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Fermer la parenthèse, oser un nouveau chemin. 

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A la fin de l’année, le Mouvement des Jeunes Socialistes organisera son 7ème Congrès depuis l’autonomie. Nul n’ignore qu’avant lui, le Parti socialiste tiendra le sien. Dans ces deux remarques réside probablement le risque de la période qu’ouvre notre Conseil National extraordinaire.

Il nous faudra en effet veiller à ce que des débats qui ne sont pas les nôtres ne mettent en péril notre unité, et que la voix du MJS puisse être entendue par nos aînés comme celle de tous les jeunes socialistes.

Connaissant parfaitement notre organisation et sachant combien elle a peu à envier au PS en matière de fossilisation, nous avons pleinement conscience de la grande difficulté de la tâche. Nous devrons pourtant y parvenir si nous ne voulons pas tuer notre mouvement.

Rassembler, dépasser les vieilles luttes claniques, pour offrir le débouché politique que la jeunesse et le salariat sont en droit d’attendre de nous. Voilà notre ambition.

Pour cela, nous ne ferons pas l’économie d’une véritable analyse du cycle politique que nous traversons. Nous devrons esquisser les premières réflexions pour un authentique projet socialiste pour 2007. Nous aurons à définir les moyens indispensables à la réalisation de notre ambition.

 

1995-2005 : une décennie pour comprendre

 

Les grandes luttes sociales de 1995, nées au cœur du salariat, constituent le début d’une nouvelle période. Face à une droite libérale qui se prétend sociale, face à la clique chiraquienne, les ouvriers et les employés choisissent de prendre en main leur destin et se mobilisent pour faire valoir leurs aspirations. La gauche politique est alors mal en point. La rue est le seul débouché des revendications sociales. Aux côtés des syndicats, de nouvelles organisations fondamentalement anti-libérales émergent pour se pencher sur la question de la mondialisation, de ses effets sociaux ou environnementaux et de leur nécessaire maîtrise.

 

De cette mobilisation majeure et de cette nouvelle prise de conscience citoyenne est issue notre victoire en 1997. Le salariat trouve dans le programme de la gauche plurielle un débouché politique naturel à ses attentes. Mais le gouvernement de la gauche, contre l’avis de plusieurs de ses composantes, capitule sans combattre à Amsterdam devant la nouvelle étape libérale de la construction européenne. C’est là un formidable révélateur du contenu réel de l’idéologie au pouvoir : un réformisme d’accompagnement, largement virtuel. De cette résignation est venue la défaite de 2002.

 

Pourtant, la grande leçon du premier septennat de François Mitterrand qui, après avoir appliqué l’intégralité de son programme, se voit contraint par le contexte européen et international à réorienter la voie du socialisme français dans le sens d’une parenthèse théorisée par Lionel Jospin, aurait dû conduire la gauche à agir autrement. Mais le même Lionel Jospin et les autres tenants du social libéralisme qui l’accompagnent dans les premières années de la précédente législature, n’ont semble-t-il pas souhaité refermer cette fameuse parenthèse. Ils sont demeurés fidèles à eux-mêmes, au mépris des appels pourtant déjà perceptibles de notre électorat populaire.

 

Ce sont donc les Français, au premier rang desquels le peuple de gauche qui, après en avoir fait le reproche au candidat du PS en 2002, après être de nouveau bruyamment descendus dans la rue en 2004 et 2005, ont souverainement décidé, le 29 mai dernier, d’y mettre un terme. Cette fois encore contre l’avis de l’appareil socialiste dont les œillères braquent toute son attention sur la désignation d’un candidat pour 2007 qui, tout le monde l’a compris, ne doit surtout pas être Laurent Fabius. Dérisoire objectif si l’on s’accorde pour reconnaître les dangers qu’encourent notre République et l’ensemble de l’Europe à ne pas vouloir changer de cap et rompre avec l’ultralibéralisme. Suicidaire objectif si l’on considère avec impartialité le bilan critique que Laurent Fabius a tiré des périodes au cours desquelles il a lui-même été aux responsabilités les plus importantes et qui l’a conduit à dire « non » haut et fort.

 

Le débat sur le premier projet de constitution européenne a effectivement été l’occasion de ce bilan. Et l’émergence d’un non majoritairement social et proeuropéen le tranche sans ambiguïté en faveur de la gauche, en faveur de celle qui a eu le courage d’affronter l’unanimisme des appareils politiques et des médias, celle qui a su rompre avec la résignation social-libérale, celle qui a osé assumer un non d’espoir, un non d’avenir. Manifestement, une partie de nos aînés refuse encore de voir l’évidence. La matrice social-libérale d’une certaine deuxième gauche avec laquelle ils ont grandi les conduit tout droit dans le mur. C’est la grande conclusion que la gauche doit tirer de cette décennie chiraquienne : pour reconquérir le salariat, elle doit fermer la parenthèse ouverte il y a plus de 20 ans.

 

Le 29 mai : un formidable espoir

 

Le 29 mai, 70% des électeurs se sont rendus aux urnes. C’est un résultat qui tranche avec le référendum espagnol dont le taux de participation fut seulement de 42%. 79% des ouvriers et 67% des employés ont voté non. En 2002, ce sont eux qui n’avaient pas souhaité porter leurs suffrages sur le candidat du PS. 63% de l’électorat de la gauche parlementaire a voté « non ». Ce chiffre peut être comparé avec les 70% de l’électorat socialiste néerlandais qui ont également voté « non ». Cette insurrection démocratique n’est pas isolée en Europe. En République Tchèque, en Irlande, en Grèce et au Luxembourg, le non progresse fortement.

