Le texte que nous publions a
été découvert récemment sur une
planète très lointaine, dans la galaxie d'Orion. Cette
planète, maintenant totalement désertique, a
été occupée pendant des milliers d'années
par une population d'origine humaine qui a mystérieusement
disparu il y a environ mille ans. Nous ignorons l'origine de cette
disparition qui a été, semble-t-il, soudaine. La
population a-t-elle émigré en direction d'une autre
planète ? A-t-elle été victime d'un cataclysme ?
S'est-elle éteinte doucement par manque de reproducteurs, de
reproductrices ou de ressources ? A vrai dire, nous connaissons bien
peu de choses sur cette planète et ses habitants (les fouilles
archéologiques sont en cours) mais ce texte semble
révéler qu'ils avaient atteint un niveau de
développement élevé. Leur technologie,
certainement d'origine terrestre, était même assez
avancée (voyages interstellaires, traitement bio-adaptateur
rudimentaire).
Le support sur lequel cet
écrit nous a été transmis est assez surprenant :
il s'agit d'une grande pierre plate où le texte a
été gravé au moyen d’un stylet métallique.
Cette technique de gravure sur pierre avec un instrument de fer, nous a
semblé très archaïque, même pour une
civilisation ancienne située sur une planète lointaine et
isolée. Nous avons supposé, dans un premier temps, qu'il
s'agissait d'un faux grossier, comme on en voit trop, destiné
à appâter les riches gogos sur les marchés
clandestins d'objets anciens. Cependant, la curiosité ainsi que
notre penchant pour l'archéologie nous ont incité
à mener des recherches approfondies afin de ne pas rejeter
prématurément un écrit aussi captivant. En voici
les conclusions que nous préférons publier avant le texte
afin que vous puissiez vous faire une opinion sur son éventuelle
valeur historique.
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Qu'il ait été
fabriqué à une époque récente par un
falsificateur inspiré ou qu'il soit un authentique vestige du
passé, ce texte est énigmatique à plus d'un titre.
Nous allons détailler brièvement les diverses raisons qui
nous font penser qu'il pourrait représenter une grande
découverte et devenir un témoignage irremplaçable
sur la civilisation disparue de cette planète.
En premier lieu, comme nous l'avons
déjà signalé, il a été gravé
sur un support assez inhabituel : une grande pierre plate,
soigneusement poncée avant usage. Cette pierre porte quelques
traces d'usure que les archéologues ont étudiées
de près. Ces traces leur ont permis de dater l'objet avec une
grande précision : il a été enfoui il y a 1 000
ans, à une période charnière pour la
planète puisque c'est à ce moment que la population
locale a disparu. Pour confirmer l'ancienneté de la pierre, les
archéologues ont analysé la strate où elle a
été découverte, et il s'est avéré
qu'elle date de la même époque. Bien sûr, on peut
nous objecter que cela ne prouve rien : il est possible, même
pour un individu d'intelligence moyenne, de se procurer tous les
accessoires permettant de simuler l'érosion due à
l'âge et ensuite d'enfouir l'objet sans laisser de trace.
Toutefois, nous trouvons curieux qu'un faussaire se soit donné
tant de peine (le ponçage de la pierre, l'usure artificielle, la
gravure, l’enfouissement à une profondeur précise) pour
tromper les quelques scientifiques peu prestigieux occupés, pour
un salaire misérable, à réaliser les fouilles sur
cette planète.
Deuxièmement, le texte a
été écrit dans une langue galactique très
ancienne qui n'est plus en usage depuis longtemps. Si cet écrit
est un faux, le falsificateur s'est donné bien du mal pour
s'initier à un langage complexe que plus personne ne parle
depuis au moins 1 000 ans. Seules quelques machines,
spécialisées en linguistique et en sémantique, le
maîtrisent encore assez bien, mais elles ne sont pas à la
disposition du premier venu et elles sont très difficiles
à programmer. De plus, nous n'avons remarqué (plus
précisément, les machines n'ont remarqué...) ni
faute de grammaire ni faute de syntaxe : le texte est absolument
parfait comme si l'auteur usait de son idiome naturel.
Troisièmement, on peut se
demander pourquoi un faussaire aussi érudit et habile se serait
lancé dans une telle entreprise pour se contenter de
déposer son œuvre dans un trou si profond (50 ilimers) qu'elle
n'avait quasiment aucune chance d'être découverte. Si la
police avait pris son auteur en flagrant délit, essayant de
vendre sa pierre à un collectionneur, nous pourrions comprendre
l’avantage qu’il espérait en tirer. Or l'objet a
été découvert par hasard et dans un endroit plus
qu’improbable (rappelons que la planète en question est
désertique et éloignée des voies intergalactiques
traditionnelles).
Quatrièmement, après
avoir analysé avec soin la pierre, les archéologues en
ont transmis un échantillon dans un laboratoire afin de
rechercher des traces d'origine organique. A priori, ils ne pensaient
trouver que des débris végétaux fossilisés
et incrustés dans la pierre, ce qui leur aurait permis au
minimum de confirmer l'ancienneté de l'objet, mais le rapport du
laboratoire a été formel : des traces infimes d'ADN
(à peine détectables même avec les machines les
plus modernes) ont été découvertes sur
l'échantillon. Et, encore plus curieux, un
séquençage de cet ADN a révélé, en
se basant sur le principe de mutation progressive des gênes,
qu'il ne pouvait provenir que d'un humain (légèrement
modifié) ayant vécu il y a un peu plus de 1 000 ans.
L'expérience a été réitérée
plusieurs fois et tous les résultats ont confirmé le
premier rapport.
Ces quatre
« preuves » nous ont semblé suffisantes
pour justifier la publication du texte qui va suivre. Grâce
à nos machines automatiques, et avec l'aide
d'encyclopédies linguistiques et sémantiques, nous sommes
parvenus à le traduire et nous pensons que la transcription que
nous en avons faite reprend, pour l’essentiel, le sens de l’original.
Cependant, nous ne pouvons pas prétendre à une
fidélité absolue car les langues anciennes étaient
entachées de nombreux défauts aboutissant parfois
à un sens corrompu ou ambigu : homonymies, synonymies,
hypallages, catachrèses, synecdoques, antiphrases, etc.
Malgré tous nos soins, certains concepts peuvent ne pas avoir
été traduits correctement (par exemple le mot
« Dieu » qui, dans le contexte du récit,
ne semble pas avoir la même signification qu'à notre
époque).
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Nos principes éthiques nous
interdisent de condamner et de jeter aux oubliettes un texte qui
pourrait avoir une valeur inestimable. Voilà pourquoi,
malgré les quelques éléments d'incertitude qui
subsistent quant à son origine, nous préférons
publier ce document - avec tous les avertissements d'usage - afin de
confier à nos doctes lecteurs le soin de le juger par
eux-mêmes. Bien évidemment, nous n'hésiterons pas
à interrompre le déroulement du texte quand nous le
jugerons utile, notamment pour expliquer certains points obscurs ou
mettre en exergue les éléments controversés.
Maintenant je vais laisser à
mon brillant collaborateur Tyrfesds Brezsa, le soin de commenter ce
texte en usant de son sens critique et de son talent.
L'éditeur,
Deazsocd Ioyunec.
