De : Hélène
A : Vincent
Envoyé le 06/04/2004 à 17h17
Mon amour,
Je suis l’ombre maléfique que tu croises tous les jours dans les
couloirs. Je suis le parasite qui te poursuit inlassablement, qui se
colle à toi et que tu chasses comme si tu avais peur
d’être contaminé. J’exagère peut-être un peu,
mais j’ai constaté que lorsque nous nous rencontrons, tu fais
semblant de ne pas me voir, comme si j’étais d’une laideur
repoussante, tu me dis de manière machinale
« bonjour, comment ça va ? », sans
attendre ma réponse, et tu retournes promptement à ton
travail. Je ne suis pour toi qu’un objet faisant partie du
décor, que l’amie de tes amis, rien de plus. J’ignore pour
quelle raison, peut-être par manque d’affinités, ou parce
que le hasard n’a jamais été favorable, je fais partie de
ces gens dont tu ne remarques ni la présence, ni l’absence. Je
ne suis qu’une personne insignifiante. Je fais partie de ta bande
d’amis depuis longtemps et pourtant tu ne m’as peut-être jamais
vraiment vue.
Jouons à un petit jeu, veux-tu ? Te sentirais-tu capable,
en faisant un effort pas trop surhumain, de me décrire ? Je
vais t’aider un peu. Je mesure 1m65, j’ai le visage rond, des cheveux
châtain clair, de grands yeux sombres, un petit nez un peu
retroussé, une petite bouche ronde avec des lèvres fines,
des pommettes assez larges, un menton un peu carré, un teint
coloré (je t’épargne le reste de mon anatomie que je
trouve charmant mais qui, je suppose, ne t’intéresse pas). C’est
moi, en quelques mots, et pourtant ce n’est pas vraiment moi, une femme
ne peut pas être réduite à quelques détails
anatomiques. Ma voix, mon regard, mes gestes, ma démarche, mon
caractère sont bien plus significatifs mais ils sont impossibles
à circonscrire en une phrase. Les gens qui me remarquent me
trouvent plutôt jolie et agréable à
fréquenter, ils disent que je suis gentille, drôle mais un
peu trop extravertie. C’est vrai que je donne souvent l’impression
d’être un peu fofolle, je suis même un peu bruyante, ce qui
fait fuir les hommes que je voudrais séduire. J’ai essayé
de changer mais comme je n’y suis pas arrivée, j’ai
décidé qu’il fallait me prendre comme ça. Si tu me
veux, je suis prête à t’accueillir. Je t’aime et je veux
partager ma vie avec toi.
Demain, j’espère que tu ne me verras plus comme une ombre mais
comme une femme vivante, épanouie et aimante. Je souhaite que
ton « bonjour, comment ça va ? »
s’adresse réellement à moi et que tu attendes ma
réponse. Et je voudrais même (je commence à
être exigeante…) que tu t’inquiètes de ma santé si
je réponds « non, ça ne va pas ».
J’ai bien peu d’espoir que cet aveu change ton point de vue sur moi
mais c’est la dernière ressource qui me reste. Si tu n’es pas
intéressé par ma proposition ou si tu es
gêné parce que ton cœur est pris autre part, tu peux
détruire mon message et l’oublier. Jamais plus je ne te
dérangerai. Je redeviendrai une ombre.
Mon chéri (me permets-tu de t’appeler ainsi ?), à
demain. Je t’embrasse.
Hélène, qui t‘aime.
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De : Vincent
A : Hélène
Envoyé le 06/04/2004 à 21h25
Hélène, ma chérie,
Je viens de recevoir ton délicieux message. Depuis des mois,
j’attendais que tu me remarques, que tu me parles, que tu me prouves
que j’existe pour toi. Depuis des mois, j’espérais que tu me
dises ne serait-ce que le dixième de ce que tu m’écris
aujourd’hui dans ton message. Un simple mot anodin que j’aurais
été le seul à comprendre, un petit
« bonjour » particulier qui n’aurait
été adressé qu’à moi, un petit geste
timidement ébauché ou un regard intéressé,
ces petites choses m’auraient suffi pour comprendre que j’étais
pour toi un peu plus qu’un inconnu perdu dans la foule. Mais j’ai
attendu si longtemps que j’ai fini par ne plus rien espérer.
Et soudain je reçois de tes nouvelles… Et quelles
nouvelles ! Au début, j’ai été si surpris par
le contenu du message que je me suis demandé s’il m’était
bien adressé. Mais il révèle des pensées si
intimes qu’il est impensable qu’il ait été envoyé
par erreur. Je suis étonné que tu aies vu de
l’indifférence dans mon attitude réservée et
timide. Je peux t’affirmer haut et fort que jamais tu ne m’as
laissé indifférent. C’est au contraire ta présence
qui déclenche en moi le désolant mutisme que tu me
reproches. Je vais faire des efforts pour changer, maintenant que je
sais le sentiment profond que tu éprouves pour moi. Nous allons
essayer ensemble de dompter nos inquiétudes et nos frayeurs afin
de donner naissance à une relation riche, harmonieuse et
éternelle.
