Le prince et la vilaine.


 
Il était une fois un charmant prince las de toujours fricoter avec les mêmes femmes. Qu’elles soient débutantes ou expertes, jeunes ou vieilles, belles ou laides, prudes ou dépravées, natives du royaume ou étrangères, il les connaissait toutes, il les avait toutes culbutées de multiples fois. Il avait vu, caressé, malaxé, reniflé, léché toutes les protubérances, tous les replis de peau, toutes les fentes. Il avait joué avec toutes les parties de leur anatomie, publiques ou privées, sèches ou humides, odoriférantes ou inodores, froides ou chaudes, douces ou rugueuses, poilues ou imberbes. Il avait exploré toutes les crevasses, tous les trous. Les femmes ne lui avaient rien caché, ne lui avaient rien interdit, il savait tout d’elles, il les connaissait mieux qu’il ne se connaissait lui-même, mieux qu’elles ne se connaissaient elles-mêmes. En bref, sachant tout, il n’avait plus rien ni personne à découvrir et les ébats amoureux commençaient à l’ennuyer.

« Je veux du neuf », disait-il aux courtisans qu’il croisait dans les longs couloirs, après avoir comblé maintes fois un nombre infini de dames lascives dans les coins et recoins obscurs du château de son père.

« Que dit-il ? », demandaient les sourds, inquiets de voir le prince sortir abruptement des lieux les plus sombres, se rhabillant négligemment et gesticulant comme un fou, suivi de près par des dames et des damoiselles rougissantes, débraillées et échevelées.

 « Le prince veut du neuf », disaient les courtisans désespérés, qui ne profitaient guère ni des avantages de leurs épouses, ni de la compagnie de leurs filles, lesquelles étaient perpétuellement occupées à contenter les besoins pressants du jeune et vigoureux prince.

« Qui me parle ? », demandaient les aveugles, étonnés d’entendre si souvent des gémissements, des soupirs et des cris de satisfaction en ce lieu solennel, capitale d’un grand royaume, lesquels bruits étant généralement accompagnés de fortes odeurs de stupre, convenables dans la chambre d’un jeune couple mais indécentes dans les galeries du château du roi.

 « Que veut-il de plus ? », se demandaient les épouses et les filles des courtisans, si promptes à satisfaire les envies les plus folles de leur prince qu’elles ne pouvaient concevoir qu’il puisse s’être lassé si vite de leurs charmes et de leur science de l’amour.

« Je prend le pari », lui répondaient les joueurs effrénés, toujours prêts à prendre des risques, même quand ils ne savaient rien, ni de l’enjeu, ni de la cote.

« Prenez-moi tout de suite », lui rétorquaient les mignons damoiseaux, soucieux d’enseigner au prince des pratiques amoureuses peu usitées, que la morale réprouve et juge contre nature, mais que le prince, en tant que futur roi, devait connaître afin de ne rien ignorer de la façon de vivre et d’aimer de tous ses sujets.

Un jour, pour se désennuyer, le prince décida de partir à l’aventure. Les courtisans ne cachèrent pas leur contentement de le voir s’éloigner du royaume et de leurs femmes. Ils allaient enfin pouvoir demander à leurs épouses de réintégrer les lits conjugaux longtemps délaissés et marier leurs filles avec des seigneurs pas trop indisposés à l’idée de n’obtenir pour femmes que des pucelles mille fois dépucelées.

Le prince partit donc sur son beau cheval blanc et, en chemin, il traversa une grande forêt où il vit une jeune et jolie paysanne solitaire et a priori guère farouche. Allongée sous un arbre, elle soulevait le bas de sa robe très haut au-dessus de ses hanches et, en même temps, elle repoussait le haut de cette même robe très en dessous de sa poitrine. Le prince, amateur de nouveautés, fut enchanté par le ravissant spectacle et, comme il n’était pas bête, il devina sans peine que la paysanne cherchait un beau mâle de la gent princière pour la cajoler et l’aimer. Il la prit sans retard dans ses bras, la caressa et la baisa longuement, en lui murmurant à l’oreille des mots tendres, qu’elle était la première, qu’elle serait la seule, qu’il ne l’oublierait jamais. Il lui fit les plus longs et les plus doux câlins qu’elle ait jamais connus, et ils ne se séparèrent que lorsqu’ils furent épuisés et totalement satisfaits l’un de l’autre. Après le départ de son éphémère amant, la paysanne tarda à s’éloigner, craignant de rater le prince s’il lui prenait la fantaisie de revenir la chercher. Puis, déçue de sa vaine attente, elle partit lentement pour se remettre en quête d’un géniteur aussi viril que le prince mais moins volage.

