Fermer la parenthèse, oser un
nouveau chemin.
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A la fin de l’année, le
Mouvement des Jeunes Socialistes organisera son 7ème Congrès
depuis l’autonomie. Nul n’ignore qu’avant lui, le Parti
socialiste tiendra le sien. Dans ces deux remarques réside
probablement le risque de la période qu’ouvre notre Conseil
National extraordinaire.
Il nous faudra en effet veiller
à ce que des débats qui ne sont pas les nôtres ne mettent en
péril notre unité, et que la voix du MJS puisse être entendue
par nos aînés comme celle de tous les jeunes socialistes.
Connaissant parfaitement notre
organisation et sachant combien elle a peu à envier au PS en
matière de fossilisation, nous avons pleinement conscience de la
grande difficulté de la tâche. Nous devrons pourtant y parvenir
si nous ne voulons pas tuer notre mouvement.
Rassembler, dépasser les
vieilles luttes claniques, pour offrir le débouché politique que
la jeunesse et le salariat sont en droit d’attendre de nous.
Voilà notre ambition.
Pour cela, nous ne ferons pas
l’économie d’une véritable analyse du cycle politique que nous
traversons. Nous devrons esquisser les premières réflexions pour
un authentique projet socialiste pour 2007. Nous aurons à
définir les moyens indispensables à la réalisation de notre
ambition.
1995-2005 : une décennie
pour comprendre
Les grandes luttes sociales de
1995, nées au cœur du salariat, constituent le début d’une
nouvelle période. Face à une droite libérale qui se prétend
sociale, face à la clique chiraquienne, les ouvriers et les
employés choisissent de prendre en main leur destin et se
mobilisent pour faire valoir leurs aspirations. La gauche
politique est alors mal en point. La rue est le seul débouché
des revendications sociales. Aux côtés des syndicats, de
nouvelles organisations fondamentalement anti-libérales émergent
pour se pencher sur la question de la mondialisation, de ses
effets sociaux ou environnementaux et de leur nécessaire
maîtrise.
De cette mobilisation majeure
et de cette nouvelle prise de conscience citoyenne est issue
notre victoire en 1997. Le salariat trouve dans le programme de
la gauche plurielle un débouché politique naturel à ses
attentes. Mais le gouvernement de la gauche, contre l’avis de
plusieurs de ses composantes, capitule sans combattre à
Amsterdam devant la nouvelle étape libérale de la construction
européenne. C’est là un formidable révélateur du contenu réel de
l’idéologie au pouvoir : un réformisme d’accompagnement,
largement virtuel. De cette résignation est venue la défaite de
2002.
Pourtant, la grande leçon du
premier septennat de François Mitterrand qui, après avoir
appliqué l’intégralité de son programme, se voit contraint par
le contexte européen et international à réorienter la voie du
socialisme français dans le sens d’une parenthèse théorisée par
Lionel Jospin, aurait dû conduire la gauche à agir autrement.
Mais le même Lionel Jospin et les autres tenants du social
libéralisme qui l’accompagnent dans les premières années de la
précédente législature, n’ont semble-t-il pas souhaité refermer
cette fameuse parenthèse. Ils sont demeurés fidèles à eux-mêmes,
au mépris des appels pourtant déjà perceptibles de notre
électorat populaire.
Ce sont donc les Français, au
premier rang desquels le peuple de gauche qui, après en avoir
fait le reproche au candidat du PS en 2002, après être de
nouveau bruyamment descendus dans la rue en 2004 et 2005, ont
souverainement décidé, le 29 mai dernier, d’y mettre un terme.
Cette fois encore contre l’avis de l’appareil socialiste dont
les œillères braquent toute son attention sur la désignation
d’un candidat pour 2007 qui, tout le monde l’a compris, ne doit
surtout pas être Laurent Fabius. Dérisoire objectif si l’on
s’accorde pour reconnaître les dangers qu’encourent notre
République et l’ensemble de l’Europe à ne pas vouloir changer de
cap et rompre avec l’ultralibéralisme. Suicidaire objectif si
l’on considère avec impartialité le bilan critique que Laurent
Fabius a tiré des périodes au cours desquelles il a lui-même été
aux responsabilités les plus importantes et qui l’a conduit à
dire « non » haut et fort.
Le débat sur le premier projet
de constitution européenne a effectivement été l’occasion de ce
bilan. Et l’émergence d’un non majoritairement social et
proeuropéen le tranche sans ambiguïté en faveur de la gauche, en
faveur de celle qui a eu le courage d’affronter l’unanimisme des
appareils politiques et des médias, celle qui a su rompre avec
la résignation social-libérale, celle qui a osé assumer un non
d’espoir, un non d’avenir. Manifestement, une partie de nos
aînés refuse encore de voir l’évidence. La matrice
social-libérale d’une certaine deuxième gauche avec laquelle ils
ont grandi les conduit tout droit dans le mur. C’est la grande
conclusion que la gauche doit tirer de cette décennie
chiraquienne : pour reconquérir le salariat, elle doit fermer la
parenthèse ouverte il y a plus de 20 ans.
Le 29 mai : un formidable
espoir
Le 29 mai, 70% des électeurs se
sont rendus aux urnes. C’est un résultat qui tranche avec le
référendum espagnol dont le taux de participation fut seulement
de 42%. 79% des ouvriers et 67% des employés ont voté non. En
2002, ce sont eux qui n’avaient pas souhaité porter leurs
suffrages sur le candidat du PS. 63% de l’électorat de la gauche
parlementaire a voté « non ». Ce chiffre peut être comparé avec
les 70% de l’électorat socialiste néerlandais qui ont également
voté « non ». Cette insurrection démocratique n’est pas isolée
en Europe. En République Tchèque, en Irlande, en Grèce et au
Luxembourg, le non progresse fortement.