Je suis assez surpris que tu éprouves le besoin de te
décrire en détail, comme si je ne te connaissais pas par
cœur. Je n’ignore rien de ton adorable visage, de tes yeux profonds et
pénétrants qui me troublent tant, de tes cheveux que je
voudrais baiser et sentir et enrouler autour de mes doigts, de ton
mignon petit nez si attendrissant, de ta bouche que je voudrais… mais
je m’arrête là, je ne veux pas que tu penses que je suis
un obsédé. Je suis simplement amoureux et je
vénère tous les détails de ton anatomie.
Comment te dire la joie que j’éprouve ? Même si
j’avais l’éloquence d’un poète, je ne saurais t’exprimer
le bien-être que j’ai ressenti en lisant ta tendre prose. Tes
mots m’ont fait chaud au corps comme une douce liqueur absorbée
pendant le froid hivernal, ils m’ont fait chaud au cœur comme le
premier rayon de soleil printanier, ils m’ont ouvert l’esprit comme le
lever de la lune au-dessus d’un horizon sans nuage. C’est si inattendu,
si merveilleux, j’ai l’impression de vivre dans un conte de
fées. Je suis ton prince charmant et tu es la belle dormeuse, ou
l’inverse puisque c’est toi qui m’éveilles. Si tu savais comme
je t’aime.
Je t’embrasse très, très fort.
Vincent, qui t’aime à la folie depuis si longtemps.
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De : Vincent
A : Pierre
Envoyé le 06/04/2004 à 22h08
Salut Pierre,
Tu ne devineras jamais ce qui vient de m’arriver. Je suis si heureux
que je n’ai pas la patience d’attendre demain pour te l’annoncer.
Hélène vient de m’écrire un courrier
enflammé. Tu sais, nous en avons beaucoup parlé ensemble,
que je l’adore et que j’étais peiné par son attitude
distante et presque hostile vis-à-vis de moi. Quand je la
rencontrais, je n’avais droit, dans le meilleur des cas, qu’à un
bonjour grognon. Elle n’avait jamais un regard pour moi, j’ai
même souvent pensé que je la dégoûtais. J’ai
essayé par tous les moyens d’attirer son attention, j’ai
acheté des vêtements mieux coupés, j’ai
changé d’eau de toilette, j’ai ciré mes chaussures tous
les matins, je me suis rasé plus régulièrement,
j’ai fait des efforts pour modifier mon comportement un peu
empoté en sa présence, rien n’a réussi.
D’ailleurs, toi qui es féru de psychologie, tu me disais que
c’était cette indifférence qui m’attirait vers elle. Elle
n’était pas seulement belle mais aussi mystérieuse ;
elle était une sorte de trésor que je n’avais aucune
chance de conquérir.
Et puis, tout à coup, je reçois ce message où,
sans fausse pudeur, elle me fait une déclaration d’amour. Sur le
moment, tu t’en doutes, j’ai été un peu
étonné. Elle me dit qu’elle est triste de me voir si
indifférent, ce qui me paraît un peu bizarre. Tu t’es
moqué assez souvent de moi en me voyant tout embarrassé
et rougissant en sa présence. Il suffit qu’elle apparaisse pour
que je me mette à trembler, à suer, à
bégayer. Même quand elle me malmène pour des
problèmes de travail, je n’ai d’yeux que pour elle. Comment
a-t-elle pu ne pas remarquer mon trouble quand elle s’approche à
moins d’un mètre de moi, comment a-t-elle pu ne pas comprendre
que je ne suis dans cet état de délabrement que
devant elle ? Pourquoi voit-elle de l’indifférence là
où il n’y a que de l’adoration ?
Maintenant que je suis heureux et soulagé, je peux t’avouer
quelque chose. J’ai honte de moi car tu vas encore te moquer, mais
j’étais jaloux de toi. J’étais persuadé
qu’Hélène t‘aimait. Quand nous étions ensemble et
que nous la croisions dans les couloirs, son regard se fixait seulement
sur toi, elle ne semblait même pas me voir, elle ne s’adressait
qu’à toi, ses paroles étaient entrecoupées de
rires stridents même quand tu ne disais rien de drôle, elle
rougissait, elle bafouillait. Elle avait tout d’une femme amoureuse
face à son idole et je pensais bêtement que c’était
toi l’heureux élu. Maintenant, je sais que c’est ma
présence qui provoquait cette excitation et ça me rend
fou de bonheur (je pense que tu me pardonneras mon égoïsme,
il m’a semblé que tu n’étais pas attiré par elle).
