Le bon service.


 
Le restaurant



La serveuse se précipite sur le client qui vient d’entrer dans le restaurant désert.



La première serveuse

Bonjour, monsieur. C’est pour manger ?

Le client

Heu, oui.

La première serveuse

Installez-vous où vous voulez. Mettez-vous là, vous serez bien.

Le client

Merci.

La deuxième serveuse

Excusez-moi, monsieur. Je peux vous demander de vous placer à une autre table ? Celle-là par exemple, vous y serez mieux. On n’aurait jamais dû vous installer à la table là-bas. Je suis vraiment désolée.

Le client

Ce n’est pas grave. Merci.

La première serveuse

Heu… Excusez-moi mais je peux vous demander de vous remettre à la table où vous étiez tout à l’heure ? Elle est plus confortable. Je ne sais pas pourquoi on vous a déplacé ici. Voilà. C’est mieux, n’est-ce pas ?

Le client

Heu, oui… peut-être…

La deuxième serveuse

Monsieur… C’est gênant pour moi de vous dire ça, mais je ne comprends pas pourquoi vous êtes revenu à cette table. Si vous la préférez, ce n’est pas grave, vous pouvez y rester, mais à l’autre table vous seriez beaucoup mieux.

Le client

Bah ! Je pense que je vais quand même rester ici, si vous voulez bien. Je suis venu pour manger et pas pour déménager de table en table. Voyez avec votre collègue…

La deuxième serveuse

Ah ! C’est elle… Je m’en doutais un peu. Je vous apporte la carte.

Le client

Merci.

La première serveuse

Voilà la carte, monsieur. Désirez-vous un apéritif ?

Le client

Oui, un martini, s’il vous plait.

La première serveuse

Bien. Je ne vous recommande pas les poissons, ils ne sont pas très bons aujourd’hui. Je reviens avec votre martini.

La deuxième serveuse

Voilà la carte… Ah ! Vous l’avez déjà ? Encore elle… Désirez-vous un apéritif ?

Le client

Heu, ben ! Il est commandé…

La deuxième serveuse

Encore elle… Que désirez-vous manger ? Je vous conseille les poissons qui sont très bons aujourd’hui.

Le client
Heu, on me les a plutôt déconseillés mais…

La deuxième serveuse

Encore elle… Eh bien ils sont quand même très bons. Je vous conseille le filet de sandre qui est vraiment très réussi.

Le client

Bah oui, un filet de sandre, alors…

La deuxième serveuse

Très bien, je vous apporte ça. Et que désirez-vous boire ?

Le client

Un verre de rosé.

La deuxième serveuse

Je vous conseille plutôt le blanc qui est excellent et, en plus, il accompagnera très bien le poisson.

Le client

D’accord, un verre de blanc.

La deuxième serveuse

Je vous amène tout ça.

La première serveuse

Voilà votre martini. Vous avez fait votre choix ?

Le client

Heu… ben, c’est fait. La commande a été prise.

La première serveuse

Ah ! C’est elle… Qu’avez-vous pris ? Je suis sûre qu’elle va se tromper, comme d’habitude.

Le client

Un filet de sandre…

La première serveuse

Mais… je vous avais déconseillé le poisson…

Le client

Votre collègue m’a dit…

La première serveuse

Encore elle… enfin, tant pis pour vous. Vous avez choisi le vin ?

Le client

Oui, il est commandé.

La première serveuse

J’espère que vous n’avez pas pris du blanc. Il est très mauvais. Le rosé est bien meilleur.

Le client

Ben si, j’ai pris le blanc. Votre collègue…

La première serveuse

Encore elle… Enfin tant pis, je vous ai prévenu.

La deuxième serveuse

Voilà votre filet de sandre. Mais… vous n’avez pas terminé votre apéritif ?

Le client

Bah, il vient juste d’arriver.

La deuxième serveuse

Ah bien sûr, c’est elle, toujours en retard quand il s’agit de travailler. Tant pis pour vous, c’est vous qui avez voulu lui commander l’apéritif... Avec moi, vous l’auriez eu plus tôt.

La première serveuse

Tout se passe bien ? Mais… vous n’avez pas de pain ? Et le vin, vous ne l’avez toujours pas ? Si vous êtes mal servi, dites-le moi, car avec elle il faut s’attendre à tout, surtout au pire. Je vous amène le pain.

La deuxième serveuse

Voilà le vin. Tout se passe bien ? Le poisson est bon, n’est-ce pas ? Je vous l’avais dit, il ne faut pas écouter n’importe qui. Ah ! Mais je vois qu’il manque le pain. Je vous l’amène.

Le client

Heu… ce n’est pas la peine, votre collègue…

La deuxième serveuse

Ma collègue, elle pourrait se remuer un peu. Enfin, tant pis pour vous. Ca fait longtemps qu’elle vous a promis ce pain ? Avec elle, vous risquez d’attendre jusqu’au déluge. Ce n’est pas une rapide. Elle est née comme ça, ce n’est pas sa faute, c’est une mollassonne.

La première serveuse

Voilà votre pain. Heureusement que je suis là car s’il fallait compter sur elle… Elle est bête, c’est tout ce qu’on peut en dire. Je vois qu’elle vous a apporté votre vin blanc. Il est mauvais, n’est-ce pas ? En tout cas, tout le monde le dit, il n’y a qu’elle pour soutenir le contraire. Entre tout le monde et elle, qui a raison, à votre avis ? Je vois que vous avez terminé. Je vous débarrasse et je vous apporte la carte des desserts.

La deuxième serveuse

Elle vous a débarrassé mais elle n’a même pas retiré les miettes sur la nappe. C’est vraiment du travail bâclé. Je ne comprends pas que personne n’ait compris que c’est une feignasse incompétente. Enfin… pour s’en sortir, elle doit coucher avec le patron. Je vous apporte la carte des desserts.

Le client

Heu, c’est pas la peine, elle m’a dit qu’elle…

La deuxième serveuse

… vous l’apporte. Vous n’êtes pas près de la revoir. Enfin, tant pis, si vous lui faites confiance... Mais ne prenez pas la tarte du jour, elle est plutôt mauvaise aujourd’hui. D’ailleurs, je devrais plutôt dire qu’hier elle était infecte, car c’est un restant d’hier.

La première serveuse

Voilà la carte des desserts. La tarte du jour est aux abricots. Elle est très bonne et bien fraîche.

Le client

Votre collègue m’a dit…

La première serveuse

Ah ! Elle… encore. Elle n’y connaît rien, elle est nulle. Pour travailler ici, elle a dû coucher avec le patron, sinon je ne comprends pas qu’on la garde. Elle fait fuir les clients avec sa bêtise et ses conseils idiots. Moi, je sais ce que je dis et je vous dis qu’elle est très bonne, cette tarte.

Le client

Bon, alors la tarte du jour et ensuite l’addition.

La deuxième serveuse

Elle ne vous a pas encore apporté la carte des desserts ?

Le client

Si, si. C’est commandé…

La deuxième serveuse

J’espère que vous n’avez pas pris la tarte du jour.

Le client

Bah, si…

La deuxième serveuse

Mais… enfin, je crois bien vous avoir dit que cette tarte est dégueulasse. Pourquoi vous l’écoutez cette écervelée sans goût ? Elle est imbécile et incapable, je vous ai prévenu, alors pourquoi vous l’écoutez ? Enfin, tant pis pour vous. Si vous êtes malade, vous saurez d’où ça vient, et vous vous direz « Ah ! Si j’avais écouté les bons conseils ! ». Vous désirez un café ?

Le client

Non, merci.

La deuxième serveuse

Alors, je vous apporte l’addition.

Le client

Heu… ce n’est pas la peine. Elle…

La deuxième serveuse

… vous l’apporte à la saint-glinglin. Et quand vous l’aurez, vous y trouverez plein d’erreurs. Les clients n’arrêtent pas de se plaindre de ses erreurs. Elle est capable de vous compter trois fois le même plat. C’est peut-être pour ça que le patron la garde, ses erreurs augmentent la recette.

La première serveuse

Voilà votre dessert et l’addition. J’espère que cette pouffiasse ne vous a pas trop gâché votre repas…


Le client abandonne le dessert, règle l’addition sans la vérifier et s’enfuit en courant. Malgré le repas frugal, il pense qu’il va avoir une sérieuse indigestion car il a déjà une grosse boule dans l’estomac.

 


Le 26 juillet 2004.

Fabrice Guyot.