est conclu par un avis favorable du
Conseil d’Etat, les statuts-types des diocésaines constituent un texte interne
de l’Eglise catholique qui a toute
possibilité de le modifier, l’Etat n’étant concerné que par l’examen de
légalité des modifications.
Dans
une situation qui n’est plus celle d’alors, l’avancée institutionnelle à
laquelle nous appelons, relève pour l’essentiel de l’initiative et
de la responsabilité de l’Eglise de France, faisant application du principe
de subsidiarité, avec l’accord du Saint-Siège, et sous réserve du contrôle de
légalité des nouveaux statuts par les autorités compétentes de la République.
IV. APPELEE
PAR LA NATURE DE L’EGLISE
TELLE QUE NOUS LA FAIT REDECOUVRIR LE
CONCILE VATICAN II (1962-65).
Nous avons conscience que nos propositions posent des
questions sociologiques, ecclésiologiques et théologiques qui demandent des
examens approfondis auxquels nous nous appliquons.
Prétendre
que la constitution hiérarchique de
l’Eglise catholique s’oppose frontalement au principe associatif tel que le met
en œuvre, dans sa sphère propre, la société civile, est en contradiction
manifeste avec la Constitution dogmatique Lumen
gentium de Vatican II. Cette affirmation relève d’une théologie fondée sur
des présupposés infidèles à la révélation
évangélique,
incapable
d’être légitimée par une authentique Tradition
ecclésiale et insuffisamment informée par la doctrine apostolique de l’Esprit-Saint.
V- DEJA
PRESENTE DANS LE DROIT CANONIQUE
A l’opposé, l’inscription de l’institution ecclésiale dans
le cadre associatif offert par la législation française peut théologiquement se
recommander de l’aggiornamento opéré
par Vatican II et de la traduction partielle qu’en a réalisé le Code de droit
canonique de 1983. Nous pensons à de nombreuses
dispositions du livre II du Code,
intitulé « Le Peuple de Dieu »
Avant de préciser le statut des ministres sacrés, le Code ne s’applique-t-il pas à définir dans
leur généralité les fidèles du Christ
(cc.204-206) et à déterminer leurs droits
et obligations (cc.208-223) ?
Le diocèse n’est-il pas caractérisé comme une
portion du Peuple de Dieu confié à l’évêque
(cc. 368-402) et jouissant de plein
droit de la personnalité juridique
(c. 373) ? L’Eglise diocésaine ne se voit-elle pas reconnu le droit d’être
réunie en synode, réunion des prêtres et des autres fidèles de
l’Eglise particulière (c. 460) ?
La paroisse n’est-elle pas définie comme la communauté
déterminée de fidèles constituée d’une manière stable dans l’Eglise
particulière et jouissant de
plein droit de la personnalité juridique (c.
515) ?
Le
canon 517. 2 -qui fait l’objet d’applications croissantes- n’autorise-t-il pas
l’évêque, à cause de la pénurie de
prêtres, à confier la charge
pastorale d’une paroisse à une
équipe collégiale de laïcs, de diacres et de prêtres ?
Enfin,
des dispositions particulières, prévues pour permettre des réalisations ad experimentum susceptibles de
préparer et de ménager des évolutions du droit, peuvent offrir un support au
développement de pratiques associatives.
C’est
dans une visée d’insertion claire dans l’ordre laïque et de réception de la
vision de l’Eglise exprimée par Vatican II, que l’association Droits et libertés dans les Eglises (DLE) a pris l’initiative, en 1999, de présenter
à la CEF et de publier un Livre blanc
soumettant au débat des propositions pour un statut associatif de l’Eglise
catholique en France. En 2000, elle a organisé un colloque européen
où les enjeux d’un statut d’association pour les Eglises ont été mis en lumière
par la richesse de la vie associative dans les sociétés actuelles et dans les
Eglises elles-mêmes.
Notre
association poursuit sa recherche, selon une priorité donnée à l’avenir des
communautés locales, en travaillant à mettre en perspective et à faire
connaître des initiatives locales ou diocésaines, grâce auxquelles les
regroupements de paroisses puissent déboucher sur autre chose qu’un nouveau
quadrillage territorial et un palliatif à la raréfaction du clergé. Que ces
initiatives soient l’expression du Tous responsables dans l’Eglise
prononcé en novembre 1973 par l’Assemblée plénière de
l’épiscopat ! Du ferment communautaire et associatif à l’œuvre localement
dans les communautés catholiques, nous
espérons contribuer à faire émerger une proposition diversifiée d’Eglise – Peuple de Dieu.
Nous
avons présenté notre proposition dans le cadre juridique français. Toutefois,
il nous semble indispensable que l’avancée institutionnelle de caractère
associatif envisagée soit ouverte aux perspectives européennes : c’est dans un ensemble social, politique et
juridique européen que vont évoluer la
laïcité et le régime des cultes français. Le centenaire de la loi de 1905 offre
à l’Eglise l’occasion, et en même temps lui impose, de faire œuvre de créativité institutionnelle.
De
même , dans le débat constitutionnel engagé par l’Union européenne, il
revient à la Conférence des évêques de France d’oser une nouvelle traduction
institutionnelle, de l’ecclésiologie de Vatican II et en même temps du
dynamisme associatif à l’œuvre en France dans la société et tout autant dans le
catholicisme.
Avril
2003
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