Mais je dois t’avouer que j’ai encore quelques doutes (peut-être
à tort, mais je suis un anxieux par nature) sur le destinataire
ou sur l’origine de ce message. Je ne te l’enverrai pas (nous sommes de
vieux amis mais son contenu est trop intime), mais il y a des parties
qui me semblent bien obscures. En plus de me reprocher mon
indifférence, Hélène m’écrit qu’elle est
pour moi une ombre, elle me menace même de redevenir une ombre si
je ne cède pas à ses avances, et là, je ne
comprends pas du tout ce qu’elle veut dire. Elle est bien
mystérieuse, n’est-ce pas ? J’espère que ce message
n’était pas adressé à quelqu’un d’autre… Ou qu’il
ne s’agit pas d’une blague de mauvais goût de notre joyeuse bande
de farceurs.
Mais pourquoi tant réfléchir ? Il faut que je
savoure sans arrière-pensées le bonheur inattendu qui
vient de tomber du ciel. Et demain j’en saurai plus quand je
rencontrerai Hélène.
A bientôt.
Vincent.
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De : Hélène
A : Vincent
Envoyé le 07/04/2004 à 08h10
Vincent,
En recevant ton message ce matin, je me suis rendue compte que j’avais
fait une sottise impardonnable. J’espère que tu ne m’en voudras
pas trop si je t’avoue t’avoir envoyé par erreur le message
d’hier. Je suis vraiment désolée, je ne sais pas comment
j’ai pu faire une bourde aussi énorme. Il est évident que
ce message ne te concernait pas. Je suis vraiment une imbécile
et, si j’en avais le courage, je me punirai en mettant à la
poubelle tout mon stock de bonbons. En plus de me considérer
comme une indifférente, tu vas maintenant me prendre pour une
crétine. Mais, après tout, c’est bien ce que je
mérite. Il n’y a qu’une crétine qui peut se tromper de
destinataire pour un message aussi intime. Je ne me le pardonnerai
jamais.
S’il te plait, Vincent, si tu m’aimes comme tu le prétends,
détruits ce message, fais comme si tu n’avais rien reçu,
et surtout oublie tout ce qu’il contenait. De toute façon, ce
message était rempli de bêtises et je n’avais pas
l’intention de l’envoyer. Je suis tellement honteuse que tu aies pu
lire cette brûlante confidence. C’est comme si je m’étais
mise toute nue devant toi.
Et, je t’en supplie, je voudrais aussi que tu n’en parles à
personne, sinon je n’oserai plus jamais sortir de chez moi. Il y a
surtout une personne qui ne doit rien savoir. Je ne sais pas si tu as
pu le deviner tout seul, mais c’est de Pierre que je suis amoureuse et
c’est à lui que je m’adressais dans ce message. Je t’en prie
encore une fois, même si Pierre est ton meilleur ami, je ne veux
pas que tu lui en parles. Je ne veux pas qu’il pense que je suis
amoureuse de toi, ni qu’il apprenne l’erreur que j’ai faite en te
transmettant ce message. Je me comporte déjà, tu as
dû le remarquer, comme une idiote quand je le rencontre, mais si
en plus tu lui dis que j’ai fait une gaffe comme celle-là, il me
prendra pour une débile profonde.
Vincent, tu es mon ami, même si je te parais méprisante.
Sois gentil, détruits mon message d’hier et celui-ci, et n’en
parle à personne. Si tu fais ça, je t’en serai
éternellement reconnaissante.
Hélène.
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De : Pierre
A : Luc
Envoyé le 07/04/2004 à 08h20
Cher Luc,
J’ai une grande nouvelle à t’annoncer. Je viens de recevoir un
message de Vincent qui m’a l’air d’être proche du septième
ciel. Tu sais comme moi qu’il aimait Hélène depuis
très longtemps car il n’arrêtait pas de nous en parler. Sa
timidité l’avait empêché jusqu’à maintenant
de lui faire ouvertement la cour, mais c’est finalement elle,
peut-être lassée d’attendre, qui a pris les devants. Elle
vient de lui envoyer un message, paraît-il enflammé, et
Vincent en est si heureux qu’il me semble prêt à
éclater. Je crois que, quand nous allons le rencontrer au bureau
tout à l’heure, il nous en dira plus. Je pense même qu’il
ne va parler que de ça.
Ce changement d’attitude d’Hélène vis-à-vis
de Vincent me paraît bizarre. Il ne me semblait pas qu’elle
était particulièrement attirée par lui. Elle le
regardait à peine, elle lui disait rarement bonjour. Pour le
travail, quand il ne répondait pas rapidement à ses
questions (ce qui arrivait souvent car il était presque
paralysé près d’elle), elle le rudoyait assez
méchamment. Quand j’étais en
tête-à-tête avec elle à la cantine et qu’il
venait nous rejoindre, je remarquais une certaine crispation sur le
visage d’Hélène, comme si elle voyait arriver un
importun. Je peux même t’avouer franchement que, quand elle
daignait me parler de lui, ce n’était jamais pour en dire du
bien. Elle le traitait d’idiot, d’incompétent, de repoussoir,
etc.