Ces « non » européens ne
débouchent pas sur une crise européenne, c’est l’inverse. La
crise économique, sociale et démocratique européenne est à la
source des « non ». Le chômage de masse, la technocratie sourde,
la croissance durablement en panne, la concurrence entre les
travailleurs, sont non seulement parfaitement perçus par les
peuples mais ils sont aussi vécus quotidiennement par eux. Tout
a été tenté par les tenants des « oui » compatibles pour
empêcher que la réalité sociale ne se retrouve dans les urnes.
Manœuvre manquée. L’élargissement réalisé sans approfondissement
préalable, les tensions budgétaires, toutes les directives
antisociales sur le métier, préexistaient au rejet du premier
projet de constitution. Et à toutes ces erreurs accumulées au
fil de la dernière décennie, les Français, avec d’autres, ont
choisi de dire « non ».
Si les socialistes voulaient
retrouver le rôle qu’ils n’auraient jamais dû abandonner, celui
de défendre les intérêts des travailleurs et de promouvoir un
autre modèle de développement, ils devraient entendre la voix du
peuple de gauche. Ce ne semble pas être le chemin qu’il
emprunte. La campagne que le Parti socialiste a menée, avec le
soutien de la direction nationale du MJS, était scandaleuse. Une
partie de nos responsables continue malheureusement à lire ces
résultats à l’aune d’une idéologie éculée. Pour un social
libéral, le peuple souffre et exprime son aigreur par un vote de
repli. Pour nous, partisans du « non » qui avons mené le débat
dans la jeunesse, sans le MJS malheureusement mais avec beaucoup
de ses militants, c’est un vote qui marque un refus et une
espérance : le refus de la constitutionnalisation du libéralisme
et du fonctionnement anti-démocratique actuel de l’Union
européenne ; l’espoir de bâtir enfin une Europe politique et
sociale forte capable de protéger et de progresser.
Ce refus et cet espoir
auraient-ils eu la même intensité, auraient-ils été révélés
aussi nettement si des socialistes n’avaient pas eu le courage
d’assumer leurs convictions, contre la déferlante médiatique,
contre les appareils politiques compatibles de la droite et de
la gauche européennes, et n’avaient pas ainsi réussi à
transmettre aux citoyens la certitude de l’existence d’une
ultime chance de changer la vie ? Non. Et c’est l’honneur des
socialistes que d’avoir su préserver leur sens critique et
susciter un véritable sursaut démocratique. En d’autres temps,
un même succès aurait pu changer le cours de l’histoire. Nous
avons la conviction que le vote du 29 mai est historique. Nous
ne laisserons pas les résignés, les apparatchiks et autres
sous-produits politiques de l’idéologie dominante enlever cela à
la gauche française et aux socialistes.
Après le 29 mai, chacun a le
devoir de s’incliner devant le vote du peuple. Le « non » n’est
plus en débat, c’est une donnée. Du Président de la République
dont c’est certainement la vocation première, aux responsables
politiques européens de toute tendance, en passant par les
socialistes qui ont ardemment milité en faveur du premier projet
de constitution européenne, tous doivent prendre en
considération ce rejet et son contenu. Si certains prenaient le
risque de passer outre ce vote massif, d’en dissimuler la
véritable nature par des artifices cyniques, alors le mot même
de démocratie n’aurait plus aucun sens sur notre continent et la
porte serait grand ouverte à tous les populismes et toutes les
tragédies.
Désormais, sur cette question
comme sur l’ensemble des autres sujets, il faut que les
socialistes définissent un cap commun à atteindre puis les
moyens pour y parvenir. C’est l’enjeu du projet pour 2007.
Projet socialiste: renouer
avec l’ambition
Le débat européen a été long et
enrichissant. Il a permis de reparler politique de la manière
dont on l’aime, c’est-à-dire sur le fond. Mais il laissera des
traces. On a trop entendu des responsables socialistes utiliser
les arguments de la renonciation et de l’amalgame. Sous couvert
de réalisme, ils ont voulu nous imposer le renoncement. Ce n’est
pas notre conception de la politique. Nous ne sommes pas
irresponsables; nous savons par exemple que l’Europe est le
fruit de compromis entre Etats. Toutefois, nous ne confondons
pas « possible » et « facile », « possible » et « existant ».
Faire de la politique, c’est justement rendre possible ce qui, a
priori, ne paraît pas forcément facile à atteindre. Dire que ce
qui est difficile à obtenir est illusoire, comme cela a été
beaucoup dit pendant la dernière campagne, c’est renoncer
purement et simplement à notre objectif de transformation
profonde de la société. Au contraire, nous voulons réhabiliter
la notion d’ambition. L’ambition, si elle est mise au service de
la société, n’est pas un vilain défaut. L’ambition dans le
projet que nous allons proposer au pays, c’est ce que nous
demandent les Français.
Pour nous, le projet devra
répondre à deux niveaux de préoccupations de nos concitoyens:
répondre le plus rapidement possible à leurs difficultés
quotidiennes (logement, santé et protection sociale, emploi,
éducation, etc.) et procéder parallèlement à une transformation
substantielle de notre modèle de développement, de notre
démocratie (y compris au niveau international) et de
l’orientation de l’Europe. Sans aller dans le détail, voici les
quelques pistes que nous pouvons tracer.
Le logement, nécessaire
pierre angulaire du projet socialiste
La priorité donnée à l'objectif
de mixité sociale - impérieuse nécessité - ne doit pas masquer
la crise du logement en tant que telle. Logement social? Trop
rare. Logement privé? Trop cher. Voilà la redoutable équation
qui entraîne l'exclusion de nombre de nos concitoyens d'un
logement décent. Il y a encore 3 millions de mal-logés en
France. Le droit au logement, garanti par la Constitution
française, reste largement lettre morte. Le rendre effectif est
notre ambition, d'autant que cette crise du logement creuse les
inégalités. Qui peut sérieusement croire qu'un enfant qui ne
dispose pas d'un endroit tranquille pour étudier aura les mêmes
chances de réussir à l'école qu'un autre? Pour lutter contre
cette exclusion dont souffrent nombre de nos concitoyens,
travaillons à mettre en place une Couverture Logement
Universelle, sur le modèle de la CMU.
