« Il y a chez Joël Leick cette attention rare portée à un présent en mouvement. S'en saisir requiert une disponibilité de chaque instant. C'est cette manière de travailler dans l'instant, au contact d'un réel scruté au plus prêt d'une actualité, des mots, le frottement du corps en contact avec la rugosité du monde…, qui m'a particulièrement impressionné. Et puis sa gestuelle rapide, précise, qui longtemps contenue explose soudain. Son territoire est toujours en devenir, en mouvement, en rémanences. Il se déplace au gré des inflexions de la voix, des déclics de l'appareil photo, des trajectoires de la marche » . Eric La Casa.
Un texte sans cesse

Joël Leick : journal 2001, lecture - Eric La Casa : musique, prise de son

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mercredi 21 février
Ta bouche : une perversion de cimetière.

Samedi 24 février,
Faire qu'une lettre couvre le puits. Dans la ceinture se cache le fouet, ça bande plus bas puis ça s'effrite comme de l'argile.

Dimanche 25 février,
Le réel est plein d'eau.

Mardi 27 février,
Je m'annonce par la note, l'obtention de cet espace comme les faiblesses d'un corps. Bouche organisée.

Jeudi 1er mars,
L'inévitable dette. Ça produit un désordre mental.

Vendredi 2 mars,
Détachement de l'eau. La réponse.

Dimanche 4 mars,
Hors d'eau, je me dissimule dans l'angle sensible du ricochet.

Lundi 5 mars,
L'orée du refus : est-ce aplatir l'horizon, couvrir l'œil, le geste qui balafre le pré ?

Vendredi 9 mars,
Il existe un ourlet de terre où se couche le ressentiment.

Samedi 10 mars
L'homme des ressentiments provoque ce qui ressemble à son activité. Il allonge le bras, bascule ses reins, oriente un poing ou sa langue contre l'écueil.

Lundi 12 mars,
Qui me parle de réserve dans la couche de noir luisante comme le reflet de tes tempes humides.

Mardi 13 mars,
L'échange c'est bien la mise en bouche de la semence.

Mercredi 14 mars,
La demeure est-ce un palais de charogne ou cet écart de jambes sur l'immense flaque. Tout ne serait donc que reflet, persistance de la mémoire par un retour d'images floues.
Si 2 baguettes de bois profitent d'un soleil rare, pourquoi ne pas vivre avec le collier et la laisse des jours sombres, il y a de toute façon un espoir tendu telles 2 mèches de cheveux tendres.

Jeudi 15 mars,
La base : une rigole sale; le haut : un palier dont l'ascension corrige l'effort en une ardeur superbe.
Se faire du mal ne veut plus rien dire. Regardons quelques pics sur le bras du voisin.

Vendredi 16 mars,
Bouche : dessin habité par l'exemple péremptoire.
Le souffle. La tiédeur d'un courant proche de ce souffle incertain.

Samedi 17 mars,
Il s'installe dans la journée féconde. Il ne sait plus ce qu'il fait quand il termine de se branler au-dessus de l'évier. Je sais, il se retrouve bêtement vidé ou presque le gland logé entre ses doigts.

Dimanche 18 mars,
Tout détermine un vide, la livraison de la semaine : désarroi provenant d'un glas intérieur. Coulées inscrites là depuis l'origine du questionne-ment près du cœur.
Oui, la charpente du corps où peu de choses se dissimulent, parlons franc, comment peut-on cacher un sentiment, les yeux révèlent tout, les mains une véritable radiographie, les jambes tremblantes ou calées sous la table désignent la couleur de ce qui s'agite. Le feu viendra dans l'attente d'une bouche quand celle-ci s'annoncera, le feu servira le champ à atteindre. La fluette laque rouge du couloir habite encore l'œil. Si toute flamme aspire le contenu d'un regard, la voix enveloppe ce qui quitte le corps. Dimanche, je commence très lentement. Descendre la rue Lepic.