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Avant de commencer, je tiens
à préciser que mes études et mes goûts me
portent plus du côté de la psychologie que de la
technique. Vous constaterez d'ailleurs que mes remarques concernant la
personnalité et le comportement du narrateur sont plus
fréquentes et plus pertinentes que celles portant sur la
technologie antique qui ne m'intéresse pas du tout. Je laisse
aux lecteurs, ingénieurs ou férus de technique, le soin
de faire leurs propres commentaires pour tout ce qui concerne les
machines et de me les envoyer : les meilleurs seront publiés
dans la revue le mois prochain.
Et maintenant, commençons...
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Nous nous sommes posés sans heurt. On venait de me tirer du
profond sommeil artificiel dans lequel j'étais plongé
depuis mon départ, six mois auparavant, et je ne me sentais pas
très bien. J'ai quitté lentement le vaisseau, mal
assuré sur mes jambes branlantes, essayant de ne pas tomber de
la passerelle. Je suis finalement parvenu en bas et j'ai foulé
en titubant le sol de l'astroport souterrain de la planète X.
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Le nom de la planète n'est
bien sûr pas traduisible. De plus, ce langage n'étant plus
parlé, nous n'en connaissons pas la prononciation et nous ne
pouvons même pas transcrire son nom en phonétique. Si nous
avions été moins puristes, nous n'aurions pas
hésité, pour faciliter la lecture et rendre le
récit plus captivant, à inventer un nom fantaisiste ou
à utiliser le nom actuel de la planète (très
facile à retenir : PLN 54231 GLX 5678 AMA 46098). Evidemment,
nous nous sommes interdit cette liberté et nous avons
décidé de privilégier la rigueur scientifique en
préservant la sécheresse initiale du texte.
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Après la vérification des passeports, certificats
médicaux et autres documents administratifs, ils me conduisirent
dans une salle d’attente où ils me laissèrent seul. Alors
que j'attendais qu'on vienne me chercher, je
réfléchissais à mon passé et à mon
futur. Je me demandais si je n'avais pas fait une erreur, si j'avais
bien pesé toutes les conséquences de ma décision.
J'avais déjà pensé à tout ça
longtemps avant de partir mais je ne pouvais pas m'empêcher de
continuer à y penser. Il était encore temps de changer
d'avis, il suffisait que je quitte cette salle, que je dise que je
n'avais plus envie, que je n'étais pas prêt, et que je
voulais repartir. Ils m'auraient fait embarquer sur le premier vaisseau
en partance (c'est ce qu'affirme la brochure officielle) et je serais
revenu chez moi et tout aurait pu recommencer comme avant. Mais
avais-je vraiment envie que la vie reprenne son cours habituel ?
Avais-je envie que tout redevienne comme avant ? A chaque fois que je
me posais cette question, la réponse était toujours non.
La décision que j'avais prise avait été sage, je
ne devais plus regarder en arrière et me lamenter sur mon
passé, il fallait que j'admette mon présent et que je
salue mon avenir. Pour ça, je devais accepter de tout
recommencer à zéro, accepter de vivre autrement,
ailleurs, et... sous une autre forme.
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Vous avez sans doute
remarqué que le récit est obscur dès les
premières lignes : personnellement, je ne comprends pas tout. De
quelle planète venait-il ? S'il venait de la Terre, on ne peut
qu'être étonné par ce passage. Peut-on quitter la
Terre, siège de la vie et source inépuisable de
beauté, sans regret, sans éprouver ce petit quelque chose
au cœur qui nous laisse une marque indélébile ? Nous
sentons dès le début que le narrateur n'est pas normal.
Nous devinons, cachés derrière les mots, des
problèmes existentiels graves qui, vous le constaterez
bientôt, influent sur son comportement et vont infléchir
son récit dans le sens d'un voyage dans le subconscient de son
moi et de la lutte bien connue de ce subconscient contre, d'un
côté le conscient, et de l'autre le surmoi subconscient.
Si vous n'avez pas compris mon
explication, ce n'est pas grave, j'aurai l'occasion de la reprendre
plus tard.
Continuons...
---------------------
J'étais à des millions de kilomètres de mon
ancienne vie et j'attendais qu'on m'introduise dans la salle
d'opération. Je me sentais à la fois heureux d'avoir
rompu avec mon passé mais aussi inquiet de ce qui devait suivre.
L’étape la plus délicate de mon voyage allait
bientôt commencer. Je savais que c’était
inévitable, irrémédiable, et je m’y étais
préparé. Après cette étape, je ne serai
plus jamais comme avant et je ne pourrai plus jamais revenir sur ma
planète d'origine.
---------------------
Les spécialistes savent bien
sûr de quoi il s'agit : la bio-adaptation. Les experts ne
pensaient pas qu'elle existait déjà en ces temps
reculés. Pour les quelques personnes qui n'ont jamais
éprouvé le besoin de quitter notre
planète-mère (comme moi) et qui n'ont jamais entendu
parler de cette opération (j'avoue l'avoir découverte
dans ce texte), voici quelques informations que j'ai glanées
dans le dictionnaire « La biologie humaine sens dessus
dessous » (acheté pas cher dans l'excellente
librairie Edasert, rue Ioptacle) :
Notre espèce, comme bien
sûr les autres espèces animales vivant sur Terre, est
adaptée pour vivre sur la Terre et uniquement sur la Terre. Nous
sommes trop délicats pour supporter les températures trop
chaudes ou trop froides. Nos corps se dissolvent dans les bains acides,
implosent sous les pressions trop fortes, explosent sous les pressions
trop faibles. Nos os se cassent quand nous tombons de quelques
mètres, notre chair est transpercée et se déchire
au moindre petit choc contre un objet tranchant ou contondant. Nous
déprimons dès que nous sommes seuls, nous
déprimons quand nous sommes en compagnie de trop nombreux
compatriotes. Quant aux micro-organismes, leur absence ou leur
présence est aussi dangereuse pour nous, du fait que certains
d’entre eux nous font vivre et que d'autres nous détruisent.
Sachant cela, on se doute que les planètes autres que la Terre
nous sont totalement antagonistes : soit elles sont impropres à
toute forme de vie (trop froides, trop chaudes, trop sèches,
etc.), soit elles ont une activité chimique et biologique
agressive pour notre corps (gazeuses, acides, peuplées de
micro-organismes hostiles, etc.). Pour nous permettre de coloniser ces
planètes, il n'y a qu'un moyen : nous devons être
« bio-adaptés ».
Si vous avez compris quelque chose
à ce charabia, bravo.
Bref, c’est cette opération
de « bio-adaptation » que va subir le narrateur.
Continuons...
---------------------
C’est devenu une opération très courante,
pratiquée des milliers de fois chaque jour. Mais, comme toute
opération, elle n’est pas infaillible à 100% et elle peut
aboutir à la mort de l'opéré ou... pire. Dans les
livres ou les journaux, on évoquait rarement ces accidents, ou
quand on citait quelques cas, on parlait d'incidents et on ne
détaillait jamais les séquelles ; les
« incidents » étaient peut-être trop
rares ou insuffisamment graves pour être jugés
intéressants. A moins qu'ils ne soient si effrayants qu'en les
révélant, on ait peur de faire fuir les éventuels
candidats à la colonisation des planètes
extragalactiques.
