Said loud, I'm Black and proud!

1. PRÉSENTATION

Noirs américains, Afro-américains, majoritairement les descendants d’Africains amenés comme esclaves dans le Nouveau Monde entre 1501, date à laquelle l’Espagne autorisa l’envoi d’esclaves africains dans ses colonies, et 1808, lorsque les États-Unis prohibèrent l’importation de nouveaux esclaves. Les Noirs des États-Unis (29 986 060 recensés en 1990) sont généralement restés culturellement et socialement distincts des autres groupes de la population. Bien que les valeurs et les comportements des diverses cultures africaines aient été réprimés par la majorité d’origine européenne en Amérique du Nord, les Noirs réussirent cependant à combiner des pratiques africaines aux éléments culturels européens pour créer une culture afro-américaine mélangée et vivace qui a eu un effet considérable sur les autres groupes culturels, surtout dans les domaines de la musique, de la danse et des arts. Par ailleurs, les Afro-américains ont adopté le langage et les pratiques sociales qui leur étaient nécessaires pour survivre et prospérer dans une société dominée par les Blancs, tout en conservant leur identité et leurs intérêts distincts. L’histoire des Noirs aux États-Unis est caractérisée par des luttes intenses et continues pour l’obtention des droits civiques, de l’égalité économique et de l’autodétermination politique.

2. LA PÉRIODE DE L’ESCLAVAGE

L’utilisation intensive de travailleurs africains du XIV e au XVII e siècle sur les riches plantations de canne à sucre du Brésil et des Antilles fournit un exemple aux colons européens d’Amérique du Nord lorsque les Amérindiens et les Européens se révélèrent insuffisants pour assurer les besoins en main-d’œuvre agricole. Des Africains avaient servi comme guides et comme soldats au cours de la conquête espagnole du Mexique, mais la majorité de ceux qui furent amenés en Amérique du Nord furent utilisés pour produire les cultures d’exportation (tabac, riz, indigo et coton) qui devinrent les principales sources des richesses extraites de leurs colonies par les nations européennes. Les colons anglais en Amérique du Nord se tournèrent graduellement vers les esclaves africains pour résoudre leur déficit en main-d’œuvre. L’Espagne fit venir au moins 100 000 Africains au Mexique au XIV e siècle, mais l’Angleterre ne participa pas activement à la traite des esclaves avant la création de la Royal African Company («Compagnie royale africaine ») en 1663.

    Les premiers Africains furent débarqués dans les possessions anglaises en Amérique du Nord en 1619, leur statut était celui de «travailleurs sous contrat». À mesure que leur nombre augmentait, ils furent employés dans les plantations qui se développaient dans les colonies du Sud et du Centre, pour cultiver la canne à sucre, le riz, l’indigo et le tabac. Ces Africains, achetés à bas prix en Guinée, étaient revendus dans les Antilles (voir Commerce triangulaire) et achetés par les planteurs, dont ils devenaient les esclaves : ils n’avaient aucun droit, dépendaient de leurs maîtres qui pouvaient en disposer comme de marchandises. Les mariages mixtes étaient interdits et des lois punissaient la désobéissance des Noirs. 2.1. La guerre de l’Indépendance américaine et les révoltes noires. Le nombre des Noirs sur le territoire américain était inférieur à un million au moment de la guerre de l’Indépendance (1776-1783) : 90 p. 100 étaient des esclaves et les trois quarts vivaient dans les États du Sud. Malgré les progrès faits dans certains cercles de Blancs par l’idée de l’émancipation des esclaves, soutenue par l’idéologie révolutionnaire, influencée par le rationalisme des Lumières et la piété quaker, la Constitution de la jeune nation décida de rendre effective l’interdiction de la traite des Noirs dans un délai de vingt ans, en janvier 1808. De fait, l’esclavage avait disparu dans les États situés au nord du Maryland, vers 1810, et les Noirs qui y vivaient étaient juridiquement libres. Mais en réalité, ils ne pouvaient exercer aucun de leurs droits et restaient en marge de la société, sans avoir accès au système éducatif public, à un habitat décent ou à la protection de la loi. L’évolution dans le Sud fut très différente : l’expansion de la culture du coton au XVIII e siècle dans les États du «Sud profond» (les États américains bordant le golfe du Mexique) et du Sud-ouest eut pour conséquence l’établissement d’un ordre politique conservateur, fondé sur l’emploi des esclaves. La libéralisation qui s’était faite sentir dans le Sud à la fin de la guerre fut balayée lorsque furent constatés les profits rendus possibles par l’invention de l’égreneuse de coton en 1793. Le besoin de main-d’oe uvre augmenta et l’esclavage connut, de fait, dans la première moitié du XIX e siècle, son «apogée» : on estime que les esclaves noirs étaient près de quatre millions en 1860. Cette période vit les premières révoltes importantes d’esclaves noirs, comme celle de Gabriel Prosser en Virginie en 1800, celle de Denmark Vesey en Caroline du Sud en 1822, et surtout celle de Nat Turner en 1831; elles furent toutes sévèrement réprimées. La discrimination contre les esclaves affranchis était intense, aussi bien au Nord qu’au Sud : restrictions sur leur participation politique, leur droit de posséder des terres et leurs contacts sociaux avec les Blancs. Dès les années 1830, la plupart des États du Sud et certains du Nord limitèrent ou interdirent l’entrée des Noirs libres sur leur territoire, des émeutes anti-Noirs éclatèrent dans les villes industrialisées du Nord.

