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Le temps de l'inconfort.

 

Premiers signataires : Emeline ENDERS (BN – 62), Bazéli MBO (BN – 76), Julie METAYER (BN – 79), Guillaume QUERCY (BN – 77), Olivier SERRE (BN – 38), Nicolas BAYS (AF – 62), Dalila BOUTEMINE (AF – 38), David FONTAINE (AF – 76), Guy-Eric LEMOULAND (AF – 72), Philippe SERRE (AF – 48), Teddy LAUBY (CCR – Nord-Pas-de-Calais)

Catastrophe, séisme, cataclysme, ouragan, apocalypse, incroyable, impensable, insupportable, effroyable… Tout a été dit ou presque sur l’étrange défaite de la gauche en avril dernier.

Quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, nous sommes contraints d’en chercher les causes au-delà des erreurs manifestes de communication ou de l’irresponsable division de la gauche.

Pour certains, les causes profondes de la déroute seraient la trahison et la couardise, composantes décidément indissolubles du socialisme français. Le PS a trahi en menant une politique droitière. Ce sont ceux-là même qui décrivent aujourd’hui la politique Raffarin comme un fascisme déguisé. A force d’exagération et de dogmatique erreur d’analyse, le fascisme, le vrai, risque bientôt de forcer les portes du pouvoir.

Il est de notre responsabilité, en tant que socialiste, de poser à plat les véritables raisons de l’échec, sans œillère, sans politiquement correct mais avec le souci constant de dire la vérité.

Lorsque le débat sur l’insécurité publique a jailli sur la scène médiatique française, nous avons soutenu l’idée selon laquelle l’exigence de sécurité était la première liberté de l’homme. Nous avons cherché à résoudre la question de la délinquance, sans réel succès immédiat. Les citoyens n’ont pas ressenti, dans leur quotidien, de changement notable alors que nos discours laissaient à penser que tout allait s’arranger. C’est un sujet complexe où phantasmes et tragédies se mêlent. Nous n’avons pas été naïfs, nous n’avons simplement pas su faire partager notre approche globale de l’insécurité et asseoir notre crédibilité. Parce que cette exigence ne concerne pas exclusivement les biens et les personnes, que l’insécurité se rencontre aussi dans nos parcours professionnels ou au sein de nos entreprises, qu’elle existe dans la prise en charge de notre santé, de nos retraites ou de notre environnement, que ces différentes insécurités s’alimentent entre elles, il faut aujourd’hui un projet global de sécurisation de notre société.

Pour cela, il est indispensable de rechercher des solutions qui reposent sur une solidarité durable et efficace. Certaines de nos réformes, dans leur mise en œuvre, ont pu être mal vécues individuellement ou perçues comme non viables.
Nous pensons aux 35 heures dont le principe est excellent mais dont l’application n’a peut-être pas profité à ceux qui en auraient eu le plus besoin. En effet, quelle politique avons-nous mené pour que le temps libéré soit effectivement mis au service de l’épanouissement des individus ou du renforcement de la solidarité ? Avons-nous suffisamment pris en compte l’importance de la valeur travail dans les classes laborieuses dont une partie profite du temps libéré pour occuper un second emploi ? En réduisant in fine la valeur travail, n’avons-nous pas stigmatisé les travailleurs ?
Nous pourrions également citer les emplois-jeunes. Evaluons-nous la précarité dans laquelle nous avons pu plonger une partie d’entre eux alors que nous avons été flous sur les modalités de pérennisation, que nous n’avons pas mis en place les formations pourtant indispensables dans leur emploi et vers l’emploi, que nous avons laissé des embauches se faire sans imposer une réelle réflexion sur le contenu des emplois, les qualifications adaptées ou les perspectives professionnelles offertes ?
Un dernier exemple emblématique : les services publics. Nos discours, à force « d’ouverture du capital », n’ont-ils pas été trop ouverts au Capital ? Quand avons-nous affirmé le rôle fondamental joué par les services publics dans le contrat social et déterminé une politique volontariste pour empêcher la marchandisation d’un certain nombre de secteurs ? Surtout, quand avons-nous eu le courage de dire qu’il était impossible de conserver en l’état certains d’entre eux, fondés sur la société du 19ème ou du début du 20ème, sans compromettre définitivement et avec certitude leur avenir au 21ème siècle ? Là encore, nos hésitations ont pu troubler les acteurs des services publics, déboussolés dans leurs missions et préoccupés par leur devenir. Les usagers quant à eux ont pu être effrayés par la possible disparition de services auxquels ils sont viscéralement attachés mais dont ils sont les premiers à subir l’inadaptation. Nous n’avons pas su maîtriser ces contradictions.
Nos réformes étaient ambitieuses, elles ont transformé notre société en de nombreux aspects mais leurs effets n’ont jamais été aussi positifs que nous nous en étions convaincus. Leur ambivalence n’a pas suffisamment été prise en compte.