 

Ces « non » européens ne débouchent pas sur une crise européenne, c’est l’inverse. La crise économique, sociale et démocratique européenne est à la source des « non ». Le chômage de masse, la technocratie sourde, la croissance durablement en panne, la concurrence entre les travailleurs, sont non seulement parfaitement perçus par les peuples mais ils sont aussi vécus quotidiennement par eux. Tout a été tenté par les tenants des « oui » compatibles pour empêcher que la réalité sociale ne se retrouve dans les urnes. Manœuvre manquée. L’élargissement réalisé sans approfondissement préalable, les tensions budgétaires, toutes les directives antisociales sur le métier, préexistaient au rejet du premier projet de constitution. Et à toutes ces erreurs accumulées au fil de la dernière décennie, les Français, avec d’autres, ont choisi de dire « non ».

 

Si les socialistes voulaient retrouver le rôle qu’ils n’auraient jamais dû abandonner, celui de défendre les intérêts des travailleurs et de promouvoir un autre modèle de développement, ils devraient entendre la voix du peuple de gauche. Ce ne semble pas être le chemin qu’il emprunte. La campagne que le Parti socialiste a menée, avec le soutien de la direction nationale du MJS, était scandaleuse. Une partie de nos responsables continue malheureusement à lire ces résultats à l’aune d’une idéologie éculée. Pour un social libéral, le peuple souffre et exprime son aigreur par un vote de repli. Pour nous, partisans du « non » qui avons mené le débat dans la jeunesse, sans le MJS malheureusement mais avec beaucoup de ses militants, c’est un vote qui marque un refus et une espérance : le refus de la constitutionnalisation du libéralisme et du fonctionnement anti-démocratique actuel de l’Union européenne ; l’espoir de bâtir enfin une Europe politique et sociale forte capable de protéger et de progresser.

 

Ce refus et cet espoir auraient-ils eu la même intensité, auraient-ils été révélés aussi nettement si des socialistes n’avaient pas eu le courage d’assumer leurs convictions, contre la déferlante médiatique, contre les appareils politiques compatibles de la droite et de la gauche européennes, et n’avaient pas ainsi réussi à transmettre aux citoyens la certitude de l’existence d’une ultime chance de changer la vie ? Non. Et c’est l’honneur des socialistes que d’avoir su préserver leur sens critique et susciter un véritable sursaut démocratique. En d’autres temps, un même succès aurait pu changer le cours de l’histoire. Nous avons la conviction que le vote du 29 mai est historique. Nous ne laisserons pas les résignés, les apparatchiks et autres sous-produits politiques de l’idéologie dominante enlever cela à la gauche française et aux socialistes.

 

Après le 29 mai, chacun a le devoir de s’incliner devant le vote du peuple. Le « non » n’est plus en débat, c’est une donnée. Du Président de la République dont c’est certainement la vocation première, aux responsables politiques européens de toute tendance, en passant par les socialistes qui ont ardemment milité en faveur du premier projet de constitution européenne, tous doivent prendre en considération ce rejet et son contenu. Si certains prenaient le risque de passer outre ce vote massif, d’en dissimuler la véritable nature par des artifices cyniques, alors le mot même de démocratie n’aurait plus aucun sens sur notre continent et la porte serait grand ouverte à tous les populismes et toutes les tragédies.

 

Désormais, sur cette question comme sur l’ensemble des autres sujets, il faut que les socialistes définissent un cap commun à atteindre puis les moyens pour y parvenir. C’est l’enjeu du projet pour 2007.

 

Projet socialiste: renouer avec l’ambition

 

Le débat européen a été long et enrichissant. Il a permis de reparler politique de la manière dont on l’aime, c’est-à-dire sur le fond. Mais il laissera des traces. On a trop entendu des responsables socialistes utiliser les arguments de la renonciation et de l’amalgame. Sous couvert de réalisme, ils ont voulu nous imposer le renoncement. Ce n’est pas notre conception de la politique. Nous ne sommes pas irresponsables; nous savons par exemple que l’Europe est le fruit de compromis entre Etats. Toutefois, nous ne confondons pas « possible » et « facile », « possible » et « existant ». Faire de la politique, c’est justement rendre possible ce qui, a priori, ne paraît pas forcément facile à atteindre. Dire que ce qui est difficile à obtenir est illusoire, comme cela a été beaucoup dit pendant la dernière campagne, c’est renoncer purement et simplement à notre objectif de transformation profonde de la société. Au contraire, nous voulons réhabiliter la notion d’ambition. L’ambition, si elle est mise au service de la société, n’est pas un vilain défaut. L’ambition dans le projet que nous allons proposer au pays, c’est ce que nous demandent les Français.

 

Pour nous, le projet devra répondre à deux niveaux de préoccupations de nos concitoyens: répondre le plus rapidement possible à leurs difficultés quotidiennes (logement, santé et protection sociale, emploi, éducation, etc.) et procéder parallèlement à une transformation substantielle de notre modèle de développement, de notre démocratie (y compris au niveau international) et de l’orientation de l’Europe. Sans aller dans le détail, voici les quelques pistes que nous pouvons tracer.

 

Le logement, nécessaire pierre angulaire du projet socialiste

 

La priorité donnée à l'objectif de mixité sociale - impérieuse nécessité - ne doit pas masquer la crise du logement en tant que telle. Logement social? Trop rare. Logement privé? Trop cher. Voilà la redoutable équation qui entraîne l'exclusion de nombre de nos concitoyens d'un logement décent. Il y a encore 3 millions de mal-logés en France. Le droit au logement, garanti par la Constitution française, reste largement lettre morte. Le rendre effectif est notre ambition, d'autant que cette crise du logement creuse les inégalités. Qui peut sérieusement croire qu'un enfant qui ne dispose pas d'un endroit tranquille pour étudier aura les mêmes chances de réussir à l'école qu'un autre? Pour lutter contre cette exclusion dont souffrent nombre de nos concitoyens, travaillons à mettre en place une Couverture Logement Universelle, sur le modèle de la CMU.