Plus généralement, le logement
est le premier poste de dépense des Français, qui grève
lourdement leur pouvoir d'achat. Le système du tout-marché en
matière immobilière nous a conduit dans une impasse. Le
phénomène de la vente à la découpe n'en est que la manifestation
caricaturale. L'État peut réguler fortement le marché du
logement: plafonnement des loyers, réglementation des cautions,
lutte contre les logements vacants: la puissance publique doit
retrouver toute sa place dans un champ qu'elle a largement
abandonné. Elle doit parallèlement mener une politique
ambitieuse de logement social. Construire, réhabiliter, parfois
détruire: la tâche est énorme, les moyens à engager
considérables. Attelons-y nous sans hésiter, car le logement est
le cœur de la question sociale. Le cœur de notre combat.
Pour une
social-écologie et un autre modèle de développement
La question du logement se
double de celle de l'environnement, deuxième élément du cadre de
vie. Les catastrophes se suivent mais la prise de conscience
politique, elle, se fait attendre. La crise écologique est
patente, décelable ; les effets désastreux entraînés par le
productivisme acharné sont sans cesse plus évidents. Le constat
est unanime, il est temps de passer aux actes.
La protection de
l’environnement doit devenir une démarche transversale pour les
socialistes, que l’on n’aborde plus seulement comme le passage
obligé d’un texte de congrès, au détour d’un paragraphe, ou
comme un thème bien pratique pour compléter un programme
électoral. L’union de la gauche, condition sine qua non de
l’alternance, ne gagne pas à être fondée sur une division
thématique des tâches. Le Parti socialiste ne peut plus
sous-traiter les questions d’environnement. Nos relations avec
les Verts doivent être plus fortes mais aussi plus globales et
ne pas se cantonner à un seul sujet, fût-il important.
Social-écologie,
écodéveloppement, peu importe la dénomination que l’on donne à
cette nouvelle orientation. Il s'agit désormais d'aborder la
question de manière politique. Car la crise écologique est une
part intégrante de la question sociale. Elle renforce les
inégalités de manière criante : santé, habitat, accès aux biens
essentiels tels que l’eau. Tout le monde n’est pas égal face à
l’environnement. Ne nous voilons pas la face. La crise
écologique sera complexe à résoudre. Mais certaines mesures
simples existent. Un exemple: l'accident du tunnel du Fréjus
nous montre une nouvelle fois le gâchis extraordinaire entraîné
par le trafic routier dans les Alpes. De retour au pouvoir, nous
devrons relancer les projets de ferroutage. C'est urgent! De
même, il faudra créer un véritable service public de protection
de l'environnement, diversifier nos ressources énergétiques et
appeler à la création d'une Organisation mondiale de
l'environnement.
La crise écologique invite à se
poser la question de notre modèle de développement.
Réfléchissons au contenu concret que nous mettrons dans le
concept de développement durable, qui doit désormais sous-tendre
nos actions: pas de croissance sans développement humain, pas de
croissance qui saccage la planète, pas de croissance qui risque
de compromettre la vie de nos enfants au lieu de l’améliorer.
Un nouvel élan
pour la démocratie sociale, une bataille pour des emplois de
qualité
Dans ce nouveau modèle de
développement, évidemment, l'amélioration du droit du travail
doit jouer un rôle central. Garantir un travail décent à tous,
qui permette de vivre dignement, doit rester la priorité des
socialistes. Car si nous nous opposons à ce que le travail
vampirise le temps de vie des citoyens et soit leur seul facteur
d’insertion sociale, nous savons aussi que le travail reste la
condition sine qua non à des conditions de vie décentes. Mais
nous ne sommes pas dupes : les solutions apparemment faciles et
évidentes que diffuse à tout va la vulgate néo-libérale ne sont
que des prétextes pour détricoter un peu plus chaque jour les
protections des travailleurs et les rendre responsables des
difficultés économiques. Nous refusons les paradigmes libéraux,
qui comptabilisent les emplois comme on compte les moutons : un
emploi qui ne permet pas de sortir de la pauvreté n'en est pas
un. Les taux de chômage apparemment alléchants de certains pays
anglo-saxons nous laissent sceptiques. Peut-on vraiment appeler
"emploi" ce qui ne permet que de transformer des chômeurs en
travailleurs pauvres?
Peut-on en outre accepter les
conditions dans lesquelles de plus en plus de salariés doivent
travailler? Une injustice est encore plus choquante lorsqu'elle
pourrait être évitée. Le progrès technique aurait dû permettre
une amélioration des conditions de travail, en réduisant les
activités physiquement difficiles. Malheureusement, un mal a
succédé à un autre. Si la pénibilité physique a globalement
diminué, la compression du marché du travail, qui place les
salariés dans une situation plus précaire que dans un contexte
de plein-emploi, a entraîné une hausse de la pénibilité
psychologique. C'est une lapalissade, mais il est parfois
nécessaire de le rappeler: plus les salariés sont dans une
situation précaire vis à vis de leur employeur, plus leurs
conditions de travail sont mauvaises.
Dans cette perspective, les
premières annonces du gouvernement de Villepin nous laissent
présager le pire. Si nous revenons au pouvoir en 2007, la tâche
sera rude. Par exemple, la période de préavis de deux ans n'est
ni plus ni moins qu'un retour au travail journalier. Plus
d'engagements pour l'employeur, une précarité totale pour
l'employé. Contre la constitution d'un " précariat ", il nous
faut créer une " sécurité sociale du travail ", dans laquelle la
formation continue doit jouer un rôle clef, pour que les
garanties collectives attachées au statut de salarié ne soient
pas remises en cause par une rupture professionnelle. C'est
ainsi que nous pourrons vaincre la première des insécurités,
l'insécurité sociale.