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Le Ministère de l'Equipement
des Colonies Extraterrestres
Le Ministère des Transports
vers les Colonies Extraterrestres
Le Ministère du Tourisme
Tranquille, de la Santé et de la Joie de Vivre
Le Ministère de l'Industrie
et du Commerce Intergalactique
Le Ministère de la
Santé des Populations Émigrantes
Le Ministère du Tourisme
Dangereux et des Vacances sur les Planètes Hostiles
nous demandent de préciser
que cette opération de « bio-adaptation »
est désormais parfaitement fiable (le taux d'accidents ne
dépasse pas le taux prévu par les statisticiens du
Ministère des Études et des Statistiques
Prédictives, lequel taux n’est pas très supérieur
au taux d'accidents survenus à des hérissons traversant
une autoroute en période de grand départ en vacances).
Les candidats à la colonisation des planètes
extérieures n'ont donc rien à craindre, ils parviendront
presque tous en bon état à destination.
Le Ministère des
Espèces Animales en Voie de Disparition et des Promenades de
Santé sur le Bord des Autoroutes
nous signale que les
hérissons ne traversent plus les autoroutes. D’ailleurs, il n’y
a plus de hérissons.
---------------------
Un homme en blouse blanche est venu me chercher, sans m'adresser la
parole et me regardant à peine. Il m'a conduit dans une petite
salle remplie d'appareils clignotants. Trois hommes également
habillés de blouses blanches, m'attendaient près de la
table d'opération où ils m’ont attaché
après m'avoir déshabillé. Puis ils m'ont fait une
piqûre avec une grande seringue et mon corps est devenu peu
à peu insensible. Après m'avoir frotté tout le
corps avec un antiseptique, ils ont vérifié ma perte de
sensibilité en m'enfonçant doucement une aiguille dans
les membres, sur la poitrine, et je n'ai rien senti. Ensuite, ils m'ont
fait des incisions sur les bras, les jambes, le thorax pour y faire
pénétrer des tuyaux. Je ne sais pas si ces hommes
étaient des médecins mais leurs gestes étaient
très professionnels, presque mécaniques. Ils ne parlaient
pas, ils ne me regardaient jamais dans les yeux. J'ai essayé de
remuer les lèvres pour leur poser des questions mais je ne
pouvais pas, je n'ai pu émettre que des grognements
incompréhensibles. Je voulais leur dire que je me sentais mal,
que je devais encore réfléchir avant qu'ils ne commencent
l'opération, avant que ma transformation ne soit
irréversible, avant qu'ils ne commettent un acte
irréparable, trop définitif. Mais je ne pouvais faire
sortir aucun son articulé de ma bouche pâteuse et ils ne
voyaient pas mes regards affolés, ils ne semblaient pas
s'intéresser à moi et à ma terreur.
---------------------
Voilà une attitude bien
curieuse des médecins. Cette partie du récit est
historiquement fort intéressante car il est bien évident
qu'à l'heure actuelle, ça ne se passerait pas ainsi. Les
médecins sont maintenant des gens sérieux, ils ont une
éthique stricte qui leur impose le respect du malade. Jamais ils
ne laisseraient un patient souffrir moralement comme nous le raconte le
narrateur, jamais ils ne lui feraient subir une transformation
biologique aussi traumatisante sans lui consacrer un long entretien
préalable pour le préparer, jamais ils ne le
brancheraient sur des machines sans l'apaiser avec des sourires
sincères, des paroles consolantes et une poignée de main
fraternelle. À ce moment du récit, on ressent fortement
la différence d'époque. Cette scène nous
paraît barbare mais elle n'est que le reflet d'un passé
barbare.
J'ai subi récemment une
intervention (je ne m'étendrai pas sur ces problèmes
privés, je dirai seulement que le chirurgien m'a remplacé
quelques organes majeurs, le cœur, les poumons, les reins, la
moitié des intestins, l'œil gauche, une partie de l'œil droit et
quelques autres choses de moindre importance comme le scrotum et son
contenu). J'ai pu constater à cette occasion que mon
médecin traitait ses patients avec beaucoup d'humanité et
de sérieux. Si votre médecin ne se comporte pas de cette
manière, je vous donne l'adresse du mien : docteur Ezvresnt,
clinique Ropabre, 20343 rue du Ghubaire. Allez-y de ma part, vous
bénéficierez d'une réduction substantielle (le
remplacement des deux poumons vous donnera droit gratuitement à
un cœur tout neuf : ne réfléchissez pas trop, c'est une
affaire à saisir rapidement).
Remarque : la publicité
étant interdite dans cette revue, je tiens à
préciser que je me contente de diffuser des informations utiles
aux lecteurs (on ne sait jamais quand on aura besoin d'un nouveau cœur,
il est donc préférable de le changer avant l’usure
complète, laquelle usure nuit beaucoup à la santé).
---------------------
Il n'y avait rien qui ressemblait à de l'improvisation dans les
gestes de ces hommes. Tout avait été prévu par
avance, tout était balisé, et ils me donnaient
l'impression de suivre méticuleusement des règles
précises qui n'autorisaient aucune originalité, aucune
déviation, c'était un protocole rigide et sans faille.
Les tuyaux enfoncés dans mon corps étaient solidement
attachés et ils palpitaient déjà comme si les
machines étaient impatientes de commencer leur tâche. Les
hommes en blanc ont quitté la salle, les uns derrière les
autres, après avoir vérifié l'état des
tuyaux qui me reliaient aux machines et enclenché quelques
interrupteurs. Ils avaient terminé leur travail et ils passaient
le relais aux machines automatiques. Dans quelques instants, ces
machines tranquilles et ronronnantes allaient me pomper tous mes
fluides corporels, les faire circuler dans un réseau complexe de
tuyaux, de canalisations, de mélangeurs et de filtres, puis
allaient les purifier, les mélanger, les modifier, les
transmuter pour qu'ils me soient réinjectés après
transformation. L’opération devait durer quelques heures.
Après, je pourrai sortir de la salle, tout neuf, prêt
à vivre sur cette planète.
---------------------
N'oublions pas que 1 000 ans se
sont écoulés depuis l'écriture de ce récit
(si le récit date bien de cette période, ce que nous ne
pouvons pas encore affirmer). A l'époque (mais aucun document
digne de confiance ne corrobore cette information, par exemple le
dictionnaire dont je vous ai déjà parlé,
acheté pas cher, là où vous savez), il semblerait
que la bio-adaptation se pratiquait à grande échelle pour
la colonisation des planètes hostiles. Malheureusement pour les
pauvres voyageurs de ce temps, l'opération étant
irréversible, ils ne pouvaient plus revenir sur leur
planète d'origine. Ce qui, bien évidemment, n'est plus le
cas maintenant.
A ce propos, le Ministère du
Tourisme Dangereux et des Vacances sur les Planètes Hostiles
tient à préciser que des billets sont disponibles
à un prix bradé pour un séjour de rêve sur
les plages de la planète Arturus dans la galaxie Horusme dans
l'amas Yrates. Il s'agit d'un séjour de courte durée (une
semaine seulement, mais prévoir six mois pour l'aller et six
mois pour le retour, et ne pas oublier de dire adieu à vos
proches avant le départ car vous ne reviendrez pas avant
512 391 années terrestres). Au cours de ce séjour,
vous pourrez apprécier la douceur du climat Arturusien (-270
º sous le soleil à midi) et la salubrité de son
océan de méthane et de soufre (le taux de CO²
étant un peu excessif, le voyage n'est pas recommandé aux
personnes ayant des poumons fragiles). Vous pourrez retirer vos billets
à partir du 234 du mois de Treance (donc à partir de
demain). Envoyez-moi un message au journal et je transmettrai.