Sans vantardise de ma part, je pensais qu’elle était amoureuse
de moi. Ce n’est pas ce que tu pensais aussi ? Elle était
toujours collée à moi, elle ne pouvait pas me voir
à la machine à café ou à la cantine sans
venir me rejoindre. Elle interrompait quelquefois mes réunions
de travail pour me parler de diverses choses sans importance et j’avais
bien du mal à m’en débarrasser. Et je ne parle pas de ses
fous rires idiots quand je racontais une histoire à peine
drôle. Par contre la présence de Vincent semblait la
refroidir complètement. Apparemment, elle cachait bien son jeu.
Et l’essentiel c’est que tout se termine bien, et pour Vincent qui nous
embêtait avec son éternel désir insatisfait, et
pour Hélène qui a enfin rencontré l’homme qu’il
lui faut, et… pour moi, car elle était plutôt collante et
j’en suis enfin débarrassé. Tu as dû remarquer que
j’étais assez gêné quand elle avait son rire
hystérique et que tout le monde s’arrêtait de parler pour
nous regarder. Et j’étais surtout contrarié quand
Amélie était là… car, comment te dire
ça ? Amélie… je l’aime. Voilà, c’est fait, je
viens de te dire mon secret, moi aussi je suis amoureux.
Tu es mon meilleur ami et j’ai besoin de ton aide. J’aime
Amélie, elle ne le sait pas encore et je souhaite le lui dire
bientôt. Qu’en penses-tu ? Comment prendra-t-elle ma
déclaration ? Contrairement à Hélène,
que l’amour rend bruyante, Amélie est si introvertie que je ne
sais pas comment interpréter son silence. Que pense-t-elle de
moi ? Tu es son ami depuis toujours et c’est parce que tu la
connais beaucoup mieux que moi que je te pose cette question. Je
n’hésite pas à t’en parler car je sais, et
j’espère que tu ne m’en voudras pas de te le dire franchement,
que nous ne sommes pas des rivaux amoureux. Tu n’as jamais caché
ton homosexualité donc je suis sûr que mon amour pour
Amélie ne me privera pas de ton amitié.
Mon cher Luc, pourrais-tu sonder Amélie et me dire si j’ai des
chances auprès d’elle ?
Pierre, qui est si amoureux qu’il a du mal à cacher son
impatience. Réponds-moi vite.
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De : Luc
A : Vincent
Envoyé le 07/04/2004 à 08h45
Mon cher Vincent,
Je viens d’apprendre par Pierre que tout se passait au mieux pour
toi ! C’est bien que tu aies pu enfin te rapprocher
d’Hélène, après tant de mois d’hésitation.
Il faut dire que vous êtes des cachottiers tous les deux, jamais
je ne me serais douté que vous puissiez vous mettre en
ménage, étant donné vos contacts en apparence
plutôt froids. Vous deviez en faire des choses dans notre
dos ! Quoi qu’il en soit, j’espère que tout se passera bien
pour vous deux. Et c’est très sincèrement que je te dis
ça puisque, comme tu le sais, je ne suis pas un concurrent pour
toi…
A ce propos, je vais t’avouer que cette relation me libère d’un
grand poids. Tu veux savoir pourquoi ? Je vais te le dire, mais je
souhaiterais que tu ne le répètes à personne,
même pas à nos amis communs. Je suis amoureux moi aussi.
Malheureusement, pour un homo, l’amour est plus compliqué que
pour un hétéro. C’est idiot à dire, mais j’aime
Pierre. Comme je croyais bêtement qu’Hélène
était amoureuse de lui (je ne suis pas le seul à avoir
pensé ça), je voyais en elle une rivale. Mais je constate
que je me suis trompé. C’est donc avec joie que j’ai appris
qu’Hélène était amoureuse de toi. C’est une rivale
en moins…
Mais le hasard a fait que, dès que j’ai appris
qu’Hélène était hors-jeu, j’ai découvert
qu’il y avait une autre postulante beaucoup plus difficile à
déloger. En effet dans le message de Pierre qui m’annonce tes
relations avec Hélène, il m’avoue être lui aussi
amoureux. Et malheureusement (de ça, tu t’en doutes
certainement), ce n’est pas de moi. Il est amoureux d’Amélie.
C’est stupide de ma part mais jamais je n’aurais pensé
qu’Amélie puisse retenir son attention. C’est une fille assez
fade et sans intérêt, pas particulièrement jolie,
sans vraie culture, discrète et insignifiante. Si elle a des
qualités, je dois t’avouer qu’il faut les chercher longtemps.
D’ailleurs, je ne sais pas comment elle a pu obtenir son poste de
directrice du personnel dans l’entreprise. Je ne dis pas ça
méchamment, tu sais que c’est une amie de longue date, nous
avons quasiment été élevés ensemble. J’aime
beaucoup la rencontrer et je n’imagine pas que nous fassions la
fête entre amis sans l’inviter, mais elle est si ennuyeuse que sa
présence ne me paraît pas toujours indispensable. Me
comprends-tu ?
Donc, voilà tout mon problème : une rivale s’en va
et une nouvelle vient immédiatement la remplacer.
J’apprécierais beaucoup plus les femmes si je n’avais pas si
souvent des conflits d’intérêts avec elles. C’est vraiment
difficile d’être homo dans un monde d’hétéro rempli
de femmes.