La polémique sur la valeur
travail est largement idéologique. Prenons-y toute notre part,
sinon nous laissons la place à la conception des libéraux. Face
à un discours agressif de la droite sur la supposée fainéantise
des Français, expliquons notre vision de la compétitivité. Plus
les travailleurs sont motivés et respectés, plus ils sont
efficaces. C'est pourquoi leur protection et la garantie de
bonnes conditions de travail ainsi que la réduction du temps de
travail ne sont pas un frein à la croissance, mais un
accélérateur. Les individus sont les seuls créateurs de
richesse. A ce titre, ils méritent un rôle plus important dans
l'entreprise que celui qu'ils occupent actuellement. Les lois
Auroux, en 1982, furent une grande impulsion à la démocratie
sociale. Si la gauche revient au pouvoir, il faudra recréer un
élan comparable, pour que les citoyens salariés ne soient plus
de simples exécutants sur leur lieu de travail. Repenser les
modes de représentation syndicale, réaffirmer le principe
majoritaire pour l'adoption des accords collectifs, rénover des
institutions représentatives du personnel: voici quelques uns
des axes qu'il nous faudra développer.
Pour une
politique de santé ambitieuse
La santé est un des enjeux
majeurs des questions environnementales. Nul besoin d'y revenir.
C'est aussi l'un des droits les plus essentiels de l'homme.
Reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946 comme l'une
des principes politiques, économiques et sociaux
"particulièrement nécessaires à notre temps", le droit à la
santé doit, selon ce même texte, être garanti par la Nation.
Aujourd'hui, alors que les inégalités territoriales et sociales
devant la santé restent préoccupantes, la droite libérale remet
en cause la prise en charge collective de la santé, petit bout
par petit bout mais résolument, sous le prétexte d'une illusoire
maîtrise des dépenses. Résultat : une santé à deux vitesses, et
le risque d'une accessibilité aux soins réduite. Les pseudo
réformes en cours sont dramatiques. Tout est prêt pour tuer la
sécurité sociale et déstabiliser la mutualité au profit de
l’assurance privée.
La question du financement de
la santé, et notamment de l'assurance-maladie, est importante.
Ce n'est pas le principe même - le financement solidaire - qui
est en cause. Les socialistes doivent réaffirmer que la santé
n'est pas un bien comme un autre, et qu'il ne peut être laissé
aux seules forces du marché. Il faudra rechercher de nouvelles
sources de financement, assises notamment sur le capital. Ce qui
est en jeu, c'est la qualité du service public de la santé. Le
système de soins français est reconnu, mais il reste encore trop
inégalitaire. Les professionnels de santé sont confrontés chaque
jour à une réorganisation des soins décidée par des autorités
administratives très éloignées de la réalité locale. Ils donnent
le meilleur d’eux-mêmes dans un contexte difficile et, souvent,
sans réel soutien de leur hiérarchie dont le seul objectif est
la réduction des coûts. Le secteur public hospitalier a besoin
d’être valorisé, soutenu, et doit faire l’objet d’un grand plan
de modernisation et de promotion des carrières notamment.
Et maintenant,
l’Europe sociale
Le rejet de la Constitution
européenne - dont l'application telle quelle est inenvisageable
après les "non" français et néerlandais - est le premier pas
vers l'Europe sociale. Le "non" ne la crée pas, mais un "oui"
aurait été son fossoyeur. Nous avons donc évité le pire.
Essayons désormais de créer le mieux. Le parti socialiste doit
définir un projet précis pour l'Europe. L'européisme béat ne
peut pas devenir une idéologie de substitution. L'Europe est
solide, elle a besoin d’exigence, pas de complaisance. Les
socialistes ont largement contribué à construire le contenant,
ils doivent assumer pleinement leur orientation politique pour
participer à la définition du contenu.
Pour cela, il faut définitivement en finir
avec la vision de l’Europe comme d’un objet extérieur que l’on
accepte ou que l’on rejette en bloc. Cette conception était
peut-être pertinente il y a 50 ans, elle est absurde aujourd’hui
quand la moitié des textes juridiques nouveaux sont d’origine
communautaire[1].
Nous, les jeunes, le savons bien. Nous avons toujours vécu avec
l’Europe, nous savons qu’elle est solide, qu’elle est un cadre
décisionnel dans lequel soit on fait de la politique, soit on la
subit. Nous savons que traiter d’anti-européens ceux qui sont
contre l’orientation libérale de l’Europe actuelle est aussi
absurde que de classer dans les rangs de l’anti-France ceux qui
se battent contre les politiques régressives de la droite
française.
Le programme des socialistes
pour les européennes 2004 ainsi que les sept exigences adoptées
par le Conseil national du PS en octobre 2003 constituent une
base solide pour notre réflexion sur l’Europe sociale: critères
de convergence sociale, défense des services publics, réforme du
pacte de stabilité et de croissance, impôt européen…reprenons
toutes ces mesures opportunément remisées aux oubliettes pendant
la campagne référendaire!
Pour réussir l’Europe sociale,
il faut d’abord réussir l’élargissement. Pendant la campagne
référendaire, nous nous sommes vu traiter de xénophobes parce
que nous expliquions que l’Europe doit tenir compte des
différences de situation économique et sociale entre les pays
membres. Notre rejet de la Constitution se fondait au contraire
sur le principe de solidarité. Exclusion de l’harmonisation
sociale et fiscale progressive et concertée, maintien de
l’unanimité sur le budget qui aurait nécessairement aboutit à sa
limitation: accepter ces deux dispositions, ce n’était pas
seulement prendre le risque de détruire le modèle social auquel
nous tenons, c’était surtout refuser notre soutien aux nouveaux
pays entrants pour améliorer leurs systèmes sociaux.
