Le vide cathodique.


 
Au moment le plus palpitant du film, quand le nom de l’odieux meurtrier allait être révélé, quand la vérité allait enfin éclater au grand jour… la télévision s’est éteinte.

La télévision
La télévision en panne

Après un bref instant de surprise, je sens la colère me gagner. Quelques coups sur le poste, légers au début, ensuite un peu plus violents. Puis le découragement, la résignation. J’essaie tous les boutons de la télécommande. Rien. La télévision est en panne. C’est la catastrophe.

Je vais chercher le tournevis, je retourne le poste, je cherche les vis à dévisser. Une vis, deux vis, trois vis, quatre vis. Je tente de retirer le dos. Bloqué. Bien sûr, il y a une vis invisible à l’emplacement le plus imprévisible, non pour maintenir quelque chose, mais pour taper sur les nerfs du pauvre bricoleur du dimanche comme moi. Je trouve la vis vicieuse et je la retire. J’ai de la chance car habituellement la dernière vis refuse obstinément d’être dévissée. J’enlève le dos du poste et je regarde à l’intérieur.

Je regarde et ce que je vois est surprenant. Ou, plutôt, ce que je ne vois pas est surprenant. Je m’attendais à y trouver des résistances, des condensateurs, des transistors, des circuits intégrés, des diodes, des câbles. Mais il n’y a rien de tout ça. En fait… il n’y a rien. C’est le vide complet, total. Seulement un peu de poussière. On m’a vendu et j’ai acheté une télévision vide.

Mais comment ai-je pu voir des images avec une télévision vide ? Les images ont-elles été créées dans ma tête ? Dans mon cerveau malade ?

Effrayé, je décide d’arrêter de penser. Je prends les débris du poste vide et je les jette par la fenêtre.

Demain, j’achète une autre télévision. Et je ne la démonterai jamais, pour éviter de découvrir encore le vide.
 


Le 24 avril 2004.

Fabrice Guyot.