Le prince continua son périple et rencontra une jolie princesse qui semblait très triste. En écoutant ses lamentations, le prince comprit que des objets précieux lui avaient été dérobés alors qu’elle était trop absorbée à absorber un gros membre ferme et solitaire pour remarquer l’intrusion du vilain chapardeur.

- Oh ! Mon Dieu, disait la princesse, que je suis malheureuse. La disparition de mes culottes sales ne me désole guère, je n’en fais qu’un usage restreint car très souvent j’oublie de m’en munir. Mais sans mon godemiché vibrant tout neuf, comment vais-je faire ? Dans ce royaume triste et isolé, peuplé de bigots et de cacochymes, rares sont les vrais hommes naturellement équipés de membres ayant les dimensions susceptibles de pleinement me satisfaire. Je vais être obligée de me contenter de petites choses molles et indolentes, à peine suffisantes pour plaire à une musaraigne.
- Ô jolie princesse, n’ayez crainte, lui dit le prince en s’approchant. Je suis le fils d’un grand roi, et je peux vous prouver sur-le-champ, si vous le souhaitez, que je suis monté de belle manière et que je peux contenter les femmes les plus exigeantes, y compris les princesses ayant les ambitions les plus démesurées.
- Ö mon sauveur, il n’est pas nécessaire que vos déballiez si tôt vos attributs. Je vois d’ici, à l’imposante protubérance sur le devant de vos braies, que vous êtes un prince car il n’y a qu’un rejeton de sang royal qui ait le droit de recevoir de la nature un aussi volumineux cadeau à cet emplacement. Je dois avouer, mon puissant seigneur, qu’il me tarde de profiter de vos grandioses avantages, mais je voudrais auparavant que vous me rapportiez mes luxurieux ustensiles dont je ne saurais me passer, malgré les compensations que vous semblez être capable de m’offrir. Pour vous récompenser, à votre retour, je m’engage à décupler le poids et la taille de votre noble sexe et à vous faire voyager dans les plus hauts lieux de la félicité.
- Ma chère princesse, je ne puis douter de vos qualités et de vos talents en ce domaine. D’ailleurs, voyez comme mon vit vous apprécie déjà. Un compliment sincère, échappé de vos délicieuses lèvres charnues et transporté par votre haleine torride, l’échauffe au point qu’il gonfle, se redresse et tend la tête vers votre corps parfait. Je vous laisse imaginer sa dimension et sa force lorsqu’il sera en contact avec les chaudes et humides lèvres de votre divin con, lorsqu’il recevra les brûlantes effluences de votre sexe adoré. Pour l’heure, heureusement que mes braies ont été tissées avec du solide lin royal et cousues par les plus habiles ouvrières du royaume, sinon je ne pourrais empêcher cet impatient membre de se précipiter sur vous pour vous couvrir d’amour et vous remplir de semence.
- Domptez votre vit, mon bel étalon, et prenez garde à ne pas perdre inutilement la princière semence qui m’est destinée. Pour mériter votre récompense qui, je l’espère, sera aussi la mienne, partez vite en quête de mes trésors disparus.
- Confiez-moi, affriolante princesse, le nom de l’indigne personne que vous soupçonnez de vous avoir dépouillée.
- Ce ne peut être que l’ogre-obsédé. J’ai retrouvé sur le lieu du crime de grands poils pubiens et par expérience je sais que ce vicieux larron est le seul à pouvoir s’enorgueillir d’une si belle pilosité génitale.

Notre prince convoitait ardemment l’auguste princesse sans culotte mais ne savait pas comment s’approcher de l’ogre qui, disait-on, était très doux au contact des femelles mais fort irascible face aux mâles, surtout ceux ayant un vit plus grand qu’un asticot. Comme le prince avait besoin de conserver intacts ses atouts masculins pour profiter de la récompense de la belle princesse, il ne pouvait pas se mutiler. Et la taille de ses attributs était si phénoménale qu’il ne pouvait pas les cacher dans les replis de ses braies pour tromper l’ogre. C’était la première fois que le prince regrettait d’avoir été si favorisé par le sort à ce niveau. Ne trouvant pas de solution, il retourna voir sa jolie paysanne, la queue proéminente entre les jambes, et lui demanda de l’aider à récupérer le sensuel butin. Celle-ci ne pouvait rien refuser au beau prince qui lui avait donné tant de plaisir. Elle chercha la tanière de l’ogre et, quand elle la découvrit, elle offrit son corps au pervers personnage qui le consomma sans modération. Le sacrifice charnel de la vaillante paysanne fut interminable et épuisant car l’ogre-obsédé méritait bien le nom que lui donnait la princesse, il était ardent et presque inlassable aux jeux de l’amour. Quand il fut enfin terrassé par la fatigue, la paysanne endolorie revint vers son prince et lui tendit le butin qu’elle avait récupéré chez l’ogre : les culottes de la princesse couvertes de longs poils dont l’origine ne faisait aucun doute, l’impressionnant godemiché dont les piles étaient usagées, comme l’avait constaté la paysanne au cours d’un essai infructueux, et quelques autres objets peu ragoûtants que nous ne détaillerons pas, par égard pour la digne princesse.

