Le ballet assassiné.


 

Glouglou. Je suis heureux. Je suis un poisson. Je suis un hareng.

Je nage. Je mange. La nourriture est bonne, elle est abondante. Je me régale. Je frétille, je me trémousse, je fais le beau. Je suis le plus joli poisson du monde. Je suis le plus heureux poisson du monde. Le bon air liquide pénètre dans mes branchies et m’apporte tout le bien-être dont j’ai besoin. Quel bonheur de vivre ici, sans crainte, sans souci, au milieu du silence, dans l’eau sombre et salée !

Pour manger, à la tombée de la nuit, j’ai rejoint mes amis près de la surface. L’eau fraîche me chatouille les écailles. Je mange et je nage, à droite, à gauche, sans m’éloigner de mes camarades. Je mange ce qu’ils mangent en suivant le gracieux mouvement de mon banc. Nous sommes des milliers, des millions peut-être à danser à l’unisson. C’est un régal pour les yeux de nous voir évoluer en silence dans l’eau chatoyante, de nous voir virer brusquement comme si nous n’étions qu’un seul être, une seule âme, avec pour seul désir d’être beaux. Et comme nous nous entendons bien ! Quel bel ensemble, nous formons ! Quel joli ballet nous dansons !

Aïe… Que se passe-t-il ? J’ai mal ! Je viens de m’accrocher à quelque chose. Je ne peux pas m’échapper, je ne peux plus nager, mes nageoires sont bloquées. J’ai mal. Je ne respire plus. Pour la première fois de ma vie, j’ai peur.

Nous sommes écrasés les uns contre les autres. Nous sommes tirés vers le haut, vers la surface, nous sommes violemment secoués. Je tombe, je rebondis sur mes congénères, puis je m’écrase sur un sol dur et sec. Je suis mal en point mais heureusement je suis vivant. Je regarde pour essayer de comprendre ce qui nous est arrivé, et je vois que mon groupe est là, autour de moi… le joli groupe qui dansait naguère un si beau ballet n’est plus qu’un amas de chair frétillante et souffrante. Je les reconnais, mes charmants compagnons, mes amis de toujours, ils sont presque tous là. Quelques-uns, agonisants comme moi, frémissent encore en essayant de respirer l’air sec. D’autres ne bougent plus, ils sont évanouis ou morts, leur chair est meurtrie, éventrée.

J’ai mal… très mal. J’étouffe. Je vais mourir. Mais avant de disparaître, j’aimerais savoir ce qui s’est passé. Nous étions beaux, pourtant ! Insouciant comme je l’étais, je n’imaginais pas qu’il puisse exister des êtres dénués de morale, des monstres assez infâmes pour détruire sans remord une si belle harmonie. Comme nous étions beaux ! Le plus beau banc de poissons qui ait jamais existé. Alors pourquoi se sont-ils acharnés sur tant de beauté ? Pourquoi ont-ils voulu faire disparaître ce qui ne faisait que ravir l’âme et le cœur ?

Je vais très mal… j’étouffe… mes pensées se disloquent… Pitié ! Rejetez-moi à l’eau ! Pitié ! Sauvez-moi, je ne veux pas mourir ! Pitié ! Pit……. !

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Harengs saurs à la crème

Ingrédients : Deux paquets de harengs saurs, 400 g de crème fraîche épaisse, un citron, deux oignons, laurier, thym, graines de coriandre.
 
Recette :
Laver le citron. Couper en rondelles le citron et les oignons épluchés.
Mettre une couche d'oignon, de citron et d'aromates au fond d’un récipient disposant d'un couvercle hermétique. Recouvrir l’ensemble de crème et déposer une couche de filets de harengs.
Recommencer jusqu'à épuisement des ingrédients.
Terminer par une couche d'oignon, de citron et d'aromates, puis de crème.
Pendant la préparation, presser avec le dos de la cuiller pour que la crème se répartisse bien et soit uniformément en contact avec le poisson.

Laisser mariner au frais (trois à cinq jours). N’oubliez pas de remuer de temps en temps.

Déguster avec des pommes de terre tièdes.
 
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Le 25 décembre 2006.

Fabrice Guyot.