ANSE BERTRAND

Le dernier bourg, au Nord de la Guadeloupe, est le gardien de ce vaste plateau battu par les vents et écrasé par la chaleur, où les derniers Caraïbes furent refoulés après le traité de 1660 signé avec Charles Houël. II reste de ce peuple farouche quelques lointains descendants du côté de Campêche (à 7 km à l'Est d'Anse Bertrand) dont les cheveux lisses et Ies pommettes saillantes signent l'appartenance amérindienne. Cet ancien territoire caraïbe a été partiellement "blessé" par le cyclone Hugo en 1989 dans sa partie Nord. Des milliers d'arbres ont été écimés ou brûlés par sel porté par les vents violents. Une végétation xérophile a repris ses droits : le monval dont se nourrissent cabris et lapins, "les sonnettes" avec leurs jolies petites fleurs bleues, la verveine queue de rat... Les paysages sont sauvages, d'une beauté étrange parfois, sous le ciel gris, avant la pluie tiède de "l'hivernage". Comme l'océan n'est jamais très loin, les chemins . qui s'approchent des falaises sur la côte e Est, vous permettront d'en saisir le grondement entêtant avant d'en admirer les flots prodigieux. II s'en est fallu de peu que la région d'Anse Bertrand ne soit irrémédiablement défigurée par le projet hautement destructeur de ce qui aurait dû être "l'une des plus grandes raffineries de pétrole du monde'. C'est en 1990 qu'on avait envisagé de l'implanter à ('Anse Colas au Sud du bourg. o Calme et beauté Maintenant, on se plaît à découvrir un site au charme enchanteur heureusement sauvegardé par la résistance des associations de défense. On raconte que le premier pêcheur des lieux s'appelait "Bertrand Pattermait". Aujourd'hui le village, qui lui doit son nom, vit paisiblement en dehors du développement touristique. Le cimetière, autour de l'église, est l'un des plus anciens de la Guadeloupe : de simples tumulus voisinent avec les caveaux de pierre des colons. Mais les esclaves étaient enterrés le plus souvent au bord des plages. A la sortie Nord du bourg, on longe la magnifique plage d'Anse Laborde dont l'atmosphère de sérénité et de beauté sans fard qui s'en dégage peut faire penser un instant que le temps s'est délicieusement figé. o La pointe de la Grande Vigie et la Grande Falaise "Que! démon a doté la mer rauque chanteuse qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs de cette fonction sublime de berceuse" Charles Baudelaire (Spleen et Idéal) " Elles procurent l'une des émotions les plus fortes de la découverte de l'île. La Pointe Nord de la Grande Terre est un site unique qui force tous les lieux communs. Nous sommes ici sur un éperon de calcaires récifaux à 84 mètres au dessus de l'océan. L'endroit est magique, grandiose. Par très beau temps on peut distinguer la Désirade à 50 km au Sud-est, Antigua à 70 km au Nord-ouest. Par grand vent, le visiteur est comme pris d'une fascination hypnotique quand "la mer hurle sous l'étreinte du vent"(Césaire) et que les frégates déchirent le ciel de leurs cris affolés. De ce promontoire, on découvre la succession des pointes, des falaises calcaires en à pic et des anses à l'abri où l'eau semble miraculeusement calme et accueillante comme l'Anse Pistolet, plus au Sud-est vers la Porte d'Enfer. o La Porte d'Enfer Les lieux méritent-ils l'appellation - Tout au contraire. II y a là, à 7 km de la Grande Vigie une plage "de matin du monde", sorte de petit paradis à l'eau tiède, calme et limpide. L'eau s'avance profondément dans la terre découpée en faille étroite. Elle était à demi-fermée par une arche naturelle en surplomb. Cette "porte" s'est écroulée après le séisme de 1843. Un sentier tracé dans la paroi Est de la faille conduit à l'entrée de ce petit lagon. II mène à une grotte percée dans la falaise. C'est le "Trou madame Coco". La légende raconte qu'une certaine madame Coco, poursuivie par des histoires de cœur et victime de la rivalité d'une autre belle, y aurait disparu, son ombrelle à la main... Quoiqu'il en soit, les sorciers (Quimboiseurs) fréquentent ces lieux étonnants et on y allume encore des bougies.

"Je nous invoque, Allez:. Saint bouleversé, bouleversez-les . Faites éclater sur eux la foudre et la tempête". Rapporté par Justin /'Hérisson (La famille des Pinte Caille)

 

A VOIR

  • L'église
  • Le cimetière
  • Hippodrome Saint-Jacques

A DÉCOUVRIR

  • La Pointe de la Vigie
  • La Porte d'Enfer
  • Les moulins envahis par les figuiers maudits

A FAIRE

  • Plages de sable blanc et ocre : Anse Laborde, Anse de la Chapelle, Anse Pistolet, Le lagon de la Porte d'Enfer

 

Le dernier refuge des Caraïbes

La partie Nord de la Grande Terre, au Nord de l'axe routier Marne à l'Eau - le Moule, est assez particulière dans cet ensemble guadeloupéen. Le relief tout d'abord est plutôt uniformément plat, l'altitude atteint rarement 50 à 60 m, l'horizon est dégagé; la végétation, champs de canne à perte de vue ou steppes broussailleuses, indique bien l'aridité des lieux. C'est sur ces terres difficiles que furent refoulés les derniers caraïbes au XVllle siècle. La mer est tout autour ; on l'entend gronder quand on s'approche des hautes falaises, fantastique rempart, face à l'Atlantique, qui s'étire de la Pointe de la Grande Vigie à la Pointe Gros Morne. Elle est moins rétive, intimement plus douce sur la côte caraïbe. Aucun obstacle à la fureur du vent, seuls les moulins étêtés arrêtent le regard quand on interroge l'horizon. Ils étaient plusieurs dizaines à l'époque de la gloire sucrière, aujourd'hui les masses tronconiques se dressent dans le paysage et si les pierres on' de la mémoire elles ont peut-être conservé le souvenir de "l'émeraude claire" et la voix bruissante de la "canne à sucre".