Avant la renégociation du
texte, qui devra s’attacher à définir les règles juridiques à
même de permettre une harmonisation sociale et fiscale
progressive, il faut que les socialistes demandent d’ores et
déjà un grand plan de soutien aux nouveaux pays membres.
L’Europe a su le faire pour l’Espagne et le Portugal, elle ne
peut se soustraire cette fois à sa responsabilité. On ne pourra
pas s’étonner que certains Etats continuent à jouer la
concurrence fiscale et sociale si l’on a refusé de leur donner
les moyens d’approfondir leur développement. Proposons donc un
plan Marshall immédiat à leur égard. Pour que cette solidarité
soit durable, nous devons également militer pour une hausse du
budget européen.
Relancer la
bataille pour l’égalité républicaine
Notre engagement européen ne
remet pas en cause notre attachement à la République. A droite,
la République n‘a plus le vent en poupe. Ceux qui veulent
transformer radicalement notre système se heurtent en effet à
ses valeurs humanistes et de solidarité. Les dérives
communautaristes se nourrissent des coups de boutoir portés à ce
qui est, plus qu‘un régime politique, un modèle de
vivre-ensemble. La République n’est pas un vieux concept
poussiéreux, mais un système exigeant et toujours actuel qui
nous permettra d’avancer dans le XXIe siècle. La République
accepte les différences sans les ériger en droit. C’est un point
essentiel. A ce titre, nous la défendrons corps et âme.
Pour que les valeurs
républicaines soient acceptées par tous, il est nécessaire de
mener des effort considérables pour l’égalité réelle et la
reconnaissance de ceux que l’on appelle Français dits « issus de
l’immigration » et qui préféreraient sans doute être considérés
comme des Français tout court. Arrêtons d’ailleurs de parler
d’« intégration » pour des gens qui ont toujours été Français et
qui n’ont jamais vécu qu’en France. C’est bien d’égalité
républicaine dont il s’agit, pas d’intégration.
Pour parler d’égalité
républicaine, il nous faut être au clair sur la conception que
nous avons de l’Homme. Quand certains responsables de gauche se
prononcent en faveur d’une politique de quotas d’immigrés, la
question est posée. Pour nous, ce type de mesures prédatrices
pour les pays en développement, qui sont en fait de pures
mesures économiques destinées à offrir de la main d’œuvre sur un
plateau au MEDEF et à s’abstenir de mener une vraie politique de
formation en France, serait dramatique. Les discours sur les
immigrés « choisis » renvoient en négatif à la notion d’immigrés
« subis ». Déjà, sur le terrain, nous entendons des jeunes nous
dire que si des quotas d’immigration avaient été mis en place il
y a 20 ou 30 ans, leurs parents n’auraient sans doute pas fait
partie de la « bonne » immigration. Notre bataille pour
l’égalité républicaine serait vaine si nous adressions un tel
message à ceux de nos concitoyens qui subissent déjà souvent
discriminations et vexations.
Un autre concept sur lequel la
gauche devra être claire est la laïcité. L’année dernière,
l’adoption de la loi sur le port des signes religieux à l’école
n’a pas fait consensus parmi les socialistes. Nous y étions très
favorables, nous le sommes encore. Sans laïcité, pas de
vivre-ensemble pacifié, pas d’égalité. Notons que la laïcité est
un concept précis. Il comporte deux volets: le principe de
séparation de l’Etat et des églises et la liberté de conscience.
La liberté religieuse en dépend: si l’Etat ne reconnaît aucun
culte, il les accepte et les protège tous. Pour nous, donc, les
concepts dérivés, comme celui de « laïcité ouverte », n’ont pas
de sens. Ce ne sont que des néologismes destinés à mettre en
cause le principe de base.
Fermeté sur les valeurs d’un
côté, lutte contre les discriminations et pour l’égalité de fait
de l’autre, voilà la démarche que nous défendons. Pour qu’enfin,
l’égalité ne soit plus qu’un vain mot.
Approfondir notre
démocratie, à tous les niveaux
Pour défendre la République, il
faudra savoir l’adapter. Le 29 mai a montré une rupture entre
les Français et leurs représentants. Alors même que notre
démocratie était revivifiée par la formidable mobilisation
populaire qu’a entraîné ce scrutin, ses failles étaient mises en
évidence comme jamais. Le problème n’est pas nécessairement
institutionnel, la réponse ne le sera donc pas forcément, mais
la question des institutions mérite d’être posée sérieusement.
La place du Parlement et son mode d’élection, en particulier,
doivent être revus. Le Parlement a tendance à devenir une
chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif: son rôle
doit être rééquilibré. Sa représentativité est en question:
réfléchissons à l’introduction d’une part de proportionnelle
dans l’élection des députés et à une refonte complète du mode de
scrutin sénatorial.
La manière dont s'est déroulé
le référendum sur la Constitution européenne pousse à relancer
le débat sur le pluralisme de l'information et des médias. On
pensait que l'accessibilité accrue aux médias irait de pair avec
un gain de liberté pour le citoyen. On constate malheureusement
parfois que la démocratie pâtit d'un système médiatique
largement aux mains des grands groupes et conduit uniquement par
des impératifs de profit. Lutter contre la concentration dans
les médias, c’est bien, mais il faudrait aussi créer un
véritable service public audiovisuel qui respecte d’autres
critères que celui du seul audimat. Tout au long de la campagne
référendaire, les Français ont montré leur grande capacité de
recul par rapport aux médias. Soyons à la hauteur de leur
exigence intellectuelle!
On nous l’a dit et répété, les
enjeux s’internationalisent. Nous croyons encore à la capacité
des gouvernements nationaux et des institutions des zones
régionales intégrées comme l’UE, mais nous n’ignorons pas la
globalisation. Puisqu’un nombre croissant de décisions est amené
à être pris au niveau international, il nous faut mondialiser la
démocratie. Cela passe par la réforme de l’ONU mais aussi par
l’instauration d’institutions internationales chargées de
répondre aux grands enjeux actuels: environnement, accès aux
biens publics mondiaux, etc.