 

Plus généralement, le logement est le premier poste de dépense des Français, qui grève lourdement leur pouvoir d'achat. Le système du tout-marché en matière immobilière nous a conduit dans une impasse. Le phénomène de la vente à la découpe n'en est que la manifestation caricaturale. L'État  peut réguler fortement le marché du logement: plafonnement des loyers, réglementation des cautions, lutte contre les logements vacants: la puissance publique doit retrouver toute sa place dans un champ qu'elle a largement abandonné. Elle doit parallèlement mener une politique ambitieuse de logement social. Construire, réhabiliter, parfois détruire: la tâche est énorme, les moyens à engager considérables. Attelons-y nous sans hésiter, car le logement est le cœur de la question sociale. Le cœur de notre combat.

 

            Pour une social-écologie et un autre modèle de développement

 

La question du logement se double de celle de l'environnement, deuxième élément du cadre de vie. Les catastrophes se suivent mais la prise de conscience politique, elle, se fait attendre. La crise écologique est patente, décelable ; les effets désastreux entraînés par le productivisme acharné sont sans cesse plus évidents. Le constat est unanime, il est temps de passer aux actes.

 

La protection de l’environnement doit devenir une démarche transversale pour les socialistes, que l’on n’aborde plus seulement comme le passage obligé d’un texte de congrès, au détour d’un paragraphe, ou comme un thème bien pratique pour compléter un programme électoral. L’union de la gauche, condition sine qua non de l’alternance, ne gagne pas à être fondée sur une division thématique des tâches. Le Parti socialiste ne peut plus sous-traiter les questions d’environnement. Nos relations avec les Verts doivent être plus fortes mais aussi plus globales et ne pas se cantonner à un seul sujet, fût-il important.

 

Social-écologie, écodéveloppement, peu importe la dénomination que l’on donne à cette nouvelle orientation. Il s'agit désormais d'aborder la question de manière politique. Car la crise écologique est une part intégrante de la question sociale. Elle renforce les inégalités de manière criante : santé, habitat, accès aux biens essentiels tels que l’eau. Tout le monde n’est pas égal face à l’environnement. Ne nous voilons pas la face. La crise écologique sera complexe à résoudre. Mais certaines mesures simples existent. Un exemple: l'accident du tunnel du Fréjus nous montre une nouvelle fois le gâchis extraordinaire entraîné par le trafic routier dans les Alpes. De retour au pouvoir, nous devrons relancer les projets de ferroutage. C'est urgent! De même, il faudra créer un véritable service public de protection de l'environnement, diversifier nos ressources énergétiques et appeler à la création d'une Organisation mondiale de l'environnement.

 

La crise écologique invite à se poser la question de notre modèle de développement. Réfléchissons au contenu concret que nous mettrons dans le concept de développement durable, qui doit désormais sous-tendre nos actions: pas de croissance sans développement humain, pas de croissance qui saccage la planète, pas de croissance qui risque de compromettre la vie de nos enfants au lieu de l’améliorer.

 

            Un nouvel élan pour la démocratie sociale, une bataille pour des emplois de qualité

 

Dans ce nouveau modèle de développement, évidemment, l'amélioration du droit du travail doit jouer un rôle central. Garantir un travail décent à tous, qui permette de vivre dignement, doit rester la priorité des socialistes. Car si nous nous opposons à ce que le travail vampirise le temps de vie des citoyens et soit leur seul facteur d’insertion sociale, nous savons aussi que le travail reste la condition sine qua non à des conditions de vie décentes. Mais nous ne sommes pas dupes : les solutions apparemment faciles et évidentes que diffuse à tout va la vulgate néo-libérale ne sont que des prétextes pour détricoter un peu plus chaque jour les protections des travailleurs et les rendre responsables des difficultés économiques. Nous refusons les paradigmes libéraux, qui comptabilisent les emplois comme on compte les moutons : un emploi qui ne permet pas de sortir de la pauvreté n'en est pas un. Les taux de chômage apparemment alléchants de certains pays anglo-saxons nous laissent sceptiques. Peut-on vraiment appeler "emploi" ce qui ne permet que de transformer des chômeurs en travailleurs pauvres?

 

Peut-on en outre accepter les conditions dans lesquelles de plus en plus de salariés doivent travailler? Une injustice est encore plus choquante lorsqu'elle pourrait être évitée. Le progrès technique aurait dû permettre une amélioration des conditions de travail, en réduisant les activités physiquement difficiles. Malheureusement, un mal a succédé à un autre. Si la pénibilité physique a globalement diminué, la compression du marché du travail, qui place les salariés dans une situation plus précaire que dans un contexte de plein-emploi, a entraîné une hausse de la pénibilité psychologique. C'est une lapalissade, mais il est parfois nécessaire de le rappeler: plus les salariés sont dans une situation précaire vis à vis de leur employeur, plus leurs conditions de travail sont mauvaises.

 

Dans cette perspective, les premières annonces du gouvernement de Villepin nous laissent présager le pire. Si nous revenons au pouvoir en 2007, la tâche sera rude.  Par exemple, la période de préavis de deux ans n'est ni plus ni moins qu'un retour au travail journalier. Plus d'engagements pour l'employeur, une précarité totale pour l'employé. Contre la constitution d'un " précariat ", il nous faut créer une " sécurité sociale du travail ", dans laquelle la formation continue doit jouer un rôle clef, pour que les garanties collectives attachées au statut de salarié ne soient pas remises en cause par une rupture professionnelle. C'est ainsi que nous pourrons vaincre la première des insécurités, l'insécurité sociale.