La durabilité et l’efficacité des solidarités sont les curseurs de notre action. En matière de retraite, d’aide sociale, de services publics, d’éducation ou de justice, ne rien changer pourrait être la meilleure façon de tout voir sombrer. La gauche n’est elle-même que lorsqu’elle invente, crée, imagine des solutions originales, durables, conformes aux valeurs d’égalité, de justice sociale, de liberté et de progrès. L’éducation tout au long de la vie, une sécurité sociale du travail, une retraite par répartition forte et mieux adaptée à la situation de chacun, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication comme levier de la réduction des inégalités entre les territoires et les hommes, sont quelques-uns des chantiers sur lesquels une réflexion approfondie est indispensable.

Le socialisme est avant tout un internationalisme. La construction de l’unité européenne doit également répondre à l’attente légitime des peuples d’une solidarité durable et efficace. La promotion d’un projet européen résolument fédéral et démocratique, résolument social et résolument ouvert sur le monde répond à cette nécessité. Notre Europe doit s’affirmer comme un modèle alternatif de développement préoccupé du devenir de son environnement et ouvert sur les peuples et les cultures du monde. A la soif de guerre des Etats-Unis, l’Europe opposera son pacifisme éclairé ; au comportement hégémonique des Etats-Unis, l’Europe favorisera l’émergence d’une société démocratique mondiale.

Et les jeunes dans tout ça ? Stigmatisés lorsqu’il s’agit d’insécurité publique, témoins privilégiés de la précarisation du travail et de l’essoufflement de notre système éducatif, premiers concernés par le devenir des retraites et la construction d’une identité européenne, ils sont pourtant les grands oubliés de la politique. Nous nous sommes trop satisfaits du discours convenu sur le thème d’une jeunesse qui ne serait pas dépolitisée mais politisée autrement. Si une partie de la jeunesse s’engage, une autre, loin d’être négligeable, s’éloigne de la République. C’est à elle que nous devons nous adresser maintenant. Notre discours est souvent trop teinté de complaisance et de commisération pour être reçu positivement par les jeunes. Faire appel à leur sens des responsabilités, les reconnaître comme des acteurs de leur vie, de leur pays et pas seulement de leur quartier dont ils doivent avoir le droit de partir, est une priorité. Nous devons renoncer aux bonnes intentions incantatoires qui aboutissent à enfermer les jeunes les plus défavorisés dans leur quartier, dans leur situation précaire, dans leur désespérance. Les jeunes d’origine étrangère notamment n’ont pas vocation à être des « grands frères » toute leur vie, ils n’ont pas pour unique utilité celle de servir socialement leur quartier dont l’horizon est décidément bien bouché ; ils ont droit à un avenir aux infinis possibles. La gauche, si elle veut reconquérir la jeunesse, doit lui ouvrir grandes les portes de la liberté. « Face à des politiques qui ont pour seul projet l’enfermement et la répression, les petits adultes iront jusqu’au bout de leur révolte. » Cette phrase écrite par deux juges des enfants a une portée amplement plus grande que la seule question de la tolérance zéro ou des centres d’éducation renforcée. Elle vaut tout autant pour tous les dispositifs d’assistance qui, lorsqu’ils sont mal adaptés, maintiennent les jeunes en galère dans la galère.

Nous ne prétendons pas que, comme les petits pots ou les couches, à chaque âge correspond son représentant. Les jeunes ne sont pas davantage capables de représenter la jeunesse que leurs aînés. La jeunesse militante n’a pas toujours conscience du fossé qui la sépare de l’autre jeunesse, celle qui désespère. Nous croyons en une alliance des générations faite de respect et d’échange. Les mouvements générationnels qui prétendent rénover le Parti socialiste ne pourraient pas lui donner, par leur essence même, le projet collectif dont il a besoin. Le MJS doit aussi prendre garde. Nous ne pourrons pas faire l’impasse d’une réflexion sans concession sur notre fonctionnement, nos modes d’action et notre rapport au Parti socialiste. Le MJS n’a pas vocation à être la mauvaise conscience ou le donneur de leçon du PS, il doit, sans complexe, l’aiguiller sur la voie d’une meilleure compréhension de la bouillonnante et créatrice jeunesse de notre pays. Mais pour cela, notre organisation doit devenir ce qu’elle n’est pas aujourd’hui : un carrefour des jeunesses, un lieu d’échange libre entre jeunes confrontés à des réalités diverses, opposées parfois. S’il est un lieu où les luttes de pouvoir ne devraient pas rythmer les saisons, c’est le MJS. Si nous voulons bâtir une grande organisation de jeunesse attractive, il est impératif que nous bouleversions nos habitudes de débat. Le temps des tabous, des consignes d’expression (et non seulement de vote), des postures (et non des convictions) est révolu. Le MJS n’est pas le PS des petits. Notre vocation est radicalement différente.

Voilà la tâche qui nous attend. Rénover nos idées, nos pratiques. Transformer nos rapports au PS, aux jeunesses et entre nous. Le 21 avril ne doit pas être considéré comme une simple défaite électorale, c’est un véritable détonateur qui déclenche une explosion des certitudes confortables de la gauche. Si nous ne sommes pas capables de muer, l’extrême droite, dans très peu de temps, nous fera la peau. La gauche se doit de restaurer l’espoir et d’inventer un projet collectif solidaire et durable porteur d’un nouvel avenir.