  • 2.2. Les Noirs semi-libres Ce fut à cette époque que les communautés urbaines afro-américaines commencèrent à créer un certain nombre d’Églises, d’ordres fraternels, d’écoles, de groupes d’aide mutuelle et d’organisations politiques. Bien que l’analphabétisme fût encore la règle, ces institutions développaient la confiance en soi des dirigeants noirs et les encourageaient à exprimer leurs inquiétudes auprès du public. Pour sortir de leur situation, les Noirs américains envisageaient deux solutions : adopter les valeurs de la société blanche dominante en la réformant, ou tenter de s’évader de la société américaine, en retournant en Afrique ou en émigrant au Canada, ce que firent des milliers de Noirs dans les années qui précédèrent la guerre de Sécession.
  • 2.3. Le mouvement abolitionniste L’aggravation de la discrimination, combinée à la croissance de l’alphabet isation des Noirs, de la force des institutions et des ressources économiques, favorisa une augmentation de l’activisme après 1830. Rejetant la lenteur des plans gradualistes pour mettre un terme à l’esclavage, William Lloyd Garrison réclama l’abolition im médiate de l’esclavage et, aidé par des Noirs, il fonda l’American Anti-Slavery Society («Société américaine anti-esclavagiste») en 1833.
  • 2.4. La montée de l’activisme Pendant les années 1840, les abolitionnistes noirs essayèrent diverses stratégies pour obtenir la suppression de l’esclavage. En 1843, l’appel du révérend Henry Highland Garnet pour une révolte générale des esclaves faillit être suivi par une réunion des représentants noirs. En 1847, l’énergique orateur et écrivain noir Frederick Douglass, un ancien partisan de Garrison, s’associa à Martin Delany, un pionnier du nationalisme noir, pour fonder un journal indépendant, le North Star. Harriet Tubman, Sojourner Truth et Maria Stewart étaient des abolitionnistes d’action. Tubman et d’autres aidèr ent des esclaves à s’enfuir par l’Underground Railroad. Les lois sur les esclaves fugitifs votées entre 1793 et 1850 et notamment celle de cette dernière année, adoptée par un Congrès aux mains des planteurs du Sud, rendirent les Noirs pessimistes sur les chances réelles d’une fin de l’esclavage devenu un élément fondamental du système politique américain.
  • 3. LA GUERRE DE SÉCESSION, LA RECONSTRUCTION ET LA MIGRATION URBAINE Bien que la plupart des Blancs nordistes ne se soient pas attendus à ce que la guerre de Sécession aboutisse à l’abolition de l’esclavage, les abolitionnistes noirs offrirent leurs services à la cause de l’Union (les États du Nord) précisément dans ce but. Ironiquement, la politique du Nord concernant l’engagement des Noirs était incohérente au début de la guerre car le président Abraham Lincoln et les autres dirigeants, bien qu’excédés de la tutelle politique des États du Sud, dont la prééminence économique avait cessé depuis l’expansion industrielle des villes du Nord, voulaient sauvegarder l’Union sans abolir l’esclavage ni faire cesser la discrimination dans le Nord. Ancienne esclave, Harriet Tubman (ici à gauche) participa au réseau clandestin d'aide aux esclaves noirs et organisa la fuite de plus de 300 d'entre eux.
  • 3.1. Les Noirs au service de l’Union Le Congrès accorda au président la permission d’employer des forces noires en 1862. Lincoln publia également sa Proclamation d’émancipation qui libérait les esclaves des sudistes qui seraient encore en rébellion le 1 er janvier 1863. Cette loi eut peu d’effet immédiat mais elle marqua un changement dans l’attitude de Lincoln, qui aboutit à l’abolition de l’esclavage par le 13 e amendement de la Constitution des États-Unis, entré en vigueur le 18 décembre 1865.