Remarque : ceci n'est pas une
publicité mais de l'information officielle.
---------------------
Après le départ des hommes en blanc, les machines se sont
mises en marche les unes après les autres, dans un ordre
parfait, et elles ont commencé leur patient travail
destiné à me transformer en monstre. Les liquides
colorés, rouges, jaunes, gris, blancs, s’échappaient de
mon corps, et je les voyais ramper dans les tuyaux,
pénétrer dans les machines voraces. J’assistais à
l’odieux spectacle de ma vie aspirée, avalée, engloutie
par des machines sans âme conçues pour me vider de mon
contenu, pour extraire mon moi et le régurgiter, le vomir comme
un excrément. Des substances visqueuses, issues de mes fluides
naturels après modification et re-synthétisation,
sortaient des entrailles des machines, se répandaient dans des
tuyaux qui les transfusaient dans mon corps. Les tubes, en
pénétrant ma chair, violaient mon intimité et me
remplissaient de la semence répugnante des machines. Un individu
nouveau allait naître du mariage de mon corps et de cette
semence, et cet individu, je devrai lui céder ma place pour
toujours.
---------------------
Nous prions nos lecteurs
ingénieurs d'analyser cette partie du texte et de nous faire
part de leurs remarques. N'ayant aucune formation ni en
ingénierie ni en biologie humaine, nous ne pouvons pas
vérifier la cohérence de cette description trop technique.
Par contre, nos lecteurs amateurs
de psychologie auront remarqué dans ce paragraphe de fortes
connotations sexuelles. Bien sûr, nous ne connaissons rien de la
vie du narrateur avant ces évènements mais nous pouvons
supposer que son comportement avait été fortement
perturbé par des agressions subies au cours de sa petite
enfance, agressions que nous soupçonnons être de nature
sexuelle. Imaginons ce pauvre enfant, seul face à la haine de sa
famille et de ses camarades. Il ne dispose que de ses petits poings et
de son silence pour se défendre contre ces violences
répétées. Nous pensons que ce traumatisme est
à l'origine de son départ vers les colonies : il voulait
à la fois échapper au souvenir de ces actes odieux, tout
en souhaitant inconsciemment les voir se reproduire, indirectement, au
cours de cette opération dont il connaissait, ne l’oublions pas,
tous les détails par avance, et notamment cette
pénétration dans sa chair et ce dépôt de
semence.
Je n'ai pas été clair
? Je recommence : pour lui, cette opération s'apparentait
à un viol, un acte qui terrorisait son moi conscient mais qui
attirait son moi inconscient. L'opération était pour lui
un moyen de revivre cet instant honni, enfoui dans son subconscient,
dont il ne comprenait pas les résurgences cycliques dans son
conscient qui aurait dû se comporter comme un geôlier
gardant la porte d'accès entre conscient et inconscient, en ne
laissant filtrer que les souvenirs agréables et assurant ainsi
à sa vie consciente un niveau de sûreté acceptable
en empêchant la subconscience de submerger la conscience. Il
s'agissait en définitive d'une lutte entre le moi effectif et le
moi affectif.
Ce n'est toujours pas clair ? Je
recommence : ....
Note de
l'éditeur : cette explication se poursuivant sur cinquante
pages, il ne restait plus assez de place dans la revue pour publier
l'intégralité de la traduction du texte ancien. A notre
grand regret, et j'espère que notre collaborateur nous
pardonnera cette infidélité, nous avons dû
éliminer une partie de sa démonstration.
Note 2 de
l'éditeur : d'ailleurs, l'explication donnée à la
cinquantième page n'est pas plus claire qu'à la
première page. Remarque à l'attention de l'imprimeur :
ceci est une note personnelle qui ne doit pas être
imprimée. Merci.
Note de
l'imprimeur : désolé, je ne peux pas.
Note 2 de
l'imprimeur : je lui ai dit cent fois à cet abruti
d'éditeur que l'impression par transmutation ferro-hydrolytique
ne permet pas de supprimer les notes personnelles.
Note 3 de
l'imprimeur : zut ! Je viens d'apprendre que nous n'utilisons plus
l'impression par transmutation ferro-hydrolytique mais l'impression par
transmutation ferro-hydrosulfurique, et cette technique ne me permet
plus d'éliminer mes notes personnelles.
---------------------
Je ne sais pas combien de temps ce traitement a duré, des
minutes, des heures ou des jours. J’avais l’impression qu’il durait
depuis une éternité, qu’il allait se prolonger
jusqu’à l’infini. Les machines insatiables me pompaient
inlassablement et tout mon corps devait y passer. A certains moments,
je craignais qu’une des machines ne s’arrête de fonctionner, en
me laissant à un stade intermédiaire de transformation,
ni totalement comme avant, ni tout à fait modifié, devenu
incapable de vivre sur ma planète d’origine, mais encore inapte
à vivre sur cette planète.
---------------------
Alors là, je dis non ! Je ne
suis pas ingénieur, mais je suis sûr qu'on n'a jamais vu
de machine s'arrêter de fonctionner (à l'époque, on
disait : « tomber en panne ») depuis des milliers
d'années. Je ne sais pas où l'auteur a eu l'occasion de
voir des machines en panne. Je suis catégorique sur ce point (et
les ingénieurs m'approuveront) : c'est impossible.
D'ailleurs, pour les gens que
ça intéresse, un magasin de machines à fabriquer
des choux-fleurs (machines qui ne tombent JAMAIS en panne) propose en
ce moment des rabais ÉNORMES. Ce magasin se trouve au 453478 de
la rue Swapiser. N'oubliez pas d'y aller dans un bus de la compagnie
Rositas : si vous présentez ce journal au préposé,
que je connais bien, il vous accordera peut-être une
réduction.
Remarque : je précise que
ceci n'est pas une publicité, c'est de l'information utile.
Note de
l'éditeur : cet enfoiré nous balance encore plein de pub.
Je me demande quel pourcentage il touche. Remarque à l'attention
de l'imprimeur : ceci est une note personnelle qui ne doit pas
être imprimée. Merci.
Note de
l'imprimeur : désolé, je ne peux pas.
---------------------
Heureusement, toutes les machines se sont éteintes en même
temps, en douceur. L’atmosphère de la pièce avait
été modifiée au fur et à mesure de
l’intervention pour permettre à mon corps nouveau de se
maintenir en vie en attendant qu’il soit livré au monde
extérieur. Quand les machines se sont arrêtées, des
hommes, habillés de combinaisons étanches, sont
entrés. Je ne pouvais pas voir leurs visages mais j'ai
supposé que c'était les hommes en blanc qui m'avaient
installé sur la table d'opération. Avec leurs
combinaisons et leurs gestes mécaniques, ils ressemblaient
à des robots. Ils m’ont détaché sans
ménagement, comme si j’étais une chose immonde et
putride. Puis ils ont débranché les tuyaux de mon corps,
ils ont recousu les entailles béantes et suintantes. J'avais
retrouvé l'usage de mes muscles mais je ne ressentais aucune
douleur malgré leurs rudes manipulations. L'effet de
l'anesthésique devait durer suffisamment longtemps pour que mes
blessures aient le temps de se refermer. A cet instant, j'aurais
dû me sentir bien puisque l'opération s'était
déroulée normalement et que j'étais encore vivant,
néanmoins je conservais au fond de moi cette crainte du monde
extérieur, un monde inconnu et hostile que j'allais devoir
affronter dans quelques minutes. Après m'avoir levé et
rhabillé, les hommes en blanc ont ouvert un sas donnant sur
l’extérieur et ils m’ont poussé vivement en direction de
mon nouveau monde, comme pour se débarrasser d'une chose sale et
encombrante. Ensuite ils ont refermé le sas derrière mon
dos. Ma vie ancienne venait de se refermer derrière moi et ma
nouvelle vie se trouvait devant moi.
