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Interview de Nigel Bratcher et Yves Benyeta par Patrice Girod (Lucasfilm Mag)

Après avoir parlé de Indiana Jones et le Temple du Péril, il a été modifier pour inverser le sens de la marche, à première vue, rien de bien neuf, maos en réalité, de multiples détails ont été changés et améliorés. En fait, l'attraction s'est offert une nouvelle jeunesse, entièrement orchestrée par le département " Imagineering " du parc. Pour mieux parler de ce changement, nous avons rencontré le directeur artistique Yves Benyeta qui nous fait partager sa passion et nous livre quelques secrets…

- J'imagine que, pour travailler sur ce type d'attractions, vous avez besoin de bien connaître les films ?

Oui, c'est fondamental. Que ce soit au bureau ou dans mon entourage proche, je connais plein de gens qui sont fans des films de George Lucas et qui en connaissent tous les détails. Pour l'attraction Le Temple du Péril, on a fait en sorte que les visiteurs retrouvent l'ambiance du film, qu'ils soient complètement immergés dans l'univers d'Indiana Jones. Le "guest" (la personne venant dans le parc, en jargon Disney) doit avoir l'impression de retomber en enfance et de "jouer pour de vrai" à l'aventurier.
Les films de Disney et de Lucas touchent le même genre de public : tous ceux (petits et grands) qui ont gardé leur âme d'enfant. Le travail d'un "imagineer" c'est justement de faire ressortir cette âme d'enfant qui est enfouie en chacun de nous. On fait replonger le spectateur dans le rêve sauf que ce n'est pas en deux dimensions (comme au cinéma) mais en trois dimensions. Dans une attraction, comme dans un film, on raconte une histoire, alors il faut vraiment faire en sorte que les gens soient pris dans le jeu.


- Pouvez-vous nous donner un exemple concret sur l'attraction ?

Les moindres petits détails de la végétation ou des accessoires sont conçus pour mettre les visiteurs dans l'ambiance. La file d'attente est passionnante : les fouilles archéologiques, les véhicules, les vieux accessoires, les campements et même les bruits... Et en se laissant un tout petit peu aller, on y est vraiment... Pour le futur, il y aura des caisses avec des petits trous et lorsque l'on passera devant, on entendra un bruit de serpent. À ce moment-là, le guest se posera la question " Qu'est-ce qui va bien pouvoir m'arriver ?", mais heureusement, chez Disney, cela se termine toujours bien !
Comment avez-vous fait pour augmenter la capacité des wagons de 50% sans en changer le poids ?

Il faudrait plutôt le demander à John Carrol, l'ingénieur. La complexité de son travail a été de concevoir un wagonnet qui devait transporter plus de charge (donc plus grand, plus solide, plus résistant) tout en étant moins lourd. Toutes ces exigences n'ont pas été faciles à combiner, mais je crois que les ingénieurs ont plutôt bien réussi ! En fait, les matériaux sont différents de ceux des anciens wagons. Nous nous sommes inspirés d'une technique employée dans l'aéronautique: le système de "nids d'abeilles" (la nature nous apprend plein de choses !). Au lieu d'avoir un cadre métallique avec une cloison pleine (donc lourde), de 70 mm d'épaisseur, nous avons utilisé une structure en nid d'abeille de 10 mm (remplie de vide donc beaucoup plus légère). C'est très solide, très flexible et cela permet de gagner énormément en poids mais aussi en espace. La structure étant moins épaisse qu'auparavant, nous avons pu gagner de l'espace à l'avant, entre et à l'arrière des sièges. La distance entre deux wagonnets s'en est donc trouvée réduite.


C'était vraiment la chasse aux kilos superflus ! Par exemple, il a fallu re-concevoir chaque roue pour gagner du poids. Or, le matériau précédemment utilisé (qui était bleu) ne nous permettait pas de faire des trous dedans, on a donc employé un autre matériau (de couleur beige) plus léger et qui me satisfaisait nettement plus. C'est pour cette raison que les roues ont changé de couleur !

Les wagonnets ont ensuite été construits par la société Itamin, sur les indications de notre cahier des charges. Ils nous ont apporté des solutions, même si parfois ils nous disaient "ça, on ne peut pas !". Avec ces nouveaux véhicules, on a essayé de se rapprocher le plus possible de ceux qui étaient dans le film. Les anciens wagonnets étaient très anguleux, alors Nigel Bratcher (un des concepteurs du projet) a fait des recherches et s'est basé sur des photos du film. Bien sûr, on n'a pas pu les reproduire à l'identique, car ceux du film sont trop petits, mais on a essayé de s'en rapprocher le plus possible. On a notamment récupéré les courbes dans les parties basses.

- Qui a eu l'idée de faire la montagne russe en sens inverse ?

