La peinture vide au point de contenir ses propres formes

 

Philippe Gautret

Peintre, écrivain

Quelques remarques sur son travail
Réserve de repeuplement (extraits)
Avec d’un côté « La peinture vide au point de contenir ses propres formes » toute matière retraversée :
Une figuration « achevée » dans son renversement.
C’est à dire qui ne devrait plus rien à la représentation que d’être « inoculée » comme elle au travers des corps, dont toute la chaîne vivante atteste de la réalité de l’expérience et de sa saisie.
Il est des « images » comme des gestes que produiraient ces corps qui, devant elles et pour un oeil véritablement renversé, nous dissuadent de nous comporter ; des façades par lesquelles se défenestrer ouvre l’espace de leur possibilité interne en avant de nous.

L’atelier, un filtre et une écluse :
L’enjeu est ici que cette forme de figuration soit enfin fondée de la trace qui la génère, s’appuyant en réserve de celle-ci, et d’autre part, de ce que, différant l’espace dans lequel elle se vérifie, ainsi que l’issue des drames qu’elle déploie pour se dire - et avec eux, ensemble, la dimension figurée qui réalise sa fiction - ils n’en soient que les « gangues » échouées au point où ils devraient cesser de devenir pour se représenter.
Cette méthode (au sens étymologique de détour), précédant l’apparition de tout élément « figuratif », en déconstruisant dès lors par avance toute dramaturgie liée à la représentation, induit ce retour permanent, qui consiste à en revenir toujours et encore à la Figure.
Figure -- ou cette face aveugle autant qu’elle est opacité de la peinture (par exemple opposée au dessin qui est transparence), en tant qu’elle sera distinguée des figures qu’elle contient ; soit : cette scène du monde et au monde, à percevoir ici en tant que témoignage d’une attitude qui l’aura produite autant que du drame levé qui en aiguillonne l’expérience. Mais, attitude avant tout, dans la durée spécifique de cette re-présentation à elle du monde faisant retour ; - celle adoptée dans l’atelier d’abord - où tout se joue en même temps que peut être déjoué, de ce qui s’est un jour joué là, de drame ou d’histoire, qui demanderait à être défait, quand il n’était que de se surprendre des départs, du geste de s’absenter.
Du moins l’acte de voir, et de voir au-delà la simple « reconnaissance » de ces corps dramatiques de mémoire, s’en trouve-t-il esquissé dans le mouvement même de s’en saisir.
Mais plus encore ces figures insulaires peuvent - selon ce mode conditionnel et protocole de leur apparition - être manipulées et orientées dans le sens de ce que nous voulons assumer de responsabilité à partir d’elles. Et ce, cette jurisprudence, même si à chaque fois que produire un sens là où il n’y en avait aucun fixe la destinée d’un acte de par sa propension à faire advenir de l’humain, s’oppose qu’il n’est de tels actes, ni de liberté, sans une responsabilité équivalente ; en l’occurrence celle-ci sera justifiée, en contrôlant à chaque moment ce que l’expérience laisse rentrer ou non dans l’atelier de cette multitude qui s’engouffre, et d’un monde livré à ses phénomènes.
Confrontée au tangible, à son altérité qui la met à nu, l’expérience lui restitue cette responsabilité comme plus grande à tenir qu’elle-même, « peuplée » et nécessairement environnante ; où toute lisibilité pour elle-même induit ce délitement jusqu’à la structure indivis qui lui tient lieu de socle, et, singulièrement circonscrit, isolé, le drame seul lié au caractère existentiel que ceci peut comporter s’en trouve-t-il évité au plus près de la surface, non la réalité approchée.
Autrement dit, le drame de ces figures déconstruit dans la « Figure », au sens étendu d’en différer l’évidence, jusqu’au point de saisie où s’échangent les expériences nourries par un même support : dépôt dont l’identité de trace pourtant recourt à leur pluralité, pour le temps de quelque décollement de plans (A.Artaud), en démentir l’inanité de chose.
Avec d’un côté la capacité de présence développée par la Figure, et de l’autre, la durée de son démantèlement en ces différents courants d’altérité qui la constituent, ce qui résiste alors et dont semble dépendre toute actualisation, ou le sens même appelé sans cesse à se déterminer de chaque tracé qui le relance.
Même si peut-être l’effacement, lorsqu’il n’est pas total, enfonce alors l’expérience sous une couche de cendres bleues… pendre la mesure du retrait : l’effacement, la dimension de celui-ci, s’effectue d’abord de manière subjective et contemplative, d’une part, quand il s’est exercé continûment jusque là sur la structure des formes apparues ensuite - et toujours, une couche s’ajoutant à l’autre : reste à effectuer en arrière : car nous ne pouvons sortir d’une de ces peintures que par devant, chaque couche nous rejetant plus en arrière encore jusqu’à, dans le jeu de lignes et organes en suspens de ces bases gestuelles, en dégager les arcanes mêmes.
L’appui ou l’éclat d’os d’une main vérifiant la colonne vertébrale qui la soutient ou le décimement des becs qui la dévore.

