Un pas, deux pas. Une
hésitation. Encore quelques pas. Il avance avec
précaution. Il est dans un environnement inconnu et très
hostile. Sec, désertique. Le soleil rougeâtre projette
l’ombre de l’homme très loin. Des cailloux à perte de
vue. Pas âme qui vive.
Il ne s’attendait pas à un accueil chaleureux, mais à ce
point… Quelques maisons des deux côtés de la route. Et un
bâtiment un peu plus imposant, la mairie ou une salle des
fêtes. Il s’approche, pousse la porte puis entre.
C’est effectivement une salle des fêtes. Avec beaucoup de monde.
Des visages rudes, sinistres, inquiétants. Ils le regardent, le
jaugent. Ils ont été, semble-t-il, informés de son
arrivée et ils l’attendent.
Il avance, un peu gêné par tous ces regards fixés
sur lui.
Il ne connaît pas les règles locales : doit-il parler
ou attendre qu’on lui adresse la parole ?
- Bonjour, dit-il.
En entendant sa voix, l’expression des visages change brusquement. Ils
ont l’air tout à coup satisfait et heureux, la tension,
accumulée pendant les longues minutes d’attente, retombe. On
pourrait penser qu’à ce moment le nouveau venu est enfin
accepté, admis dans leur communauté fermée et
farouche. L’inconnu aurait pu le croire mais…
… les autres ne lui laissent pas le temps d’y songer. Ils s’approchent
de lui d’un pas lent et uniforme. Les mains s’accrochent à ses
vêtements, à son visage, à son corps. Il ne peut
pas se dégager. Les mains commencent à pétrir sa
chair, puis à serrer violemment, puis à déchirer,
arracher. Ses hurlements sont inutiles, personne n’a l’intention de lui
venir en aide.
Le seul soulagement qu’il peut espérer, c’est une mort rapide.
Malheureusement pour lui sa mort est lente, très lente. Sa chair
est déchirée, les os sont cassés puis
arrachés par petits morceaux. Les tendons sont
étirés jusqu’à la rupture. Les doigts,
entrés dans les orbites, éjectent les globes oculaires
qui vont se coller aux murs. Les cheveux sont tirés jusqu’au
décollement du cuir chevelu et les giclées de sang
arrosent les tortionnaires. Les doigts des pieds et des mains sont
enlevés un à un, os par os. Les artères
arrachées projettent le sang sur les murs, le plafond, le sol et
éclaboussent la foule en liesse. Le cerveau retiré
violemment du crâne est soigneusement pétri et
déchiqueté et les multiples gouttelettes sont
lancées gaiement sur l’assistance.
Mais, à ce moment, notre héros est mort.
C’était beau et c’est bien dommage que le supplicié ne
puisse jamais assister à l’accomplissement complet de son propre
supplice. Mais celui-ci a eu le temps d’en apprécier
l’essentiel. C’était vraiment un spectacle très
réussi. Beaucoup plus réussi que le
précédent au cours duquel la victime trop fragile n’avait
pas tenu très longtemps, quelques minutes seulement.
Tout le monde est content, aujourd’hui.
Oh bien sûr ! L’équipe de nettoyage aura beaucoup de
travail. Les murs, le plancher et le plafond devront être
lessivés à grandes eaux pour en détacher le sang,
les morceaux de chair, les bouts d’os.
Mais c’est le prix à payer pour un beau spectacle.
L’art est roi.