 

La polémique sur la valeur travail est largement idéologique. Prenons-y toute notre part, sinon nous laissons la place à la conception des libéraux. Face à un discours agressif de la droite sur la supposée fainéantise des Français, expliquons notre vision de la compétitivité. Plus les travailleurs sont motivés et respectés, plus ils sont efficaces. C'est pourquoi leur protection et la garantie de bonnes conditions de travail ainsi que la réduction du temps de travail ne sont pas un frein à la croissance, mais un accélérateur. Les individus sont les seuls créateurs de richesse. A ce titre, ils méritent un rôle plus important dans l'entreprise que celui qu'ils occupent actuellement. Les lois Auroux, en 1982, furent une grande impulsion à la démocratie sociale. Si la gauche revient au pouvoir, il faudra recréer un élan comparable, pour que les citoyens salariés ne soient plus de simples exécutants sur leur lieu de travail. Repenser les modes de représentation syndicale, réaffirmer le principe majoritaire pour l'adoption des accords collectifs, rénover des institutions représentatives du personnel: voici quelques uns des axes qu'il nous faudra développer.

 

            Pour une politique de santé ambitieuse

 

La santé est un des enjeux majeurs des questions environnementales. Nul besoin d'y revenir. C'est aussi l'un des droits les plus essentiels de l'homme. Reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946 comme l'une des principes politiques, économiques et sociaux "particulièrement nécessaires à notre temps", le droit à la santé doit, selon ce même texte, être garanti par la Nation. Aujourd'hui, alors que les inégalités territoriales et sociales devant la santé restent préoccupantes, la droite libérale remet en cause la prise en charge collective de la santé, petit bout par petit bout mais résolument, sous le prétexte d'une illusoire maîtrise des dépenses. Résultat : une santé à deux vitesses, et le risque d'une accessibilité aux soins réduite. Les pseudo réformes en cours sont dramatiques. Tout est prêt pour tuer la sécurité sociale et déstabiliser la mutualité au profit de l’assurance privée.

 

La question du financement de la santé, et notamment de l'assurance-maladie, est importante.  Ce n'est pas le principe même - le financement solidaire - qui est en cause. Les socialistes doivent réaffirmer que la santé n'est pas un bien comme un autre, et qu'il ne peut être laissé aux seules forces du marché. Il faudra rechercher de nouvelles sources de financement, assises notamment sur le capital. Ce qui est en jeu, c'est la qualité du service public de la santé. Le système de soins français est reconnu, mais il reste encore trop inégalitaire. Les professionnels de santé sont confrontés chaque jour à une réorganisation des soins décidée par des autorités administratives très éloignées de la réalité locale. Ils donnent le meilleur d’eux-mêmes dans un contexte difficile et, souvent, sans réel soutien de leur hiérarchie dont le seul objectif est la réduction des coûts. Le secteur public hospitalier a besoin d’être valorisé, soutenu, et doit faire l’objet d’un grand plan de modernisation et de promotion des carrières notamment.

 

            Et maintenant, l’Europe sociale

 

Le rejet de la Constitution européenne - dont l'application telle quelle est inenvisageable après les "non" français et néerlandais - est le premier pas vers l'Europe sociale. Le "non" ne la crée pas, mais un "oui" aurait été son fossoyeur. Nous avons donc évité le pire. Essayons désormais de créer le mieux. Le parti socialiste doit définir un projet précis pour l'Europe. L'européisme béat ne peut pas devenir une idéologie de substitution. L'Europe est solide, elle a besoin d’exigence, pas de complaisance. Les socialistes ont largement contribué à construire le contenant, ils doivent assumer pleinement leur orientation politique pour participer à la définition du contenu.

 

Pour cela, il faut définitivement en finir avec la vision de l’Europe comme d’un objet extérieur que l’on accepte ou que l’on rejette en bloc. Cette conception était peut-être pertinente il y a 50 ans, elle est absurde aujourd’hui quand la moitié des textes juridiques nouveaux sont d’origine communautaire[1]. Nous, les jeunes, le savons bien. Nous avons toujours vécu avec l’Europe, nous savons qu’elle est solide, qu’elle est un cadre décisionnel dans lequel soit on fait de la politique, soit on la subit. Nous savons que traiter d’anti-européens ceux qui sont contre l’orientation libérale de l’Europe actuelle est aussi absurde que de classer dans les rangs de l’anti-France ceux qui se battent contre les politiques régressives de la droite française.

 

Le programme des socialistes pour les européennes 2004 ainsi que les sept exigences adoptées par le Conseil national du PS en octobre 2003 constituent une base solide pour notre réflexion sur l’Europe sociale: critères de convergence sociale, défense des services publics, réforme du pacte de stabilité et de croissance, impôt européen…reprenons toutes ces mesures opportunément remisées aux oubliettes pendant la campagne référendaire!

 

Pour réussir l’Europe sociale, il faut d’abord réussir l’élargissement. Pendant la campagne référendaire, nous nous sommes vu traiter de xénophobes parce que nous expliquions que l’Europe doit tenir compte des différences de situation économique et sociale entre les pays membres. Notre rejet de la Constitution se fondait au contraire sur le principe de solidarité. Exclusion de l’harmonisation sociale et fiscale progressive et concertée, maintien de l’unanimité sur le budget qui aurait nécessairement aboutit à sa limitation: accepter ces deux dispositions, ce n’était pas seulement prendre le risque de détruire le modèle social auquel nous tenons, c’était surtout refuser notre soutien aux nouveaux pays entrants pour améliorer leurs systèmes sociaux.

