En décembre 2003, la majorité
du MJS se formait autour d’une position offensive sur la
construction européenne. C’était la condition sine qua none de notre
participation à cette nouvelle majorité. Nous tenions à proclamer
notre ambition pour l’Europe, sans accepter béatement ni refuser
stérilement un pré-projet de texte qui devait connaître encore de
nombreuses modifications. Nous entendions défendre cette ambition
auprès de nos aînés d’abord puis devant les électeurs.
Cette stratégie s’est révélée payante. Nous avons su convaincre le
Parti socialiste et nos concitoyens. Non seulement les socialistes
ont mené une campagne sans concession pour une Europe sociale
maintenant, mais ils ont également très largement emporté le
suffrage des citoyens français. Nous avions vu juste.
Depuis l’hiver dernier et depuis notre conseil national d’avril, le
contexte a profondément changé. En juin, alors que tous les
gouvernements européens venaient d’être sanctionnés par les urnes,
la CIG massacrait les travaux de la Convention européenne dont le
résultat n’était déjà guère satisfaisant. Le 14 juillet, Chirac «
s’engageait » à soumettre le projet de constitution européenne aux
Français par référendum. Plus tard, François Hollande annonçait un
référendum interne au Parti socialiste dès l’automne.
En cohérence avec la méthode que nous avions définie au Congrès de
Lamoura, conformément à notre calendrier, le moment est venu de dire
oui ou non au projet de constitution européenne et d’ainsi tenter
d’éclairer le choix que fera le parti.
Dès le 16 juillet, notre sensibilité tranchait en faveur du non et
en informait l’ensemble des animateurs fédéraux.
Pour nous, il est essentiel que les jeunes socialistes expriment
fortement le malaise qui ronge les jeunesses européennes, que les
jeunes socialistes maintiennent la flamme de l’espérance dans les
cœurs des nouvelles générations, que les jeunes socialistes osent
s’emparer de leur destin.
La crise démocratique qui traverse notre continent est d’une telle
ampleur qu’il paraît impossible de la résoudre. Manifestement,
quelques-uns de nos camarades socialistes européens ont d’ores et
déjà renoncé. Ils sont engagés dans une fuite en avant dont l’issue
ne pourrait qu’être fatale. La gauche qui renonce ou capitule n’est
déjà plus vraiment la gauche. Elle devient le meilleur instrument
des conservateurs et des libéraux, alliés de tout temps contre
l’idéal socialiste de démocratie et d’égalité. Le « 21 avril »
français commence à faire des petits. C’est le cas en Allemagne
notamment, où les descendants du nazisme frappent de nouveau aux
portes du pouvoir, certes faiblement mais avec l’orgueil malsain que
nous leur connaissons. Notre devoir est d’user de tous les moyens
pour briser cette spirale qui renvoie l’Europe à ses heures les plus
sombres.
Car qui peut aujourd’hui croire que la paix sera durable et les
démocraties éternelles alors que les exclusions progressent, que le
chômage enfle, que la concurrence entre les hommes se renforce, que
la xénophobie et les communautarismes gagnent du terrain, tous
alimentés par le libéralisme qui tue l’idée même de fraternité. Le
libéralisme que le projet de constitution élève au rang de nouvelle
religion d’Etat. Qui peut donc le croire ? Pas les socialistes.
Comme les Français le firent en 1946, rejetons ce projet de
constitution pour en adopter un autre. Nous avons cinq ans pour
cela, cinq ans pour bâtir une véritable Europe démocratique,
fédérale et sociale, capable de donner un nouveau sens à la
citoyenneté. Une constitution, ce sont des valeurs universelles, des
principes fondamentaux et l’organisation d’un cadre démocratique de
confrontation des idées. Toutes les politiques libérales de casse
sociale que promeut l’Europe depuis des décennies, fruit d’un
compromis contextuel entre une droite allergique à la régulation et
une gauche soucieuse de construire un espace politique, sont dans le
projet actuel sacralisées, inviolables, intouchables. Ce n’est pas
acceptable. Le compromis est rompu. Une véritable constitution doit
être débarrassée de ces appendices.
Dès lors que nous aurons obtenu, après avoir dit non, que la
constitution soit recentrée sur les fondamentaux, il nous faudra
gagner le combat politique. Il nous faudra obtenir la majorité au
Parlement européen et la majorité au Conseil des ministres. La seule
alternative à l’actuelle majorité libérale, c’est une authentique
majorité de gauche rassemblée autour du dessein d’une Europe
sociale. Si le projet actuel était ratifié, une telle majorité,
aussi volontaire soit-elle, ne pourrait pas mener une autre
politique que la droite. Hélas, toutes les luttes ne peuvent être
menées de front. Gagnons d’abord la démocratie pour imposer demain
la justice sociale.