Revenu auprès de sa dulcinée, le prince déposa solennellement les objets à ses pieds, en guise d’offrandes. Puis, incapable de se contenir plus longtemps, il se jeta brutalement sur la drôlesse pour la baiser sauvagement.

Ils eurent beaucoup d’orgasmes longs et intenses pendant très, très longtemps.


Un homme et une femme qui vont faire des choses

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Des rumeurs, colportées par les gens bien informés du royaume, prétendent que l’insatiable princesse n’eut plus jamais besoin de son godemiché et qu’elle le jeta dans la rivière où il fut retrouvé par une sirène esseulée qui, n’ayant pas le mode d’emploi et ignorant qu’il ne devait pas être utilisé sous l’eau, reçut une violente décharge qu’elle supposa être l’orgasme tant espéré. Malheureusement la douleur avait été si intense qu’elle ne souhaita plus jamais renouveler l’expérience, et elle se débarrassa du godemiché en le rejetant avec colère sur la berge. Ensuite, par crainte de nouvelles souffrances, elle abandonna définitivement l’idée de s’accoupler avec un bel amant reproducteur et elle se contenta du menu fretin récolté au fond des eaux.

Personne ne sait vraiment ce qu’est devenu le godemiché : peut-être est-il tombé dans un terrier de lapin ? Cette hypothèse, présentée par de doctes savants à l’académie des sciences du royaume, expliquerait selon eux l’activité sexuelle frénétique de ce petit rongeur poussé par son ardente lapine à faire aussi bien, et même mieux, que le godemiché armé des plus puissantes piles.

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Et que devint la paysanne ? Le bruit court que, très affaiblie par les terribles coups de queue de l’ogre, elle ne survécut pas à ses blessures et qu’elle mourut, après avoir déposé le butin dans les mains du gentil prince. Celui-ci, aveuglé par les formes généreuses et sensuelles de la princesse, n’aurait pas remarqué l’agonie de la paysanne. On peut imaginer sans peine cette tragique scène avec, d’un côté, le prince indifférent et, de l’autre côté, la paysanne mourante.

La paysanne : elle rampe lentement en se contorsionnant sur le sol de marbre glissant, elle avance vers le prince en laissant une longue traînée rouge derrière elle. Elle lève de temps en temps la tête pour fixer le prince avec des yeux affolés et suppliants.

Le prince : il ne voit rien, ni le corps souffrant qui s’agite à ses pieds, ni la rigole rouge qui macule le sol, ni le regard de terreur de la paysanne braqué sur lui. Il ne voit, dans sa tête, dans ses pensées, que le visage et le corps de la princesse qu’il est impatient de revoir, d’embrasser et de serrer dans ses bras.

La paysanne : elle a le corps couvert de plaies, et du sang épais et écarlate s’en échappe en bouillonnant et en giclant. Chaque soubresaut de son corps, chaque mouvement fait pour se rapprocher du prince, écartent les lèvres de ses blessures et accélèrent la perte de sang.

Le prince : il est impassible et ne songe qu’à sa princesse et à son bonheur proche. Il n’est pas méchant, pas cruel, mais il ne sait pas, il ne voit pas, il ne peut pas comprendre, il est ailleurs, bien loin d’ici et de maintenant, il est auprès de sa déesse adorée et il la tient enlacée, il la caresse tendrement, il écoute ses joyeux gloussements de plaisir et son rire cristallin.

La paysanne : elle hurle pour oublier sa douleur, elle crie pour oublier sa peur de mourir, elle veut attirer l’attention du prince, elle veut qu’il tourne un peu son visage vers elle et qu’il la regarde, elle veut qu’il lui sourie et qu’il lui parle. Elle ne souhaite qu’un peu de pitié, qu’un peu de tendresse, peut-être espère-t-elle aussi un peu d’amour avant de mourir, un dernier baiser, une dernière caresse, un dernier regard langoureux.

Le prince : il est immobile, il n’entend rien, il ne pense qu’à la récompense promise par la princesse. Il n’est pas barbare, ni malfaisant, simplement il ne peut pas faire deux choses en même temps, penser à sa bien-aimée et sauver une estropiée, une mourante.

