- Bonjour, monsieur
l’inspecteur. Vous voulez savoir ce que M. Jean Brociné a fait
depuis le 21 avril 2004 ? Rien de plus facile. Je tape sur mon
ordinateur le numéro d’identification de ce monsieur, la date de
début de la trace, le 21 avril, puis la date de fin de la trace,
c’est-à-dire aujourd’hui, et j’appuie sur la touche
« entrée ». Et voilà, tout
s’affiche. Vous voulez emporter tout ça ? Ok. Je vous
l’imprime. Pour faciliter la lecture, vous avez en tête du
document, la codification utilisée. Revenez quand vous voulez,
monsieur l’inspecteur. Au revoir…
- Capteurs : capteurs branchés sur les compteurs (eau,
électricité, téléphones fixes, etc.).
- Caméras : caméras de surveillance des agences
bancaires, caméras de régulation de la circulation
automobile, caméras privées sur lesquelles nous avons un
branchement, caméras installées dans les lieux publics
(squares, guichets de poste, métro, etc.).
- Logiciels de surveillance : logiciels connectés sur les
serveurs des entreprises (banques, magasins, entreprises, sites
internet divers, etc.), logiciels installés sur les ordinateurs
des particuliers, logiciels enregistreurs installés chez les
opérateurs téléphoniques.
Pour simplifier la lecture, le document ci-joint ne comporte pas le
numéro d’identification précis des capteurs,
caméras et logiciels de surveillance utilisés. Cependant,
vous pouvez les obtenir sur demande.
Début
de la trace
- 0h05 : Caméras :
M. Jean Brociné entre au numéro 20 de la rue
Villeharprouin. Paris 3°.
M. Jean Brociné monte au 3° étage et entre dans
l’appartement à droite.
- De 0h05 à 8h : Pas de trace :
Absence de données. Supposition : M. Jean Brociné
dort.
- 8h : Logiciels de surveillance :
M. Jean Brociné se connecte sur Internet. Site
visité : Météo
France (météo sur la région parisienne ;
météo du week-end sur Lyon).
M. Jean Brociné consulte le site de sa banque.
Interrogation de son compte (voir annexe 1 : le détail du
compte interrogé le 21 avril 2004).
M. Jean Brociné consulte quelques groupes de discussion :
pas de messages envoyés.
M. Jean Brociné consulte sa messagerie : réception
d’un message (voir annexe 2 : contenu du message reçu).
M. Jean Brociné envoie un message (voir annexe 3 : contenu
du message envoyé).
Remarque : le logiciel de surveillance installé sur
l’ordinateur de M. Jean Brociné signale que la frappe sur le
clavier est forte et saccadée avec beaucoup d’erreurs.
- 8h15 : Capteur sur le compteur d’eau :
Consommation importante d’eau. Supposition : M. Jean
Brociné prend une douche.
- 8h25 : pas de trace :
Absence de données. Supposition : rasage et habillage
(confirmée plus tard par les caméras).
- 8h40 : Caméras :
M. Jean Brociné sort du numéro 20, rue Villeharprouin.
Paris 3°.
- 8h45 : Caméras :
M. Jean Brociné monte la rue Saint-Gilleurs vers le boulevard
Beaumarichais.
- 8h53 : Caméras :
M. Jean Brociné entre dans la station de métro Chemin de
vertu.
M. Jean Brociné prend la direction Balmard.
- 9h29 : Caméras :
M. Jean Brociné quitte la rame à la station Bourcicaut.
- 9h31 : Caméras :
M. Jean Brociné sort de la station Bourcicaut.
M. Jean Brociné prend l’avenue Félix Fauretiche, puis la
rue Durmanton, Paris 15°.
- 9h45 : Caméras, Logiciel de surveillance :
M. Jean Brociné prend son téléphone portable.
M. Jean Brociné appelle le numéro 06 41 54 47 77 (voir
annexe 4 : enregistrement de l’appel).
- 9h48 : Caméras, Logiciel de surveillance :
M. Jean Brociné achète un journal et des lames de rasoir.
M. Jean Brociné règle avec un porte-monnaie
électronique.
- 9h51 : Caméras :
M. Jean Brociné entre dans le magasin de chaussures de luxe au
21 rue Durmanton, Paris 15°.
- 9h55 : Caméras, Logiciels de surveillance :
M. Jean Brociné achète des chaussures.
M. Jean Brociné règle par carte bancaire : 399,99 euros,
enregistré par le magasin et par les banques.
- 10h02 : Caméras :
M. Jean Brociné entre au numéro 25 de la rue Durmanton,
Paris 15°.
- 10h04 : Caméras :
M. Jean Brociné monte au 2° étage et entre dans
l’unique appartement de l’étage.
- Depuis le 21 avril 2004 à 10h07 : pas de trace :
Absence de données. Supposition : aucune.
Remarque : M. Jean Brociné n’est pas sorti de l’appartement
du 2° étage du 25 rue Durmanton, Paris 15°.
Remarque bis : aucune entrée ou sortie n’a
été enregistrée depuis cette date (21 avril) et
cette heure (10h07) pour l’appartement du 2° étage du 25 rue
Durmanton, Paris 15°.