  • 3.2. Reconstruction En dépit de la victoire des nordistes, les Noirs du Sud virent leurs libertés soumises à de sévères limitations après la fin de la guerre de Sécession. Ils avaient espéré recevoir les terres confisquées ou abandonnées, ce qui leur aurait donné l’indépendance économique, mais les propriétaires fonciers réussirent à faire adopter des «codes noirs» qui restreignaient leur droit de propriété et leur liberté de mouvement. Ce mauvais vouloir du Sud décida le Congrès à prolonger l’existence du Bureau des affranchis et à adopter des lois pour protéger les droits civiques des Noirs : les 14 e et 15 e amendements de la Constitution, adoptés en 1868 et 1870, interdisaient toute discrimination entre citoyens américains et donnaient le droit de vote aux Noirs. L’occupation du Sud par les autorités fédérales ne changea pas la domination économique des Blancs, mais elle permit temporairement aux dirigeants noirs de se présenter aux élections et de faire campagne pour des réformes visant à un meilleur enseignement public et à l’ abolition des conditions de propriété pour le droit de vote, de la prison pour dettes et de la ségrégation dans les établissements publics. En général, les Noirs du Sud essayèrent d’exercer les droits qu’ils venaient d’acquérir face au régime de terreur appliqué par des groupes tels que le Ku Klux Klan.
  • 3.3. Érosion des droits des Noirs Après le retrait des troupes nordistes en 1877, l’intense discrimination raciale et l’économie déprimée incitèrent de nombreux Noirs à fuir le Sud. De plus, une série de d décisions de la Cour suprême dans les années 1880 et 1890 réduisit considérablement la protection qui leur avait été accordée par le 14 e amendement de la Constitution américaine. Le point final de ce processus fut marqué par la décision de la Cour suprême dans l’affaire Plessy contre Ferguson en 1896, qui approuvait les établissements publics séparés pour les Noirs. Les droits économiques de ces derniers se dégradèrent avec les lois sur le droit de rétention des récoltes qui donnait aux propriétaires blancs un titre sur la production des fermes des Noirs, du péonage pour dette et des lois contre le vagabondage qui forçaient les Noirs à accepter des emplois sous-payés. Les libertés politiques et économiques des Noirs furent également réduites par des artifices tels que le suffrage censitaire ou les tests de lecture et par la terreur, comme l’illustre le fait que plus de mille Noirs furent mis à mort par lynchage pendant les années 1890. Théoriquement citoyens américains, les Noirs étaient, dans la pratique, maintenus en marge de la société.
  • 3.4. La migration urbaine La détérioration des conditions de vie dans le Sud après la Reconstruction provoqua des vagues de migration des Noirs vers le nord et l’ouest. En 1900, la répartition de la population noire avait subi des changements significatifs par rapport à ce qu’elle était avant la guerre de Sécession. Bien que les Noirs fussent toujours, pour la plupart, concentrés dans le Sud, environ un quart vivaient dans des zones urbaines. Dans les États du nord-est et de l’ouest, plus des trois quarts des Noirs habitaient dans des villes. Les plus grandes concentrations étaient établies à Washington, Baltimore (Maryland), La Nouvelle-Orléans (Louisiane), Philadelphie (Pennsylvanie), New York (État de New York) et Memphis (Tennessee), ayant chacune plus de 40 000 résidents noirs. Cette migration du Sud rural vers les villes nordistes fut un mouvement continu, avec une intensité variable, qui dura jusqu’aux années 1970 : elle fit de la «question noire» un enjeu national, et fit plus pour le progrès économique des Noirs que toutes les lois sur les droits civiques.