 

Avant la renégociation du texte, qui devra s’attacher à définir les règles juridiques à même de permettre une harmonisation sociale et fiscale progressive, il faut que les socialistes demandent d’ores et déjà un grand plan de soutien aux nouveaux pays membres. L’Europe a su le faire pour l’Espagne et le Portugal, elle ne peut se soustraire cette fois à sa responsabilité. On ne pourra pas s’étonner que certains Etats continuent à jouer la concurrence fiscale et sociale si l’on a refusé de leur donner les moyens d’approfondir leur développement. Proposons donc un plan Marshall immédiat à leur égard. Pour que cette solidarité soit durable, nous devons également militer pour une hausse du budget européen.

 

            Relancer la bataille pour l’égalité républicaine

 

Notre engagement européen ne remet pas en cause notre attachement à la République. A droite, la République n‘a plus le vent en poupe. Ceux qui veulent transformer radicalement notre système se heurtent en effet à ses valeurs humanistes et de solidarité.  Les dérives communautaristes se nourrissent des coups de boutoir portés à ce qui est, plus qu‘un régime politique, un modèle de vivre-ensemble. La République n’est pas un vieux concept poussiéreux, mais un système exigeant et toujours actuel qui nous permettra d’avancer dans le XXIe siècle.  La République accepte les différences sans les ériger en droit. C’est un point essentiel. A ce titre, nous la défendrons corps et âme.

 

Pour que les valeurs républicaines soient acceptées par tous, il est nécessaire de mener des effort considérables pour l’égalité réelle et la reconnaissance de ceux que l’on appelle Français dits « issus de l’immigration » et qui préféreraient sans doute être considérés comme des Français tout court. Arrêtons d’ailleurs de parler d’« intégration » pour des gens qui ont toujours été Français et qui n’ont jamais vécu qu’en France. C’est bien d’égalité républicaine dont il s’agit, pas d’intégration.

 

Pour parler d’égalité républicaine, il nous faut être au clair sur la conception que nous avons de l’Homme. Quand certains responsables de gauche se prononcent en faveur d’une politique de quotas d’immigrés, la question est posée. Pour nous, ce type de mesures prédatrices pour les pays en développement, qui sont en fait de pures mesures économiques destinées à offrir de la main d’œuvre sur un plateau au MEDEF et à s’abstenir de mener une vraie politique de formation en France, serait dramatique. Les discours sur les immigrés « choisis » renvoient en négatif à la notion d’immigrés « subis ». Déjà, sur le terrain, nous entendons des jeunes nous dire que si des quotas d’immigration avaient été mis en place il y a 20 ou 30 ans, leurs parents n’auraient sans doute pas fait partie de la « bonne » immigration. Notre bataille pour l’égalité républicaine serait vaine si nous adressions un tel message à ceux de nos concitoyens qui subissent déjà souvent discriminations et vexations.

 

Un autre concept sur lequel la gauche devra être claire est la laïcité. L’année dernière, l’adoption de la loi sur le port des signes religieux à l’école n’a pas fait consensus parmi les socialistes. Nous y étions très favorables, nous le sommes encore. Sans laïcité, pas de vivre-ensemble pacifié, pas d’égalité. Notons que la laïcité est un concept précis. Il comporte deux volets: le principe de séparation de l’Etat et des églises et la liberté de conscience. La liberté religieuse en dépend: si l’Etat ne reconnaît aucun culte, il les accepte et les protège tous. Pour nous, donc, les concepts dérivés, comme celui de « laïcité ouverte »,  n’ont pas de sens. Ce ne sont que des néologismes destinés à mettre en cause le principe de base.

 

Fermeté sur les valeurs d’un côté, lutte contre les discriminations et pour l’égalité de fait de l’autre, voilà la démarche que nous défendons. Pour qu’enfin, l’égalité ne soit plus qu’un vain mot.

 

Approfondir notre démocratie, à tous les niveaux

 

Pour défendre la République, il faudra savoir l’adapter. Le 29 mai a montré une rupture entre les Français et leurs représentants. Alors même que notre démocratie était revivifiée par la formidable mobilisation populaire qu’a entraîné ce scrutin, ses failles étaient mises en évidence comme jamais. Le problème n’est pas nécessairement institutionnel, la réponse ne le sera donc pas forcément, mais la question des institutions mérite d’être posée sérieusement. La place du Parlement et son mode d’élection, en particulier, doivent être revus. Le Parlement a tendance à devenir une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif: son rôle doit être rééquilibré. Sa représentativité est en question: réfléchissons à l’introduction d’une part de proportionnelle dans l’élection des députés et à une refonte complète du mode de scrutin sénatorial.

 

La manière dont s'est déroulé le référendum sur la Constitution européenne pousse à relancer le débat sur le pluralisme de l'information et des médias. On pensait que l'accessibilité accrue aux médias irait de pair avec un gain de liberté pour le citoyen. On constate malheureusement parfois que la démocratie pâtit d'un système médiatique largement aux mains des grands groupes et conduit uniquement par des impératifs de profit. Lutter contre la concentration dans les médias, c’est bien, mais il faudrait aussi créer un véritable service public audiovisuel qui respecte d’autres critères que celui du seul audimat. Tout au long de la campagne référendaire, les Français ont montré leur grande capacité de recul par rapport aux médias. Soyons à la hauteur de leur exigence intellectuelle!

 

On nous l’a dit et répété, les enjeux s’internationalisent. Nous croyons encore à la capacité des gouvernements nationaux et des institutions des zones régionales intégrées comme l’UE, mais nous n’ignorons pas la globalisation. Puisqu’un nombre croissant de décisions est amené à être pris au niveau international, il nous faut mondialiser la démocratie. Cela passe par la réforme de l’ONU mais aussi par l’instauration d’institutions internationales chargées de répondre aux grands enjeux actuels: environnement, accès aux biens publics mondiaux, etc.