Allez, je ne t’embête pas plus avec mes petits soucis et je te
souhaite tout le bonheur possible avec Hélène.
Luc, heureux pour toi mais quand même malheureux.
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De : Amélie
A : Luc
Envoyé le 07/04/2004 à 19h16
Luc, mon trésor,
Mon message va peut-être te surprendre mais je pense que j’ai
trop attendu pour te faire cet aveu. Nous nous connaissons depuis
longtemps et je n’ai jamais eu l’occasion de te parler franchement.
Luc, je t’aime. Je sais que malheureusement la nature ne t’a pas fait
comme les autres hommes et que tes préférences amoureuses
ne te portent pas vers le sexe féminin. Mais je m’en fiche, je
t’aime trop et je veux vivre avec toi.
Te rappelles-tu quand nous étions enfants ? Nous
étions inséparables. Quand nous partions en vacances
ensemble, quand nous allions en classe, quand nous nous baladions dans
les rues la main dans la main, il n’y avait que toi et moi. Nous
étions toujours alliés face à la
méchanceté des autres enfants. Quand ils te traitaient de
mauviette, de femmelette, ou pire encore, j’étais là pour
prendre ta défense. J’étais capable de sortir mes
griffes, de bander mes maigres muscles et de serrer les poings pour
venir à ton secours quand ils devenaient agressifs et qu’ils
voulaient te faire passer un mauvais quart d’heure. Alors nous
rentrions à la maison, nos corps couverts de gnons et de bosses,
et nous étions heureux. Jamais je n’ai permis qu’on t’insulte ou
qu’on te maltraite. N’as-tu pas compris à ce moment que tu
étais pour moi beaucoup plus qu’un ami ? Beaucoup plus
qu’un frère ?
Plus tard, je n’ai jamais voulu que tu vives mal. Je n’ai pensé
qu’à ton bonheur, peut-être au détriment du mien.
Mais je n’ai pas l’impression de m’être sacrifiée car je
ne suis contente que quand tu es content. Quand tu étais
à la recherche d’un emploi, je t’en ai offert un dans
l’entreprise, bien payé et guère fatigant, et je pense
que tu es satisfait. Quand tu cherchais un logement, je n’ai pas eu de
mal à en trouver un, en utilisant mes relations. Parfois, quand
tu es à la recherche d’un compagnon pour un soir, je
n’hésite pas à servir d’entremetteuse pour t’en
dégotter un à ton goût.
Je me comporte à la fois comme une mère, un père,
une sœur pour toi. Mais j’avoue que je suis devenue peut-être
trop gourmande, je voudrais être encore plus pour toi. Je veux
être ta femme aussi. Ne t’inquiète pas pour le
problème du sexe, ce n’est pas très important pour moi.
Si coucher avec une femme te dégoûte, j’accepterai que
notre relation reste platonique. Et si, plus tard, tu changes d’avis,
je serai toujours là pour te satisfaire.
Luc, mon amour, je t’aime tellement. Je t’embrasse.
Amélie, amoureuse de toi depuis… l’âge de cinq ans ?
Six ans ?
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De : Vincent
A : Pierre
Envoyé le 07/04/2004 à 20h22
Pierre, mon ami,
Je ne sais pas comment te dire ça… Je suis si
désespéré. Je viens de recevoir un message
d’Hélène qui m’a bouleversé. Comment a-t-elle pu
me faire ça ? Elle m’annonce que le message qu’elle m’a
envoyé hier était une erreur, ou plus
précisément qu’il ne me concernait pas. Et sais-tu
à qui elle voulait l’envoyer ? A toi ! Comprends-tu
pourquoi je suis si triste ? C’est à toi, mon plus cher
ami, que j’ai appris en premier la nouvelle de mon bonheur. Et ce
message qui me rendait si heureux te concernait, toi !
Hélène ne m’aime pas, ne m’a jamais aimé, ne
m’aimera jamais. C’est toi qu’elle aime.
Je comprends mieux pourquoi, quand je l’ai rencontrée
aujourd’hui, elle m’a paru encore plus distante qu’à
l’accoutumée. Je pensais naïvement que ce serait le premier
jour de notre bonheur en commun. Je m’étais bien habillé,
bien coiffé, j’avais mis ma plus belle cravate. Et bizarrement,
elle faisait semblant de ne pas me voir, elle évitait mon
regard, elle faisait des détours pour ne pas me croiser. Moi qui
croyais qu’enfin je pourrais lui parler librement, sans craindre une
rebuffade, je me suis trouvé devant un mur infranchissable, et
j’étais encore plus dérouté qu’avant.