L'idée du sens inversé est venu lors d'une séance de brainstorming où l'on se posait la question de savoir comment augmenter la capacité de l'attraction. Car, victime de son succès depuis 1993, les files d'attente étaient devenues trop longues. Techniquement, on ne pouvait pas faire circuler plus de wagons donc, on était coincé. Quand quelqu'un a suggéré l'idée de faire 12 places au lieu de 8, on s'est alors dit "Quitte à refaire les wagonnets, autant faire quelque chose d'un peu plus fun". En 1994, on a embarqué une caméra 8mm fixée sur un wagonnet à hauteur des yeux, afin de voir ce que cela faisait et quelles étaient les modifications qu'il faudrait apporter pour pouvoir faire l'attraction à l'envers. Mais nous avions deux soucis majeurs : l'attraction ayant été construite dans un sens, est-ce que l'histoire marcherait dans l'autre ? Et fallait-il créer des motifs visuels pour cacher les structures métalliques, les haut-parleurs, les éclairages et tout ce qui est fonctionnel.


Finalement, nous avons eu une bonne surprise car durant la montée, on a une vue du parc qui est superbe. On voit le devant de "It's a Small World" et Discoveryland. Ce qui est intéressant, ce sont les sentiments que vous ressentez à ce moment-là : d'un côté l'émerveillement de ce que vous voyez et de l'autre le stress qui augmente au fur et à mesure car on se dit que si on monte, on va forcément redescendre !

- Comment avez-vous planifié les interventions sur l'attraction ?

Cela s'est déroulé en plusieurs phases. Six mois après le lancement de l'attraction, nous avons fait ce fameux test vidéo. Puis, il y a eu une phase de 18 mois où l'on a fait travailler nos cellules grises. Deux ans avant l'ouverture probable, on a regardé les possibilités financières et surtout le laps de temps pendant lequel il faudrait fermer l'attraction afin de pouvoir réaliser les modifications nécessaires. Les véhicules ont été fabriqués avant la fermeture de l'attraction. Nigel et moi sommes allés chez Itamin (à Zurich et en Allemagne) pour voir l'évolution de la fabrication. Puis du 15 novembre 1999 au 1er avril 2000, nous avons fermé l'attraction et les modifications ont été effectuées pendant ces quatre mois et demi.

- Tom Morris nous avait confié dans une interview qu'il aurait souhaité mettre de la musique à bord comme pour Space Mountain. Qu'en est-il ?

C'est techniquement faisable. Mais on s'est posé la question : qu'est-ce que cela apportera en plus ? Avons-nous les budgets, et le temps ? Bien que certains aménagements existent, installer un système audio sur chaque véhicule n'est pas simple. Quand les wagons arrivent en station, on a très peu de temps pour recharger les condensateurs et leur redonner la puissance électrique nécessaire pour faire un tour complet sans perdre l'audio. Mais nous avons de l'expérience avec Space Mountain. L'idée de mettre de la musique à bord n'est pas abandonnée, mais elle n'est pas non plus à l'ordre du jour. En revanche, techniquement, on est aussi capable d'avoir un véhicule dans un sens et un dans l'autre. On l'a d'ailleurs testé pendant la fermeture. Il y aura donc peut être Indy et le Temple du Péril à l'envers
et à l'endroit (rires).

- Tom Morris nous avait également confié la possibilité de faire un second parcours?

Cela a été envisagé, mais un deuxième parcours allait coûter nettement plus cher. De plus, chez Disney, on préfère que les gens vivent la même expérience et donc le même "ride".


- Le travail est-il complètement terminé sur l'attraction ?

Non. Vous savez, il y a quatre phases dans un projet, c'est comme au cinéma. Il y a d'abord le preshow, le mainshow, le postshsow, puis après l'ouverture, le "close out". C'est une période d'un an où l'on fait les ultimes retouches en fonction de l'utilisation. Nous tenons compte de toutes les réflexions des visiteurs et on essaie de modifier ce qui ne va pas pour améliorer l'attraction.
Nous savons que Tom Morris est un grand fan d'Indy, quelle a été sa contribution créatrice ?

Tom Morris est maintenant Show Producer de tout le parc. Pour cette attraction, c'est lui qui a eu l'idée de la console opérationnelle sur le quai "do not feed". De plus, lorsqu'il est venu à Paris, il a fait plusieurs fois l'attraction avant tout le monde. Vous savez, il a fait le test juste après les sacs de sable (rires). Et ensuite, on a laissé monter l'ingénieur John Carrol. Il a fait un tour et lorsqu'on lui a demandé ses impressions, il nous a dit "Ça marche, mais je ne crois pas que je le referai", alors on lui a fait remarquer "mais John, c'est toi qu'il l'a fait !" à quoi il nous a répondu "Non, l'idée ne vient pas de moi, c'est vous les fous ! Moi, j'ai juste fait en sorte que cela marche techniquement"(rires).

- Y-a-t-il eu des surprises de dernière minute ?

Les premiers wagonnets lancés à froid étaient parfaitement silencieux, puis au bout de 10 minutes, ils faisaient du bruit dans les virages. John m'a proposé d'arranger ça, alors je lui ai dit "NON ! surtout pas, il faut que cela fasse du bruit"... C'est ça qu'on appelle l'Imagineering. Car, comme au cinéma, ce sont parfois les petits ratés qui font les meilleurs effets. Il y avait aussi le "Silent anti-rolleback", un système de crémaillère silencieuse pendant la montée des wagonnets, mais là aussi on ne l'a pas utilisé, car le bruit accentue un peu plus le sentiment d'angoisse !