Ces deux combats, nous ne sommes pas seuls à vouloir les mener. Il
suffit pour s’en convaincre de se souvenir des grandes
manifestations contre la guerre en Irak dans les Etats de l’Union
européenne. Cette opinion publique européenne rassemblée dans la rue
pour dire non à l’impérialisme américain dira-t-elle oui à un projet
de constitution qui met la politique de défense européenne sous la
tutelle de l’OTAN et donc des Etats-Unis d’Amérique du Nord ?
Dira-t-elle oui à un projet de constitution qui porte en lui le
dogme libéral, cause principale des guerres de notre temps ?
Probablement pas. Sauf si on lui ment et si on étouffe le débat
démocratique naissant. Les partis socialistes européens ont une
lourde responsabilité dans ce domaine. Seule les socialistes
français et belges ont eu le courage d’ouvrir la discussion. Au sein
de la gauche française malheureusement, apeurés par la probable
victoire du non, certains voudraient déjà le refermer. Peut-être
prennent-ils conscience brutalement que nos victoires électorales de
2004 n’ont pas effacé les fissures du séisme de 2002 et que la voie
qu’emprunte la construction européenne ne répond pas aux attentes
qui s’étaient alors exprimées. Si tel est bien le cas, alors
assumons-le et osons changer l’orientation de l’édification de
l’Europe au lieu de s’enfoncer la tête dans le sable.
La question européenne commence seulement à produire ses premiers
effets. Absente des débats nationaux jusqu’à présent, elle y fait
une entrée fracassante en France. Et il n’est pas absurde
d’envisager qu’elle entraîne demain une nouvelle donne politique.
Car le clivage européen entre les partisans d’une Europe libérale
diluée dans une aire géographique diffuse d’une part, et les
partisans d’une Europe sociale dans un cadre démocratique consolidé
d’autre part, pourrait créer une nouvelle césure dans chacun des
Etats. Les anciens clivages pourraient être balayés. L’ère des
compromis nécessaires qui se termine nous lègue des peuples coupés
des organes politiques. La nouvelle période qui s’ouvre doit
permettre de les réconcilier. Seul le second camp est en mesure d’y
parvenir.
Le MJS a toute sa place dans ce combat. Partout où il est présent,
ses militants doivent ouvrir la discussion, sensibiliser l’ensemble
des jeunes qu’ils côtoient. Car notre combat ne s’arrêtera pas avec
le référendum socialiste du 1er décembre. Il se prolongera jusqu’au
référendum national, puis jusqu’aux prochaines échéances
électorales. Il ne connaîtra pas de fin. Même si elle n’est pas
notre horizon, l’Europe est notre avenir. Elle mérite que nous lui
réservions une large part de nos énergies.
Une mobilisation est indispensable. Nous y contribuerons. Plus que
jamais l’ensemble des composantes de notre organisation se doit
d’abandonner ses vieux réflexes et ses anciennes pratiques. Nous
savons la démarche difficile. Nous la pensons décisive. Car ce n’est
qu’en demeurant unis que nous pourrons faire face au défi européen
et à tous les rendez-vous qui nous attendent : unis pour repousser
la gangrène libérale qui menace jusque dans nos rangs, unis pour
briser les chaînes de l’argent qui saignent nos sociétés, unis pour
faire gagner le socialisme.
En France, en Europe et dans le monde entier, le socialisme a un
avenir.
A nous de tracer son chemin.
Premiers signataires : Jocelyn Assor (BN – Val-d’Oise), Nicolas Bays
(Secrétaire national chargé de la décentralisation, de l’égalité
entre les territoires et de la politique de la ville –
Pas-de-Calais), Jérémie Bériou (Secrétaire national chargé des
élections, des actions et politiques culturelles – Seine-et-Marne),
Medhi Boukacem (AF – Seine-Maritime), Mickaël Camus (AF – Eure),
Bastien Coriton (Délégué régional – Haute-Normandie), Franck
Fiandino (AF – Lozère), David Fontaine (Secrétaire national chargé
de l’environnement et du développement durable – Seine-Maritime),
Lysiane Kowalski (Déléguée régionale – Nord-Pas-de-Calais), Bertrand
Lasbleis (C.N.A. – Sarthe), Guy-Eric Lemouland (AF – Sarthe),
Grégory Mêche (BN – Val-de-Marne), Julie Méry (Secrétaire nationale
chargée de l’animation, des innovations militantes et de la laïcité
– Seine-Saint-Denis), Nelly Morisot (BN – Paris), Hocine Nordine (AF
– Isère), Guillaume Quercy (Président C.N.A. – Seine-et-Marne),
Bruce Ritter (AF – Pas-de-Calais), Olivier Serre (C.N.A. – Isère),
Philippe Serre (Délégué régional – Languedoc-Roussillon).