C’est seulement maintenant que je comprends le pourquoi de cette
attitude. Elle a dû constater ce matin, peut-être en lisant
ma réponse, qu’elle s’était trompée de
destinataire et elle m’a écrit immédiatement pour me
demander de n’en parler à personne. Malheureusement je n’ai lu
sa réponse que ce soir alors que j’avais déjà
annoncé à tous nos amis ma bonne fortune. Je suppose que
c’est pour cette raison qu’elle a pris, toute la journée, cette
mine renfrognée dès que je m’approchais d’elle. Elle me
soupçonne d’avoir, par méchanceté ou vengeance,
révélé à tout le monde sa bévue. Si
elle croit ça, c’est qu’elle me connaît bien mal. Mais je
crains de ne jamais pouvoir me justifier auprès d’elle, elle
refuse de me parler.
Voilà tout mon malheur. Mais malgré tout, je suis heureux
pour toi. Je ne sais pas ce que tu feras de l’amour
d’Hélène (il ne me semble pas avoir remarqué que
tu éprouvais un quelconque intérêt pour elle, mais
je peux me tromper). En tout cas, j’espère que ce n’est pas ma
déconvenue qui mettra fin à notre amitié. Si
Hélène te plait, n’hésite pas à cause de
moi, ça me soulagerait que ce soit mon meilleur ami qui en
profite. Et si c’est ce qu’elle souhaite…
Après t’avoir annoncé cette triste nouvelle (pour moi…),
je vais revenir à quelque chose de moins sérieux. Je
viens de recevoir un message de Luc qui m’annonce qu’il est amoureux…
et devine de qui ! Hé bien, de toi, il t’aime ! Je ne
dis pas ça méchamment (Luc est un de nos bons amis) mais
comme je sais que tu n’es pas homo, je trouve assez drôle qu’il
ait la prétention de te séduire. Je voudrais quand
même te féliciter de ta veine incroyable : deux
amours qui te tombent sur les bras en un jour, c’est vraiment le
nirvana. Tu as deux menus (variés…) à ta disposition (je
plaisante, bien sûr) alors que j’ai perdu le seul qui me
convenait…
Je te souhaite tout le bonheur que tu mérites.
Vincent, un amoureux malchanceux.
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De : Pierre
A : Amélie
Envoyé le 07/04/2004 à 22h13
Ma chère Amélie,
Il s’en passe des choses dans notre petit monde. Tu connais, bien
sûr, la bêtise d’Hélène qui a envoyé
par erreur un message d’amour à Vincent. Je savais qu’elle
n’était qu’une idiote sentimentale mais, même en
étant méchant, je n’aurais jamais pu imaginer qu’elle
ferait une telle sottise. Se tromper de destinataire pour un message
qu’elle voulait confidentiel ! Mais veux-tu que je te dise la
meilleure ? Ce brûlant message, devine à qui elle
voulait l’envoyer… A moi ! Hélène m’aime en secret
(enfin… pas vraiment en secret puisque tout le monde le savait
déjà, il suffisait de la voir toujours collée
à mes basques) et elle me révèle sa flamme
éternelle. Et en plus elle trouve moyen de transmettre ce
message confidentiel à un mauvais destinataire qui n’est autre
que son amoureux transi : Vincent. Ce pauvre Vincent, je crois que
c’est le seul à être capable de supporter notre
insupportable mais néanmoins amie Hélène. J’aurais
bien aimé qu’il m’envoie une copie de ce message, pour que nous
puissions tous en rire, mais je n’ai pas osé le lui demander. Il
refuserait certainement, il est encore trop amoureux de cette idiote
pour voir le comique de la situation.
J’ai une autre nouvelle plus drôle à t’annoncer. Vincent
vient de m’écrire que Luc m’aime. C’est tordant, n’est-ce
pas ? Il sait pourtant que je ne suis pas du même bord que
lui. Comment peut-il espérer avoir des chances avec moi ?
Remarque, il ne m’a rien dit à moi, il en a parlé en
secret à Vincent qui est actuellement trop malheureux pour
penser faire du mal en me transmettant cette information. Mais je
trouve curieux que Luc ait attendu justement cette période assez
troublée dans nos relations sentimentales pour en parler
à l’un d’entre nous. Mais peut-être n’est-ce que le
hasard ? Qu’en penses-tu, toi qui es son amie ?
Amélie, je viens de te parler de nos amis communs, que j’aime
beaucoup malgré mes moqueries. Mais j’avoue que ce n’est pas
uniquement pour ça que je t’écris. Tu as dû
être étonnée de trouver ce message de moi dont tu
es la seule destinataire, alors qu’habituellement je n’envoie que des
messages groupés quand on organise une fête. Tu n’en
devines pas la raison ? Allez, je me jette à l’eau (en
espérant ne pas boire la tasse !) : Amélie, je
t’aime et je veux vivre avec toi. Ca fait trois ans que nous nous
connaissons et je viens juste de me rendre compte que tu es la seule
femme qui m’intéresse. Tu n’es pas obligée de me
répondre tout de suite, réfléchis bien,
pèse le pour et le contre, et quand tu seras
décidée, soit à m’accepter, soit à me
rejeter, dis-le moi.
Je t’embrasse respectueusement (en espérant t’embrasser
autrement bientôt).
Pierre, lui aussi amoureux.