Texte de Philippe Gautret

Parcours et repères bio-bibliographiques
Philippe Gautret, né en 1963 à Nantes, vit et travaille à La Rochelle depuis 1998, disparition le 00 avril 2005

Nombreuses expositions

personnelles
Entropographies Forum des Cordeliers, Toulouse (catalogue), 1992
Les écorchés de l'eau, galerie Le Bond de la Baleine à Bosse, Toulouse (plaquette), 1996
Réserve de repeuplement, Salle de la Dragonne, St. Juire Champgillon, 1999
Rétrospective : Pages d’ateliers 1991-2001 Parc des facultés de Nantes (plaquette) 2002
Effacés &Tables de mutations (espace privé) Béziers, 2005

collectives
Centre Culturel de L'Albigeois avec les Ateliers Huit sur Huit, 1981
La ruée vers l'art, (Portes ouvertes sur les ateliers) 1988
Palimpsestes et Entropographies, plus de 1200 dessins au fusain, 1988 à 91
Performance : Le chant des peaux, dans le cadre de « L'université au défi de la culture », (Toulouse Le Mirail). 1991
Artistiques 92, deuxième biennale de Toulouse (Artothèque & Palais des Arts) 1992
Deuxième biennale des arts du geste, Grenade s/Garonne. (Mural in situ dans une ancienne laiterie: 580 x 240). 1994
1er Salon d'Art Contemporain de Verdun s/Garonne. 1995
Opercule - Eglise de Clermont le fort (cinquantenaire INRA -- « Entre ciel et terre »). 1996

Gravure
Suite de 3 eaux-fortes sur cuivre pour le tirage de tête de « Pourquoi si calmes » André du Bouchet, ( Ed. Fata Morgana). 1996

Collections privées
Fondation Bruno Roy (Fata Morgana), Montpellier, 1997

Aides à là création
F.D.A.I.J. bourse du conseil général du Tarn, pour la création d'un atelier d'art graphique, 1987
Conseil Régional Midi-Pyrénées,1991
DRAC Midi-Pyrénées, 1997
Prix de peinture des mouettes de La Rochelle (2eme Prix) 1999 et
(1er prix) expositions aux archives Départementales et conseil général, 2000

Bibliographie

« Le roncier » François Clément, catalogue du forum des cordeliers, ClAM, Toulouse, 1992
« Il s’agit ici » Jean Noël Hislen, catalogue Université de Nantes, 2002

Ecrits sur la peinture

Blanc en retrait du noir, 1993 (70 exemplaires H.C dont 30 avec un dessin original)
Au détour des parois, Géométries insulaires, (Ecrits pour le N°l des cahiers de LA VE ) Toulouse, 1995
Les cubes. 1992 (sur le travail de peinture de Catherine Bordenave)
L'atelier, une gare de tri. Des voyageurs, 1997
X - ou l'inconnue de l'eau, 1997, à propos du travail de photo de Catherine Bordenave, (plaquette de la Blanchisserie)
Pavés de cendres, plaquette de la Blanchisserie1997) 1997
Réserve de repeuplement, 1999 « à propos de» l'exposition de St Juire Champgillon
Jason ou l’impossible, récit (sur le travail de Rolino Gaspari) Les remparts du vent, 2000
Essai sur les machines d’écriture 1995, suivi de : Table d’orientation 1994, (sur le travail de Jean-Paul Héraud) Les remparts du vent, 2000

Autres écrits

Morsures de sel ou d'un haruspice ouvrier, (extrait publié dans la plaquette du B.B.B) 1996
Midi au sol atelier, ( recueil)
* Au détour des parois,
* Les Ateliers de la Vère, 1997
* Sels amers, 1998
Tringlerie de l'oiseau, Les remparts du vent,1999
Géométrie des espaces vierges, (nouvelle) 2001
Précis de partition de quelques pierres et du vent levé, (sur le jeu de go) Les remparts du vent, 2001
A la nécrose des temps, (essai) Les Remparts du vent, 2001
Le carnage des élytres, (nouvelle) 2002
La passion de Louise, 2005

Organisation
Exposition à « La Blanchisserie » de deux « photographes-plasticiens » invités à domicile, L'Isle en Dodon, (plaquettes : 5 photographies de Catherine Bordenave, Pavés de cendres et 12 photographies de C.Delannoy) 1997
Création de l'association: « Les Remparts du Vent » (pour la création d'Ateliers d'art contemporain à La Rochelle et d'un espace d'exposition représentatif de la scène artistique nationale) 2000
« Exposition «Picturale et Sonore » Jean-Paul Héraud / Guy Raynaud, ancien Marché de l'Arsenal, La Rochelle. (publication à cette occasion de deux textes sur le travail de Jean-Paul Héraud :
« Essai sur les machines d'écriture », suivi de « Table d'orientation », 1994-95

Edition avec Les Remparts du Vent
Survie, Danielle Collobert, (réédition) 2000
« à H*** », Philippe Denis, publication poèmes, 2002 (tirage limité accompagné de 2 mines de plomb)
Essai sur les machines d’écriture, Plaquette d’exposition, 2000
X – ou l’inconnue de l’eau, Philippe Gautret, sur une photographie de Catherine Bordenave, 2000
Précis de partition de quelques pierres et du vent levé, (tirage limité) 2001
(quelque chose de) la colère des arbres, Philippe Gautret, sur le travail de 2003, Catherine Bordenave « Jardin Public »
Jason ou l’impossible récit, Philippe Gautret sur le travail de Rolino Gaspari, 2005
Pavés de cendres, Philippe Gautret sur des photographies de Christophe Delannoy, 2005

Accrochages divers
Bertrand Vivin, Bibliothèque universitaire du Mirail, 1993 : Jean-Paul Héraud à la Chapelle St.Jacques, St.Gaudens, 1994 : « Cloués nus aux poteaux de couleurs » exposition collective, (Valensi, Parent Vivin, Gaspari, Héraud ... etc) : ClAM Toulouse 1994 : Catherine Bordenave, Maison de la musique de Nanterre 1998