 

L'ONU n'est plus la "machine à faire de l'abstraction"[2] qu'évoquait Romain Gary il y a une cinquantaine d'années. Depuis 1945, l'organisation a su s'imposer et tirer les leçons de l'expérience. Toutefois, son rôle et ses moyens d'actions restent insuffisants. Le contexte international est largement responsable de cet état de fait. Lorsque la première puissance mondiale refuse le multilatéralisme et contourne systématiquement les Nations Unies, le système s’enraye. Face à cette réalité, l’Europe doit rester ferme sur ses principes. Pour certains, la tentation est grande de prendre acte de la faiblesse de l’ONU et d’adopter une démarche proche de celle des Etats-Unis. Ne tombons pas dans le piège: réaffirmons notre attachement au droit international, appliquons les engagements que nous avons pris (fût-ce unilatéralement, comme pour le protocole de Kyoto), pesons de tout notre poids dans le concert international dans le sens du multilatéralisme.

 

L’Education, condition de l’épanouissement personnel et fondement de la société de la connaissance

 

Impossible de parler de démocratie sans parler d’Éducation: sans elle, pas de formation de l’esprit critique nécessaire à la liberté, pas de citoyenneté éclairée, pas d’épanouissement personnel des individus. La gauche en a toujours fait une priorité. Il faut maintenant faire preuve d’imagination. Nous avons globalement réussi la massification du système scolaire, il faut maintenant réussir sa démocratisation. La réussite scolaire reste fortement liée aux origines sociales. L’égalité des chances reste un combat. Pour cela, il nous faut améliorer encore la qualité de l’enseignement. La qualité des enseignants n’est pas en cause. Ce qui reste problématique, c’est les moyens qui leur sont donnés pour remplir leurs missions, et le contenu de ces missions elles-mêmes. Pourquoi, par exemple, ne pas proposer de recruter plus de personnel dans l’Éducation nationale, et en contrepartie renforcer le rôle des professeurs en matière de suivi scolaire en dehors des cours?

 

Pour réformer notre système éducatif et ainsi maintenir l'exigence intellectuelle qui le caractérise, il nous faut regagner la confiance des enseignants. Ce sont bien eux qui travaillent quotidiennement, avec acharnement, pour défendre l'excellence scolaire. Au plus près des élèves, ils connaissent leurs besoins. Certains responsables de gauche ont fait preuve ces dernières années de mépris vis-à-vis d‘eux. Ne retombons pas là-dedans. Depuis la République des instituteurs, nous savons ce que nous devons aux enseignants.

 

Les savoirs ne s’arrêtent pas à la porte des écoles et ne sont pas intangibles. Il nous faut promouvoir une société de la connaissance, fondée à la fois sur la transmission des savoirs et sur la recherche. Redonnons des moyens aux universités et aux organismes de recherche publique. Il faut éviter les excès des financements privés grâce à des règles adéquates sur les brevets.

 

Le projet 2007 devra être ambitieux. Pour être mis en œuvre, il faudra également changer notre manière de faire de la politique:

Écouter la voix des citoyens, et en particulier de nos électeurs. Nous ne pouvons plus fonctionner en circuit fermé. Les décisions ont vocation à se prendre au sein de nos appareils militants, mais seulement si ceux-ci ne sont pas imperméables au monde extérieur.

Prendre nos responsabilités. Nous sommes choqués d’entendre des responsables, y compris dans les rangs socialistes, tourner le dos à leurs missions. Peut-on, quand on est un élu de la République, expliquer que « nous ne renégocierons pas le traité constitutionnel parce que nous avons toujours dit que c’était impossible », sans même essayer ? Lorsque le peuple a donné un mandat, il faut le respecter, même si c’est difficile. Si l’on ne s’en sent pas capable, il faut laisser la place à d’autres.

Savoir se remettre en cause. Quand nous menons une politique, nous sommes toujours motivés par de bonnes intentions. Ce n’est pas pour autant que cela marche à tous les coups. Institutionnellement, cela implique de mettre en place des systèmes d’évaluation des politiques publiques. Dans notre comportement, cela nous force à être capable de tirer les leçons de l’expérience et à savoir admettre que nous nous sommes parfois trompés.

 

Si nous en sommes capables, alors seulement nous pourrons réussir l’alternance et l’alternative à la droite.

 

Un 7ème Congrès pour un nouveau MJS

 

Le 29 mai a été un tournant dans l’histoire politique de notre pays. Il l’a également été à l’échelle de notre organisation. Pour gagner en 2007 et entamer un long processus de transformation sociale approfondie, il faut un nouveau MJS.

 

En décembre 2003, la motion majoritaire au Congrès de Lamoura affirmait ses très grandes réserves sur le premier projet de constitution européenne. En octobre 2004, après que plusieurs fédérations se soient prononcées volontairement, le Conseil National votait à son tour contre le traité. Mais en décembre 2004, la direction Nouvelle Gauche du Mouvement des Jeunes Socialistes prenait la décision unilatérale de mener la campagne en faveur du « oui » aux côtés du Parti socialiste, conformément à l’engagement de son courant père Nouveau Parti Socialiste. Avec l’ensemble des autres groupes politiques de la majorité du MJS nous avons condamné cette prise de position contraire au vote des militants, contraire à ligne politique adoptée lors du 6ème Congrès, transgressant notre autonomie.