---------------------
Remarquez encore ici la barbarie de
ces médecins du passé : on lâche un individu sur
une planète inconnue sans lui souhaiter bonne chance, sans lui
fournir des renseignements sur les services publics disponibles, sans
lui proposer un travail décent, sans même lui donner des
adresses de
logement. C'est tout simplement inhumain.
Le mot
« sas » est une traduction libre d'un mot
intraduisible. Peut-être s'agit-il d'une porte-fenêtre
s'ouvrant sur une plage de sable fin de la planète. A ce propos,
je suis passé il y a quelques jours par l'avenue Niozaci et je
suis entré dans le magasin de Maître Hieraschi qui
proposait des portes-fenêtres de qualité pour un prix
vraiment dérisoire. J'ai discuté avec les responsables et
je peux vous garantir que ce sont des commerçants très
honnêtes. Présentez-vous de ma part pour
bénéficier du meilleur accueil et du meilleur prix.
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Je ne parviendrais jamais à décrire ma vie sur la
planète. Elle a été à la fois trop riche en
évènements et totalement dénuée
d'intérêt. Ennui, c'est le mot qu'il faudrait que
j'utilise dans chaque phrase, si je devais tout raconter.
C'était une planète provinciale, peuplée de gens
ennuyeux, essentiellement occupés à tenter de se
désennuyer au milieu d'un grand vide. La planète
n'était qu'un immense désert inhabitable et seules
quelques villes parsemaient sa surface comme des cailloux épars
déposés sur une plage de sable s'étendant
jusqu'à l'infini.
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Les scientifiques responsables des
fouilles sur la planète, équipés du meilleur
outillage de l'univers acheté chez Fersza, le grand magasin de
la rue Uitrenbo (au numéro 90765 : n'oubliez pas de les saluer
de ma part), n'ont en effet découvert, dans le niveau
géologique correspondant à cette période, que de
rares villes petites (dix millions d'habitants) ou moyennes (trente
millions d'habitants). Donc rien à voir avec la population des
grandes villes terrestres (un à deux milliards d'individus, je
viens de le vérifier dans le célèbre ouvrage
« DIUQ, je sais tout » vendu par correspondance
ou par mon intermédiaire).
Remarquez qu’ici le narrateur nous
fait de nouveau penser à un aspect de sa personnalité que
nous commentions succinctement plus haut : il refuse de nous faire le
récit complet de sa vie sur la planète et cela nous
amène à supposer que c'est la honte de sa
sexualité monstrueuse qui le retient. Il nous raconte plus loin
(il est vrai de manière très vague, et seul un
psychologue expérimenté peut comprendre et
interpréter son propos) des faits démontrant sans
ambiguïté son anormalité dans ce domaine.
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De ma vie quotidienne, que pourrais-je dire ? J'ai appris à
parler et à écrire la langue officielle de la
planète. J'ai mangé les aliments produits par la
planète, j'ai respiré l'atmosphère produite par la
planète, j'ai bu les liquides produits par la planète,
j'ai habité les maisons construites avec les matériaux
extraits des sous-sols de la planète. J'ai logé aussi
dans des grottes sombres ou sur des branches d'une espèce
d'arbre monumental. J'ai couché sur des lits de branchages que
je fabriquais moi-même ou sur des lits de plumes venues de je ne
sais où. Et parfois, j'ai travaillé, quand c'était
indispensable, et j'ai été esclave et maître,
soumis ou dominateur, et j'ai été riche et pauvre,
donateur ou mendiant, et j'ai été honnête et
malhonnête selon les circonstances, et j'ai même
fréquenté mes semblables, exilés comme moi, ni
plus heureux ni plus tristes que moi, et j'ai eu des amis, des ennemis,
des maîtresses, et je me suis souvent battu pour obtenir ce que
je voulais, pas grand chose la plupart du temps car il n'y a rien de
précieux ici, à part des cailloux gris, et des arbres
noirs et secs, et des étangs acides où l'on peut se
baigner sous les rayons rougeâtres du soleil, et j'ai
traversé l'épais brouillard gazeux et verdâtre qui
stagne au ras du sol sans jamais se dissiper, et je me suis
chauffé sous la chaleur froide des deux lunes. Parfois j'ai
dû tuer pour vivre, mais sans plaisir, uniquement par
nécessité, pour reprendre un logement dans une grotte
insalubre, pour récupérer un lit poussiéreux et
inconfortable, pour voler une femme laide et acariâtre. Mais
parfois j'ai aussi sauvé des vies, mais là encore sans
plaisir, et souvent par intérêt.
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... une femme laide et
acariâtre... : remarquez ces mots d'une violence extrême
vis-à-vis des femelles. Peut-on imaginer que de tels termes
puissent être employés par un individu sexuellement sain ?
Bien sûr que non. Et si cet individu n'était pas depuis
longtemps retourné à la poussière, je lui
conseillerais de prendre rendez-vous avec un psychanalyste (pourquoi
pas le docteur Braxetre, 187654 rue des Yuerces qui offre une
magnifique prestation pour un prix dérisoire - si vous venez de
ma part).
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La planète X
(photographiée par un archéologue)
Les années se sont écoulées et je me suis presque
adapté à ces journées toutes semblables à
celles de la veille, à cette existence sans
intérêt, à ces gens moches et idiots,
vénaux, méchants, uniquement soucieux de faire patienter
la mort sans s'inquiéter de vivre leur vie. Par
mimétisme, pour ne pas paraître différent, je suis
devenu comme eux, aussi bête, aussi féroce, aussi
impatient de mourir car mourir c'est une façon comme une autre
de rompre la monotonie, d'échapper à la routine. Lorsque
je fus habitué à cette vie sans creux et sans bosse,
quand je cessai de me poser des questions sur mon passé, sur mon
avenir, sur le but de mon existence, je me sentis mieux. J'étais
tombé dans une grande fosse et il n'y avait pas d'issue, il
fallait simplement attendre la fin, peu importait qu'elle soit proche
ou lointaine, paisible ou violente.
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Elle est curieuse cette
façon de voir la mort comme une délivrance. Finalement ce
n'est peut-être pas d'un psychanalyste dont il a besoin mais d'un
psychiatre (par exemple le docteur Oier, 34654 rue Verapoi, n'oubliez
pas de lui donner mon nom, c'est le passe-partout pour le bonheur).