- Le 11 mai 2004 à 11h04 :
M. Zévitan, un résident du 25 rue Durmanton, Paris
15°, appelle la police (voir annexe 5 : l’enregistrement de
l’appel).
Fin de
la trace
Remarque importante : ne pas oublier de lire les annexes jointes.
Annexe 1 :
Le compte de M. Jean Brociné numéro 12343 00541
00012441541 à la banque : Banque du Crédit Bon
Marché.
Solde précédent le 1 avril 2004 : 500 euros
Crédit : le 2 avril 2004 : 6000 euros,
libellé : salaire mars 2004
Débit : le 2 avril : 3000 euros, libellé :
remboursement emprunt immobilier avril 2004
Débit : le 3 avril : 1500 euros, libellé :
remboursement emprunt voiture avril 2004
Débit : le 4 avril : 600 euros, libellé :
achat CB Carrefour
Débit : le 5 avril : 100 euros, libellé :
retrait DAB
Débit : le 10 avril : 100 euros, libellé :
retrait DAB
Débit : le 14 avril : 600 euros, libellé :
achat CB Carrefour
Débit : le 15 avril : 100 euros, libellé :
retrait DAB
Débit : le 19 avril : 100 euros, libellé :
retrait DAB
Solde nouveau le 20 avril 2004 : 400 euros.
Annexe 2 :
Message de M. Emile Yotanneur (le 20 avril 2004 à 19h),
réceptionné par M. Jean Brociné le 21 avril 2004
à 8h05 :
Mon cher collègue,
Comme vous le savez, notre entreprise traverse actuellement une
période très difficile due à une conjoncture qui
ne nous est pas favorable. Notre chiffre d’affaires est en forte baisse
sur le premier trimestre de l’année. Nous en avons
discuté récemment et nous ne prévoyons pas
d’amélioration à court terme. Nos administrateurs et nos
actionnaires exigent que nous prenions des dispositions rapides afin
que notre rentabilité soit malgré tout rétablie
dans les prochains mois. Il est bien évident qu’ils nous
conservent toute leur confiance et qu’ils n’ont pas d’inquiétude
concernant l’avenir de l’entreprise, mais nous devons prendre des
mesures draconiennes pour réduire nos dépenses à
défaut de pouvoir améliorer notre chiffre d’affaires.
J’ai pensé que vous pourriez, pendant une période que
j’espère très brève, vous consacrer à des
projets personnels, ces projets dont vous m’avez parlé et qui
vous tiennent tellement à cœur, mais que vous ne pouvez
malheureusement pas réaliser faute de temps disponible. Il ne
s’agit pas, bien évidemment, d’un licenciement mais d’une
séparation temporaire. Vous œuvrez depuis très longtemps
pour le bien de notre entreprise qui, grâce à votre
concours, est devenue leader sur le marché. Et je pense,
personnellement, que vous êtes irremplaçable. Nous
conserverons donc votre poste disponible afin que, dès que la
situation de l’entreprise sera rétablie et stabilisée,
vous puissiez reprendre vos activités parmi nous pour participer
de nouveau à notre expansion.
J’espère que cette proposition recevra un bon accueil de votre
part et je souhaite en discuter avec vous dès demain matin. Je
ne doute pas que nous trouvions un arrangement qui sera très
profitable aussi bien à l’entreprise, qui nous est chère
à tous deux, qu’à vous-même, pour votre plein
épanouissement personnel et intellectuel.
Amicalement.
M. Emile Yotanneur.
Annexe 3 :
Message de M. Jean Brociné (le 21 avril 2004 à 8h10),
réceptionné par M. Emile Yotanneur le 21 avril 2004
à 10h04 :
Tu n’es qu’un connard. Tu fais dans ton froc parce que tu as peur
d’être viré. Mais n’oublie pas que tes chers
administrateurs et actionnaires n’en ont rien à foutre de toi.
C’est toi le prochain qui sera viré. Tu me fais bien rigoler
quand tu prends tes grands airs de patron responsable, mais le patron
ce n’est plus toi depuis que tu as vendu tes parts à tous ces
rapaces qui sont maintenant sur ton dos et qui te dictent ce que tu
dois faire.
Je te souhaite de crever.
Jean Brociné qui t’emmerde.
Annexe 4 :
Appel de M. Jean Brociné au numéro 06 41 54 47 77 le 21
avril 2004 à 9h46 :
- Tin… Tin… Tin… Je ne suis pas disponible pour l’instant. Vous
pouvez laisser un message après le bip sonore…………….. Bip...
- Bonjour, ma chérie. Heu… je t’appelle pour te dire que je ne
pourrai pas venir à Lyon ce week-end. Excuse-moi. Je t’aime. Je
t’embrasse. Adieu…
Annexe 5 :
Appel de M. Zévitan à la police le 11 mai 2004
à 11h04 :
- Police. Je vous écoute…
- Allo… Bonjour. Heu… je vous appelle parce que… je voudrais vous
signaler… Heu… j’habite rue Durmanton, au 25. Et quand je passe au
2° étage… Ben… heu… c’est bizarre… il y a une drôle
d’odeur. Vous pourriez venir voir ? Ca sent vraiment très
mauvais. Heu… on dirait qu’il s’est passé quelque chose
là-dedans… dans l’appartement…