L'ONU n'est plus la "machine à faire de
l'abstraction"[2]
qu'évoquait Romain Gary il y a une cinquantaine d'années. Depuis
1945, l'organisation a su s'imposer et tirer les leçons de
l'expérience. Toutefois, son rôle et ses moyens d'actions
restent insuffisants. Le contexte international est largement
responsable de cet état de fait. Lorsque la première puissance
mondiale refuse le multilatéralisme et contourne
systématiquement les Nations Unies, le système s’enraye. Face à
cette réalité, l’Europe doit rester ferme sur ses principes.
Pour certains, la tentation est grande de prendre acte de la
faiblesse de l’ONU et d’adopter une démarche proche de celle des
Etats-Unis. Ne tombons pas dans le piège: réaffirmons notre
attachement au droit international, appliquons les engagements
que nous avons pris (fût-ce unilatéralement, comme pour le
protocole de Kyoto), pesons de tout notre poids dans le concert
international dans le sens du multilatéralisme.
L’Education, condition de
l’épanouissement personnel et fondement de la société de la
connaissance
Impossible de parler de
démocratie sans parler d’Éducation: sans elle, pas de formation
de l’esprit critique nécessaire à la liberté, pas de citoyenneté
éclairée, pas d’épanouissement personnel des individus. La
gauche en a toujours fait une priorité. Il faut maintenant faire
preuve d’imagination. Nous avons globalement réussi la
massification du système scolaire, il faut maintenant réussir sa
démocratisation. La réussite scolaire reste fortement liée aux
origines sociales. L’égalité des chances reste un combat. Pour
cela, il nous faut améliorer encore la qualité de
l’enseignement. La qualité des enseignants n’est pas en cause.
Ce qui reste problématique, c’est les moyens qui leur sont
donnés pour remplir leurs missions, et le contenu de ces
missions elles-mêmes. Pourquoi, par exemple, ne pas proposer de
recruter plus de personnel dans l’Éducation nationale, et en
contrepartie renforcer le rôle des professeurs en matière de
suivi scolaire en dehors des cours?
Pour réformer notre système
éducatif et ainsi maintenir l'exigence intellectuelle qui le
caractérise, il nous faut regagner la confiance des enseignants.
Ce sont bien eux qui travaillent quotidiennement, avec
acharnement, pour défendre l'excellence scolaire. Au plus près
des élèves, ils connaissent leurs besoins. Certains responsables
de gauche ont fait preuve ces dernières années de mépris
vis-à-vis d‘eux. Ne retombons pas là-dedans. Depuis la
République des instituteurs, nous savons ce que nous devons aux
enseignants.
Les savoirs ne s’arrêtent pas à
la porte des écoles et ne sont pas intangibles. Il nous faut
promouvoir une société de la connaissance, fondée à la fois sur
la transmission des savoirs et sur la recherche. Redonnons des
moyens aux universités et aux organismes de recherche publique.
Il faut éviter les excès des financements privés grâce à des
règles adéquates sur les brevets.
Le projet 2007 devra être
ambitieux. Pour être mis en œuvre, il faudra également changer
notre manière de faire de la politique:
Écouter la voix des citoyens,
et en particulier de nos électeurs. Nous ne pouvons plus
fonctionner en circuit fermé. Les décisions ont vocation à se
prendre au sein de nos appareils militants, mais seulement si
ceux-ci ne sont pas imperméables au monde extérieur.
Prendre nos responsabilités.
Nous sommes choqués d’entendre des responsables, y compris dans
les rangs socialistes, tourner le dos à leurs missions. Peut-on,
quand on est un élu de la République, expliquer que « nous ne
renégocierons pas le traité constitutionnel parce que nous avons
toujours dit que c’était impossible », sans même essayer ?
Lorsque le peuple a donné un mandat, il faut le respecter, même
si c’est difficile. Si l’on ne s’en sent pas capable, il faut
laisser la place à d’autres.
Savoir se remettre en cause.
Quand nous menons une politique, nous sommes toujours motivés
par de bonnes intentions. Ce n’est pas pour autant que cela
marche à tous les coups. Institutionnellement, cela implique de
mettre en place des systèmes d’évaluation des politiques
publiques. Dans notre comportement, cela nous force à être
capable de tirer les leçons de l’expérience et à savoir admettre
que nous nous sommes parfois trompés.
Si nous en sommes capables,
alors seulement nous pourrons réussir l’alternance et
l’alternative à la droite.
Un 7ème Congrès
pour un nouveau MJS
Le 29 mai a été un tournant
dans l’histoire politique de notre pays. Il l’a également été à
l’échelle de notre organisation. Pour gagner en 2007 et entamer
un long processus de transformation sociale approfondie, il faut
un nouveau MJS.
En décembre 2003, la motion
majoritaire au Congrès de Lamoura affirmait ses très grandes
réserves sur le premier projet de constitution européenne. En
octobre 2004, après que plusieurs fédérations se soient
prononcées volontairement, le Conseil National votait à son tour
contre le traité. Mais en décembre 2004, la direction Nouvelle
Gauche du Mouvement des Jeunes Socialistes prenait la décision
unilatérale de mener la campagne en faveur du « oui » aux côtés
du Parti socialiste, conformément à l’engagement de son courant
père Nouveau Parti Socialiste. Avec l’ensemble des autres
groupes politiques de la majorité du MJS nous avons condamné
cette prise de position contraire au vote des militants,
contraire à ligne politique adoptée lors du 6ème
Congrès, transgressant notre autonomie.
Pour nous, ce revirement ne
pouvait qu’être le résultat des pressions exercées par la
direction du Parti socialiste sur celle du MJS. Etre garant de
l’autonomie impliquait de ne pas céder. Ce n’est malheureusement
pas ce qui s’est passé. Cela est d’autant plus regrettable que
nous faisons tous le constat régulier du désenchantement de la
jeunesse face aux renoncements des politiques. Or, la direction
du MJS n’a rien fait d’autre que mettre ses convictions au
placard pour satisfaire des intérêts bien éloignés de ceux du
socialisme. Et ce résultat est naturel. Arnaud Montebourg a
récemment affirmé : « Solférino n'est plus
le nom d'une victoire, mais celui d'un blockhaus administré par
des autruches ». Il est à craindre que, les mêmes causes
produisant les mêmes effets, vivre son engagement de jeune
socialiste dans les couloirs et antichambres du siège du Parti,
n’aide pas à s’émanciper des petits jeux d’appareils, ou à vivre
pleinement son autonomie. Cela doit changer.
Un argument nous a notamment
été régulièrement opposé, sur lequel nous souhaitons revenir :
celui de l’intérêt électoral du PS. A plusieurs reprises, en
Bureau national, certains camarades ont théorisé l’idée selon
laquelle l’intérêt électoral du PS dominait tous les autres
principes et que pour le satisfaire il fallait que le MJS se
mette à la disposition de la campagne du « oui ». Or, pour nous,
deux confusions majeures ont été commises.
La première consiste à mêler
campagne électorale et campagne référendaire. Pour nous, ce sont
deux événements très différents. Dans le premier cas, le Parti
désigne ses candidats et le MJS les soutient sans qu’il n’ait
jamais à se prononcer. Ici l’argument « intérêt électoral » est
pertinent. Le MJS n’a pas pour tâche de présenter ses propres
candidats, c’est une évidence. Il est l’organisation de jeunesse
du PS et doit donc soutenir ses candidats. Mais dans le second
cas, ce n’est plus une simple question de personne, c’est une
question idéologique. Sauf à prendre le risque de perdre son âme
et de remettre en cause le principe d’autonomie, le MJS ne peut
pas agir contre la ligne politique que ses militants se sont
souverainement donnés. L’autonomie est définie par deux
aspects : notre liberté dans le choix de nos responsables et
notre liberté dans le choix de notre ligne politique. Mener une
campagne contraire à nos idées, c’est renoncer à être autonome.
A fortiori lorsque, comme nous nous en doutions, le référendum
porte sur un sujet crucial, au fondement même de notre
engagement de jeunes socialistes.
La seconde réside dans la
prétention que mener la campagne du « oui » serait
électoralement payante. Comment était-il possible de théoriser
pareille sottise, convaincus que nous étions du bien-fondé de
notre engagement antilibéral ? Sauf à croire béatement que le
poing et la rose suffisent à recueillir des suffrages, sans
qu’il soit pour autant nécessaire d’être en phase avec
l’électorat. Car c’est malheureusement cela qui transpirait du
discours de quelques camarades, dont certains auront peut-être
un avenir à la tête du MJS si ce dernier ne change pas
radicalement. Cela aussi n’est pas admissible.
Les groupes politiques qui ne
partageaient pas cette analyse ont décidé de mener la campagne,
en tant que socialistes, dans la jeunesse. Egalité Jeunes
Socialistes l’a fait. Le plaisir que beaucoup d’entre nous ont
pris dans cette campagne, cette joie, au-delà des appartenances
partisanes ou claniques, à se battre pied à pied pour faire
gagner ses idées, chacun donnant le meilleur de soi-même, ont
fait plané un doute dans notre esprit. Ce doute s’est accru en
observant ce même engouement auprès de jeunes militants du
« oui », broyés par le Congrès de Lamoura, mais retrouvant le
bonheur de militer dans un cadre où l’intelligence remplace le
rapport de force. Ce doute touche au plus profond de notre
engagement au sein du MJS. Cette organisation autoproclamée
autonome dont nous voyons bien que sa réalité est toute autre,
cette organisation dirigée par un seul clan dont les permanents
sont rémunérés par le Parti et les directives venus d’ailleurs,
cette organisation où le moindre contradicteur est jugé comme un
blasphémateur, cette organisation n’est pas celle de tous les
jeunes socialistes. Chacun n’y a pas sa place.
Dès lors, la question d’une
sortie de l’organisation se pose. Nous y avons réfléchi. Cette
éventualité revient régulièrement dans nos débats. La dernière
campagne nous y incite car elle a mobilisé beaucoup de jeunes
qui n’auraient jamais fait, et ne feront jamais, le pas de
rejoindre le MJS. Mais nous voulons croire que le MJS ne suivra
pas la voie bureaucratique du PS, et qu’il saura se refonder sur
de nouvelles bases. Pour cela, à la lumière de l’expérience,
nous retiendrons trois questions majeures. Espérons qu’elles
puissent éclairer notre route jusqu’au mois de décembre
prochain.
La première est celle de
l’autonomie. Egalité Jeunes Socialistes a longtemps critiqué le
principe même d’autonomie, considérant à juste titre qu’il
n’était qu’une proclamation sans existence réelle. Il suffit de
comparer la carte des groupes politiques du MJS avec celle du PS
pour s’interroger sur la pertinence de l’usage d’une telle
rhétorique. De même, les positions identiques de NPS et du MJS
concernant la campagne référendaire sont éclairantes. Sauf à
vouloir sciemment leurrer de nouveaux militants pour mieux les
contrôler, l’autonomie est sans objet immédiat et concret, sur
le plan national, depuis dix ans. Tout juste pourrait-elle être
un pari ou un but. Petit à petit, parce que paradoxalement
Egalité Jeunes Socialistes, réseau des jeunes proches de Laurent
Fabius, est l’un des plus autonomes du MJS, nous nous sommes
convaincus qu’un certain degré d’autonomie était de tout de même
possible. Mais il suppose deux choses : tout d’abord une grande
éthique militante de la part des jeunes, ensuite un authentique
respect de la part des aînés. Ethique et respect sont les deux
jambes d’une autonomie véritable. Dans la période récente, les
deux ont manqué. Notre éthique militante aurait dû nous conduire
à faire le choix de nos idées et non ceux d’intérêts
particuliers ou étrangers au MJS. Le respect aurait dû interdire
à l’entourage de certains responsables du PS d’exercer des
pressions honteuses. Pour refonder le MJS, il nous faut
redéfinir l’autonomie, au-delà des aspects fonctionnels, en lui
donnant une substance plus grande. L’autonomie c’est non
seulement désigner ses responsables et définir sa ligne
politique souverainement, c’est aussi un certain devoir de
désobéissance politique dès lors qu’il contribue à renforcer le
camp socialiste dans son unité et c’est avant tout le moyen
d’émanciper les jeunes socialistes des combats passés pour leur
permettre de mener les leurs. Le MJS est une avant-garde pas un
suiviste.
La seconde est celle de la
collégialité. Depuis 10 ans, le carburant du MJS c’est le
rapport de force. Expression magique sensée tout expliquer, le
rapport de force est sans cesse le déterminant de toutes les
discussions. Compte tenu des enjeux ridicules qui sont les
nôtres, de la toute petite taille de notre organisation dont les
effectifs stagnent depuis dix ans, cette notion est absurde. La
mainmise d’un groupe politique sur l’ensemble de l’appareil,
maintenant ses positions à l’image de la majorité du Parti et
avec les mêmes outils, n’est pas tolérable. L’organisation de
jeunesse du Parti socialiste doit être celle de tous les jeunes
socialistes sans exclusive. Au Congrès de Lamoura, la prime
majoritaire au Bureau national avait été supprimée, c’était un
premier pas. Désormais, il convient de faire en sorte qu’un seul
groupe politique constitué ne puisse pas être seul majoritaire
dans l’ensemble des instances. Pour cela, deux voies sont
possibles : l’affrontement ou le débat. Dans le premier cas, il
ne fait aucun doute que le MJS exploserait en de multiples
organisations socialistes de jeunesse. Dans le second cas, un
nouveau grand MJS est possible, véritable fédérateur de toutes
les identités du socialisme français. Dans le registre de la
nécessité d’une plus grande collégialité, la question du
permanentat doit être posée. Le recrutement ne peut plus être
discrétionnaire et le contenu des missions a besoin d’être
clairement mis à plat. De même le cumul des fonctions politiques
et d’administration n’est pas acceptable : un permanent ne
devrait avoir aucune responsabilité de nature politique dans le
MJS à l’échelon national.
La troisième est celle du
territoire. Le MJS s’est donné pour objectif d’exister dans
l’ensemble des départements français. C’est une fiction. Cette
obsession à court terme est illusoire. Il ne sert aujourd’hui
qu’à renforcer un groupe déjà majoritaire au Conseil National.
Cela est peut-être difficile à entendre, mais le moment est venu
de le reconnaître. Il conviendrait de diversifier les structures
d’organisation des jeunes socialistes sur le territoire. La
création de groupes dans les établissements d’enseignement
supérieur ou du secondaire, dans les entreprises où les jeunes
sont traditionnellement nombreux, devrait être rendue possible.
Le seuil de création d’une fédération pourrait être relevé pour
garantir un certain pluralisme et une bonne représentativité des
Animateurs Fédéraux au sein du CN. Il est en effet inacceptable
que les nouvelles créations de fédérations soient réalisées
unilatéralement par un seul groupe politique, et sans que jamais
ces fédérations ne se développent par la suite. Il y a là un
problème majeur qu’il faudra régler. Surtout si l’on considère
que ces fédérations pèsent près de 80% du CN. L’échelon régional
pourrait être supprimé, sauf dans les régions où les fédérations
sont très faibles. Dans les espaces où le MJS est le plus
difficile à construire, un soutien financier du national est
nécessaire. Le budget serait plus utilement dépensé sur le
terrain, là où les militants ont besoin de moyens pour exister,
plutôt que dans les locaux de la rue de Solférino. Nous
proposons une nouvelle architecture de notre organisation. Des
groupes locaux partout sur le territoire, des fédérations
lorsque ces groupes rassemblent suffisamment de militants et des
régions lorsque le nombre de militant dans chaque département
est trop faible. Le Conseil National devrait être composé
paritairement des responsables départementaux et régionaux d’une
part, des représentants des motions d’autre part.
Le Nouveau MJS que nous voulons
sera autonome, collégial, et ancré dans la réalité de la vie de
la jeunesse. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra être un acteur
crédible du projet de 2007 et porter efficacement la voie de la
jeunesse à gauche.
www.egalitejeunes.org
contact@egalitejeunes.org
Premiers signataires
membres des instances nationales :
David ASSOR (BN-95), Nicolas
BAYS (SBN-62), Jérémie BERIOU (BN-77), Mickaël CAMUS (AF-27),
Franck FIANDINO (AF-48), David FONTAINE (DR Haute-Normandie-76),
Charlotte GOUJON (AF-76), Lysiane KOWALSKI (DR
Nord-Pas-de-Calais-62), Bertrand LASBLEIS (CNA-72), Guy-Eric
LEMOULAND (AF-72), Grégory MÊCHE (SBN-94), Julie MERY (SBN-93),
Nelly MORISOT (SBN-75), Hocine NORDINE (AF-38), Guillaume QUERCY
(Président CNA-77), Hadrien REGENT (BN-76), Bruce RITTER
(AF-62), Philippe SERRE (DR Languedoc-Roussillon-48), Mattieu
STIEVET (CNA-60)
[1]
Selon le rapport public du Conseil d’Etat de 1992,
« les règles qu’un Français doit respecter sont
désormais d’origine communautaire une fois sur six »,
et le ratio est amené à augmenter car « plus de la
moitié des textes nouveaux sont d’origine bruxelloise ».
[2]
L'Homme à la
colombe,
1957, publié sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi.
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