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Un jour (je ne devrais peut-être pas employer ce mot : ici, il
n'y a ni jour ni nuit, le brouillard est si dense que le jour ressemble
à un perpétuel crépuscule et la nuit, toujours
éclairée par au moins une des deux lunes, ressemble
étrangement à un jour sans soleil), un jour donc, j'ai
ressenti, comment dirai-je, une sensation. Ce n'était pas
quelque chose de vraiment frappant ; d'ailleurs au début j'ai
pensé qu'il ne s'agissait que d'une allergie à un aliment
ou d'un phénomène chimique particulier (la chimie de la
planète, associée à la chimie de mon nouveau
corps, provoque parfois des réactions bizarres). Ce
jour-là, j'ai ressenti comme des picotements sur le corps, comme
si ma peau bourgeonnait sous l'effet d'une éruption aiguë
d'acné. Cette impression était si insignifiante que je
n’en aurais gardé aucun souvenir si, par la suite, les faits ne
m'avaient pas confirmé qu'il se passait quelque chose
d'important dans mon organisme.
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Ha ! Un grand classique de la
psychologie : voilà qu'il nous décrit des
réactions psychosomatiques dues bien sûr à une
volonté d’effacement social et d'autodestruction physique. Notre
héros ne peut pas supporter son passé et souhaite se
dissimuler derrière une peau bourgeonnante qui le cache aux yeux
des autres et le libère de leur contact. Pour le traitement
symptomatique du prurit des manifestations inflammatoires
cutanées, je ne peux que lui conseiller la pommade Canefrap qui
lui redonnera un teint de jeune homme (pensez à l'acheter
à la pharmacie Klinerce, 32135 rue Hersez).
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Malheureusement, dans les jours qui suivirent, ces picotements
persistèrent. Par moment, ils s'amplifiaient et provoquaient des
démangeaisons terribles qui m'empêchaient de dormir. Je
pensais que c'était peut-être dû à un manque
d'hygiène (notre mode de vie, le climat quasi-désertique
de la planète et le manque de liquide ne nous incitent pas
à faire une toilette quotidienne) ou à des parasites
(mais personne n'a jamais entendu parler d'un parasite qui se soit
adapté à cette planète si peu hospitalière
pour les espèces vivantes). En regardant ma peau sous
l'éclairage le plus vif que j'aie trouvé, en la
tâtant avec mes doigts, en la grattant avec mes ongles, je fus
surpris de constater des modifications, certes légères
mais suffisamment sensibles pour que je m'en inquiète. Ma peau
s'était durcie comme si elle se minéralisait. On ne
m'avait jamais parlé de cas semblables survenus ici. Ma peau
ressemblait à une peau de serpent au cours de la mue.
Peut-être la planète avait-elle déclenché en
moi un cycle reptilien et une peau toute neuve attendait la chute de
l'ancienne pour apparaître ?
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L'image du serpent : je ne pense
pas que les lecteurs ignorent ce qu'il représente. C'est un
symbole éminemment sexuel. Que le narrateur se voie
transformé en serpent signifie sans doute qu'il souhaite prendre
l'apparence de la chose qui l'a blessé dans son enfance. Ainsi,
sous
cette apparence, il veut lui-même blesser ou détruire de
malheureux innocents auxquels il ressemblait lorsqu'il fut sauvagement
agressé alors qu'il n'était qu'un enfant sans
défense.
A ce propos, pensez à acheter du sérum anti-venimeux
à la pharmacie Klinerce (l'adresse est un peu plus haut).
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Ce qui me faisait frémir, ce n'était pas vraiment le
phénomène en lui-même (à ce moment, le mal
n'était pas encore très développé), mais le
fait que les symptômes soient inconnus de tous. Je n'aimais pas
l'idée d'être la seule victime d'un mal inconnu sur une
planète dont l'essentiel de la population était inculte.
Bien sûr, je n'en ai pas discuté avec mes compatriotes,
d'abord parce qu'à ce moment, je ne fréquentais personne,
mais aussi parce que j'avais un peu honte de cette dégradation
physique que je pensais être le résultat d'une maladie
peut-être contagieuse. J'ai continué à surveiller,
jour après jour, l'état de mon corps et je constatais que
le processus de minéralisation progressait lentement mais
inexorablement. Je pouvais encore bouger mes membres mais je me doutais
qu'un jour, je perdrai complètement la mobilité de mes
articulations et la souplesse de mon corps. J'ai commencé
à craindre le pire. Il fallait que je fasse quelque chose pour
arrêter cette lente dégradation qui me conduisait à
la mort. Mais à qui pouvais-je en parler ? A un médecin ?
Les mœurs sont rudes sur cette planète et je connaissais les
méthodes expéditives pour se débarrasser des
malades encombrants et peut-être contagieux. J'étais le
seul à pouvoir me sauver mais je n'étais pas
médecin et je ne savais pas quoi faire.
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On retrouve ici tous les
thèmes habituels de notre narrateur : la honte, la peur, la
volonté d'autodestruction, le renoncement, la solitude. Mais il
aborde également, pour la première fois, le thème
du narcissisme qui ne semble pourtant pas correspondre à la
perception que nous avions de lui, sauf si ce narcissisme est
associé à un haut niveau d'auto-haine. En quelque sorte,
il se regarde et se pelote, non pour s'admirer et se donner du plaisir
mais pour entretenir sa haine vis-à-vis de lui-même et se
mutiler.
Note de
l'éditeur : ici je coupe une publicité pour un certain
kit, acheté dans une certaine pharmacie, contenant un ensemble
d'accessoires mous ou rigides, petits ou grands, ainsi que des produits
lubrifiants permettant... heu... facilitant... heu... l'acte dont il
est question au-dessus.
Note 2 de
l'éditeur : désormais je ne laisserai plus passer aucune
publicité, à moins qu'il accepte de partager les
pots-de-vin. C'est quand même scandaleux que moi, son patron, je
roule dans une Irarref 654/40 cylindres qui date de deux ans, alors que
lui, il a réussi à se payer le dernier modèle
Irarref 655/90 cylindres. Remarque à l'attention de l'imprimeur
: ceci est une note personnelle qui ne doit pas être
imprimée. Merci.
Note de
l'imprimeur : désolé, je ne peux pas.
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Je me maquillais le visage...
---------------------
Je me doutais bien qu'on allait y
venir : maintenant, il se travestit...
Note de
l'imprimeur : désolé, je ne peux pas.
Note 2 de
l'imprimeur : heu... désolé. La note
précédente a été ajoutée par erreur.
Note 3 de
l'imprimeur : zut, je ne peux pas supprimer la note
précédente.
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... pour qu'on ne remarque pas mon visage devenu gris et squameux,...
---------------------
... et il a tellement honte du
plaisir qu'il ressent en se travestissant qu'il tente en vain de se
justifier.
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... je mettais des vêtements épais qui me couvraient
l'ensemble du corps...
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Bizarre... je n'avais jamais
entendu parler d'anti-exhibitionnisme. Serait-ce une
particularité de notre narrateur ?
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... afin de cacher mon épiderme sec et rugueux.
---------------------
... et il essaie encore de se
justifier...
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Cet accoutrement semblait bizarre sur cette planète où
habituellement on s'habille à peine et avec des vêtements
qui ne couvrent rien. Ainsi déguisé, je passais pour un
original et les gens me regardaient de travers mais sans
agressivité. Je suis allé de ville en ville et j’ai
fouillé toutes les bibliothèques que j'ai trouvées
pour potasser les livres qui avaient pour sujet les mutations humaines
sur les planètes colonisées.
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L'auteur ne cite pas les titres des
livres qu'il feuillette (peut-être se s'est-il pas
intéressé aux titres ?), mais je me doute de quel genre
il s'agit (du genre avec des images et pas pour les enfants...).