4. LA CULTURE NOIRE AU DÉBUT DU XX E SIÈCLE

Cette migration provoqua de profonds changements dans la société et la vie culturelle afro-américaines. Des intellectuels formés dans les universités comme W.E.B. Du Bois abandonnèrent la politique d’accommodation prônée par le gouvernement et se mirent à exiger l’égalité des droits par l’intermédiaire de divers groupes de pression, uniquement composés de Noirs, et la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP, «Association nationale pour le progrès des gens de couleur») qui comprenait à la fois des Noirs et des Blancs.

  • 4.1. La prise de conscience des Noirs La croissance en taille et en niveau d’éducation de la population noire urbaine stimula les activités culturelles et intellectuelles. Des journaux et des revues publiés par des Noirs firent leur apparition dans toutes les communautés d’une certaine importance. Les compositeurs Scott Joplin, W.C. Handy et J. Rosamond Johnson, frère de l’écrivain James Weldon Johnson, et le poète romancier Paul Laurence Dunbar sont quelques-uns des artistes noirs qui connurent le succès au début du siècle. De nombreux autres musiciens et écrivains moins célèbres combinèrent les styles musicaux occidentaux à des formes rythmiques et mélodiques tirées de leurs racines africaines et de l’esclavage pour créer le jazz afro-américain. Dès le début du XX e siècle, de nombreuses communautés noires s’étaient suffisamment développées pour avoir une minorité des leurs dans les professions libérales et les affaires, et l’ancienne déférence envers les valeurs des Blancs fit place peu à peu parmi les Noirs qui avaient le mieux réussi, à un sens de fierté ethnique et de cohésion sociale. Les ordres fraternels, les organisations politiques, les clubs et les journaux noirs imposèrent une prise de conscience à ceux qui vivaient en ville et devint ainsi la base de l’activisme et des innovations culturelles des années 1920.
  • 4.2. Première Guerre mondiale La Première Guerre mondiale marqua un tournant dans l’histoire des Noirs américains en accélérant le processus à long terme d’urbanisation des Noirs et de développement des institutions. Lorsque les migrants noirs s’installèrent dans les villes pour prendre les emplois industriels libérés par les travailleurs blancs qui s’étaient engagés, la croissance de leur population augmenta ainsi que les occasions offertes dans les métiers libéraux et commerciaux. Les Noirs réagirent au racisme blanc en exprimant leur fierté ethnique et leur unité. Les intellectuels noirs ne s’entendaient pas sur le soutien à apporter à la guerre — le syndicaliste A. Philip Randolph et le socialiste Chandler Owen s’y opposaient vigoureusement — mais ils s’accordaient à penser que les Noirs devaient se servir de cette guerre pour améliorer leur condition. La majorité des 370 000 Noirs dans le service armé furent assignés à des unités de soutien pendant la guerre, mais certains régiments participèrent activement aux combats. Le 369 e régiment d’infanterie fut la première unité alliée à atteindre le Rhin et fut décoré de la Croix de Guerre par la France pour ses états de service pendant la guerre. Les soldats noirs revinrent chez eux déterminés à exiger le respect de la nation pour laquelle ils avaient combattu.
  • 4.3. L’après-guerre Les Noirs revenant au pays y trouvèrent une opposition blanche encore plus intense aux progrès qu’ils avaient pu obtenir. Leurs difficultés dans les villes étaient toujours importantes : ségrégation à l’embauche, au niveau du salaire, chômage plus important, logements chers et délabrés. De plus, de 1917 à l’«été rouge» de 1919, des émeutes anti-Noirs se produisirent un peu partout dans le pays. Ces événements les décidèrent encore plus à défendre leurs droits et à suivre leurs dirigeants les plus énergiques.
  • 4.4. La renaissance de Harlem Mais la fierté et la prise de conscience ethnique qui caractérisèrent les années 1920 furent marquées par l’activiste noir le plus populaire à cette époque, un immigrant jamaïcain, Marcus Garvey. Un mouvement culturel afro-américain appelé «la renaissance de Harlem» reçut le soutien des intellectuels noirs : le poète et romancier d’origine jamaïcaine Claude McKay, le romancier Jean Toomer, le poète Countee Cullen, le poète Langston Hughes, le directeur de publication Charles S. Johnson, Jessie Fauset et Du Bois.