 

Pour nous, ce revirement ne pouvait qu’être le résultat des pressions exercées par la direction du Parti socialiste sur celle du MJS. Etre garant de l’autonomie impliquait de ne pas céder. Ce n’est malheureusement pas ce qui s’est passé. Cela est d’autant plus regrettable que nous faisons tous le constat régulier du désenchantement de la jeunesse face aux renoncements des politiques. Or, la direction du MJS n’a rien fait d’autre que mettre ses convictions au placard pour satisfaire des intérêts bien éloignés de ceux du socialisme. Et ce résultat est naturel. Arnaud Montebourg a récemment affirmé : « Solférino n'est plus le nom d'une victoire, mais celui d'un blockhaus administré par des autruches ». Il est à craindre que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, vivre son engagement de jeune socialiste dans les couloirs et antichambres du siège du Parti, n’aide pas à s’émanciper des petits jeux d’appareils, ou à vivre pleinement son autonomie. Cela doit changer.

 

Un argument nous a notamment été régulièrement opposé, sur lequel nous souhaitons revenir : celui de l’intérêt électoral du PS. A plusieurs reprises, en Bureau national, certains camarades ont théorisé l’idée selon laquelle l’intérêt électoral du PS dominait tous les autres principes et que pour le satisfaire il fallait que le MJS se mette à la disposition de la campagne du « oui ». Or, pour nous, deux confusions majeures ont été commises.

La première consiste à mêler campagne électorale et campagne référendaire. Pour nous, ce sont deux événements très différents. Dans le premier cas, le Parti désigne ses candidats et le MJS les soutient sans qu’il n’ait jamais à se prononcer. Ici l’argument « intérêt électoral » est pertinent. Le MJS n’a pas pour tâche de présenter ses propres candidats, c’est une évidence. Il est l’organisation de jeunesse du PS et doit donc soutenir ses candidats. Mais dans le second cas, ce n’est plus une simple question de personne, c’est une question idéologique. Sauf à prendre le risque de perdre son âme et de remettre en cause le principe d’autonomie, le MJS ne peut pas agir contre la ligne politique que ses militants se sont souverainement donnés. L’autonomie est définie par deux aspects : notre liberté dans le choix de nos responsables et notre liberté dans le choix de notre ligne politique. Mener une campagne contraire à nos idées, c’est renoncer à être autonome. A fortiori lorsque, comme nous nous en doutions, le référendum porte sur un sujet crucial, au fondement même de notre engagement de jeunes socialistes.

La seconde réside dans la prétention que mener la campagne du « oui » serait électoralement payante. Comment était-il possible de théoriser pareille sottise, convaincus que nous étions du bien-fondé de notre engagement antilibéral ? Sauf à croire béatement que le poing et la rose suffisent à recueillir des suffrages, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’être en phase avec l’électorat. Car c’est malheureusement cela qui transpirait du discours de quelques camarades, dont certains auront peut-être un avenir à la tête du MJS si ce dernier ne change pas radicalement. Cela aussi n’est pas admissible.

 

Les groupes politiques qui ne partageaient pas cette analyse ont décidé de mener la campagne, en tant que socialistes, dans la jeunesse. Egalité Jeunes Socialistes l’a fait. Le plaisir que beaucoup d’entre nous ont pris dans cette campagne, cette joie, au-delà des appartenances partisanes ou claniques, à se battre pied à pied pour faire gagner ses idées, chacun donnant le meilleur de soi-même, ont fait plané un doute dans notre esprit. Ce doute s’est accru en observant ce même engouement auprès de jeunes militants du « oui », broyés par le Congrès de Lamoura, mais retrouvant le bonheur de militer dans un cadre où l’intelligence remplace le rapport de force. Ce doute touche au plus profond de notre engagement au sein du MJS. Cette organisation autoproclamée autonome dont nous voyons bien que sa réalité est toute autre, cette organisation dirigée par un seul clan dont les permanents sont rémunérés par le Parti et les directives venus d’ailleurs, cette organisation où le moindre contradicteur est jugé comme un blasphémateur, cette organisation n’est pas celle de tous les jeunes socialistes. Chacun n’y a pas sa place.

 

Dès lors, la question d’une sortie de l’organisation se pose. Nous y avons réfléchi. Cette éventualité revient régulièrement dans nos débats. La dernière campagne nous y incite car elle a mobilisé beaucoup de jeunes qui n’auraient jamais fait, et ne feront jamais, le pas de rejoindre le MJS. Mais nous voulons croire que le MJS ne suivra pas la voie bureaucratique du PS, et qu’il saura se refonder sur de nouvelles bases. Pour cela, à la lumière de l’expérience, nous retiendrons trois questions majeures. Espérons qu’elles puissent éclairer notre route jusqu’au mois de décembre prochain.

 

La première est celle de l’autonomie. Egalité Jeunes Socialistes a longtemps critiqué le principe même d’autonomie, considérant à juste titre qu’il n’était qu’une proclamation sans existence réelle. Il suffit de comparer la carte des groupes politiques du MJS avec celle du PS pour s’interroger sur la pertinence de l’usage d’une telle rhétorique. De même, les positions identiques de NPS et du MJS concernant la campagne référendaire sont éclairantes. Sauf à vouloir sciemment leurrer de nouveaux militants pour mieux les contrôler, l’autonomie est sans objet immédiat et concret, sur le plan national, depuis dix ans. Tout juste pourrait-elle être un pari ou un but. Petit à petit, parce que paradoxalement Egalité Jeunes Socialistes, réseau des jeunes proches de Laurent Fabius, est l’un des plus autonomes du MJS, nous nous sommes convaincus qu’un certain degré d’autonomie était de tout de même possible. Mais il suppose deux choses : tout d’abord une grande éthique militante de la part des jeunes, ensuite un authentique respect de la part des aînés. Ethique et respect sont les deux jambes d’une autonomie véritable. Dans la période récente, les deux ont manqué. Notre éthique militante aurait dû nous conduire à faire le choix de nos idées et non ceux d’intérêts particuliers ou étrangers au MJS. Le respect aurait dû interdire à l’entourage de certains responsables du PS d’exercer des pressions honteuses. Pour refonder le MJS, il nous faut redéfinir l’autonomie, au-delà des aspects fonctionnels, en lui donnant une substance plus grande. L’autonomie c’est non seulement désigner ses responsables et définir sa ligne politique souverainement, c’est aussi un certain devoir de désobéissance politique dès lors qu’il contribue à renforcer le camp socialiste dans son unité et c’est avant tout le moyen d’émanciper les jeunes socialistes des combats passés pour leur permettre de mener les leurs. Le MJS est une avant-garde pas un suiviste.