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Je n'ai trouvé aucun bouquin décrivant
précisément mon cas. Je me suis invité chez des
scientifiques experts en médecine (malheureusement des petits
scientifiques locaux, peu érudits et connaissant à peine
la science qu'ils étaient pourtant censés enseigner) et
je leur ai parlé de mon cas, sans préciser bien sûr
qu'il s'agissait de moi. Je prétendais être un
médecin comme eux et je leur disais que je faisais des
recherches personnelles, purement théoriques, sur une maladie
peu répandue. Certains me regardaient avec méfiance et,
dans ce cas, je m'enfuyais avant qu'ils n'aient l'idée de
déchirer mes vêtements...
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Et voilà. Après les
fantasmes, après les livres coquins, on en arrive tout
naturellement au passage à l'acte... ou presque.
---------------------
... pour voir si je n'étais pas le sujet de l'étude.
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... et il persiste à vouloir
se justifier...
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D'autres médecins, ne comprenant pas mon intérêt
pour cette maladie et trop idiots pour penser que j'étais
concerné, faisaient dévier maladroitement la conversation
sur un autre sujet et finissaient par se perdre dans des
considérations qu'ils jugeaient hautement philosophiques et
morales sur le rôle du savant dans la société
contemporaine. Et moi, pendant qu'ils m'entretenaient de ces choses qui
ne m'intéressaient pas, je bouillais d'impatience et j'avais
envie de leur botter les fesses pour qu'ils sortent de leur trousse
« le médicament miracle » qui pourrait me
guérir.
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La machine à traduire nous a
donné les mots « trousse » et
« médicament », en précisant qu'ils
avaient le sens le proche du contexte. Cependant, elle nous a fourni
d'autres traductions plausibles. Si nous remplacions ces deux mots par
« culotte » et
« pénis », nous aurions, je pense, un sens
plus conforme à notre personnage. Si je vous ai convaincus de
cette interprétation, prenez votre crayon, remplacez les mots
dans le texte ci-dessus et relisez-le à haute voix, si possible
en public : vous verrez que ça sonne bien mieux comme ça.
---------------------
Finalement, je n'ai pas trouvé de solution et j'ai dû
abandonner tout espoir d'arrêter la progression de la maladie.
Peu à peu, mon corps s’est transformé,
déformé. Il s'est minéralisé, puis il s'est
dissous, puis il s'est disséminé sur la planète.
Chaque atome de mon moi s’est associé à chaque atome de
la planète.
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La connotation sexuelle est encore
très sensible dans ce passage. Vous remarquerez que le narrateur
nous fait part de ses pensées intimes (de manière
très feutrée, peut-être par peur de la censure).
Les lecteurs les plus perspicaces n'auront aucun mal à
comprendre ce que l'auteur veut exprimer : le durcissement, la
pénétration, l'impression de se dissoudre et de fusionner
avec le ou la partenaire.
Je crois pouvoir dire, sans risque
de me tromper, que l'auteur de ce texte ne pensait qu'au sexe.
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Mais je sens que vous allez vous dire : comment fait-il pour graver ces
signes sur une pierre alors que ces signes nous racontent sa mort ?
Peut-on être mort et écrire en même temps ses
mémoires ? Comme s'arrange-t-il pour tenir un stylet dans sa
main, alors qu'il n'est à présent qu'un ensemble
incohérent d'atomes ?
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Son attirance pour le renoncement
est allée au-delà de la limite du raisonnable. Il se voit
désormais comme un ensemble d'atomes soumis à la
décohérence et à l'incertitude quantique.
Notez aussi son désir de la
mort et la mort de son désir.
---------------------
Oui, c'est vrai, un mort ne peut pas écrire. Mais... ai-je dit
que j'étais mort ? Non, j'ai simplement dit que les atomes de
mon corps s’étaient séparés, j'ai dit que mes
atomes avaient fusionné avec les atomes de la planète. Si
je n'ai pas annoncé ma mort, c'est pour une raison simple : je
ne suis pas mort. Vous êtes surpris ? Vous pensez que quand les
atomes d'un corps se séparent, on est mort ? Et vous pensez
qu'un mort ne peut plus s'exprimer, en tout cas pas avec un stylet ?
Dans l'absolu, vous n'avez pas tort. C'est d'ailleurs ce que je pensais
moi-même avant de vivre cette expérience. Mais, maintenant
je sais qu'on peut disparaître sans mourir, je sais que la mort
n'est qu'un changement d'état et qu'en mourant on ne fait que
passer d'un état à un autre. Moi, accidentellement ou
intelligemment, je n'ai pas seulement changé d'état, je
me suis semé autour de moi et mon moi s'est approprié
toute la planète.
JE SUIS DEVENUE LA PLANETE.
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Heu... les biologistes, les
astrophysiciens et autres érudits : pourriez-vous m'expliquer ce
qu'il veut dire ? Je dois avouer que je ne comprends rien à
cette phrase qui doit être importante puisqu'elle est
écrite avec des signes de plus grande taille. Plus loin, vous
verrez un autre mot écrit avec une taille semblable ; cet autre
mot étant également incompréhensible, on peut
penser que l'auteur emploie cette taille quand il veut nous faire
comprendre qu'il dit n'importe quoi.
---------------------
Maintenant, ma chair, mes pensées, mon âme survivent au
travers de chaque rocher, de chaque grain de sable, de chaque plante.
Et je souffre quand les hommes piétinent les milliards de
milliards de milliards d’atomes de mon nouveau corps minéral. Je
souffre quand ils perforent ma chair et pénètrent dans
mes entrailles pour en extraire leurs matières premières.
Je souffre quand ils cueillent mes végétaux, quand ils
assèchent mes étangs, quand ils polluent mon
atmosphère, quand ils parsèment de leurs immondices la
surface de mon corps. Mon cerveau a la grandeur de la planète
mais il est encore doux et sensible. Mon corps est immense mais il est
fragile. Après tout, je viens de naître, je suis une
bébé-planète.
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Inutile de vous faire remarquer
encore une fois les nombreuses allusions :
– à la
pénétration non consentie
– aux attouchements douloureux
– à la procréation.
Cet individu était sans
doute un grand malade.
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Quand j’aurai achevé ma croissance, je chasserai les hommes de
ma surface afin de vivre enfin en harmonie avec mon majestueux corps.
J’apprendrai à dominer ce corps, à le transformer,
à l’étendre, pour qu’il s’adapte à mes besoins,
pour qu’il réponde à ma volonté. Ça prendra
des années ou des siècles ou des millénaires mais
j'ai tout mon temps.
---------------------
Il semblerait qu'à cet
instant crucial, le personnage ait décidé de devenir un
adulte sans complexe. Il abandonne toutes ses inhibitions, toutes ses
peurs, et nous sentons nettement qu'il commence à
maîtriser ses angoisses. Aurait-il suivi une
psychothérapie ? C'est plausible car la chronologie du texte
n'est pas claire et nous pouvons supposer que des années ou des
décennies se sont écoulées depuis son
arrivée sur la planète.
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Et puis, après… quand je serai forte… aussi forte que la roche
de ma planète... je commencerai à
réfléchir. J'utiliserai alors toutes les ressources de
mon intelligence aussi immense que mon corps. Et alors... je me
sentirai à l’étroit dans mon corps-planète et je
songerai à mon expansion...