Militant jamaïcain, Marcus Garvey (1887-1940) fonde en 1914 la Universal Negro Improvement and Conservation Association (Unica). Ses dons d'orateur en font un défenseur influent de la cause des Noirs dans sa région natale, mais aussi aux États-Unis et en Afrique. Activiste très populaire, il est expulsé des États-Unis en 1927. Précédemment confinés dans le Sud, le jazz et le blues commencèrent à être joués dans les cités du Nord pendant la Première Guerre mondiale, les plus grands noms en sont : Louis Armstrong, King Oliver, Jelly Roll Morton, Duke Ellington et Fletcher Henderson.

5. LA CRISE ÉCONOMIQUE DE 1929 ET LA SECONDE GUERRE MONDIALE

L’éveil de la culture afro-américaine des années 1920 perdit souffle dans les années 1930 tandis que les effets de la grande crise détournaient des affaires culturelles l’attention qui se concentrait sur les problèmes économiques. Le chômage et la pauvreté étaient déjà élevés chez les Noirs avant le krach boursier de 1929, mais la dépression généralisée de l’économie donna l’occasion aux Noirs de se joindre aux Blancs pour demander des réformes sociales. Une petite minorité de Noirs rejoignit le Parti communiste. Beaucoup plus importante fut la participation des leurs au syndicalisme; ils s’établirent de plus en plus fermement dans de nombreuses industries pendant les années 1930 et 1940. En partie à cause de leur appartenance syndicale, les électeurs noirs se détachèrent du Parti républicain, auquel ils avaient été fidèles depuis la Reconstruction, pour se tourner vers le Parti démocrate.

La crise économique permit d’établir les fondations des réformes de droits civiques qui suivraient, grâce à l’alliance entre libéraux noirs et blancs. Pendant les années 1930, la NAACP organisa une bataille légale acharnée contre la discrimination, se concentrant sur la ségrégation dans l’enseignement public.