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De : Hélène
A : Amélie
Envoyé le 20/04/2004 à 18h14
Amélie, mon amie,
Tu sais ce que je viens d’apprendre ? Pierre et Luc viennent de se
mettre en ménage ensemble. C’est étonnant, tu ne trouves
pas ? Je savais que Luc était un peu… enfin tu me
comprends. Mais Pierre, jamais je n’aurais deviné qu’il en
faisait partie aussi. Et moi qui me suis ridiculisée en lui
envoyant un message d’amour (s’il te plait, ne te moque pas de
moi : je sais que mon malheureux message n’est pas parti au bon
endroit, mais que veux-tu, tout le monde peut se tromper…). Enfin, bon,
voilà encore deux hommes qui nous échappent, n’est-ce
pas ? Heureusement, il en reste quelques-uns, on ne va pas se
laisser abattre.
Moi, il me reste toujours Vincent. Ce n’est pas le haut de gamme, je
sais, mais à défaut d’autre chose… Depuis qu’il a
reçu mon message et qu’il s’est imaginé que je l’aimais,
je ne lui ai plus parlé. Déjà qu’avant, je
n’arrivais pas à lui faire dire deux mots sans qu’il se mette
à bégayer, alors maintenant qu’il se sent coupable
d’avoir ébruité ma bêtise, je n’arrive même
plus à le croiser sans qu’il se volatilise. Mais oui, tu as bien
lu, il se volatilise. C’est assez curieux, à un moment il est
là devant moi dans le couloir, je m’approche et, le temps que
j’arrive devant lui, il a déjà disparu, je ne sais
où. Il est devenu une sorte de caméléon ou
peut-être une souris qui s’échappe par le moindre petit
trou. J’avoue que les premiers jours, quand tout le monde me regardait
de travers, je lui en ai voulu, je l’ai détesté, je l’ai
peut-être même un peu bousculé. Alors je comprends
qu’il ait un peu peur de croiser dans un couloir étroit, une
furie armée d’ongles et de talons aiguilles. Mais il est quand
même assez intelligent pour comprendre que je ne suis plus en
colère et que j’ai envie de faire la paix !
Amélie, s’il te plait, mon bonne amie, pourrais-tu lui
dire de cesser son jeu de cache-cache ? Je voudrais qu’il
s’arrête de disparaître quand je veux lui parler. Tout le
monde le trouve ridicule et moi, j’ai l’air d’une mégère
féroce. Et dis-lui que s’il continue à me fuir comme
ça, je pourrais me remettre en colère et gare à
lui si je le prends dans mes filets. Bon, je plaisante bien sûr,
ne lui dis pas ça. Je n’ai aucune envie de l’étriper, ce
pauvre garçon. Il faut qu’on épargne les quelques hommes
qui nous restent puisqu’on vient d’en perdre deux (ou un et
demi ?). Ceux qui sont encore disponibles, on devrait les classer
parmi les espèces en voie de disparition.
Je t’embrasse bien fort.
Hélène, qui espère ne pas s’être encore
trompée de destinataire.
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De : Pierre
A : Hélène
Envoyé le 10/05/2004 à 19h22
Ma chère Hélène,
Amélie vient de m’apprendre que tu t’étais
réconciliée avec Vincent et que vous filiez tous deux le
parfait amour. Je suis sincèrement content que tout se soit bien
terminé pour vous. Je trouvais dommage que tu sois amoureuse de
moi. Vincent est mon meilleur ami et je sais que c’est un homme
charmant et qu’il te rendra heureuse. Moi, je t’ai toujours vue comme
une bonne copine et c’est tout. Que veux-tu ! On a des
affinités pour quelqu’un ou on n’en a pas, ça ne se
commande pas ces choses-là.
A propos d’affinités, tu as dû être surprise
d’apprendre que Luc et moi nous vivions ensemble. Je suis
désolé de ne pas avoir fait d’annonce officielle, je
n’avais pas envie de le crier sur les toits, même si je n’en ai
pas honte. Ca peut paraître curieux, j’en ai été
surpris moi-même, mais Luc a su me convaincre que je
n’étais pas sur la bonne voie. Je croyais être un
hétéro et toute ma vie je m’étais comporté
comme tel, jusqu’au moment où je suis tombé amoureux de
Luc.
Juste avant cette « prise de conscience »,
j’avais envoyé une belle déclaration d’amour à
Amélie (elle t’en a peut-être parlé ?) mais
malheureusement (ou heureusement ?) elle ne voulait pas de moi,
elle souhaitait rester disponible pour Luc (qui de toute façon
n’aurait jamais noué des liens intimes avec une femme). Alors
tout s’est passé très vite, Luc m’a invité chez
lui et il m’a parlé gentiment pour me consoler du refus
d’Amélie (on peut même dire qu’il me faisait la cour) et
puis tout à coup nous nous sommes retrouvés dans le
même lit. Et voilà toute l’histoire. Amélie ne
voulait pas de moi, Luc était disponible et éperdument
amoureux. Je n’avais qu’un pas à faire et j’ai fait ce pas et je
suis très heureux. Maintenant je me demande comment je faisais
pour vivre sans lui. Je devais être bien malheureux sans le
savoir.