Pour, peut-être… conquérir la planète des hommes.
Pour, peut-être… conquérir l’univers.
Et je deviendrai grande, très grande, toujours plus grande.
Et peut-être que, un jour, dans des milliards d'années, je
serai si grande que l'univers ne suffira plus à me contenir,
alors je conquerrai les autres univers, je conquerrai l'univers
contenant tous les univers, et alors... alors... je serai devenue...
DIEU.
---------------------
Heu... je pense que vous n'avez pas
compris ce que veut dire le narrateur ? Je suis désolé de
ne pas pouvoir vous aider, je n'ai pas compris non plus. Je ne vous
ferai pas l'injure de vous rappeler ce que le mot Dieu signifie de nos
jours, mais je peux affirmer que, dans ce texte, il n'a pas le sens
actuel, ce qui rend cette phrase incompréhensible pour nous. En
attendant que d'autres textes viennent enrichir nos connaissances
sémantiques et sociales sur cette époque, examinons les
diverses hypothèses qui pourraient améliorer la
lisibilité de cette conclusion.
La traduction par le mot DIEU est
peut-être fautive. Remplaçons DIEU par HOMME : le
narrateur serait redevenu un homme (c'est assez logique), mais
ça ne permet pas de comprendre l'emphase qu'il utilise pour
décrire un événement si ordinaire. Essayons le mot
« FEMME » : nous savons que l'auteur avait une
tendance prononcée pour le travestissement et,
vraisemblablement, pour le transsexualisme : on peut imaginer que ce
passage symboliserait l'opération au cours de laquelle il a
échangé son sexe physique (mâle) contre son sexe
psychologique (femelle). Je vous propose de prendre un dictionnaire et
d'essayer tous les noms communs : si vous découvrez une
substitution intéressante au mot Dieu, je me ferai un plaisir de
la publier dans cette revue. Et le premier qui parvient au mot zythum,
sans sauter aucune lettre ni aucun mot, aura droit à mes
félicitations.
On peut supposer aussi que le
narrateur a bâclé la fin de son histoire : il était
fatigué, ou ses doigts étaient meurtris et
ensanglantés par le frottement du stylet métallique, ou
il ne lui restait plus suffisamment de place sur la pierre pour
terminer intelligemment. A moins qu'il n'ait pas eu la force morale de
choisir une conclusion parmi des centaines en sachant qu'il
regretterait éternellement celles qu'il aurait dû
abandonner.
On peut penser aussi qu'à
l'époque de ce récit, la mode ou la tradition sur cette
planète imposait que les histoires s'achèvent de
manière obscure. L'auteur se serait donc plié à
une convention locale que, par manque d'autres traces écrites,
nous ne pouvons pas connaître.
En attendant de trouver une
explication plausible, nous ne pouvons que nous désoler de
l'inachèvement de cette histoire. Nous aurions
préféré une fin plus conforme aux règles de
l'écriture actuelle.
Par exemple :
Le personnage se réveille,
il est couché sur un lit douillet aux côtés d'une
femme, et il se rend compte que ce qu'il vient de vivre n'était
qu'un cauchemar. Alors il se rendort heureux en enserrant le corps
chaud de la femme entre ses bras.
Ou :
Un scientifique génial
découvre un moyen de retrouver et de rassembler les atomes
épars du narrateur. Il se charge de lui reconstruire un corps
d'homme avant de le renvoyer sur la Terre où l'homme
reconstitué se marie et fait beaucoup d'enfants. Et un jour il
se réveille après avoir fait un cauchemar et se rendort
heureux en prenant sa femme dans ses bras.
Ou encore :
Il se réveille et se rend
compte qu'il vient de faire un cauchemar. Il se rendort en prenant sa
femme dans ses bras. Et le cauchemar continue et il prend conscience
que son corps n'existe plus et qu'il vient de rêver qu'il prenait
une femme dans ses bras. Un scientifique découvre un moyen de le
reconstituer à partir de ses atomes et le renvoie sur Terre
où il se marie. Et un jour il s'endort et fait un cauchemar dans
lequel ses atomes se sont re-séparés, alors il se
réveille et constate qu'il faisait un affreux cauchemar. Bien
sûr, il est heureux de retrouver sa femme couchée à
côté de lui et il la prend dans ses bras avant de se
rendormir. Mais alors il se réveille et voit qu'il n'est encore
qu'un ensemble d'atomes disloqués et il se
désespère parce qu'il vient de rêver qu'il
était sur Terre et qu'il prenait sa femme dans ses bras
après qu'un scientifique génial l'ait reconstitué
alors qu'en fait il n'a pas rencontré de scientifique et qu'il
n'est pas revenu sur terre et qu'il n'a pas de femme. Alors il se
rendort et se réveille près d'une femme et...
Note de
l'éditeur : Nous nous excusons auprès de nos lecteurs et
de notre rédacteur mais nous avons dû couper une partie de
ce commentaire qui était un peu... long.
Malheureusement aucune de ces
quarante-sept conclusions, pourtant simples et majestueuses, n'a
été choisie par l'auteur et nous le regrettons.
Nous conservons cependant un espoir
de comprendre, un jour, ce texte : une partie infime de la pierre a
disparu (le côté inférieur droit). Ce morceau
manquant, qui se trouvait à l'origine à côté
du mot DIEU, n'a pas encore été retrouvé. Les
recherches sont en cours et il ne nous reste plus qu'à
espérer qu'il n'a pas été totalement perdu.
Peut-être y trouverons-nous un mot ou une phrase qui rendrait ce
récit plus compréhensible.
J'espère que mes quelques
commentaires vous ont permis de mieux saisir l’importance de ce
récit venu, vraisemblablement, du fond des âges.
---------------------
Un dernier message du
Ministère du Tourisme Tranquille, de la Santé et de la
Joie de Vivre : à partir de la nuit du 254 du mois de Treance,
regardez le ciel dans la direction du sud-ouest, vous commencerez
à y voir une comète baptisée Presabeie. Elle est
apparue dans l'œil des télescopes il y a quelques jours et elle
devrait frôler la Terre prochainement avant de continuer sa route
dans l'immensité de l'espace. Les scientifiques s'accordent pour
dire que cette comète a une forme inhabituelle : elle devrait
donc être fort intéressante à voir. Dans les
observatoires, on se dit surpris qu'une telle comète puisse
exister, elle semble trop grande (ce qui est une chance pour les
personnes ne disposant pas d'un télescope à domicile). De
plus les astronomes font remarquer que la chevelure est
déjà apparente alors que la comète se trouve
encore trop éloignée du soleil pour recevoir une chaleur
suffisante qui serait à l'origine de ce phénomène.
Les scientifiques espèrent éclaircir tous ces
mystères au fur et à mesure de l’approche de la
comète, qui semble d'ailleurs, d'après eux, trop
véloce pour une comète standard. Et puis, d'après
leurs calculs, pour l'instant approximatifs, la comète ne
devrait pas passer très loin de la Terre (certains disent
qu'elle devrait passer trop près, et même un peu plus que
trop près) ce qui nous permettra de l'admirer dans toute sa
splendeur.
Mes chers lecteurs et amis, je
crois que la Terre entière va jouir, grâce à cette
comète, d’un magnifique feu d’artifice.
Le mois prochain, nous vous ferons
un compte-rendu détaillé de son passage.
La planète X (photographiée par un
archéologue)