  • 5.1. La Seconde Guerre mondiale La guerre contre les puissances de l’Axe fut l’occasion de grands changements dans la politique raciale nationale car elle augmenta les besoins en main-d’oe uvre et donc celui en travailleurs noirs, en même temps, elle rendit les Blancs plus conscients du danger des idées racistes. Au début de la guerre, la menace d’une marche des Noirs sur Washington organisée par A. Philip Randolph força le président Roosevelt à émettre un décret-loi prohibant la discrimination raciale dans les industries de la défense et au gouvernement. Tout en marquant des points dans la vie civile, les Noirs cherchèrent également à obtenir une amélioration de leur condition par leur service militaire. Comme dans les guerres précédentes, les Noirs qui s’engageaient dans l’armée étaient confrontés à une discrimination considérable, bien que le ministère de la Guerre ait fini par approuver la formation d’un certain nombre d’officiers noirs et que certains aient servi comme pilotes et dans des unités médicales et du génie. Environ un demi-million de Noirs servirent outre-mer dans des unités ségrégées dans le Pacifique et en Europe. Comme dans la vie civile, des conflits raciaux se produisirent dans les camps, aux alentours et dans les zones d’occupation à l’étranger. De graves révoltes éclatèrent également dans plusieurs camps où les soldats noirs protestèrent contre leurs conditions de vie déplorables et contre la discrimination raciale.
  • 5.2. Une meilleure compréhension de la part des Blancs Le désir des Afro-Américains de remporter la victoire à la fois contre le fascisme à l’étranger e t contre le racisme dans leur propre pays s’exprima dans la campagne appelée du Double-V, qui mit également en lumière leur mécontentement. La propagande alliée sur la lutte pour les «quatre libertés» permit aux Noirs d’espérer que ces idéaux pourraient être réalisés aux États-Unis. Les occupations pacifiques de locaux organisées par le Congress of Racial Equality (CORE, Congrès d’égalité raciale) formé en 1942 démontrèrent une nouvelle détermination de la part des réformateurs aussi bien noirs que blancs à défier la ségrégation raciale. Les succès des Noirs en sport et en science favorisèrent également le changement d’attitude des Blancs

. 6. LA LUTTE POUR LA LIBERTÉ

  • La période de l’après-guerre vit d’importants changements dans les relations raciales aux États-Unis. À mesure qu’un nombre croissant de Noirs quittaient le Sud rural pour s’installer dans les zones urbaines, leur statut économique s’améliora, même si leur revenu moyen restait inférieur à celui des Blancs. 6.1. L’arrêt Brown Ni le président Dwight Eisenhower, ni le Congrès n’étaient prêts à agir en faveur des droits civiques des Noirs au début des années 1950, mais les nominations présidentielles à la Cour suprême des États -Unis préparaient la voie à la prohibition de la ségrégation raciale d ans les écoles, qui avait été établie par l’arrêt du procès Plessey contre Fergusson en 1896. En 1954, la Cour jugea à l’unanimité dans Brown contre le Bureau d’éducation de Topeka, que «des établissements d’enseignement séparés sont intrinsèquement inégaux» et, l’année suivante, ordonna aux écoles d’État de cesser la ségrégation «avec toute la rapidité possible». Mais la résistance était forte et, en 1957, l’armée fédérale dut protéger l’entrée d’enfants noirs à l’école de Little Rock (Arkansas). Dix ans après l’arrêt Brown, moins de 2 p. 100 des enfants noirs allaient dans des écoles intégrées du Sud. Au début des années 1960, il fut nécessaire d’envoyer l’armée et la police fédérale sur le campus de l’université du Mississippi pour faire valoir le droit d’un étudiant noir à assister aux cours.

  • 6.2. La lutte pour la déségrégation L’arrêt Brown encouragea les Afro-Américains à lancer une campagne pour obtenir la déségrégation de tous les établissements et lieux publics. Elle commença dans un autobus de la ville de Montgomery en Alabama, en décembre 1955, lorsqu’une femme noire nommée Rosa Parks refusa de donner sa place à un Blanc et fut arrêtée. Sous la direction du révérend Martin Luther King, Jr., les habitants noirs répondirent en boycottant les autobus de la ville pendant plus d’un an, jusqu’à ce qu’un tribunal fédéral déclare que la loi de l’Alabama sur la ségrégation dans les autobus était inconstitutionnelle. L’utilisation par King et ses partisans du Southern Christian Leadership Conference (SCLC, «Congrès des dirigeants chrétiens du Sud») ou ceux du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC, «Comité de coordination des étudiants non violents»), de moyens non violents pour obtenir des réformes leur donnèrent une presse favorable.
  • 6.3. L’inscription des électeurs Les «Freedom Rides» (marches de la liberté) organisées par le CORE en 1961 étaient destinées à faire cesser la ségrégation dans les installations qui dépendaient du commerce inter-États et elles démontrèrent que les protestataires étaient capables de forcer les autorités fédérales à intervenir dans le Sud. Elles amenèrent de nombreux jeunes activistes au Mississippi où les dirigeants blancs résistaient farouchement à toute concession au mouvement des droits civiques. Les responsables noirs du Mississippi, qui s’étaient longtemps battus avec l’aide du NAACP, demandèrent aux jeunes Alex HALEY affiliés au SNCC de concentrer leurs efforts sur l’obtention du droit de vote.