La paysanne : elle pleure, ses yeux noirs et humides sont toujours fixés sur le prince et semblent le supplier silencieusement de venir la secourir, la sauver. Mais peut-être ne demande-t-elle qu’une aide pour mourir ? Peut-être n’a-t-elle besoin que de quelques paroles de compassion pour faciliter son passage dans l’au-delà, dans le nulle part ? Peut-être n’attend-elle de lui que quelques mots ordinaires, même brefs, même incompréhensibles, par exemple pour la remercier de s’être sacrifiée afin qu’il puisse jouir d’un bonheur infini ?

Le prince : il regarde ailleurs et imagine déjà le plaisir immense qu’il va ressentir dans quelques instants quand il enlacera la princesse et qu’il l’embrassera et qu’il la serrera fort et qu’elle l’emportera dans un au-delà merveilleux et enchanteur, dans un monde où les rêves sont roses et bleus, or et argent, flamboyants et resplendissants, brillants et scintillants.

La paysanne : elle s’affaisse devant lui, elle ne crie plus, elle ne pleure plus, elle n’a plus de force, elle n’a plus d’espoir, elle n’a plus suffisamment de sang, d’énergie, de volonté pour vivre. Elle tombe, elle aspire encore difficilement quelques bouffées d’air, elle tousse, elle crache, elle vomit, du sang s’échappe de ses lèvres et éclabousse les chaussures du prince, elle tressaille un peu, avale encore une goulée d’air, puis elle reste immobile, un petit tremblement agite brièvement son dos, c’est peut-être son âme qui se sépare de son corps, puis c’est l’immobilité complète, définitive, éternelle. Elle est morte.

Le prince : il est là, devant la paysanne, devant ce qui a été la paysanne, la paysanne qui n’est plus qu’une carcasse vide, qui ne se relèvera plus, qui ne marchera plus, qui ne rira plus, qui ne pleurera plus, qui n’aimera plus. Le corps du prince est devant le cadavre, mais l’esprit et les pensées du prince sont ailleurs, le prince n’a rien vu, le prince ne peut rien voir, le prince est trop loin, toute son énergie et tout son être sont ailleurs, dans les bras de l’autre, dans les bras de la princesse. Le prince va bientôt partir la rejoindre, il va la revoir dans un instant, mais il est déjà avec elle, il est déjà en elle, ils ne font plus qu’un, pour toujours, à jamais. Il sursaute, comme au sortir d’un rêve trop merveilleux. Pendant un moment, il a peur d’abandonner ses rêveries pour retomber dans un quotidien moins idyllique, puis machinalement, il s’en va, sans rien voir, il ne doit pas voir la réalité quand elle est moins belle que ses illusions, pas encore, peut-être plus tard, quand il sera vieux, quand il sera aigri, mais pas maintenant. Son pied glisse un peu sur le sol gluant mais il n’y fait pas attention, il va rejoindre son rêve, son rêve éveillé, son illusion, il va retrouver sa belle, le seul être qui compte pour lui. Il sort, il n’a rien vu, il ne saura jamais.

La paysanne : son corps gît seul et abandonné, sur le sol de marbre. Un jour, quelqu’un, un passant, trouvera le cadavre et l’enterrera, dans un trou pas bien grand car le corps est frêle, dans un trou pas bien profond car ce n’est pas la peine de perdre son temps à creuser profond pour une inconnue. Et ce quelqu’un, ce passant, peut-être, s’il est pieux, s’il est bon et honnête, s’il est charitable et respectueux, ce passant plantera une croix au-dessus de la tombe, une croix sans nom, sans date, sans épitaphe. Mais quelle importance ? Ca n’empêchera pas l’âme de la paysanne d’être admise au Paradis, s’il existe, le Paradis des martyrs ordinaires, le Paradis des simples, le Paradis des gens que nul n’a remarqués ni écoutés ni entendus, le Paradis des moins que rien, le Paradis des inconnus et des oubliés.

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Mais certaines rumeurs, répandues par le bouche-à-oreille dans les maisons les plus dignes et surtout les plus indignes, prétendent que la paysanne survécut à son sacrifice, qu’à vrai dire ce n’était pas du tout un sacrifice qu’elle avait consenti par amour pour le prince mais que c’était au contraire un choix judicieux et mûrement réfléchi de sa part, qu’en fait elle était parvenue au cours de cette expérience avec l’ogre à une jouissance bien supérieure à celle qu’elle avait ressentie avec le prince qui, quoique bien bâti pour un homme, était somme toute assez banal dans l’absolu. En bref, elle avait éprouvé tant de bien-être dans les puissants bras de l’ogre, qu’elle ne voulut plus jamais le quitter et qu’ils eurent ensemble de nombreux ogrillons et de nombreuses ogrillonnes.
 


Le 10 avril 2005.

Fabrice Guyot.