Pour moi, c’est le bonheur absolu qui se renouvelle tous les jours.
Alors j’espère que toi et Vincent, vous connaîtrez le
même bonheur.
Je vous embrasse tous les deux.
Pierre, qui souhaite tellement que tout le groupe se réconcilie.
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De : Amélie
A : Hélène
Envoyé le 15/05/2004 à 18h23
Hélène chérie,
J’espère que tu n’es pas encore au courant car je veux que tu
sois la première à le savoir. Je viens d’emménager
avec Pierre et Luc. Je t’ai souvent parlé de ma passion pour Luc
qui date de notre enfance. Nous avons été
élevés presque ensemble, et nous ne nous sommes jamais
vraiment quittés depuis cette époque. Alors tu dois
comprendre la peine que j’ai eue quand il s’est
« marié » avec Pierre, je venais de perdre
mon amour d’enfance, mon seul vrai amour. Tu sais aussi que Pierre
m’avait fait, avant son passage de l’ « autre
côté », une proposition que j’avais
rejetée par fidélité pour Luc. Ainsi tu vois mon
désespoir : Luc, mon amour impossible vivant avec Pierre,
mon amour potentiel. Je n’avais plus personne, plus aucun espoir de
trouver un homme qui me conviendrait et à qui je plairais.
Et puis, la semaine dernière, Pierre et Luc sont venus me voir.
J’étais très heureuse de retrouver mes deux amours
perdus. Ils sont vraiment très gentils tous les deux, ils
forment un merveilleux couple. Nous avons discuté longuement de
notre vie et, quand ils ont vu que j’étais malheureuse, ils
m’ont proposé de venir habiter avec eux. J’ai
hésité un moment, j’avais peur de les déranger, de
perturber leur vie de couple
« différent ». Et j’avoue que j’avais peur
de servir de porte chandelle au cours de leurs ébats. Mais en
insistant, ils ont finalement réussi à me convaincre et
j’ai emménagé dans leur maison.
Et maintenant, je suis HEUREUSE. Ils sont parvenus tous deux à
me mettre à l’aise dès mon arrivée. Et ce qu’il y
a de génial, c’est que je n’ai pas eu l’impression de les
déranger. Ils sont si bons, si tendres, si doux. Dès le
premier jour, ils m’ont invitée à participer à
leurs joutes amoureuses, et j’y suis allée, un peu craintive (tu
sais que dans ce domaine, je ne suis pas très dégourdie)
et tout s’est magnifiquement bien déroulé. Quel bonheur
de vivre avec mes deux amours !
Je t’embrasse, ma chère Hélène.
Amélie, qui est follement amoureuse de ses deux hommes.
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De : Pierre
A : Vincent
Envoyé le 31/05/2004 à 15h26
Vincent, mon chéri,
Tu as pu remarquer hier, quand tu as emménagé chez nous
avec Hélène, que nous étions tous
particulièrement heureux de vous accueillir dans notre maison.
Nous sommes devenus, sans nous vanter, une sorte de confrérie du
bonheur. C’est un joli concept, tu ne trouves pas ? Qui
pénètre dans notre maison, est assuré d’y trouver
le calme, la sérénité et la joie de vivre en toute
liberté. Mon bien-aimé Luc, ma tendre Amélie et
moi-même avions décidé que nous ne serions pas
complètement satisfaits tant que nous n’aurions pas
réuni, sous un même toit, tout notre groupe. Et nous avons
enfin réussi.
Nous allons nous revoir ce soir et tu dois te demander pourquoi je
t’envoie ce message alors que je pourrais te dire tout ça dans
quelques heures et face à face. Je voulais simplement te faire
comprendre que notre amitié dure depuis trop longtemps pour que
les aléas de la vie puissent la ternir. Je suis sûr que
tes craintes, que tu n’as pas exprimées clairement mais qu’il
m’a semblé comprendre, sont infondées. Le fait de vivre
sous un même toit, et parfois dans un même lit, quand
l’envie nous en prend, ne pourra pas mettre fin à cette grande
amitié qui nous lie pour toujours. Regarde Amélie, qui
est entrée dans ton lit quand je t’ai quitté pour
aller rejoindre Hélène que Luc venait de laisser ! Notre
tendre Amélie vit avec nous depuis quinze jours et elle nous
aime tous tendrement. Ca ne l’empêche pas de
préférer son Luc, qu’elle adore depuis l’enfance…
Je pense que tu t’habitueras à notre cohabitation et je peux
t’assurer que moi et mes bien-aimés compagnons et compagnonnes,
nous ferons tout pour te rendre heureux. Si un seul d’entre nous
était triste, ce ne serait plus une confrérie du bonheur.
Je t’embrasse tendrement.
Pierre, qui aime éperdument la confrérie du bonheur et
tous ses membres.