Dès 1962, Robert Moses, un instituteur ayant fait ses études à Ha rvard, avait rassemblé une équipe d’organisateurs qui travaillaient en contact étroit avec les résidents locaux essayant de se faire enregistrer comme électeurs. La résistance des Blancs demeurait cependant forte. En 1964, après le meurtre de trois des organisateurs, une action à l’échelle nationale aboutit à la tentative infructueuse du Mississippi Freedom Democratic Party (Parti démocrate de la liberté du Mississippi), dirigé par Fannie Lou Hamer, d’évincer la délégation cent pour cent blanche à la convention nationale du Parti démocrate. À la différence des difficultés rencontrées au Mississippi par le mouvement du droit de vote, les protestations pour les droits civiques remportèrent de grands succès dans les centres urbains du Sud grâce aux marches de la liberté en 1961-1962, et connurent leur apogée le 28 août 1963, lors d’une gigantesque manifestation non violente à Washington, demandant au Congrès d’agir sur la question des droits civiques et des lois sur l’emploi. Le Congrès finit par approuver les lois sur les droits civiques, destinées à faire cesser la ségrégation dans les établissements publics. En 1965, une nouvelle série de manifestations à Selma en Alabama décida le président Lyndon B. Johnson à proposer une nouvelle loi sur le droit de vote qui fut approuvée le même été et qui eut un effet considérable sur l’inscription des électeurs noirs. Au Mississippi, le pourcentage de Noirs sur les registres électoraux passa de 7 p. 100 en 1964 à 59 p. 100 en 1968.

  • 6.4. Fierté noire Les années d’activisme pour les droits civiques dans le Sud provoquèrent unemontée de la fierté raciale et du militantisme chez les Noirs dans tout le pays. En 1966, le SNCC annonça que le but du mouvement noir n’était plus les droits civiques mais le Black Power, «le pouvoir noir». Une tendance à l’activisme noir apparut dans les centres urbains du Nord avec, à sa tête, les Black Muslims (Musulmans noirs) de Malcolm X. Les idées de ce dernier devinrent de plus en plus populaires après son assassinat en 1965. Ses appels à l’autodéfense armée reflétaient la colère généralisée des Noirs des villes et se traduisirent par des explosions de violence raciale de 1965 à 1968.

De nouvelles organisations militantes telles que le Parti des Black Panthers se créèrent pour organiser le mécontentement des Noirs dans les villes. Mais le radicalisme déclaré de nombreux dirigeants noirs entraîna une répression fédérale considérable et, dès la fin des années 1960, la plupart des groupes militants noirs avaient été affaiblis par les raids de la police autant que par leurs dissensions internes. Avant son assassinat en 1968, même Martin Luther King devint la cible de la surveillance et du harcèlement du gouvernement lorsqu’il attaqua vigoureusement la participation américaine dans la guerre du Viêt Nam (1959-1975) et exigea des réformes économiques.

  • 6.5. Les dirigeants modérés Le déclin de l’efficacité des radicaux donna l’occasion aux dirigeants noirs plus modérés de reprendre la situation en main, tout en adoptant certains éléments du discours sur la prise de conscience noire. Durant les années 1970, l’attention du public fut ainsi de plus en plus attirée par des dirigeants mettant en oe uvre diverses stratégies qui ne menaçaient pas l’ordre social américain. Thurgood Marshall, le premier Noir nommé à la Cour suprême américaine, fut le symbole des possibilités qui s’offraient lorsque l’on acceptait de travailler à l’intérieur du système politique.
  • 6.6. Les Noirs dans les arts Les grands noms de la vie intellectuelle noire américaine depuis les années 1960 sont les écrivains Ralph Ellison, James Baldwin, Lorraine Hansberry, Amiri Baraka, Alex Haley, Paule Marshall, Alice Walker, Gloria Naylor, Toni Morrison, Charles Fuller et August Wilson; les poètes Gwendolyn Brooks, Maya Angelou, Nikki Giovanni et Ntozake Shange; les cinéastes tels que Gordon Parks, Melvin Van Peebles et Spike Lee; et les peintres Romare Bearden, Jacob Lawrence et Benny Andrews. Ce dernier, dont les peintures sont des commentaires sociaux sous forme allégorique, fut l’un des organisateurs de la Black Emergency Cultural Coalition (Coalition d’urgence culturelle noire) qui protesta en 1969 contre la sous-représentation des Noirs dans l’art américain surtout que leurs contributions étaient devenues une partie intégrante de l’art et de l’architecture américains, ainsi que de la littérature américaine.

7. LES AFRO-AMÉRICAINS DE LA FIN DE SIÈCLE

  • En dépit des revers, l’activisme noir des années 1960 a obtenu des gains politiques durables. À mesure que les résidents noirs des villes devenaient une minorité importante de l’électorat, parfois même une majorité, des candidats noirs se mirent à remporter des élections. Le nombre d’élus dans tous les États -Unis s’éleva d’environ 300 en 1965 à 7 480 (y compris 26 membres du Congrès) fin 1990 et la première femme sénateur afro-américaine, Carol E. Moseley-Braun, fut élue en 1992 dans l’État de l’Illinois. Dans les années 1980, des maires noirs furent élus à Chicago, Philadelphie, New York et d’autres villes de tout le pays. Il y avait 318 maires afro-américains à la fin de 1990, l’année où L. Douglas Wilder fut élu gouverneur de Virginie. Dans l’armée américaine, le général Colin L. Powell fut nommé à la tête de l’état -major interarmées en 1989 et il joua un rôle important dans la guerre du Golfe. Ces progrès furent contrebalancés par des tendances moins favorables. La vague d’inscription des Afro-Américains sur les listes électorales cessa après 1988. En 1990, seulement 59 p. 100 des Afro-Américains en âge de l’être étaient inscrits sur les listes. Les centres des zones urbaines où ils vivaient en majorité se trouvaient dans des conditions économiques désastreuses tandis que la coalition démocrate libérale qui avait soutenu les précédentes lois sur les droits civiques perdait de sa force. Les tensions ethniques ainsi créées furent violemment mises en évidence par les émeutes de 1992 à Los Angeles, à la suite de l’acquittement des policiers accusés d’avoir rossé Rodney King, un Afro-américain qu’ils avaient arrêté pour une infraction routière.
  • 7.1. Le revenu et l’emploi Le statut économique des Afro-américains est lui aussi un mélange d’améliorations évidentes et de problèmes persistants.

Durant toutes les années 1970 et 1980, les Afro-américains, qui représentent environ 12 p. 100 de la population américaine, firent des progrès réguliers au niveau de l’éducation, ce qui fit croître de façon considérable la taille de la classe moyenne. Ces progrès devinrent de plus en plus difficiles à entretenir à la fin des années 1980 et de petits reculs se pr oduisirent. Le revenu moyen des familles afro-américaines a atteint 19 700 dollars par an et 29,6 p. 100 d’entre elles ont des revenus annuels de plus de 35 000 dollars, mais cette somme ne représente toujours que les trois cinquièmes du salaire moyen des Blancs. Tandis que la perte des emplois industriels continue dans les années 1990, un nombre croissant d’Afro-américains des villes font l’expérience de la désintégration des familles et de la perte de la sécurité de l’emploi et, en l’absence d’un mouvement noir qui militerait efficacement pour le changement social, les valeurs et les comportements qui ne se conforment pas à ceux de l’ordre social dominant conduisent souvent à l’échec dans la société américaine.