La seconde est celle de la collégialité. Depuis 10 ans, le carburant du MJS c’est le rapport de force. Expression magique sensée tout expliquer, le rapport de force est sans cesse le déterminant de toutes les discussions. Compte tenu des enjeux ridicules qui sont les nôtres, de la toute petite taille de notre organisation dont les effectifs stagnent depuis dix ans, cette notion est absurde. La mainmise d’un groupe politique sur l’ensemble de l’appareil, maintenant ses positions à l’image de la majorité du Parti et avec les mêmes outils, n’est pas tolérable. L’organisation de jeunesse du Parti socialiste doit être celle de tous les jeunes socialistes sans exclusive. Au Congrès de Lamoura, la prime majoritaire au Bureau national avait été supprimée, c’était un premier pas. Désormais, il convient de faire en sorte qu’un seul groupe politique constitué ne puisse pas être seul majoritaire dans l’ensemble des instances. Pour cela, deux voies sont possibles : l’affrontement ou le débat. Dans le premier cas, il ne fait aucun doute que le MJS exploserait en de multiples organisations socialistes de jeunesse. Dans le second cas, un nouveau grand MJS est possible, véritable fédérateur de toutes les identités du socialisme français. Dans le registre de la nécessité d’une plus grande collégialité, la question du permanentat doit être posée. Le recrutement ne peut plus être discrétionnaire et le contenu des missions a besoin d’être clairement mis à plat. De même le cumul des fonctions politiques et d’administration n’est pas acceptable : un permanent ne devrait avoir aucune responsabilité de nature politique dans le MJS à l’échelon national.

La troisième est celle du territoire. Le MJS s’est donné pour objectif d’exister dans l’ensemble des départements français. C’est une fiction. Cette obsession à court terme est illusoire. Il ne sert aujourd’hui qu’à renforcer un groupe déjà majoritaire au Conseil National. Cela est peut-être difficile à entendre, mais le moment est venu de le reconnaître. Il conviendrait de diversifier les structures d’organisation des jeunes socialistes sur le territoire. La création de groupes dans les établissements d’enseignement supérieur ou du secondaire, dans les entreprises où les jeunes sont traditionnellement nombreux, devrait être rendue possible. Le seuil de création d’une fédération pourrait être relevé pour garantir un certain pluralisme et une bonne représentativité des Animateurs Fédéraux au sein du CN. Il est en effet inacceptable que les nouvelles créations de fédérations soient réalisées unilatéralement par un seul groupe politique, et sans que jamais ces fédérations ne se développent par la suite. Il y a là un problème majeur qu’il faudra régler. Surtout si l’on considère que ces fédérations pèsent près de 80% du CN. L’échelon régional pourrait être supprimé, sauf dans les régions où les fédérations sont très faibles. Dans les espaces où le MJS est le plus difficile à construire, un soutien financier du national est nécessaire. Le budget serait plus utilement dépensé sur le terrain, là où les militants ont besoin de moyens pour exister, plutôt que dans les locaux de la rue de Solférino. Nous proposons une nouvelle architecture de notre organisation. Des groupes locaux partout sur le territoire, des fédérations lorsque ces groupes rassemblent suffisamment de militants et des régions lorsque le nombre de militant dans chaque département est trop faible. Le Conseil National devrait être composé paritairement des responsables départementaux et régionaux d’une part, des représentants des motions d’autre part.

 

Le Nouveau MJS que nous voulons sera autonome, collégial, et ancré dans la réalité de la vie de la jeunesse. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra être un acteur crédible du projet de 2007 et porter efficacement la voie de la jeunesse à gauche.

 

www.egalitejeunes.org

contact@egalitejeunes.org

 

Premiers signataires membres des instances nationales :

David ASSOR (BN-95), Nicolas BAYS (SBN-62), Jérémie BERIOU (BN-77), Mickaël CAMUS (AF-27), Franck FIANDINO (AF-48), David FONTAINE (DR Haute-Normandie-76), Charlotte GOUJON (AF-76), Lysiane KOWALSKI (DR Nord-Pas-de-Calais-62), Bertrand LASBLEIS (CNA-72), Guy-Eric LEMOULAND (AF-72), Grégory MÊCHE (SBN-94), Julie MERY (SBN-93), Nelly MORISOT (SBN-75), Hocine NORDINE (AF-38), Guillaume QUERCY (Président CNA-77), Hadrien REGENT (BN-76), Bruce RITTER (AF-62), Philippe SERRE (DR Languedoc-Roussillon-48), Mattieu STIEVET (CNA-60)


 

[1] Selon le rapport public du Conseil d’Etat de 1992, « les règles qu’un Français doit respecter sont désormais d’origine communautaire une fois sur six », et le ratio est amené à augmenter car « plus de la moitié des textes nouveaux sont d’origine bruxelloise ».

[2] L'Homme à la colombe, 1957, publié sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi.