- PRÉSENTATION Liberia, officiellement
république du Liberia, pays d’Afrique de l’Ouest ouvert sur l’océan
Atlantique, limité au nord-ouest par la Sierra Leone, au nord par la
Guinée et à l’est par la Côte d’Ivoire. Ce pays de 99 067 km² a été,
en 1847, le premier État indépendant de l’Afrique, alors colonisée par
les puissances européennes. Constitué par des esclaves libérés et rapatriés
du continent américain, il est dirigé jusqu’en 1980 par les Américano-Libériens.
La fin de la domination politique de ces descendants d’esclaves marque
le début d’un conflit qui oppose différents chefs de guerre, en lutte
ouverte pour le pouvoir depuis 1989. La capitale, Monrovia, et la plupart
des infrastructures économiques ont été détruites par la guerre civile.
- LE PAYS ET SES RESSOURCES 2.1.
Relief et hydrographie Le Liberia possède une façade atlantique qui
s’étend de l’embouchure du Mano à celle du Cavally, sur 580 km. La plaine
côtière, d’une largeur de 15 km à 55 km, est dominée par des falaises
escarpées au nord-ouest. Le relief est constitué d’une série de plateaux
(900 m à 1 200 m), qui forment le rebord méridional de la dorsale guinéenne.
Les vallées profondes sont parcourues par des fleuves qui prennent,
pour la plupart, leur source sur les plateaux du Nord. Les uns descendent
des monts Nimba (1 752 m), le point culminant du pays, à l’est, aux
frontières de la Guinée et de la Côte d’Ivoire (Saint-John, Cess, Cavally),les
autres, à l’ouest, descendent du massif de Béro (Saint-Paul), ou du
mont Ziama (Loffa et Mano), en Guinée. 2.2. Climat Le Liberia est soumis
à un climat tropical humide causé par les échanges atmosphériques entre
l’Atlantique et le continent. Les précipitations annuelles décroissent
de la côte (5 080 mm) vers l’intérieur du pays (1 778 mm). Elles sont
plus importantes au sud-est (3 000 mm à 4 000 mm) où le climat semi-équatorial
est soumis aux effets de deux saisons des pluies. La température moyenne
annuelle est d’environ 27,8˜°C. 2.3. Flore et faune La bande côtière
alterne plaine cultivée et forêt pluviale, tandis que l’arrière-pays
est couvert d’immenses forêts tropicales, dont les arbres ont des feuilles
persistantes au sud et caduques au nord (forêt claire). Parmi les espèces
les plus représentées, on trouve les chimpanzés, les éléphants et les
buffles. 2.4. Ressources naturelles Avant 1989, les ressources minières
et forestières — minerai de fer, or, diamant, bois précieux (acajou)
— ont constitué une source de richesse pour le pays. Le réseau hydrographique
offre un potentiel hydroélectrique important, et les terres se prêtent
aux grandes plantations d’hévéas (caoutchouc).
- POPULATION ET SOCIÉTÉ 4. 3.1.
Démographie En 1981, la population du Liberia s’élevait à 1,2 million
d’habitants. Elle est estimée à 2,77 millions en 1998, ce qui représente
une densité faible de 28 habitants au km 2 . Entre 1990 et 1995, les
combats ont fait plus de 200 000 morts et 800 000 Libériens ont dû trouver
refuge à l’étranger (Côte d’Ivoire et Guinée), s’ajoutant au million
de personnes déplacées à l’intérieur du pays. En raison de la guerre,
le Liberia connaît un taux de mortalité infantile très élevé
(103 p. 1 000). Les Américano-Libériens sont au nombre de 20 000 et
la communauté libanaise est forte de 10 000 représentants. La population
autochtone se compose d’une quinzaine de communautés. Le sud du pays
est dominé par les Krous, le reste de la population appartient à des
groupes rattachés à la famille mandingue (Mendé, Kpellés, Vaïs, etc.).
La population de Monrovia, capitale et principal port du pays, a considérablement
augmenté du fait de l’exode des populations civiles fuyant les combats
(720 000 habitants en 1994 contre 425 000 en 1984). Le second port,
Buchanan (24 000 habitants en 1984), est relié par voie ferrée aux mines
de fer du mont Nimba, dont la production a été arrêtée pendant le conflit.
3.2. Langues et religions Environ 10 p. 100 des Libériens sont chrétiens,
pour la plupart protestants. Les musulmans, établis principalement à
l’intérieur du pays, représentent 30 p. 100 de la population. Près des
deux tiers des habitants sont animistes. L’anglais est la langue officielle,
mais il n’est parlé que par le cinquième des habitants, qui utilisent
les diverses langues africaines (mandé, krou, etc.). 3.3. Enseignement
En 1912, le Compulsory Éducation Act institue l’enseignement
gratuit et obligatoire pour les enfants âgés de six à seize ans. Après
la Seconde Guerre mondiale, un programme de scolarisation pour tous
est mis en ÷uvre, mais les écoles restent rares; seule une minorité
d’enfants en bénéficie. Depuis 1990, le système éducatif ne fonctionne
plus qu’au ralenti. En 1995, 38,3 p. 100 de la population est alphabétisée
et moins de 30 p. 100 des enfants âgés entre douze et dix-sept ans sont
scolarisés. Seuls 3,2 p. 100 des Libériens ont accès à l’enseignement
supérieur. Nombreux sont les enfants et les adolescents, livrés à eux-mêmes
et manipulés par les différents «seigneurs de guerre» qui ont pris les
armes et rejoint les bandes de pillards qui terrorisent les populations
civiles. 3.4. Institutions et vie politique En 1980, à la suite du coup
d’État mené par le sergent Samuel K. Doe, un membre de l’ethnie krahn
, la Constitution du Liberia, promulguée en 1847, est abolie. Une nouvelle
Constitution est adoptée par référendum le 3 juillet 1984. Le suffrage
censitaire, qui avait permis la longue hégémonie des Américano-Libériens,
est remplacé par le suffrage universel, et trois partis d’opposition
sont légalisés. L’année suivante, Doe devient président de la République
au terme d’une élection marquée par une fraude massive. Contre son régime,
appuyé sur le Parti démocratique national du Liberia (National Democratic
Party of Liberia, NDPL), s’organise une rébellion, née dans la région
des monts Nimba et menée par le Front national patriotique du Liberia
(National Patriotic Front of Liberia, NPFL) de Charles Taylor, Americano-Libérien
qui s'appuie sur les Gio, l'ethnie de sa mère. En décembre 1989, les
troupes de Taylor font le siège de Monrovia et prennent rapidement le
contrôle de la plus grande partie du pays. C’est le début de la guerre
civile qui oppose le NPFL de Taylor aux Forces armées libériennes (Armed
Forces of Liberia, AFL), rassemblant les membres de l’ancienne garde
présidentielle de Doe (assassiné en 1991). Le Mouvement uni de libération
(United Liberation’s Movement, ULIMO), dirigé par Alhaji Kromah, le
Conseil libérien de paix (Liberian Peace’s Council, LPC), de George
Boley, et la Force de défense du comté de Lofa (Lofa’s Defence Force,
LDF), de François Massaquoi participent, à un degré ou à un autre, à
ce conflit. Les différentes factions sont elles-mêmes victimes de dissensions
et de dissidences.
- ÉCONOMIE Une grande partie des
revenus du Liberia est assurée, depuis le milieu du XX e siècle, par
des recettes provenant de l’octroi de pavillons de complaisance aux
navires marchands. Jusqu’à la guerre civile, l’exploitation des richesses
naturelles — caoutchouc, minerai de fer, bois — était contrôlée par
des multinationales, au premier rang desquelles la firme américaine
Firestone, dont l’immense plantation d’hévéas de Harbel a longtemps
été — après l’État — le premier employeur du pays. En 1985, les plantations
appartenant à Firestone ont été rachetées par le groupe japonais Bridgestone.
Plus de la moitié de la population active se consacre encore à l’agriculture
en 1995. Des erreurs de gestion, conjuguées à la baisse des prix des
matières premières sur les marchés mondiaux, ont plongé le pays dans
la crise économique bien avant le début de la guerre civile. Avec un
produit intérieur brut (PIB) par habitant de 200 dollars en 1993, le
Liberia est un pays très pauvre. Depuis 1990, l’économie officielle
s’est effondrée.4.1. Agriculture Seulement 4 p. 100 des terres du Liberia
étaient mises en culture avant la guerre civile. Le riz occupe 38 p.
100 des surfaces cultivées, suivi du manioc (12 p. 100) et du cacao
(7 p. 100). Fruits, légumes et patates douces sont également cultivés
pour la consommation locale. La production dans son ensemble a brusquement
chuté depuis 1990. Pour les cultures vivrières, celle du riz paddy est
passée de 297 000 t en 1989 à 50 000 t en 1994, alors que les besoins
de consommation sont estimés à 400 000 t par an. La principale culture
d’exportation est l’hévéa. Les plantations couvraient 670 km 2 en 1981.
Elles produisaient environ 81 000 t de caoutchouc naturel par an, contre
10 000 t en 1994. En revanche, l’exploitation du bois a repris (6,36
millions de m³ en 1997) et s'effectue hors de tout contrôle. 4.2. Mines
et industrie Au début des années quatre-vingt, la production de fer
devançait celle du caoutchouc. Grâce à d’importantes réserves et à l’exceptionnelle
teneur en fer du minerai brut (68 p. 100), le Liberia produisait 18,9
millions de t par an, plaçant le pays dans les premiers rangs exportateurs
mondiaux de fer. Depuis 1990, la production est arrêtée. Le contrôle
des autres ressources constituées par les diamants, l’or et le mica,
a été l’un des enjeux majeurs des combats entre factions en raison de
la facilité de leur commercialisation et de la discrétion qui l'entoure.
En 1995, la zone diamantifère est entre les mains des troupes du NPFL.
La Western Mining Corporation Ltd, créée à partir de capitaux australiens,
s’est proposée d’investir dans la prospection d’or et de diamant sur
un quart du territoire national. 4.3. Échanges La monnaie est le dollar
libérien, qui vaut théoriquement un dollar américain depuis 1940. Mais
le dollar américain, qui a aussi légalement cours, est préféré dans
les transactions. Après le début de la guerre civile, des billets de
banque différents ont été utilisés en territoire gouvernemental et en
territoire rebelle. Avant le conflit, le commerce extérieur libérien
est excédentaire : le minerai de fer, le bois et le caoutchouc assurent
90 p. 100 des recettes d’exportation. Les importations consistent en
produits énergétiques et en biens de consommation manufacturés, en provenance
essentiellement des États-Unis et des pays de l’Union européenne. Quelque
10 600 km de routes desservent le pays, dont 9 p. 100 sont recouverts
de bitume. Le réseau ferroviaire, long de 493 km, qui servait à transporter
le fer vers la côte, a été endommagéà la fin de l’année 1994 par les
effets du conflit. Le Roberts International Airport, situé à l’est de
Monrovia, n’est plus desservi que par la compagnie nationale. En 1990,
environ 1 370 navires (au total 88,3 millions de tonneaux) naviguent
sous un pavillon de complaisance libérien.
- HISTOIRE Le peuplement de la région
est ancien. Dès le 1 er millénaire avant notre ère, la métallurgie du
fer y est pratiquée par les habitants des forêts. Les Krous étaient
probablement établis de longue date lorsque des Mandé du Sud se sont
installés sur le territoire de l’actuel Liberia. Au XV e siècle, des
Mandé du Nord, islamisés, arrivent du Haut-Niger et s’installent à l’ouest
du pays. À partir de 1461, les Portugais explorent la côte et créent
des comptoirs commerciaux d’où ils exportent du poivre de Guinée (malaguette),
de l’or, avant de se lancer dans le commerce des esclaves. La traite
négrière se développe à partir du XVII e siècle pour se poursuivre jusqu’au
début du XIX e siècle. 5.1. La création du Liberia En 1816 est créée
l’American Colonization Society, une société philanthropique anglo-saxonne,
dont le but est de favoriser le retour des victimes de la traite négrière
sur le sol africain. Une première tentative d’installation des esclaves
américains affranchis en Sierra Leone se solde par un échec. En 1821,
la société obtient des chefs locaux des terres sur le cap Mesurado,
à l’embouchure du fleuve Saint-Paul. La ville, bâtie par les premiers
esclaves libérés, prend le nom de Monrovia, en l’honneur de James Monroe,
cinquième président des États-Unis. D’autres colonies séparées s’établissent
peu à peu sur la côte, malgré l’opposition croissante des populations
autochtones qui se sentent exclues. En 1841, Joseph Jenkins Roberts
devient le premier Noir gouverneur de Monrovia. Une Constitution inspirée
de celle des États-Unis est rédigée, et le Liberia devient république
indépendante en juillet 1847. Roberts, son premier président, gouverne
jusqu’en 1856. L’institution du suffrage censitaire devait permettre
aux Américano-Libériens de dominer le pays politiquement durant un siècle.
Durant la seconde moitié du XIX e siècle, ils étendent leur influence
sur l’intérieur du pays. Leurs revendications territoriales sont cependant
contestées, non seulement par les populations autochtones, mais aussi
par les États européens. Les pressions exercées par les États-Unis permettent
la conclusion d’une série d’accords avec la Grande-Bretagne et la France
entre 1892 et 1911, qui fixent les frontières actuelles. Toutefois,
le contrôle des terres et des populations de l’intérieur ne devient
effectif que dans les années quarante. Des prêts américains et britanniques
permettent au nouvel État de faire face aux difficultés financières.
Le Liberia, en retour, déclare la guerre à l’Allemagne le 14 août 1917,
procurant ainsi aux Alliés une base supplémentaire en Afrique occidentale.
En 1926, la Firestone Tire and Rubber Company obtient du gouvernement
libérien une concession pour une plantation d’hévéas de 400 000 ha.
La production de caoutchouc devient rapidement la principale activité
économique du pays. Mais cette prospérité est largement fondée sur le
travail forcé imposé par les Américano-Libériens aux populations autochtones.
Cette pratique, dénoncée par la Société des Nations (SDN), en 1931,
provoque un scandale qui contraint le gouvernement à la démission. Dès
1936, le nouveau gouvernement interdit le travail forcé, mais les autochtones,
privés du droit de vote, sont toujours traités comme des citoyens de
seconde zone. 5.2. Le régime de Tubman Élu en mai 1943, le président
William Vacanarat Shadrach Tubman resserre les liens entre son pays
et les États-Unis, qui utilisent le Liberia comme base militaire contre
les puissances de l’Axe. Dès 1945, au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, Tubman tente de s’attirer les faveurs des Libériens autochtones
en leur accordant le droit de vote. Il met en place un vaste programme
de scolarisation pour tous, valorise l’exploitation de l’ensemble du
territoire et lance un plan d’amélioration des infrastructures. Lors
du scrutin présidentiel de mai 1951, si les propriétaires fonciers autochtones
sont autorisés à voter, le régime Tubman interdit d’expression les partis
de la Réforme et du Peuple uni dont les dirigeants, qui bénéficient
du soutien des autochtones, sont arrêtés ou exilés. Tubman, candidat
du parti majoritaire à dominante américano-libérienne, le True Whig
Party, est réélu. En 1958, une loi punissant la discrimination raciale
est adoptée. Deux ans plus tard, le True Whig Party est consacré parti
unique. La personnalité de Tubman va marquer l’histoire institutionnelle
du Liberia pendant 20 ans, période pendant laquelle, grâce à des concessions
offertes à des multinationales étrangères, notamment américaines et
allemandes, pour exploiter les gisements de minerai de fer que recèle
le pays, le Liberia va connaître la prospérité. En 1971, à la mort de
Tubman, William Tolbert, vice-président du Liberia depuis 1951, lui
succède. 5.3. Un violent changement Le président Tolbert qui prend quelque
distance avec les États-Unis pour faire entrer son pays dans la communauté
africaine indépendante, fait porter ses efforts sur l’amélioration de
la situation économique amorcée au début des années soixante-dix, et
qui a pour effet d’accentuer le clivage entre la minorité des Américano-Libériens
aisés et la majorité des autochtones, premières victimes de la crise
économique. En 1979, des émeutes, provoquées par l’augmentation du prix
du riz, éclatent. La répression qui s’ensuit fait plusieurs centaines
de victimes. L’année suivante, les adversaires de Tolbert, enhardis
par l’autorisation des partis d’opposition, tentent de le renverser.
Leur meneur, Gabriel B. Matthews, ainsi qu’une douzaine d’autres insurgés,
sont arrêtés. Mais le 12 avril 1980, le sergent-chef Samuel K. Doe,
un Krahn, s’empare du pouvoir à l’issue d’un coup d’État sanglant. Ce
changement de pouvoir subit donne lieu à un véritable bain de sang :
le président Tolbert est éventré et ses plus proches collaborateurs
sont exécutés et offerts à la vindicte populaire. Cette image sanguinaire
va rester comme une marque indélébile apposée sur le régime de Doe.
Ce putsch marque la fin du contrôle de l’État par la minorité américano-libérienne
et son effacement provisoire de la scène politique. Le sergent-chef
Samuel K. Doe, qui s’octroie le grade de général, prend la tête d’un
Conseil de la rédemption du peuple (People’s Redemption Council). Il
suspend la Constitution, supprime les libertés politiques et s’attribue
les pleins pouvoirs. Sous la pression des États-Unis, Doe, devenu général,
consent à quelques gestes d’apaisement en promulguant une nouvelle Constitution
en juillet 1984. Cependant, il muselle les partis d’opposition et manipule
les résultats de l’élection présidentielle d’octobre 1985. Le régime
est alors très clairement caractérisé par la corruption, la violation
systématique des droits de l’Homme, et ce dans un contexte diplomatique
(tension des relations avec les États-Unis) et économique (chômage,
inflation) des plus tendus. 5.4. La guerre civile L’opposition au régime
de Samuel Doe, de plus en plus vigoureuse, s’organise sous l’impulsion
et l’autorité de Charles Taylor, un économiste formé
aux États-Unis et qui s'appuie sur la communauté de sa mère, les Gio.
Amorcée depuis la région du mont Nimba, la révolte gagne rapidement
l’ensemble du pays, sans rencontrer d’opposition sérieuse de la part
des forces armées, dont la seule action consiste en actions de représailles
contre les populations civiles. Très vite, les insurgés sont aux portes
de Monrovia, mais des dissensions internes au NPLF empêchent Taylor
de remporter la victoire décisive qui lui semble promise. Elles proviennent,
pour l’essentiel, d’un désaccord entre le chef de la rébellion et un
de ses principaux lieutenants, Prince Johnson qui, à l’été 1990, fait
sécession et entraîne avec lui un millier de partisans afin de fonder
l’INPLF (Independent National Patriotic Front of Liberia). Parallèlement,
la Cedeao décide de l’envoi d’une force d’interposition, l’Ecomog, chargée
de défendre Monrovia, d’instaurer un cessez-le-feu, de désarmer les
factions rivales, afin d’instaurer une conférence nationale, préalable
nécessaire à un retour à la paix. À la fin de l’année 1990, Charles
Taylor contrôle 90 p. 100 du territoire libérien, à l’exception de la
capitale. Samuel Doe, quant à lui, est assassiné par les partisans de
Prince Johnson en septembre 1990. Malgré la pression internationale,
la situation n’évolue guère dans les mois qui suivent, lorsqu’en 1992,
les forces de Taylor engagent de nouveaux combats afin de prendre la
capitale : l’échec de cette seconde bataille de Monrovia marque le début
du déclin du NPLF qui doit à la fois faire face aux forces de l’Ecomog
et à l’apparition de nouvelles factions menées par des chefs de guerre
qui s’arrogent le contrôle de certaines portions du territoire. C’est
le cas de l’ULIMO dont une première faction emmenée par Alhaji Kromah
se désolidarise de celle fédérée par Roosevelt Johnson. En 1993, c’est
l’enlisement, personne n’arrivant à s’octroyer un avantage décisif par
les armes. À cette date, le nombre des victimes s’élève au moins à 150
000 morts et le pays souffre de l’embargo imposé par les Nations unies.
Débute alors un long processus de négociations, entrecoupé par une reprise,
plus ou moins intense, des combats. Après l’échec d’une conférence de
réconciliation nationale organisée sous l’égide de la Cedeao (1991),
d’une tentative de signature d’accords de paix (1993) et de la formation
d’un gouvernement transitoire (1994), l’accord d’Abuja de 1995 a suscité
des espoirs dans la mesure où, pour la première fois, l’ensemble des
chefs des factions rivales, étaient invités à participer à un gouvernement
d’union nationale. Cet accord s’est révélé cependant insuffisant pour
empêcher la reprise des combats qui ont lieu dès avril 1996.Le 28 mai
1996, l’Ecomog reprend le contrôle de Monrovia, une ville morte, pillée
par les combattants. La Communauté économique des États de l’Afrique
de l’Ouest arrive à imposer l’organisation d’élections générales et
le désarmement des factions. Le désarmement volontaire n’a concerné
de manière effective que le tiers des miliciens en armes. Les factions
se sont transformées en partis politiques et ont accepté le processus
électoral, moins par enthousiasme que par les effets d’une prise de
conscience de l’impasse dans laquelle cette guerre civile a conduit
le pays. C’est finalement Charles Taylor, le leader du National Patriotic
Front of Liberia (NPFL), qui est élu président le 19 juillet 1997 avec
75 p. 100 des voix à la suite d’un scrutin qualifié de «globalement
libre et transparent», expression qui laisse planer des doutes quant
à la validité de l’élection, et ce malgré la présence de nombreux observateurs
étrangers dépêchés par des organisations internationales afin de valider
le scrutin. Malgré les horreurs de la guerre civile dont il a été l’initiateur,
le président du Liberia bénéficie de la confiance des pays occidentaux.
Ceux-ci voient en lui la seule personne capable de faire régner l’ordre
dans ce pays, dont l'exploitation des richesses (forêts, diamants) est,
pour l’essentiel, à l’origine du conflit. Les plaies mettront cependant
longtemps à cicatriser, avec des milliers d'enfants utilisés comme combattants
et qu'il faut réinsérer, plus de 200 000 morts et le quart de la population
réfugiée ou déplacée.
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